La Grèce, berceau de créatures étranges et de mythes foisonnants. La Grèce, vieille Grèce, encore sur ses pieds de pierre et de bronze malgré les siècles. La Grèce, lieu de rencontre entre la Wonder Woman de Themyscira et l'Aquaman d'Amnesty Bay.
Sur les côtes blanchies de l'Attique, tout au sud, là où terre et mer se rencontrent, un temple a jadis été érigé, bâti par les mains d'hommes et de femmes dont les noms ont aujourd'hui disparu, mais pas l’œuvre, immense. Sounion. Façonné à la gloire du dieu terrestre et marin Ποσειδῶν Poséidon, il domine encore et toujours les falaises qui l'entourent, et ce malgré son délabrement certain, fruit de l'inéluctable entropie. La mémoire part, mais les pierres restent, et c'est bien pour elles, chacune d'entre elles qu'en ce jour, un étranger sort de la mer Egée, torse nu s'il n'avait pas décidé de couvrir ses épaules d'un épais tissu coloré. Sa main droite agrippe le bord de pierre, et hisse tout le corps qui y est rattaché. Deux choses brillent par leur absence: une main gauche, normalement habillée d'un harpon, et un trident doré, attaché dans le dos.
Arthur Curry s'avance le long de la roche grattée par le ressac, et grimpe doucement sur cette façade que des milliers de marins avant lui ont contemplé. La brise lui apporte l'odeur de la mer, cet équilibre si étrangement parfait entre sel, eau et vie, qu'il aime tant. Que son propre père lui a appris à aimer. Une fois le pied solidement posé au sommet, il se retourne et contemple la vue. Au moins aura-t-il pu profiter du panorama, si sa piste ne donne rien. Et quel panorama ! Il faut dire que la dernière année passée avec Klarion l'a bien plus habitué à la neige et à la glace, aux forêts persistantes et aux fougères immortelles. Ici, malgré une certaine rudesse, tout vibre d'une belle chaleur qui semble bien partie pour durer des siècles encore.
Sur le petit chemin vers le temple, Arthur caresse un des rares arbres à vouloir pousser en ces lieux, un olivier. Le tronc noueux lui en rappelle un autre, sur lequel il a voyagé il y a peu... qui lui a apporté le savoir.
Puis le voilà enfin devant les marches taillées, creusées par les outils et les sandales des fidèles. Bien que majestueux d'en bas, de tout en bas, dans l'eau et le long de la falaise, la grandeur du temple ne se révèle qu'une fois à son pied, lorsque les colonnades de 6m de hauteur ont tout le loisir de vous remettre à votre simple place d'humain. Mortel. Une paire d'yeux bleus balaie l'endroit, à la recherche de quelque chose en particulier. Un grand autel, peut-être ? Une statue magnifique ? Ou une jolie gravure ?
Non. Ce n'est pas pour la beauté des lieux qu'Aquaman est venu, même si ils le mériteraient amplement. Le héros est en mission, en quête. D'un lieu, tout aussi mythique que le dieu dont il foule le domaine. Un lieu qu'il espère trouver par ici. Ainsi qu'une silhouette qu'il connaît. Qu'il apprécie énormément. Et à qui il a promis un récit de ses dernières aventures. Loin, loin d'ici. A la fois il y a longtemps et il y a peu. Les aventures de son année en deux jours sur les branches du Frêne Cosmique. Il attend Diana, son amie. Dont la simple évocation le fait sourire.
La Grèce restait un des pays les plus étranges aux yeux de Diana depuis qu’elle avait découvert le monde des Hommes. Un des pays les plus beaux, aussi, mais cela restait une expérience surréelle que de le traverser de part et d’autres et de voir tant de choses qui lui étaient familières, de l’architecture à la culture, mélangée à tant d’autres qu’elle ne connaissait et ne comprenait pas. Elle avait quitté son île natale depuis bien trop longtemps désormais pour continuer à être surprise par les avancées et l’évolution de ce nouveau monde, mais à chaque fois qu’elle se trouvait en Grèce, c’était comme si elle revenait à ses débuts. Elle voyait les temples, ces mêmes temples qui avaient été érigés sur Themyscira, mais ceux-là étaient abimés, figés et élevés au rôle de reliques plus que de lieux sacrés. Certains tentaient toujours de se hisser vers le ciel au milieu de bâtiments bien plus hauts, bien plus récents et vivants. La langue, également, avait des intonations qui lui rappelaient son foyer, mais comme le reste, elle avait évolué loin des Amazones. Diana la comprenait, comme elle comprenait toutes les autres, évidemment, mais c’était différent. Différent de croire reconnaître quelque chose et de s’apercevoir que ses repères à elle étaient plus que vétustes.
Mais elle aimait la Grèce malgré tout. Elle en aimait l’héritage, le relief et le climat. C’était un des endroits les plus beaux sur Terre, selon elle, et elle appréciait toujours s’y retrouver, malgré tout. Cette fois-ci, ceci dit, elle était bien trop préoccupée pour s’épancher sur les îles et ports qu’elle survolait. Arthur l’avait contactée un peu plus tôt, et même via message, il lui avait semblé que son ton était différent. Quelque chose le travaillait, et cela la travaillait elle aussi, par procuration. Que venait-il faire en Grèce ? Il lui avait dit avoir besoin d’elle en tant que guide mais n’avait pas été plus loin dans ses explications, alors Diana ne pouvait que se demander.
Evidemment elle ne venait pas juste par curiosité, loin de là. Arthur avait appelé, et elle répondait. Tout comme il le ferait si les rôles avaient été inversés. Ils se connaissaient depuis bien trop longtemps, s’étaient battus côte à côte bien trop de fois pour que les choses en soient autrement. Il était inutile de se torturer l’esprit à essayer d’avoir le dernier mot, Arthur lui expliquerait tout une fois qu’elle l’aurait retrouvé.
Et elle le retrouva facilement.
Diana reposa les pieds à terre sur les pierres chauffées par le soleil impardonnable qui brillait au-dessus du Cap Sounion. Elle se tenait au centre du temple de Poséidon qui avait aidé à la popularité de la région. Un temple défraîchi, que les années avaient ravagé sans pour autant le priver de sa grandeur et de sa beauté. Même au milieu de telles ruines, même en sachant pertinemment que Poséidon n’était plus, à cause de la folie de Lex Luthor, Diana sentait… Oui, elle sentait le divin. Le sacré. Elle ferma brièvement les yeux pour s’imprégner quelques instants de l’atmosphère si particulière de l’endroit.
Quand elle les rouvrit, se fut pour se diriger vers l’entrée du temple, et vers Arthur qu’elle y avait repéré.
« C’est magnifique, n’est-ce pas ? » lui dit-elle en guise de salut.
Elle le rejoignit rapidement, en quelques enjambées, et l’enlaça.
« Je suis contente de voir, mon ami, » souffla-t-elle avant de s’écarter tout en gardant ses mains sur les épaules d’Arthur. Elle le dévisagea, le regard acéré et pointilleux, à la recherche du moindre indice. « Que se passe-t-il ? »
Et son sourire s'agrandit encore quand il l'entend arriver, à peine aussi bruyante qu'une abeille venue butiner le nectar; mais il ne s'élance pas pour la rejoindre, non. Elle l'a vu, et semble vouloir d'abord se complaire dans les vibrations que dégage l'endroit. Cela se comprend aisément. Certains sanctuaires lui rappellent tellement Atlantis qu'il ne peut que rester sidéré. Enfin, elle apparaît au milieu des ombres fraîches des colonnades. Wonder Woman, l'implacable guerrière pour la paix. Diana Prince, la princesse de tout un peuple. Diana, son amie. Qui effectivement semble, tout comme lui, goûter les mille beautés des environs, de ce temple ancien à l'énergie fascinante aux falaises pâles chutant dans la mer.
- Hrm.
Doux, vibrant, positif, manifestant l'absolue approbation de l'Atlante aux salutations de l'Amazone. Tout est bel et bien splendide, oui. Divin, même. Ce que l'étreinte ne vient que confirmer. Arthur perd son nez quelques secondes dans la chevelure d'ébène, humant son odeur, avant de répondre paisiblement:
- Moi aussi, Diana. Ca fait... longtemps.
L’œil de Wonder Woman est précis, entraîné, et les détails trahissant un changement chez Arthur sont légions. Quelques marques de combat, sur son torse, ses flancs, ses épaules, nouvelles et pourtant parfaitement cicatrisées; de fines mèches blanches, pas plus de trois ou quatre, dans la longue chevelure blonde; une légère aura magique, qui semble suivre ses mouvements; l'absence de harpon et de trident; et bien sûr la lueur de joie dans les ses yeux bleus, comme s'il venait de retrouver un proche perdu de vue depuis des semaines... des mois peut-être.
Tout cela, Arthur l'explique alors. Il prend une grande inspiration, et raconte tout. Vite. Trop vite. Comme s'il craignait qu'on lui enlève ce moment. Il parle, donc. De son rêve étrange d'une dame mystérieuse au voyage le long des branches du Frêne-Monde en compagnie du Witch-Boy Klarion. Et quel voyage ça a pu être... un an. Une année entière, un petit peu plus même, passée à arpenter les terres oubliées des mondes d'Yggdrasil, à la recherche de la Source de Mimir, qui offre le savoir à qui y boit. Énigmes antiques, combats épiques, survie et rencontres ont ponctué la route de ces deux aventuriers, explorateurs de l'inconnu en quête de savoir. Les tours étranges du petit diable l'ont souvent mis dans de beaux draps, et nombreux ont été les adversaires à vouloir les stopper, et...
Arthur se perd, un instant, à vouloir trop en dire, trop en faire. Par zèle, il est vrai, mais aussi par besoin. Mais alors il s'arrête, s'excuse, et reprend. Différemment.
Il raconte tout, oui. Bien plus sobrement, bien plus tranquillement. Car il est vrai que rien ne presse. Le froid de la neige a laissé place au soleil de la Grèce, et tout va bien. Tout est derrière lui. La rencontre avec les Nornes. Le combat contre Niddhög le Dragon. L'éveil de sa propre magie. Les géants qui ont tenté de les arrêter. Le sacrifice de son trident, pour boire. Le chemin, long et périlleux. Au final, un an, tout entier, sur Yggdrasil, finalement condensé en deux petites journées terrestres. Une véritable chance !
Et parmi tout le savoir obtenu, de la bouche de Klarion et de l'eau de la Source, quelques informations ont particulièrement retenu l'attention d'Arthur. Des indices pour retrouver la Mer Secrète, là où la mystérieuse dame de ses rêves se trouve. C'est sur cette information capitale qu'il conclue son récit.
- Il ne me reste que quelques pistes. Et l'une d'entre elles mène à ce temple. Tu connais un peu son histoire ?
Au fin fond de son coeur, il l'espère. Si discuter avec Diana lui plaît, devoir rajouter un piètre monologue informatif après le long récit de son voyage lui serait, si ce n'est insurmontable, désagréable. Mais il le fera, s'il le faut. Pour ne pas laisser son amie dans l'ombre de l'ignorance. Alors que la voilà. Alors qu'elle a voyagé jusqu'ici. Jusqu'au Cap Sounion. Pour lui, Arthur Curry. Parce qu'il a besoin d'aide. De son aide. Pour percer les mystères de ce temple non pas deux fois, mais trois fois sanctuaire...
Diana l’écouta parler. Ce qu’il disait ne pouvait que la prendre de court et la surprendre, mais elle était bien trop familière avec l’idée des dimensions extérieures à la leur, et pourtant rattacher à leur plan d’existence, avec la magie et la vérité sous toutes ses formes pour mettre en doute la parole d’Arthur. Il y avait les indices, également, qu’elle aurait eu du mal à déchiffrer sans son aide, mais qui, baignés de cette nouvelle lumière étaient évidents. Elle l’écouta parler sans rien dire et s’imprégna d’un maximum d’information. Elle comprenait maintenant pourquoi il lui avait donné l’impression d’être si préoccupé dans son message, et elle comprenait également qu’il avait qu’elle soit bien plus qu’un guide pour cette nouvelle partie de son périple. Il avait besoin d’une partenaire, d’une sœur d’armes, et c’est exactement ce qu’elle serait.
Elle lui attrapa doucement le poignet sans un mot tandis qu’il se reprenait, qu’il recommençait en essayant d’être moins agité, plus ordonné dans ses explications. Ce n’était pas grave. Elle arrivait à suivre le fil de ses paroles sans grand mal, mais s’il estimait que les mots qu’il avait jusque-là employés n’étaient pas les bons, elle ne pouvait que le laisser trouver ceux qui lui paraîtraient plus justes. Elle l’écouta sans rien dire mais elle observa minutieusement le bras d’Arthur qu’elle tenait toujours entre ses doigts. Elle les voyait plus clairement maintenant, toutes ses cicatrices nouvelles qui n’étaient pas là la dernière fois qu’ils s’étaient vus, et qu’elle aurait dû voir au stade de blessures avant d’en arriver à cette finalité, à ces marques blanchâtres qui se fondaient dans la peau d’Arthur. Oh, elle savait qu’il disait la vérité, sans l’ombre d’un doute, mais c’était autre chose d’en observer les preuves physiques.
Elle essaya de ne pas penser à ce qu’il serait arrivé si Arthur était tombé dans cette dimension. Si loin de son foyer, de ses amis. Personne n’aurait jamais rien su.
Elle ne le lâcha que lorsqu’il conclut son étrange récit. Une année condensée en quelques minutes de dialogue. Une année intégrée à deux simples jours, pour elle.
« Je suis contente que tu nous sois revenu, Arthur. Contente que tu ailles bien, » dit-elle dans un premier temps, la main de ce dernier toujours dans la sienne.
Elle la serra brièvement puis la lâcha pour de bon et se retourna vers le temple qui les surplombait tous les deux.
« Ce que je sais de ce temple me vient des légendes de mon peuple, » ajouta-t-elle. Elle marqua une pause, le temps d’une courte réflexion puis reporta son regard sur Arthur. « C’est le temple qui fut offert à Poséidon afin de calmer ses esprits après que les humains aient préféré choisir Athéna comme protectrice de leur nouvelle cité. » Elle tendit le bras pour désigner la pointe du cap et l’étendue d’eau calme et limpide qui scintillait à l’horizon. « Les oliviers que tu voies tout autour de nous sont les tout premier oliviers à avoir été créés par Athéna. C’était son cadeau aux humains. Poséidon leur offrit l’eau salée. »
Son regard se posa de nouveau sur Arthur et elle esquissa un petit sourire.
« J’imagine que les constantes disputes d’Athéna et Poséidon y sont pour beaucoup dans l’animosité entre nos deux peuples. »
Certaines Amazones continuaient à ressentir plus de dédain pour les Atlantes que les hommes eux-mêmes, et Diana savait qu’il en était de même en Atlantide. Des millénaires d’idées belliqueuses et de rejet ne s’évanouiraient pas comme ça, mais elle et Arthur étaient les preuves vivantes qu’une vraie amitié était possible entre leurs peuples.
« Mais ce n’est pas pour un cours sur les légendes des Amazones que tu m’as appelée, je me trompe ? Tu penses qu’il y a quelque chose ici qui pourrait te mener à cette Mer Secrète que tu cherches tant. »
Malgré ses difficultés à raconter, et la longueur de cette dernière année, elle l'écoute. Intensément. Comme s'il s'agissait de la dernière chose qu'ils allaient jamais échanger. Elle le rassure avec une douceur qui lui est propre, des gestes, des touchers, des regards qui pourraient réussir à encourager un muet à parler. Voilà pourquoi Arthur admire son amie: elle est une lionne, guerrière, protectrice, tendre. Un exemple d'équilibre sur le chemin tortueux de l'héroïsme. Et s'il est avare en compliments, ses petits sourires se chargent bien de transmettre ses remerciements, entre deux récits de combat d'ours géants et d'elfes nordiques. Des choses absolument folles, en somme. Et pourtant, témoignages bien réels d'une épopée sur d'autres terres en d'autres temps en compagnie d'un petit démon bavard et de son chat à la sagesse infinie. Des deux, le félin est clairement le cerveau, mais pour préserver l'ego de son chaotique ami, Arthur s'est toujours abstenu de lui dire.
Cette charmante rencontre n'a cependant pas pour simple but de raconter de jolies (et moins jolies) histoires à une de ses plus chères amies, non. Arthur Curry a une piste, et il se doit de l'explorer.
Mais son coeur se serre lorsque la conversation dérive sur l'origine du temple, et l'opposition plusieurs fois millénaire entre la déesse à la chouette et le dieu des chevaux. Atlantis lui manque, bien sûr. Ses lumières, ses créatures, sa vie toute particulière. De bons souvenirs, malgré l'amertume qui s'en dégage. Mais ce qui remonte réellement à la surface, qui lui fait se nouer la gorge de colère, c'est le souvenir de la mentalité de ses anciens sujets.
- Les Atlantes ne sont pas... très accueillants.
Doux euphémisme que voilà, pour un peuple encore capable de faire rôtir au soleil ses enfants au nom d'ancestrales traditions. Pour une couleur d'yeux ou de cheveux. Parce qu'il est un bâtard royal. Quant aux autres mutants, mi-homme mi-animal par exemple, leur confinement dans les profondeurs les plus sombres de la cité est un prix que beaucoup de sang-purs acceptent sans sourciller. Sans même y penser. L'exil volontaire des Amazones sur une île paradisiaque lui semble alors bien moins cruel... Mais trêve de lamentations. L'Arthur dépressif n'est plus. Il a disparu, le jour où il a accompli le premier pas vers Yggdrasil, à la Croisée des Chemins. Il vaut mieux célébrer l'amitié entre un Atlante et une Amazone, que se perdre dans la mélancolie d'un conflit culturel semblant presque éternel.
Diana met ensuite bel et bien fin aux mondanités, pour attaquer le vif du sujet. La raison de leur présence tous les deux, ici, au sud du sud de l'Attique, sur ce bord de mer. La piste qui mène à Sounion. La perspicacité de l'Amazone arrache un nouveau sourire à Arthur.
- Tout juste, Princesse, tout juste. "Par deux fois consacré au dieu des mers, par trois fois bâti par l'homme." Voilà la vérité qui m'a été révélée, entre autre, par la Source. Ce temple cache quelque chose d'ancien, de plus ancien que le culte de Poséidon.
Peu d'emphase, une sobriété exemplaire malgré des propos extraordinaires... Aquaman serait un excellent personnage de théâtre, mais un bien piètre acteur. Toutefois, une légère pointe de... d'autre chose vient ensuite moduler sa voix, alors qu'il continue sur sa lancée.
- Je... je ne voyais personne de mieux que toi pour partager cette découverte... Et ses dangers, évidemment.
De la... timidité ? Non, pas exactement. De l'inquiétude ? Du tout. Cela surprend même Arthur, qui se réfugie dans sa barbe et dans un marmonnement étouffé, quelque peu comique il faut l'avouer, surtout venant de ce grand gaillard blond à l'apparence guerrière. Qui, plutôt que de faire face au regard de son impressionnante amie, gravit d'une enjambée les marches du temple et y pénètre, déjà à la recherche d'indices susceptibles de les conduire au sanctuaire originel.
Diana n’était personne pour juger le rejet d’Arthur quant à son rôle de roi, ou même à sa place dans ce grand royaume qu’était l’Atlantide. Il avait toujours pris ses décisions lui-même, sans se laisser influencer par qui que ce soit, et celle-là n’était qu’un énième exemple dans une longue liste de preuves. Elle voyait sa colère et son amertume clairement – elle les avait toujours vus – et si elle comprenait, elle en déplorait le poison constant qui pouvait en sortir. Elles étaient comme deux plaies suintantes de pus dont la guérison, toujours, est retardée. Elle ne pouvait qu’espérer le voir un jour enfin en paix.
« Et mes sœurs ont la rancune tenace, » ajouta-t-elle avec un petit sourire songeur.
Les Atlantes ne portaient pas l’entière responsabilité de cette stupide querelle sur leurs épaules, non. Pas alors que les Amazones, camouflées sur leur île paradisiaque, s’étaient laissées aller à bien trop de siècles de rancœur et d’isolationnisme qui avaient fini par pousser Diana au-delà de leurs frontières. Même maintenant que leur monde avait changé, elle continuait à s’inquiéter de ce rejet parfois un peu trop virulent de tout ce qui leur était extérieur. Les us et coutumes de leurs deux peuples étaient gravés dans la pierre, et ce depuis bien trop longtemps – il en faudrait bien plus pour les effacer.
Mais Arthur ne l’avait pas appelée pour discuter politique, non. Après ce qu’il venait de lui raconter, elle aurait de toute façon eut bien du mal à se lancer dans un tel débat. Il avait changé, oui, et c’était terriblement évident. Il avait passé une année de dangers terribles à grandir loin de tout, loin de sa réalité, le résultat était parfois un peu difficile à concilier avec le Arthur qu’elle avait vu il y avait peu. C’était lui, et en même temps …
« Trois fois bâti par l’homme ? » releva-t-elle, sa curiosité piquée. Elle jeta un regard par-dessus son épaule. « C’est… »
C’était quoi ? Impossible ? Cela rendrait la légende de son peuple fausse. Légende que les Amazones tenaient des Dieux et Déesses de l’Olympe eux-mêmes. Serait-ce là un de leurs mensonges ? Elle aurait pu demander confirmation, elle aurait pu traquer la vérité auprès d’eux, s’ils n’étaient pas tombés aux mains de Luthor. Mais force était d’admettre que l’idée même ne la surprenait pas. Elle n’éprouvait rien d’autre qu’une sensation de déjà-vu à l’idée qu’ils aient pu remodeler la vérité à leurs avantages. Si elle avait toujours eu foi en leur pouvoir, sa confiance, elle, ne leur avait jamais été accordée. Et pour cause.
Elle reporta son attention sur Arthur après les derniers mots de ce dernier, et son ton ainsi que son regard fuyant la prirent par surprise. Il était terriblement sincère, elle le voyait clairement, et c’était cette sincérité qui semblait le perturber. Amusée, elle décida de le laisser prendre de l’avance quand il tenta de se réfugier à l’intérieur du temple. Elle le suivit rapidement ceci dit, poussée par la curiosité et le désir d’en découvrir plus.
Elle se stoppa à l’entrée du temple et murmura une prière silencieuse à l’adresse de Poséidon. Il ne l’entendrait jamais, et c’était pour cette raison précise qu’elle se devait de présenter ses hommages.
« S’il s’agit bien de l’endroit dont t’a parlé la Source, cela voudrait dire que le temple en cache un autre, n’est-ce pas ? »
Elle leva la tête vers les hautes colonnes. Loin de sa beauté d’antan, le temple était également un lieu touristique mondialement connu, et bien des pieds l’avaient foulé. Sans parler des paires d’yeux, des mains et outils qui avaient chassé chacun de ses secrets. Si la terre sacrée de Poséidon en cachait d’autres, les trouver ne serait pas aisé.
Elle baissa machinalement les yeux, et son regard se heurta à une petite pousse. Fine et frêle, elle sortait à peine de l’espace si fin entre deux dalles de marbres, mais il n’en fallait pas plus à Diana pour la reconnaître. Un olivier cherchait à pousser ici-même, au centre du temple de Poséidon, et elle ne manqua pas l’ironie. L’ironie et… quelque chose d’autre.
Elle pensa à ses retrouvailles avec Bruce, dans le temple d’Alétheia, esprit de la vérité. A l’orage qui grondait alors. Elle pensa à celui qui avait déchiré les cieux au-dessus du pont de Gotham tandis qu’elle faisait face à Gorilla Grodd et Cheetah. A ce qu’elle avait ressenti, alors. Cette impression de… de sacré. De divin.
« Arthur, » souffla-t-elle.
Elle releva les yeux vers lui avant de s’agenouiller devant la pousse. Elle approcha ses doigts pour la toucher, mais la pousse trembla légèrement et la stoppa net. Confuse, Diana l’observa sans oser bouger.
« Oh ! » s’exclama-t-elle tandis qu’un long mais fin serpent se glissa hors de la faille entre les dalles, frôlant plusieurs fois la pousse qui reprit ses tremblements de plus belle avant de s’immobiliser.
Diana se releva vivement et échangea un long regard avec Arthur.
« Le serpent d’Hadès, Dieu des richesses sous la terre, » souffla-t-elle. « Tu le sens toi aussi, n’est-ce pas ? » lui demanda-t-elle. « Cet endroit… Quelque chose m’appelle. Et je l’entends, je l’entends très clairement t’appeler toi aussi. »
Elle lui esquissa un petit sourire.
« Découvertes et dangers. C’est ce que tu as dit, mmmh ? »
Elle se pencha, glissa ses doigts sous la dalle à côté de laquelle la pousse était sortie, et la souleva sans grande difficulté. Personne n’avait pensé à regarder dessous et Diana ne serait pas surprise d’apprendre que personne n’avait réussi à regarder dessous auparavant. Le moment était venu, et peut-être étaient-ils les deux seules personnes dans le monde à pouvoir le faire. Elle ne pouvait nier, une fois de plus, le caractère divin de ce moment.
Elle posa doucement la dalle sur le côté, et dévoilant ainsi une toute autre dalle, plus vieille et poussiéreuse, mais qui semblait faire partie d’un plus grand ensemble car son coin était gravé de quelques signes coupés qui trouvaient certainement leurs suites sur les dalles environnantes.
Diana se releva en se frottant les mains, les yeux baissés vers la gravure. Elle tourna la tête vers Arthur.
« Il semblerait que tu aies vu juste. Ma place est bel et bien à tes côtés. »
Elle lui sourit doucement et posa sa main sur son épaule.
Pourquoi fuir de honte, lorsqu'on est Aquaman, que l'on peut faire face aux plus terribles créatures de la mer et de la terre, que l'on a combattu aux côtés des très grands mythes contemporains et que l'on se trouve aux côtés de Wonder Woman, la guerrière amazone ? Peut-être parce qu'on se sent idiot de dire certains, d'être traversé par certaines pensées, en la compagnie d'un tel être, qui ne sait laisser les hommes et les femmes indifférents. Et encore moins lui. Qui ne sait où se mettre, malgré la taille conséquente de l'édifice.
Ayant été élevé dans la certitude que Dieu existe, même s'il remet en doute quotidiennement son existence depuis qu'il porte le lourd fardeau de l'héroïsme, et avec l'héritage quasi monothéiste d'Atlantis, Arthur a toujours eu du mal à comprendre ce que l'on prie dans les religions fortes de panthéons divins. Révère-t-on les entités pour qui elles sont ? Ou bien est-ce une assurance, un échange de bons procédés pour qu'elles ne déchaînent pas leur courroux destructeur ? Cependant, ne pas pleinement intégrer une chose ne veut pas dire lui manquer de respect, et l'Atlante laisse son ami prendre le temps d'en appeler aux siens. Le temps a dépouillé le temple de ses appareils, et plus aucun ornement ne saurait donner d'indice. Rien. Et le processus de perception mystique enseigné par Klarion ne révèle rien, hormis l'évidence: cet endroit bout d'une énergie très particulière.
Arthur se retourne ensuite, quand Diana lui parle. Lui demande, semble chercher là où ses pairs l'ont trahi. A quelle légende se fier alors, si se dévoilent les erreurs de l'une d'entre elles ? Mais ce n'est pas exactement cela que la Source a révélé à Arthur. L'eau gardée par Mimir lui a offert un savoir obscurci, dissimulé. Oublié.
- Oui, Diana. Exactement. Un temple sous le temple. Caché aux yeux de tous. Peut-être même de tes dieux.
Il est à espérer qu'elle chasse cette ombre de son esprit. Wonder Woman ne doit pas se laisser toucher par le doute. Il doit rebondir, ricocher sur l'exactitude de la vérité qu'elle porte sur son dos, avec la même diligence qu'Atlas soulève le monde depuis la nuit des temps. Si Elle flanche, tout flanche.
- Hrm.
Elle tient bon. Tellement bon qu'elle est la première à découvrir l'étrange au coeur de Sounion. Littéralement au coeur. Là où se débat la pousse d'un olivier et d'où est sorti un serpent. Dans un grincement de pierre torturée et un nuage de poussière, Diana soulève la dalle lourde de plusieurs tonnes pour en dévoiler une autre, différente en dessous. Magique, à n'en pas douter. Devenu expert dans l'ésotérisme atlante, découlant initialement des cultes de Poséidon, Arthur ne parvient pourtant pas à accrocher les symboles à son regard. Ils viennent d'ailleurs. Ils semblent... bien plus anciens. Primitifs. Ce qui lui fait froncer les sourcils, alors qu'il s'avance vers son amie et les autres grandes plaques.
- Attends. Je viens t'aider.
Forts de quatre bras solides, ils parviennent facilement à dévoiler les trois autres dalles secrètes, et sur lesquelles un cercle de trois mètres de diamètre environ, est gravé et orné d'occultes caractères. Les sens magiques d'Arthur s'affolent. Oui. Il perçoit cette divinité qui embaume l'air. Cet appel impérieux, qui les lie alors tous les deux. Presque distraitement, il s'accroupit ensuite au bord de ce cercle mystérieux, et le touche du bout de ses doigts infusés d'une énergie mystique rudimentaire.
D'un coup, d'un seul, manquant de faire tomber Aquaman sur les fesses, la surface s'illumine, se creuse et s'enfonce dans le sol. Un tunnel, sombre, au bout duquel tout peut attendre nos deux héros. Des monstres. Des énigmes. Des pièges. La réussite, également ?
Avant cette année-en-deux-jours, Arthur aurait appelé à la prudence. Au calme. A la rigueur pour éviter une catastrophe. Mais cela se voit dans ses yeux: il a changé. Sans minimiser le risque dans son esprit, un tel portail est davantage source d'aventure que de peur. A cause de (grâce à ?) Klarion, le doute a perdu beaucoup de terrain, bien vite remplacé par une plus grande confiance personnelle, installée bien au chaud à la place. Une confiance qui ressort tout particulièrement quand, se penchant en avant, droit vers le tourbillon d'énergie, il relève la tête vers Diana et lui lance au dernier moment:
- Prête à plonger dans l'inconnu, Princesse ?
Et il se laisse chuter. Droit au cœur de ce maelström énergétique, sans même sourciller un instant.
Spoiler:
Une mauvaise idée. Voilà ce que se dit Arthur quand il tape contre le sol, dos en avant, presque immédiatement après. L'ouverture profonde, une tromperie sans nom. Il a simplement basculé d'un sol à l'autre, comme un plongeur qui n'aurait pas su s'arrêter avant de heurter le fond. Le monde est sombre autour de lui, au point que même ses yeux surhumains ne parviennent pas à percer l'obscurité. Grommelant dans sa barbe, il arrache un morceau de tissu de ses épaules, avant de se saisir d'un bâton dont il aperçoit les contours, par terre. D'une habile manipulation, il lie les deux et enflamme le tour d'une simple étincelle électrique. Les flammes ronronnent, et diffusent leur couleur aux parois alentours. Des parois initialement naturelles, mais grattées, retaillées, réajustées par la main de l'homme, pour les adapter à des besoins purement humain. Le voilà, le troisième temple.
Un frisson vient parcourir la colonne vertébrale d'Arthur, qui laisse son regard glisser le long de son bras, jusqu'à sa torche de fortune...
- Cette obscurité n'est pas naturelle. Et cet os... hrm... pas humain.
Ce qu'il pensait être un bout de bois est en fait un fémur de taureau. Large, épais, solide, et désormais enflammé. Mais ce n'est pas tout. Ce ne sont pas des graviers qui craquent à chaque pas du solide gaillard, ce n'est pas sur des petites pierres qu'il a dérapé en arrivant: d'autres divers morceaux de squelettes gisent pitoyablement au sol, presque pétrifiés par les siècles.
La salle autour de lui accepte finalement de se montrer, avec beaucoup de timidité. Un sol parcouru de petits canaux, et une structure centrale gravé de symboles autour de laquelle les fidèles de jadis devaient sans doute se réunir. Sombre, humide, caverneuse, ancienne... et pourtant, il est presque encore possible de se figurer ces étranges cultistes, fascinés, tous ensemble réunis pour célébrer... quoi d'ailleurs ? Ca, impossible de le savoir... pas tant que Diana ne se sera occupée de la lecture. L'endroit respire l'étrange, et le glauque.
- Hrm.
Méfiance. Insatisfaction. Colère. Inquiétude. Aquaman refuse de croire que la Dame qui l'a appelé puisse se servir de cet endroit dérangeant comme repaire. Comme portail entre les mondes. C'est impossible... et pourtant, si cela devait se vérifier, cette année de voyage n'aura servi qu'à boire un coup dans un étang souillé par un œil flottant.
Re: Gods & Monsters [PV. Wonder Woman] Jeu 14 Mai 2020 - 18:20
Gods & Monsters
Diana s’agenouilla doucement au bord des dalles qu’ils venaient de découvrir. Le portail qui s’était ouvert presque immédiatement grésillait, rendu électrique par la magie qui l’habitait. Elle qui faisait de la Vérité et de l’incroyable équilibre que cette dernière apportait son flambeau dans l’obscurité, elle se retrouvait face à cette instant à l’évidence troublante qu’elle s’était lancée dans une quête sans le savoir, sans même relever aucun des indices qui l’avaient menée ici. Ce n’était pas un hasard. L’appel d’Arthur, leurs recherches et la découverte de ce portail. Elle leva les yeux vers son compagnon pour cette nouvelle aventure. Il se tenait droit et dans son regard, aucune peur ne venait assombrir le bleu de ses iris tandis qu’il faisait face à ce portail. Il allait sauter, et il allait le faire sans hésiter, elle le voyait très clairement. Tout comme elle voyait qu’ils étaient des pions, aussi bien l’un que l’autre. Ce qu’elle ne savait pas – tout du moins, pas encore – c’était à qui appartenait la main de maître qui les avait mené jusqu’ici.
Mais elle était bien décidée à le découvrir.
Arthur se pencha au-dessus du portail et ils échangèrent un long regard. Diana lui adressa un léger sourire.
« Prête, » confirma-t-elle simplement, avec un hochement de tête.
Elle n’arrivait pas à se sortir de la tête l’image du serpent qui glissait de sous la dalle, mais aussi des éclairs dans le ciel de Gotham ; tout comme elle n’arrivait pas à ne pas entendre l’appel de ce portail. Quelque chose les attendait tous les deux de l’autre côté. Elle regarda donc Arthur disparaître sans chercher à l’arrêter puis se redressa. Elle jeta un dernier regard autour d’elle, à la plaine asséchée par le climat de Grèce, aux oliviers qui venaient déformer la ligne d’horizon sinon parfaite, puis à la mer, si bleue et si profonde au loin. Puis elle fit le pas qui la séparait de la bouche béante du portail.
Elle atterrit presque simultanément sur un sol aussi asséché que celui qu’elle avait vu autour du temple. Un nuage de poussière lui engloba les pieds en guise de bienvenue tandis qu’une obscurité presque totale fondait sur elle. Presque totale. Le peu de temps que Diana avait pris pour descendre, Arthur l’avait utilisé à bon escient puisqu’il était maintenant muni d’une torche de fortune qui faisait trembler les ténèbres autour d’eux.
Diana le rejoignit rapidement et leva la main vers la dite torche. Elle noua ses doigts autour sans chercher à la prendre à Arthur, mais plus pour pouvoir l’examiner en le forçant doucement à l’incliner. Ses doutes étaient confirmés. La couleur du bois lui avait semblé étrange, dès le premier regard. Ce n’était pas du bois.
La main toujours sur la torche, elle baissa les yeux vers le puit de lumière qui l’enveloppait, elle et Arthur. Vers les squelettes, les ossements recouvrant le sol. Elle releva la tête vers Arthur.
« Des sacrifices. »
Mais à qui ? Pour quoi ? Elle lâcha la torche et se tourna vers la pièce que la lumière poussait à se dévoiler, petit à petit. La cave était naturelle, mais elle avait été aménagée, retravaillée, arrangée. Les parois étaient irrégulières, mais arrangées en une espèce de dôme. Le plus haut point semblait se trouver au centre de la pièce, directement au-dessus d’une petite construction (en pierre également) qui donnait très certainement toute son importance à l’endroit. Si Diana avait senti le sacré et le divins de ses Patrons à l’air libre, tout était différent ici. C’était… sombre, et dangereux. Moite et écrasant.
Elle s’avança sans rien dire vers l’autel au centre et effleura du bout des doigts la pierre qui le constituait, s’attendait à la sortir froide sous sa peau, mais découvrit avec surprise que le matériau était tiède, comme si le soleil lui-même avait chauffé la pierre des heures durant. Elle écarta sa main et en palpa sa paume avec ses autres doigts, les sourcils froncés.
« Cet endroit… cet endroit est mauvais. »
Elle releva la tête vers Arthur et découvrit ce dernier aussi troublé qu’elle. Plus, même. L’ombre dans son regard n’avait rien à voir avec l’obscurité autour d’eux.
« Les humains qui ont bâti le deuxième temple, puis le troisième cherchaient à cacher cette cave. Ce n’est pas une terre sacrée, comme dans les histoires de mon peuple. Les Dieux et Déesses lui ont attribué ce caractère divin, mais pas dans l’espoir d’en faire un lieu de culte. Je le sais maintenant. Je le vois. Ils cherchaient à écraser cet endroit, à le camoufler avec leurs pouvoirs et leurs présences. »
Elle fit signe à Arthur de se rapprocher d’elle et attendit qu’il ne la rejoigne. Une fois qu’il se retrouva à ses côtés, elle posa sa main sur son avant-bras et lui fit doucement baisser la torche vers l’autel devant eux. Les symboles qui en recouvraient les piliers se dévoilèrent à eux, lissés par les siècles – les millénaires - mais toujours lisibles. Elle parlait toutes les langues encore parlées à ce jour sur Terre, et bien d’autres encore, et cela rendait sa lecture de l’endroit aisée. Mais terrible malgré tout.
Elle passa de symbole en symbole. Egyptien, grecque ancien, dialecte depuis longtemps oublié, tout y était. Et même… même …
Elle posa son doigt sur quelques lettres usées par le temps. C’était de l’Atlante – du vieil Atlante, oui, mais de l’Atlante malgré tout.
Elle releva la tête vers Arthur, sa main toujours sur son avant-bras.
« Dis-moi… que sais-tu du Chaos, Arthur ? »
Ex-Jace
Super-Héros
Inscription : 04/10/2019
Messages : 839
DC : Personnage joué sur le compte Batman
Localisations : Archivé
Re: Gods & Monsters [PV. Wonder Woman] Ven 22 Mai 2020 - 3:57
Arthur observe, tout autour de lui. Chaque seconde qui passe en ce lieu le rend plus étouffant encore; les murs irréguliers semblent danser, se rapprochant et s'éloignant selon les regards, selon les ondulations de la torche. L'odeur de renfermé agresse les sens, l'eau stagnante semble morte. Inaltérable. Incontrôlable. Soumise à des ténèbres que nul n'a plus vu de mémoire d'homme. Oui, comme le pense alors Diana, comme elle le dit, ce sanctuaire millénaire est mauvais. Pas pourri, parce qu'oublié par les siècles. Rien à voir non plus avec la malice des Dieux. Ici, tout est intrinsèquement maléfique. La sensation se confirme. Et inquiète Arthur. Beaucoup. Il refuse de conduire son amie dans un guêpier, fusse-t-elle meilleure que lui pour s'en dépêtrer. Pourquoi ? Parce qu'il tient à elle. Beaucoup. Purement et simplement.
A se demande, il s'avance, éclairant péniblement de son petit phare vacillant le coeur du temple, cette espèce de petit autel repoussant. Couvert d'inscriptions. Anciennes. Venues de toutes les cultures du monde d'alors. Phénicien, chinois, égyptien, grec... de quoi alimenter des théories du complot pour des siècles et des siècles. Ce qui laisse l'Atlante particulièrement perplexe. Surtout lorsqu'il remarque la langue antique de son peuple.
- Hrm...
Incompréhension. Frustration. Colère. Inquiétude. Les choses semblent s'assombrir, de plus en plus. Et pourtant, Wonder Woman parvient miraculeusement à faire émerger une idée, une piste de cet inquiétant bourbier. Comme d'habitude. La faiseuse de miracles. Une déesse, tout simplement. La question, cependant, semble tomber trop parfaitement aux yeux d'Arthur. Qui grimace, un instant. Car cela fait remonter des souvenirs à la fois récents et anciens, vieux de quelques jours et de quelques mois à la fois. De conversation avec un petit diable sur la nature de la magie. Sur l'Ordre. Et sur le Chaos. Surtout le Chaos. A la fois force inarrêtable et perdante par essence. Energie motrice de l'univers, et le plus grand frein à son expansion. Un paradoxe total, et terrible. Qui fait frissonner Arthur, non pas à cause de sa complexité, mais bien parce que les froides nuits d'Asgard l'ont marqué. Plus qu'il ne l'aurait cru. La neige du domaine des Dieux du Nord peut se montrer bien plus glacial que la plus profonde fosse de la plus profonde faille de l'océan, étonnamment. Il frissonne aussi parce qu'il sent la main de Diana sur son bras. Ce qui brouille le fil de ses pensées. Juste un instant. Suffisamment pour lui faire répondre un peu à côté de la plaque, au début:
- Le Chaos ? J'en sais... bien trop.
Un tel savoir peut se révéler parfois lourd à porter pour qui soulève également des valeurs. Un passif. Un talent magique jusqu'alors latent. Mais ce n'est pas la réponse attendue, et il en a conscience. L'instant d'après, il retire doucement son bras et soupire. Il n'a pas le temps. Il ne peut pas. Il ne vaut mieux pas. Et puis, chaque chose en son temps. Le mystère d'un ancien temple grec dissimulé aux yeux de tous les attend. Il serait bien sot de gâcher pareille occasion. Inquiétante occasion, mais occasion malgré tout. Alors il rectifie, précise sa pensée.
- Mais le grec, trop peu. Pourquoi ?
La source originelle du monde selon les anciens mythes. Une totale absence de limite à la matière, d'où ont émergé les premières règles de l'univers. Les fondamentales. Vrai ou faux ? Là n'est pas la question. Car Diana en parle. Un lien existe, d'une manière ou d'une autre. Et il est bien près à découvrir lequel. Avec elle.
Re: Gods & Monsters [PV. Wonder Woman] Mar 26 Mai 2020 - 18:45
Gods & Monsters
Que se passait-il derrière les yeux voilés d’Arthur ?
A la lumière vacillante de sa torche, il apparaissait vieilli, usé, presque. Comme si seule l’ombre qui hantait cet endroit était capable de faire jaillir du néant l’année qu’il avait passée dans cet autre plan d’existence, à courir après d’autres réponses et être hanté par d’autres questions. Si Diana avait eu le moindre doute sur le récit incroyable qu’il lui avait fait, elle aurait été forcée d’admettre que seule la vérité était sortie de sa bouche rien qu’en le regardant là, tel qu’il était. Grand, et anguleux, le visage découpé par un jeu d’ombre et de lumière dansant. Elle vit comme de la peur dans son regard, et elle la comprit. Elle comprit également que désormais, elle ne pourrait le laisser seul. Quoi qu’ils ne trouvent, quoi qu’il se passe, quoi que ce temple ne leur révèle, jamais elle ne pourrait s’en détourner. Ils commençaient ensemble, et ils atteindraient la ligne d’arrivée ensemble. Elle s’en fit la promesse silencieuse.
Elle détourna le regard et baissa de nouveau les yeux vers l’autel pour réfléchir quelques instants avant de répondre.
« Grec, Atlante, Egyptien… Je ne crois pas qu’il ne s’agisse seulement du Khàos de mon peuple, » dit-elle en accentuant le terme et le prononçant à la grec volontairement.
Elle écarta sa main de l’autel avec la sensation étrange qu’y attarder ses doigts revenait à risquer sa vie et plus encore. Elle ramena sa main contre elle et la frotta avec ses autres doigts, les sourcils froncés.
« Le Pantéon grec est large, tu le sais. Nous avons des Dieux et des Déesses pour bien des éléments, pour certains jours, certains sentiments. Il y a très longtemps, ils régnaient sur cette région en maîtres incontestés à l’abri du Mont Olympe, et ils étaient la réponse à toute question, la certitude d’un absolu sacré. L’univers commençait avec eux et finissait avec eux. »
Elle détourna son regard de l’autel et releva les yeux vers Arthur. Encore une fois, elle fut surprise par l’intensité de son regard et de son expression, tous les deux soulignés par les ombres qui dansaient le long de ses traits. Il savait pertinemment ce qu’elle allait dire, c’était évident. Il demandait des détails en espérant que sa propre vérité ne soit pas la vérité toute entière et qu’il se trompe. Mais il savait.
« C’était un mensonge, ceci dit. Mes Patrons ne furent pas les premiers. Aucun Dieu, aucune Déesse n’arriva en premier. Non, avant tout, avant même la Terre et la nature, le ciel et l’eau, il y avait… le Khàos. C’est de lui qu’est née Gaia, la Déesse Mère. Il n’y a pas de sens dans le chaos, pas de dessus ou de dessous, pas de jour ou de nuit. Le chaos, c’est la certitude que chaque chemin emprunté mènera à une catastrophe et l’impossibilité, en même temps, de rester immobile et de ne pas faire de choix. »
Elle poussa un léger soupir.
« Chez les Egyptiens, dont les Dieux et Déesses ont profité de la même adoration, du même pouvoir, il existe un océan primaire qui contient tout ce qui pourrait être. Chaque étincelle de vie, de création, tout vient des eaux tumultueuses de cet océan, mais l’eau est en constant mouvement. Tu connais l’eau mieux que quiconque, et bien mieux que moi. Si tu peux exercer un contrôle sur l’eau, tu sais que tu ne peux pas changer sa nature. L’eau bouge. » Elle esquissa un léger sourire. « Tes mots seraient bien plus adaptés, évidemment, mais tu comprends ce que je dis, n’est-ce pas ? Une vague reste en mouvement, même après s’être brisée contre une falaise. Tous les éléments de l’univers se sont entrechoqués dans cet océan, jusqu’au moment où … Et bien, ces chocs créèrent quelque chose. »
Elle leva la main qu’elle avait posée sur l’autel et la rapprocha de la flamme tremblante de la torche, cherchant à la fois le réconfort de sa chaleur et de la lumière.
« Peu importe la religion, peu importe la culture, le chaos est toujours présent. Les amérindiens croient en un équilibre en toute chose. La fraîcheur de la Lune contre la chaleur du Soleil. Leur existence, l’existence de toute chose, contre le néant, contre le reste. » Elle écarta ses doigts, près de la torche et les observa un bref instant. Sa paume baignait dans la lumière, mais le dos de sa main était zébrée par l’obscurité de l’endroit, ses veines noircies et le relief de ses jointures creusé par les ombres. « Pour toute lumière, il y a une ombre, car ni l’une ne peut exister sans l’autre. »
Diana abaissa finalement sa main et releva les yeux vers Arthur.
« Cet endroit… Je crois qu’il s’agit d’un lieu d’adoration pour tout ce qui ne fait pas partie de ce monde. Arthur, je crois… je crois que nous sommes sur le palier du Chaos lui-même. L’unique Chaos. Ta quête te dirige vers le début et la fin de toutes choses.»
Ex-Jace
Super-Héros
Inscription : 04/10/2019
Messages : 839
DC : Personnage joué sur le compte Batman
Localisations : Archivé
Re: Gods & Monsters [PV. Wonder Woman] Mar 2 Juin 2020 - 2:13
Arthur a changé, oui.
Aussi vrai que l'automne vient après l'été, que la vague roule en direction de la falaise. Ses certitudes et sa force ont été ébranlées par ses défaites répétées, par cette solitude qu'il s'est imposée. Il s'est cru affaibli. Il s'est cru inapte. Jusqu'à le devenir réellement. Aussi vrai qu'après l'hiver revient le printemps, que le ressac rappelle la vague pour la reformer ensuite, il se relève, désormais. Grâce à la Dame de son rêve, qui lui a donné un but. Ou tout du moins un sentier à arpenter. Un sentier difficile, exténuant, mais bien moins terrible que les ténèbres dans lesquelles il s'était enfoncé quelques mois, quelques années plus tôt. S'il n'est pas encore l'homme qu'il a été, s'il ne le sera peut-être plus jamais, au moins le plus terrible est derrière, et ne mérite aucun égard, aucun regard.
A la lumière des riches informations apportées par Diana, l'Atlante soupire. Il se sent pion, outil dans des jeux auxquels seuls les Dieux jouent. Deux voies lui ont été proposées, oui, et il apparaît clair comme de l'eau de roche que ce temple n'a rien à voir avec sa Dame. Rien du tout, même. Cela dit, malgré la désagréable impression d'être un fétu de paille dont on use et abuse, Arthur ne partira pas. Pas si son amie, sa Diana a besoin de lui. Car les voilà liés, désormais. Impossible de partir avant d'avoir résolu ce mystère.
Un léger sourire vient égayer les traits fatigués du visage d'Aquaman, alors qu'il pose sa seule main valide sur le bras de l'Amazone.
- Notre quête, désormais.
Il inspire profondément, les yeux passant lentement de la chevelure sombre aux sinistres runes, comme s'il pouvait y trouver un lien. Un secret. Quelque chose qui puisse les relier, tous les deux. Faute de mieux, d'une voix lente, pensive, chargée, il commente:
- Plus que le Khàos, donc.
Impossible ? Improbable semble convenir davantage. L'impossible n'a pas lieu d'être, avec tous ces dieux et ces surhommes en activité. Le pas mesuré, l'ancien roi d'Atlantis fait le tour du petit autel, quand... Quelque chose le chatouille. Le chiffonne. Lui fait froncer les sourcils. Plus que le Khàos, donc.
- Oui. C'est ça Diana.
Plus que le Khàos, donc plus que la vue et l'ouïe ! Alors il ouvre son esprit, complètement. Sa perception vient prudemment explorer, retourner, capter ce qu'il y a autour de lui. L'aura désagréable et suintante de quelque chose qui vient d'ailleurs, oui. Mais pas que. Autre chose lui parle. Lui hurle dessus. De rage. De peur. Difficile est la tâche de discerner. Et il n'y arrive pas parfaitement. Juste assez pour avoir une certitude, qu'il transmet presque immédiatement, avec un nouveau sourire. Plus chaleureux. Plus entier. Un sourire d'espoir, capable de chasser les ténèbres et rendre la grotte moins sombre, moins déstabilisante.
- Ils grattent à la lisière de ma perception. Leurs voix sont étouffées. Leurs cris indistincts. Mais ils sont là. J'en reconnais un. Un seul. Poséidon. Ils nous appellent, Diana. Tous. A travers cet autel maléfique. A travers le mal. Parce qu'ils ne peuvent plus passer que par là. Ils te réclament.
Arthur plonge son regard bleu océan dans les yeux de son amie, séparé d'elle par l'autel. Il est déterminé. Plus que jamais. Car désormais, ce n'est plus lui qui a besoin d'aide. C'est elle. Diana. Une de ses plus proches... relations. Il est bien plus aisé de plonger la tête la première dans l'aventure d'autrui que de bien difficilement suivre la sienne.
- Veux-tu y répondre, mon amie ? Tes Dieux crient leur désespoir. Les en délivreras-tu ?
Il en est sûr, désormais. Qu'ils soient morts ou vivants, ici ou ailleurs, les Dieux appellent à l'aide. Et seuls Wonder Woman et Aquaman sont en mesure de leur répondre.
Re: Gods & Monsters [PV. Wonder Woman] Jeu 4 Juin 2020 - 18:00
Gods & Monsters
Diana repensa au serpent et à la petite pousse qui l’avaient guidée sous les dalles usées par les ans du temple de Poséidon. Elle pensa à la légende de la création du dit temple, aux dizaines d’oliviers, à la pointe de terre qui semblait s’élancer en avant pour se jeter dans l’océan. Elle pensa à Themyscira et à la tempête qui avait ravagé ses côtes quand Bruce lui était apparu, quand il était revenu d’entre les morts. Aux éclairs dans le ciel, au grondement du tonnerre, comme une musique de fond parfaitement rythmée. Elle pensa à Gotham et à l’attaque de Cheetah. A la pluie qui était sortie de nulle part et, une fois de plus, aux éclairs qui avaient fissuré le ciel tandis qu’elle tendait sa main à Barbara Ann Minerva.
Elle pensa à tous ces moments où elle avait levé la tête vers le ciel et pressenti qu’elle n’était pas seule. Elle n’était pas retournée à Themyscira depuis qu’elle avait quitté son foyer, rappelée à sa mission par le retour de Bruce, et elle n’en avait donc parlé à personne. Par peur, cela était évident. Peur qu’on lui dise qu’elle ne faisait que s’accrocher à ce qui n’était plus, peur d’être ainsi forcée à regarder la vérité en face.
La vérité. Diana releva les yeux vers Arthur tandis que ce dernier gardait son regard rivé sur elle, de l’autre côté de l’autel. La vérité…
« Je les entends moi aussi, » souffla-t-elle.
Elle n’avait pas cessé de les entendre. Luthor… elle ignorait ce qu’il avait réellement fait, et elle le découvrirait, mais ils n’avaient pas tué les habitants originels de l’Olympe. Non, et elle l’avait toujours su.
« Ils m’appellent. » Non. Ce n’était pas tout à fait vrai. « Ils nous appellent. »
Elle esquissa un sourire en soutenant le regard d’Arthur. La lumière n’évoluait pas normalement dans l’ombre autour d’eux, et maintenant qu’il était de l’autre côté de l’autel, maintenu à distance par la construction terrible entre eux, il semblait obscurci, sur le point d’être avalé par les ténèbres qui dormaient dans la grotte. Pourtant, ses yeux brillaient plus clairement que jamais. Ce n’était pas juste la magie, non, c’était la perspective de cette nouvelle aventure qui s’annonçait. Diana ne fut pas surprise de se rendre compte qu’elle ressentait elle aussi l’excitation inévitable qui vient à la veille d’une découverte importante.
Pour la première fois depuis plusieurs mois, elle savait exactement quoi faire. Et avec qui elle devait le faire.
« Nous allons répondre à leur appel, » dit-elle.
Elle déroula le Lasso de Vérité sur plusieurs dizaines de centimètres sans lâcher Arthur du regard. Les yeux dans les yeux, elle ramena les longueurs libérées contre elle et enroula sa main avec. Elle pouvait voir, dans la périphérie de son champ de vision, le halo doré créé par l’artefact, et elle en sentait la chaleur et la vibration contre sa peau. Il faisait noir dans la grotte, car un temple mimique la divinité qu’il adore, et quand on prie au Khàos, on prit au néant. Mais ici, plus qu’ailleurs, le Lasso lui paraissait encore plus puissant, plus fort. Elle se rappela les légendes, les mythes.
Du chaos est né le monde. L’ordre. La Terre. Du chaos sont sortis les Dieux et Déesses.
La vérité était plus forte que tout ici, plus basique, plus fondamentale qu’elle ne l’avait jamais été autre part.
Les yeux toujours plongés dans ceux d’Arthur, Diana s’autorisa un léger sourire. Elle leva sa main, maintenant ornée par le Lasso devant elle.
« Ensemble, » dit-elle.
Puis elle plaqua la paume de sa main sur l’autel, le Lasso s’illumina immédiatement, si brusquement qu’il noya la cave dans un éclair blanc.
Puis tout devint noir.
Ex-Jace
Super-Héros
Inscription : 04/10/2019
Messages : 839
DC : Personnage joué sur le compte Batman
Localisations : Archivé
Re: Gods & Monsters [PV. Wonder Woman] Jeu 11 Juin 2020 - 1:39
Puis tout devient blanc. Aveuglant. Encore. Arthur en a marre. Aller explorer une dimension oubliée probablement dangereuse à en mourir grâce à l'autel d'un obscur temple du Chaos souterrain passe encore. C'est une chose. Être malmené par les portails de ces-dits endroits en est une autre. Et autant les différences de luminosité sont un facteur qu'il sait gérer, autant subir les flashs magiques de ces portails lui déplaît fortement. Fort heureusement, l'éclatante clarté s'apaise vite, pour laisser place à... autre chose. Qui laisse l'Atlante dubitatif.
- Hrm.
Surprise. Surtout de la surprise. Il connaît l'essence de cet endroit. Il la ressent, bien plus intensément que la première fois. Lorsqu'il a suivi Klarion à travers l'immensité des chemins du Multivers. Le goût, l'odeur, le son de l'endroit lui avaient alors parus étouffés, comme s'il ne pouvait en capter toutes les nuances. Aujourd'hui, les choses sont bien différentes. Il n'est certes toujours pas seul, et ses objectifs sont toujours flous, mais il n'est plus le même homme. Un an est passé, pour lui. Suffisamment de temps pour changer. Pour s'améliorer. Pour apprendre quelques tours, aussi. Des tours qu'il applique immédiatement, en faisant s'élever du sol quelques gouttes d'eau bien vite changées en glace, aplaties, modelés, affinées afin de créer une gigantesque lentille grossissante. De quoi doubler leur perception déjà bien supérieure à la normale. Mais rien en vue. Rien. Hormis une immense plaine rase face à eux. Avec l'appel. Le même qu'ils ont ressenti dans ce sanctuaire ancien. Et derrière...
- Je sais où nous sommes. Skyland. La Sphère des Dieux. Là où Tous résident. Mais...
Il se retourne, pour contempler l'immensité rocheuse. Le pic, perdu dans les nuages, et pourtant bien visible de leur position. Un lieu de héros, de mythes et de querelles, parmi les plus fascinantes à entendre. Cet endroit a bercé son enfance, son imaginaire de gosse vivant au bord de la mer, sans aucune montagne à contempler.
Le Mont Olympe. Bercé, bordé par un ciel noir empli d'étoiles, immobiles. Un Mont Olympe silencieux. Abandonné. Mort ? C'est peut-être ce que Diana et Arthur vont découvrir, ensemble. Mais il n'y croit pas. Même s'il n'y a encore jamais réellement mis les pieds.
- ... je ne suis jamais venu ici.
Il pose son regard sur elle, prêt à la soutenir, à l'aider, à lui dire qu'elle n'est pas seule, que tout va bien se passer. Il chasse immédiatement ces pensées: ah, elle n'en a pas besoin ! Elle est Wonder Woman. La Princesse des Amazones. Leur Ambassadrice pour la Paix. Une véritable déesse. Son ton se fait malgré tout plus doux, compatissant, quand il pose sa main sur l'épaule de la guerrière.
- Hrm. Allons-y.
Tout droit en suivant cette trainée magique, ces petits cailloux divins laissés à ceux qui auraient assez de flair pour les suivre.
A croire que le destin réserve à Arthur les plus longues marches de tous les panthéons polythéistes. Après le périple au coeur d'Yggdrasil et du royaume d'Asgard, le voilà qui "se promène" au cœur des landes étrangement desséchées de l'Olympe. Plusieurs heures se passent. Ou en tous cas, l'impression qu'elles passent. Aquaman ne fait plus conscience à sa perception du temps en ces lieux chargés de magie. Tout y se déroule tellement lentement... La seule certitude est qu'ils parcourent une sacrée distance. Les herbes colorées se battent pour survivre au milieu des roches sèches et du sol craquelé, comme un vestige de la puissance fantasque de ceux qui vivaient alors sur ces terres.
Au rougeoyant succède la pâleur du blond de blé, et un ciel clair mais gris de nuages. Tout s'affadit, lentement mais sûrement. Et pourtant, la piste les mène jusque là, et s'accentue même. Tout comme la sensation de malaise d'Arthur. Sur ses gardes, il est prêt. A se battre, principalement, mais aussi à rencontrer l'étrange et l'inconnu. Malgré son inquiétude plus que justifiée, il apprécie réellement de cheminer aux côtés de l'Amazone, au cœur du domaine de ses Dieux à elle. Vraiment beaucoup.
Ils quittent finalement les plaines herbues pour entrer sur les terres désolées de Skyland. Et ils n'ont pas bien longtemps à marcher pour sentir le sol trembler, l'air vibrer et s'emplir d'une odeur terrible de souffre. Quelque chose approche. Quelque chose de gros. Quelque chose de puissant. Quelque chose de... de... De très gros. Et de très rapide. Une créature crainte par les Dieux eux-même. Un monstre à l'origine de tant d'autres, et de malheurs, et de peurs. Et ses ailes couvrent le ciel. Et sa gueule rugit comme le tonnerre et un éboulement de montagne. Et sa queue laisse un sillon que mille ans de déluge ne saurait remplir. Et ses yeux se fixent sur Diana et Arthur, comme deux volcans ardents. Gigantesque, inarrêtable, Typhon arrive.
Et sa voix se fait entendre. Une langue qu'Arthur ne connaît pas. Une langue ancienne. Une langue qui ferait craindre au plus valeureux d'entre tous que le sol s'ouvre sous lui.
Intrigué, coléreux, Typhon parle.
- DIANA PRINCE. ARTHUR CURRY. POURQUOI ÊTES-VOUS ICI ?
Re: Gods & Monsters [PV. Wonder Woman] Jeu 11 Juin 2020 - 16:42
Gods & Monsters
Diana n’était pas étrangère à la magie divine ; elle avait grandi à son contact et avait appris à la respecter et à la reconnaître. Au moment même où elle posa sa main sur l’autel et que la réalité autour d’eux s’évapora, elle identifia l’étrange sensation et ces mouvements cosmiques tout autour d’eux comme de la magie céleste. Puissante et sacrée, mais différente. Elle n’aurait su dire comment, ni même pourquoi, mais même alors que les plans extra dimensionnels d’autres réalités défilaient tout autour d’eux, qu’ils étaient ballotés et mis à mal par le voyage, elle sut instinctivement que cette magie-là était empoisonnée, comme l’avait été l’air dans la grotte. C’était divin et puissant, oui, mais c’était aussi infernal et sombre. Une odeur âcre lui remplissait les narines. Elle ne pouvait ni bouger, ni ouvrir les yeux, et il lui sembla que le transport dura des heures, des jours entiers. Elle sentait toujours le Lasso autour de sa main, et elle s’agrippa à sa chaleur. Elle s’agrippa à la certitude qu’il faisait naître en elle qu’Arthur était là, quelque part, près d’elle – si tant est que les notions d’espaces et de temps aient encore un sens dans ce gouffre intra dimensionnel.
Puis, finalement, enfin, le sol se matérialisa de nouveau sous leurs pieds.
Diana ouvrit vivement les yeux et se tourna tout aussi rapidement vers Arthur afin de s’assurer de sa présence, mais aussi de son état. Le portail les avait avalés avant qu’elle ne puisse faire quoi que ce soit, et dans la grotte, Arthur s’était tenu hors de sa portée, de l’autre côté de l’autel. Ils n’étaient plus dans la grotte, même plus sur Terre, elle le savait déjà, mais leurs positions n’avaient pas changées. Arthur était face à elle, les sourcils froncés, les lèvres entrouvertes mais de toute évidence sain et sauf.
Le regard de Diana fut alors attiré par l’immensité par-dessus l’épaule d’Arthur. Alors que lui regardait derrière elle, elle ne pouvait détacher son regard des vastes plaines et du relief massif qui se dressait devant elle. La montagne était haute, si haute que son sommet disparaissait dans l’obscurité du ciel si étrange au-dessus de leurs têtes. Elle tendit la main et referma ses doigts autour du poignet d’Arthur tandis que ce dernier pivotait enfin pour regarder dans son dos. Elle savait où ils étaient, peut-être pas aussi intimement qu’Arthur, mais son instinct était suffisamment fort et attentif. Il leur était impossible de ne pas entendre cet appel qui, sur Terre, n’avait été guère plus qu’un murmure, mais qui revêtait ici le vêtement d’un tiraillement physique. Quelque chose s’était accrochée à ses tripes et cherchait à la tirer. Quelque chose de divin.
« L’Olympe, » dit-elle avec un petit sourire en jetant un regard à Arthur. Elle lui tenait toujours le bras, et après le vide prenant du portail qui les avait envoyés ici, elle appréciait trop sa proximité pour le lâcher tout de suite. « L’Olympe telle qu’elle était, il y a des siècles de cela sur Terre, avant que mes Patrons ne la déplacent ici, à l’abri. »
Elle marqua une pause, et une vision s’imposa à elle. Elle visualisa les plaines vertes de Grèce, les hautes colonnes blanches, et l’ombre de l’Olympe, à la fois imposante et rassurante. Les points lumineux sur ses flancs escarpés, signes que quelque part dans le ciel, les Dieux allumaient les flambeaux de leurs temples également.
Elle cligna des yeux et la montagne emplit de nouveau son champ de vision. Si large et si haute qu’elle ne pouvait voir ce qu’il y avait derrière et que lever la tête ne suffisait pas en voir le sommet. Mais surtout, éteinte. Silencieuse.
« Enfin… presque, » se reprit-elle.
Elle hocha la tête quand Arthur ouvrit le chemin et se mit tout de suite en route à côté de lui. Le rythme qu’ils s’imposaient d’eux-mêmes ne lui laissait pas l’occasion de continuer à lui tenir le bras alors elle le lâcha rapidement, mais ils restèrent suffisamment proches l’un de l’autre pour que leurs bras se frôlent par instant. Et vite, très vite, ils tombèrent dans une sorte de régularité calculée. La marche serait longue, c’était évident, et leur énergie devait être rationnée. Le silence tomba sur eux, seulement dérangé par un nuage de poussière soulevé à leurs pieds par-ci par-là ou par le son de leur respiration.
Plus ils avançaient et plus l’Olympe semblait reculer. Sa taille si massive n’était en aucun cas un signe de sa proximité. Elle semblait impossible à atteindre, et Diana ne put s’empêcher de penser à Sisyphe, condamné par les Dieux à rouler au sommet d’une montagne une lourde pierre en échange de sa libération. Une pierre qui, à chaque tentative, à chaque montée, lui glissait hors des mains et retombait aux pieds de la montagne. Arthur et elle étaient Sisyphe. Le temps ne semblait pas s’écouler, juste la distance sous leurs pieds et pourtant, ils ne se rapprochaient pas. L’ombre de l’Olympe même ne leur était même pas accessible.
« Ces terres sont empoisonnés, » lâcha finalement Diana après… quoi ? Plusieurs heures ? Un jour ? Seulement quelques minutes ? Comment le savoir ? Les seuls marqueurs autour d’eux se trouvaient dans le paysage qui avait évolué au fur et à mesure de leur marche. Mais quelle conclusion pouvait-on en tirer ?
Diana baissa les yeux vers le Lasso qui était toujours enroulé autour de sa main, et elle se stoppa.
« Attends, Arthur, » dit-elle.
Sans rien dire, elle attrapa l’autre extrémité du Lasso et tira dessus pour en dérouler plusieurs dizaines de centimètres. Elle dégaina une dague effilée cachée dans une de ses bottes et coupa le Lasso. Il était magique. Elle l’avait déjà privé de plusieurs mètres au fil des ans, mais jamais il ne raccourcissait.
« Donne-moi ta main. »
Elle lui attrapa le bras sans attendre et lui tourna la paume vers le ciel. Sans rien, elle commença à enrouler son bout de Lasso autour de sa paume, passa au-dessus de son pouce puis retomba autour de son poignet avant de remonter vers son coude.
« Il t’aidera à voir ce qui est vraiment, » ajouta-t-elle en guise d’explications. Elle referma doucement les doigts d’Arthur pour s’assurer que le Lasso était bien fixé et releva les yeux vers ce dernier. « Les Dieux sont des êtres dangereux Arthur, que ce soit mes Patrons ou ceux d’autres peuples. Fis-toi toujours à ce que le Lasso te dit. La Vérité, jamais, ne te fera défaut. »
Elle tapota ensuite sur ses doigts puis lui lâcha le bras.
« Allons-y. Même si je commence à croire que nous n’atteindrons jamais notre destination. »
Ce n’était pas du fatalisme, non. Ces terres étaient pesantes, imprégnées de magie, et si cette magie avait décidé qu’Arthur et Diana n’avaient pas le droit d’atteindre l’Olympe, ils ne l’atteindraient jamais. Mais il ne pouvait pas non faire demi-tour, pas avec ce tiraillement dans leurs entrailles, cette poussée inlassable qui les forçait à essayer, au moins. Elle ne doutait pas que les évènements se mettraient en route tôt ou tard, et elle était prête. En attendant, elle suivrait la voie qu’on attendait d’elle.
Et en effet, les choses se mirent en mouvement. Cela commença par un grondement sourd sous leurs pieds, puis vint une odeur terrible qui s’engouffra dans leurs poumons et leur brûla le fond de la gorge. Ils s’arrêtèrent d’un même mouvement alors qu’une forme monstrueuse se profilait à l’horizon. Diana eut à peine le temps de cligner des yeux que déjà le serpent affreux, le monstre légendaire était sur eux. Si haut et si massif qu’il parvenait à bloquer de leurs vues une partie du mont Olympe.
Il était là, donc, leur droit de passage.
Le vent se leva, les ténèbres vinrent obscurcir le ciel et une ombre épaisse et dense leur fondit dessus. Typhon les avait pris pour cible, et nul ne viendrait briser sa course. Il était ouragan et catastrophe, vague scélérate et inévitable. Le cœur de Diana s’emballa, mais elle tint bon. Elle posa une main sur le torse d’Arthur et se glissa devant lui, non pas pour l’écarter du combat ou pour le diminuer, mais plutôt pour… Ah. Autre chose. Pour le protéger.
« Typhon ! » cria-t-elle en réponse à la voix du monstre qui, telle un orage violent, les avait heurté de plein fouet. « Tu sais qui nous sommes ! Tu sais quel sang coule dans mes veines ! »
Elle parlait la langue de son peuple, la langue ancienne qui la liait aux Dieux, à l’Olympe, mais aussi au passé de Typhon. Si elle avait compris ce qu’il avait dit, les mots qu’il avait utilisés, ce n’était pas sa langue à elle. C’était le langage de la destruction et de la force qui terrasse de Typhon. Choisir de ne pas l’utiliser pour répondre passerait, elle l’espérait, comme un signe de respect.
Elle leva sa main libre devant elle, celle autour de laquelle le Lasso brillait avec intensité.
« Vois le Lasso de Vérité, forgé par Héphaïstos avec les flammes d’Hestia ! » Son regard passa d’un œil volcanique à l’autre. Le feu était sacré. Le feu faisait partie de Typhon.
« Nous avons été appelés sur ces Terres ! Nous ne venons pas les envahir ! Nous avons été invités, on nous a invoqués ! Typhon, fils de Gaia ! Vois le Lasso, écoute la Vérité ! »
Elle tourna la tête vers Arthur. Le sol tremblait si fort sous leurs pieds qu’ils peinaient à maintenir leur équilibre, mais ils tenaient bon, aussi bien l’un que l’autre.
« S'il attaque, fuir ne servira à rien, » souffla-t-elle. « Il nous faudra combattre. » Son regard se fit un peu plus intense. « Arthur, Typhon est parfois ouragan, parfois cracheur de feu. Si j’ai les flammes, tu as l’eau. »
Elle ne croyait pas au hasard, pas ici. Ils avaient déjà convenus tous les deux que leur association n’était le fruit d’aucun jeu de fortune. Pour cette quête plus que pour n’importe quoi d’autre… ils se complétaient.
Ex-Jace
Super-Héros
Inscription : 04/10/2019
Messages : 839
DC : Personnage joué sur le compte Batman
Localisations : Archivé
Re: Gods & Monsters [PV. Wonder Woman] Ven 12 Juin 2020 - 18:16
Spoiler:
Arthur fronce les sourcils. Cela ne lui pose pas le moindre souci en soi que Diana souhaite passer la première pour affronter la créature qui leur fait face... une créature haute comme un building, et rapide comme la foudre. Elle est une guerrière d'exception, la meilleure de son temps. Ce qui le gêne en revanche, peut-être émanant d'une pointe de virilisme ma placée dans son petit cœur (sûrement même), c'est la main que son amie pose sur sa poitrine, pour le garder derrière. Pour le... protéger ?
- Hrm.
Grondant. Piqué au vif. Il ne fait pas de remarque, pour autant. Le moment est très loin d'être propice. D'autres affaires plus urgentes restent à régler, comme se préparer pour un combat aux proportions mythologiques face à l'une des bêtes les plus redoutables que la Terre ait jamais portée. Typhon, fils de Gaia et de Tartare, père des Gorgones, du gardien Cerbère, de la redoutable Chimère, du Sphinx aux milles mystères, de l'Hydre aux multiples têtes, du sanguinaire Lion de Némée et bien d'autres monstres encore. Le poing fermé, il fixe l'insoutenable et ardent regard de l'obstacle qui leur barre la route.
Diana sera le Feu. Arthur sera l'Eau. Une complémentarité exemplaire. Parfaite.
- Entendu.
Mais... Un crissement leur perce les tympans. Comme le métal contre le métal, frottés l'un contre l'autre. Un roulement apocalyptique se répète, plusieurs fois, monstrueusement désagréable. L'Atlante lève les yeux, une grimace aux lèvres. Soupir.
Il ne connaît pas la langue que parle Typhon, ce dialecte de feu, de rage et de puissance, mais il est sûr d'une chose: il comprend ce qui se passe, là. Très, très bien même. Même pas besoin du Lasso pour ça.
- AH AH AH AH AH AH.
Il rit. Cet abominable colosse reptilien rit. Se moque d'eux. Les tourne en ridicule.
- Hrm.
Arthur se sentirait presque vexé, si la situation ne semblait pas si... désespérée. Il jette un regard à Diana, pose sa main sur la peau de son bras, sous laquelle roulent des muscles amazones d'acier, et vient se poser à ses côtés. Pas derrière. Pas protégé. Ils seront unis dans ce combat, où ils ne seront pas. Pourtant, Typhon n'attaque toujours pas.
- LES OLYMPIENS, TOUJOURS PROMPTS A S'ENFLAMMER.
Avec la vitesse de celui qui ne sacrifie au temps que les secondes qui passent, rien de plus, Τυφῶν écarte ses larges ailes de cuir, cachant encore un peu plus la salvatrice lumière du soleil de Skyland, et abaisse son corps serpentin vers eux. Il n'est pas Méduse, pourtant son regard pétrifie Arthur. Il n'est pas Chronos, pourtant les astres semblent s'être tous arrêté. Il n'est pas Phobos, pourtant tout ce qui est matière le fuit.
- JE SUIS PRISONNIER EN CES TERRES, DIANA PRINCE. ME CRAINDRE REVIENT A CRAINDRE LE SOUFFLE DU VENT OU LA COURSE DU TEMPS.
Il choisit terriblement bien ses mots, car le temps et le vent sont des choses que toute vie vient à craindre un jour ou l'autre. Prisonnier impuissant ou pas, sa présence influe terriblement sur l'endroit, ne laissant au sol que terre calcinée, ravagée, et ce à jamais. La bête souffle alors, et son haleine de soufre et de cendres vient roussir leur peau, leurs sourcils, leurs cheveux. Leurs poumons hurlent d'agonie, alors qu'Arthur serre les dents, soutenant la présence infernale devant lui du mieux qu'il peut. Le Lasso lui offre réconfort et protection. La présence de Diana à ses côtés, aussi. Surtout la présence de Diana.
- MAIS TU NE M'AS PAS RÉPONDU. POURQUOI ÊTES-VOUS ICI ?
Le rire de la terrible créature était une toile de fond des plus étranges – terribles, même – pour ce qu’il se passa quand Arthur posa une main sur son bras. Diana tourna la tête vers lui et elle le vit, comme au ralenti, s’avancer, se dégager de la posture défensive qu’elle avait adoptée pour ensuite se placer à ses côtés. Fier et grand. Typhon riait toujours, et son rire faisait grésiller les tympans de Diana ; il lui semblait même que ses os réagissaient sous sa peau. Ils vibraient et un froid intense les englobait. Jamais elle n’avait entendu de son plus terrifiant, plus annonciateur de catastrophes que celui-là, et pourtant… Arthur passait à côté d’elle pour se mettre à sa hauteur et leurs regards se croisaient, et le temps ralentissait. Elle comprit qu’elle l’avait blessé, en quelque sorte, en essayant de le maintenir en arrière. Elle comprit que malgré l’horreur de ce rire, malgré l’odeur de mort qu’il semblait charrier, il n’était pas la seule chose qui importait. Elle comprit également que malgré l’incroyable pouvoir de la créature qui se tenait juste devant eux… elle n’était pas seule.
Elle écarta donc sa main du torse d’Arthur, et ce, sans le lâcher du regard. Elle ferma brièvement les yeux et le salua d’un léger signe de tête. Les excuses viendraient plus tard. Mais il devait savoir qu’elle comprenait, qu’elle était désolée et que, surtout, elle le suivrait sur ce chemin. Ils se tiendraient face à Typhon ensemble. N’avait-elle pas dit qu’ils étaient complémentaires dans cette bataille ?
Feu et eau. Côte à côte. C’était le début d’un bon plan, pour être honnête.
Elle reporta donc son regard vers Typhon, et lui faire face lui coûta. Cela lui coûta de maintenir son regard, de ne pas se détourner quand il se rapprocha, ni-même de s’écarter quand il souffla. L’air autour d’eux était toxique, surchargé par le mal transporté par Typhon. La lumière du soleil n’était que souvenir tant son ombre était large et épaisse. Se tenir si prêt de lui revenait à voler à quelques centimètres au-dessus d’un magma en pleine éruption ; le froid qu’elle avait ressenti à peine quelques secondes plus tôt s’était évaporé, maintenant remplacé par une sensation de brûlure sur tout son corps. Et pourtant, ils tenaient bons, l’un comme l’autre. Côte à côte.
« Il nous demande ce que nous faisons ici, » dit-elle en tournant la tête vers Arthur.
La peau du visage de ce dernier avait rosi, rougi même, faisant ressortir de légères taches de rousseur dues à une exposition continue au soleil. Elle ne devait pas avoir l’air mieux elle-même. Elle était même presque sûre d’avoir détectée l’odeur si particulière de cheveux qui brûlent, et si elle venait à passer sa main dans ses boucles, elle en trouverait certaines bien raccourcies, indubitablement.
Mais ils tenaient bons.
« Je vais lui dire la vérité, » ajouta-t-elle finalement.
Elle leva sa main enroulée dans le Lasso entre eux et esquissa un sourire à Arthur. Ils feraient face de toute façon.
Elle reporta donc son attention sur Typhon et prit une profonde inspiration. Une erreur qu’elle paya quand la sensation de brûlure voyagea à travers tout son système respiratoire.
« Nous répondons à un appel, Typhon. Un appel au secours. » Elle redressa le menton. « Nous sommes venus libérer les Dieux Olympiens, car quelque chose semble les retenir sur ces Terres et les empêcher de repartir. »
Elle prit un instant pour regarder Typhon de haut en bas.
« Ils sont venus ici de plein gré. Skyland n'est pas une prison pour eux. Pourtant, quelque chose empêche leur départ. Sais-tu quelque chose à ce sujet ? »
Ex-Jace
Super-Héros
Inscription : 04/10/2019
Messages : 839
DC : Personnage joué sur le compte Batman
Localisations : Archivé
Re: Gods & Monsters [PV. Wonder Woman] Mer 24 Juin 2020 - 18:10
La vérité ? Toute la vérité ? La glotte d'Arthur tressaille subrepticement. Rien n'est plus grand et fort que la vérité, surtout maniée entre les mains expertes de la légendaire Wonder Woman. Mais avouer au fléau de l'Olympe leur sauvetage improvisé et la libération des Dieux grecs, cela lui semble, sur le moment, une idée au mieux farfelue, au pire suicidaire. Mais sans meilleur plan en main, il incline la tête en silence, et laisse faire l'Amazone. Il n'a jamais été le dernier pour les manœuvres risquées, alors s'abstenir de tout jugement lui paraît être la bonne solution. Écraser son inquiétude, également. Il est avec Elle. Rien ne peut les arrêter. Pas même ce Titan aux proportions inégalées, capable de cacher le ciel tout entier avec sa tête et de labourer la terre de son souffle ardent.
Les mots sont alors prononcés, avec force. Malgré la situation, Arthur ne peut s'empêcher de ressentir une pointe d'admiration. Même face à la Destruction, Diana tient bon, tient debout, tient tout simplement. Avec cet exemple à suivre, il est certain d'arriver au bout de cette aventure. Au bout de sa quête.
La réaction... se fait attendre. Typhon ne cille pas. Typhon ne grogne pas. Typhon reste silencieux. De trop. Nombreuses. Secondes. Le temps file. Sans que quiconque ne puisse le capter. C'est long. Mais Arthur n'ose pas briser cette immobilité. Ce calme étrange. Enfin, au bout de ce qui a dû être une réelle éternité, la Bête bouge. Elle se redresse, regagnant toute sa hauteur. Ce simple mouvement répand un air vicié, brûlant autour d'eux. D'ici la fin de toute cette histoire, nul doute qu'Aquaman tiendra plus du Maori à la peau de bronze et aux cheveux noircis par le feu que du blond aux yeux bleus. Atlantis l'acceptera peut-être davantage, cela dit ?
- LES... OLYMPIENS...
Le grincement ancien est lent. Puissant. Le monstre pèse ses mots, les caresse, les polit. Avec toute la force de sa haine. Arthur le sent, ça. Son esprit, sa seule réelle force ici, capte la colère infernale, la rage à peine dissimulée, l'envie de déchirer, déchiqueter, ravager qui bouillonne dans chaque fibre du père des mille monstres de la Grèce antique. Mais... il y a autre chose. Un froid glacial qui vient ralentir ces désirs de mort. Un froid... de peur ?
Sa seule main valide vient toucher l'épaule de son amie, de sa proche, pour la rassurer. Homme de peu de foi, il a négligé le pouvoir universel de la vérité. Il n'aurait pas dû.
- DIANA DE THEMYSCIRA. PRINCESSE DES AMAZONES. FÉTU DE PAILLE. TU AS DE LA CHANCE.
Une provocation. Inattendue... car purement gratuite. Comme si... la bête se ménageait un moyen de ne pas sacrifier sa réputation d'ouragan sur pattes, de monstre incorruptible. De créature effrayante. Si il y a bien une bête qui n'en a pas besoin, c'est bien elle.
- DE LA CHANCE QUE TES PRÉCIEUX PATRONS SOIENT AUX MAINS DE QUELQUE CHOSE QUE JE DÉTESTE PLUS ENCORE QU'EUX.
Est-ce que... Typhon sourit ? Le doute est permis ! Arthur ne peut s'empêcher de jeter un regard à Diana. L'immense gueule s'étire en une longue grimace, dévoilant une dentition terrible, aux crocs si massifs qu'ils sont visibles même depuis le sol. Si seulement c'était sa seule arme...
- APPORTE LA FLAMME DE LA VÉRITÉ DANS LE TEMPLE DE ZEUS. VOUS N'EN ÊTES PLUS TRÈS LOIN. ET QU'ELLE S’ÉTOUFFE AVEC.
Sans plus s'intéresser au ridicule petit duo à ses pieds, il s'éloigne ensuite, lentement. Le sol tremble, de moins en moins au fur et à mesure que sa silhouette rétrécit à l'horizon, loin au milieu de ces terres malades, désolées, mortes. Un soulagement intense emporte Arthur ! Ils ont réussi ! Enfin... il l'espère de tout cœur. Au moins, le combat a été évité, et cette victoire en soi mériterait presque d'être célébrée, si le moment était propice. La libération de toute cette tension monte toutefois à la tête de l'Atlante, alors qu'il pousse un grand soupir soulagé en serrant Diana dans ses bras.
Trois secondes passent. Agréables. Douces. Juste trois secondes.
Et il la lâche juste après. Immédiatement. Peut-être un peu brusquement. Pour se frotter l'arrière du crâne, sa main fourrageant dans sa chevelure roussie.
- Hrm.
Gêne, intense, profonde, qui viendrait lui rougir les joues si le souffle de Typhon ne s'en était pas déjà chargé. Le bleu clair de ses yeux se trouble, alors qu'il le dirige vers l'immense montagne qui les nargue. Tête claire, esprit dégagé: Arthur, cesse tes idioties. Plus de folie de ce genre. Il écoute attentivement son amie expliquer les propos du monstre, sans réussir à se départir d'une raideur dans la mâchoire.
- Allons présenter nos hommages aux Dieux alors.
Ses pas ouvrent la marche, foulant la poussière, ce qui a jadis été vie. Mais il s'arrête vite. Parce qu'il a quelque chose à dire. Alors il se tourne vers Diana, le sourire toujours un peu crispé, mais un peu plus déterminé. Beaucoup plus déterminé, même. Le cœur bien embrouillé, l'âme rosie par le contact, la peau rougie par le soufre, le fils de la Terre et de la Mer invite la Princesse des Amazones à lui emboîter le pas:
Re: Gods & Monsters [PV. Wonder Woman] Mer 24 Juin 2020 - 23:27
Gods & Monsters
Il ne faisait nul doute que si Arthur et Diana avaient été humains, ils auraient déjà succombé à la présence de Typhon. Il semblait que tout se pliait à sa volonté, et ses terres l’avaient supporté pendant trop longtemps pour revenir à la vie. L’air était vicié, le sol sous leurs pieds mort, et quand Typhon s’interrompit et s’immobilisa, le temps même sembla se figer pour l’accompagner. Pourtant protégée des illusions par le Lasso de Vérité qui illuminait toujours la peau rougie de son bras, Diana eut la très nette impression qu’elle aussi avait été privée de la liberté de ses mouvements. Elle était suspendue dans la destruction qui entourait Typhon, soumise aux vagues de chaleur et de poison qui s’échappaient de lui. Elle aurait voulu pouvoir tourner la tête vers Arthur, rien que ça, pour s’assurer de sa présence, mais elle n’osait bouger. Typhon était en train de peser le pour et le contre – elle pouvait presque sentir le souffre généré par la lourdeur de ses pensées, et elle craignait que le moindre mouvement de sa part ne fasse basculer la balance en leur défaveur.
Elle n’avait qu’une chose à faire : tenir bon.
C’est ce qu’elle tenta de faire quand Typhon se remit en mouvement. Il se redressa de toute sa hauteur et jeta une nuit artificielle sur eux tandis que le roulement de ses muscles irradia une nouvelle vague de chaleur et de poison. L’air brûla la peau de Diana, attaqua son visage et la grignota petit à petit, cherchant à la pousser à bout. Elle avait connu bien plus renversant comme douleur, mais la constance de cette dernière et l’impossibilité totale de lui échappait la rendait encore plus insidieuse. Quand elle se passa la langue sur les lèvres, dans l’espoir vain de les réhydrater, sa bouche s’emplit du goût ferreux du sang.
Mais elle tint bon. Elle baissa son bras mais releva les yeux directement vers ceux de Typhon, et ses rétines la supplièrent de s’en écarter. Mais elle tint bon. Son corps la força à pleurer pour tenter de contrer le dessèchement intense qu’une telle vue provoquait, mais elle tint bon. Depuis que Typhon s’était remis en mouvement, elle avait de nouveau conscience de la présence d’Arthur à ses côtés, et elle en tirait toute la force dont elle pouvait avoir besoin. Elle n’était pas seule. Elle n’avait pas peur.
Ce fut grâce à ce contact visuel qu’elle capta la peur de Typhon. Un froid glacial s’échappa de sa gueule terrible. Brièvement, mais dans la fournaise qu’il générait habituellement, cela ne passa pas inaperçu. Quand il baissa de nouveau les yeux vers elle et que ses yeux se remirent à pleurer, il savait pertinemment qu’il pourrait la tuer d’un claquement de mâchoire, et elle, elle savait qu’elle ne tiendrait pas éternellement face à un tel supplice. Mais il savait aussi qu’elle avait détecté cette peur, et qu’elle le savait. Le déséquilibre entre eux s’en trouvait largement diminué. Il l’insulta en guise de vengeance, et elle ne put retenir un léger sourire face à sa tentative de reprendre le dessus. Elle connaissait les insultes. Dans le monde des Hommes, elles étaient souvent les armes préférées des étriqués d’esprit, de ceux tellement imbus de leurs complexes de supériorité qu’ils craignaient qu’on les détrône d’un trône qui n’existait pas. Elle avait la peau dure.
Elle essuya une traînée de larmes d’une main, certes tremblante, mais ferme malgré tout.
« Tyché semble m’avoir offert ses faveurs pour cet odyssée, alors, » dit-elle. « Ou peut-être que cette chance ne vient que de toi, Typhon, et si cela doit être le cas, moi, Diana de Themyscira, Princesse des Amazones… » Elle marqua une pause. Fétu de paille. « … te remercie de ta clémence. »
Elle parlait avec respect, et le Lasso autour de son bras l’empêchait de mentir. Quiconque serait bien assez fou pour écouter la conversation dans l’ombre ne noterait que diligence et politesse dans le ton de Diana, mais l’insulte était belle et bien là. Typhon n’était pas le seul à savoir manier les mots, et Diana avait bien plus d’expérience qu’elle n’aurait souhaité avoir dans l’art de faire face à des créatures divines, des Dieux et des Déesses trop imbus d’eux-mêmes pour se remettre en question. Typhon, maître de la destruction et de la colère des éléments, venait de se voir remercier pour sa clémence par un être qu’il venait de décider comme étant inférieur. C’était ce qu’on appelait un retour de manivelle.
Diana fit face au sourire terrible qui suivit, en grande partie sauvée par les larmes qui floutaient sa vision. Typhon ne choisit pas de relever l’insulte, mais il camoufla avec grande maladresse une menace dans ses derniers mots. Il n’y avait aucune clémence dans les informations qu’il leur donnait, car elles n’étaient pas complètes. Et, surtout, il semblait se réjouir de la menace qui les attendait ainsi que de leur ignorance. Le cœur de son complexe de supériorité se trouvait dans ce savoir, et nulle part ailleurs. Ravi de son effet, de ce qu’il considérait certainement comme étant une victoire de sa part, Typhon s’éloigna finalement dans un concert de grondements et de coups de tonnerre. Diana n’esquissa pas un seul geste. Pas tant qu’il était encore là, pas tant que l’horizon ne l’avait pas avalé. Pas tant qu’elle pouvait encore sentir la puanteur de sa présence sur le bout de sa langue. Elle n’essuya aucune larme, ne vérifia aucune égratignure, rien. Elle ne bougea pas.
Quand, enfin, le silence reprit ses droits sur les terres de Skyland, elle laissa échapper une bouffée d’air. Un oxygène pur et à peine vicié par le souvenir de la présence de Typhon s’engouffra dans ses poumons. Le soulagement fut immédiat.
Elle commença à se tourner vers Arthur, mais ce dernier fut plus rapide. Ses bras se refermèrent autour d’elle sans qu’elle ne les ait vus venir, et elle se retrouva prise dans cette étreinte plus que bienvenue. Elle noua ses propres bras dans son dos et le serra contre elle à son tour. Il sentait le brûlé et le souffre, mais il y avait toujours un peu de lui sous la couche laissée par Typhon. Elle capta un rappel lointain de sel et d’embruns marins, et elle en profita pleinement. Elle savait que si elle avait été seule, elle aurait continué son chemin sans se laisser abattre par cette entrevue avec Typhon, mais elle savait aussi que ça aurait bien plus difficile que ça ne le serait là, avec Arthur.
Quand il s’écarta, elle ne put s’empêcher de lui sourire, malgré les pensées obscures que les derniers mots de Typhon avaient créées en elle. Son regard fut instinctivement attiré par la longueur du Lasso qui était toujours noué autour du bras d’Arthur et qui, à chaque seconde de chaque minute, continuait de le pousser vers sa vérité à elle. Arthur n’était pas prompt aux embrassades, en temps normal. Tout du moins… pas en surface.
Elle assura que son Lasso était toujours aussi bien noué autour de son bras tout en lui racontant avec détails l’échange qu’elle venait d’avoir avec Typhon. Quand elle en arriva à l’insulte de ce dernier, elle échangea un regard malicieux avec lui, un regard qui n’avait certainement rien à faire avec le sérieux de la situation, mais que le Lasso refusait de la laisser ravaler.
« J’ai déjà entendu bien plus créatif comme attaque à mon encontre, » commenta-t-elle avant de reprendre.
Il ne lui fallut quelques phrases pour finir son récit et quand ce fut fait, ils se dévisagèrent en silence quelques instants. Son examen du Lasso autour de son bras lui avait révélé quelques brûlures là où sa peau était nue, et Arthur portait lui aussi les traces physiques de leur face à face avec Typhon. Elle sentait son propre visage tiraillé, rongé jusqu’au sang à certains endroits et ses yeux brûlaient encore.
« Allons présenter nos hommages, » dit-elle à son tour.
Ils se remirent en mouvement, mais Arthur se stoppa presque immédiatement. Amusée, Diana le dévisagea. Quel duo étrange ils devaient faire tous les deux ! Brûlés, asséchés mais le regard empli de détermination. Elle leva la main et s’empara d’une des mèches de cheveux qui encadraient le visage d’Arthur et qui, par conséquent, avait subi le plus gros des dégâts. Elle fit la moue quand ses doigts atteignirent la partie la plus endommagée.
« Nous aurions dû partir avec un peu d’eau. »
Sa propre voix lui paraissait un peu enraillée à cause de tout l’air ardent qu’elle avait respiré.
« Je doute que le chemin ne soit très long, maintenant, et je crois qu’il vaudrait mieux que nous y arrivions avant que Typhon ne change d’avis, ou qu’une autre créature bannie ne se décide à nous barrer le chemin. Si tu détectes un peu d’eau dans les alentours alors que nous avançons, dis-le-moi, d’accord ? Ce serait un détour utile. »
Elle repoussa la mèche de cheveux qu’elle glissa derrière l’oreille d’Arthur.
« Sinon, il faudra s’en remettre à ton ADN d’Atlante pour réparer les dégâts, » ajouta-t-elle, avec un petit sourire en coin.
Elle lui donna un léger coup de coude joueur dans les côtes avant de se remettre en route. Typhon n’avait pas menti : ils n’étaient plus loin de leur objectif. Alors que le Mont Olympe leur avait paru impossible à atteindre avant que Typhon ne leur bloque le passage, il était clair maintenant que la montagne se rapprochait à vue d’œil. Les magies qui hantaient ces terres dépassaient Diana, et elle était encore plus reconnaissante du fabuleux trésor qu’était le Lasso. Ne pas savoir ce qui était vrai, ou ne pas se rendre compte d’influences extérieures lui semblaient être de bien pires tortures que le face à face qu’ils avaient enduré avec Typhon.
« Arthur, regarde, » dit-elle finalement après … quoi, quelques heures de marche ? Une demi-heure ? Même l’influence du Lasso avait ses limites dans un tel plan de réalité. « Là-bas. »
Elle leva la main et désigna un sentier qui n’avait pas existé jusque-là. Ils avaient marché dans la poussière de terres arides et abandonnées, sans chemin à suivre. Ce petit sentier ne payait pas de mine, mais c’était bien plus que ce qu’ils avaient eu, et la terre qui le recouvrait semblait moins… sèche.
« C’est le chemin qui remonte l’Olympe, » rajouta-t-elle, du tac au tac. Elle avait parlé sans le savoir, mais alors que les mots quittaient sa bouche, elle sut qu’elle avait raison.
Le Lasso à sa main brillait avec intensité. Elle se tourna vers Arthur et le dévisagea un instant.
« Prudence, mon ami. Quelque chose me dit qu’on est déjà au courant de notre venue et que, déjà, des choses sont en mouvement dans l’ombre. »
Elle tendit sa main, celle qui était prise dans les boucles du Lasso et attrapa celle d’Arthur. Lasso contre Lasso, paume contre paume.
« Prudence, » répéta-t-elle dans un murmure.
Ils reprirent ensemble leur marche jusqu’à ce que, finalement, le Mont Olympe ne se trouve juste au-dessus de leurs têtes. Le sentier s’étirait le long de son flanc, passant d’un niveau à l’autre avec aisance. Le Temple de Zeus, éclatant sous le soleil impardonnable du Skyland, semblait les dévisageait sur les hauteurs.
Diana échangea un regard avec Arthur, esquissa un léger sourire et, ensemble, ils commencèrent leur ascension.
La douleur est là, terrible, poignante. Cette brûlure ronge Arthur petit à petit, érodant sa volonté, grattant un peu plus son courage à chaque pas accompli. Sans eau, et confronté à une telle chaleur, l'affaiblissement est total. Ses fabuleuses facultés ne réagissent plus aussi vite, ni aussi bien, et sa régénération peine à fonctionner. Un état difficile à supporter pour quelqu'un qui ne se considère plus assez... bien. Incomplet. Peu utile, au milieu de la foultitude de héros aux dons mille fois supérieurs aux siens. Il est un molwark. Mais il ne lâchera pas. Pas avec Wonder Woman à ses côtés. Pas si prêt du but. Pas comme ça. Leur aventure inattendue touche terriblement à son but, et Typhon est loin désormais, dissimulé par cet étrange horizon. Rien, absolument rien ne doit le faire hésiter. Ni reculer. Alors il serre les dents, profitant de la fraîcheur retrouvée du vent. Une véritable renaissance épidermique, comparée à l'atmosphère caniculaire dans laquelle le monstre grec baigne d'ordinaire.
A peine s'est-il arrêté pour conclure ses propos que Diana vient observer sa peau, et ses cheveux, avec une attention toute particulière. Un léger malaise, grandissant, s'empare de l'Atlante, qui sourit tant bien que mal. La moindre occasion de changer de sujet lui semble bonne à prendre; saisir la perche tendue est un exercice que tous les héritiers royaux sont amenés à maîtriser.
- Tu veux dire... un peu d'eau comme ça ?
D'un faible mouvement de la main, tout en rondeurs, il excite les forces magiques de Skyland pour en retirer quelques gouttelettes qu'il amalgame en une bien belle rasade fraîche, brillante sous le soleil ardent des terres divines. De quoi s'humidifier correctement avant de continuer la suite du voyage. Avec un léger sourire, Arthur fait glisser devant lui l'éclatante courbe d'eau, profitant de sa fraîcheur, avant de l'approcher de Diana.
- C'est peu, mais ce sera tout ce que nous aurons, Diana. Prends. Je veux que tu ailles bien, tu es bien plus importante.
Il grimace. Ce n'est pas exactement ce qu'il a voulu dire. S'il l'avait pu, il aurait lancé une bravade comme quoi son ADN d'Atlante pouvait l'encaisser, qu'il était suffisamment solide pour ça et que peu importait. Mais le lasso qui s'enroule autour de sa main le pousse à dire les choses telles qu'elles sont. En son for intérieur, soumis comme il est à la Vérité, il espère que son amie ne lui posera pas de question... trop... profonde. Déjà qu'il ne sait comment réagir pour une simple mèche passée derrière son oreille...
Mais impossible de ne pas sourire quand Diana lui met un petit coup de coude amical. Cette proximité lui plaît, lui donne des forces. L'Homme est un animal politique; l'Aquaman l'est encore plus. Alors il inspire profondément, et reprend la marche vers l'Olympe. Du temps, informe, difforme, changeant, fluctuant, passe. Il s'étend, se détend, se déroule et s'enroule selon une logique inhumaine, selon un schéma hors de portée de l'esprit simple des terriens. Et pourtant, la silhouette du Mont semble se rapprocher vite, plus vite que toute la marche qu'ils ont pu abattre avant. Comme si Typhon leur avait ouvert un chemin, un passage dérobé dans l'étrangeté spatio-temporelle des Skylands. Ce qui semble étrange, quand on considère la créature dans son entièreté.
Le soleil ne s'arrête pas de taper, cependant, rendant les derniers kilomètres presque plus difficiles que les cent derniers. Ou les dix derniers, impossible de savoir. Quant enfin ils atteignent le frêle sentier de terre battue, et le pied de la montagne, il devient évident qu'Arthur a besoin de repos. Quelques secondes, quelques minutes... après tout, difficile à dire ici. Dans l'ombre d'un petit promontoire rocailleux, il trouve l'humidité et la fraîcheur dont il a besoin, en très/trop petite quantité. Un frêle sourire part, destiné à l'Amazone. Mais son visage retrouve quelques couleurs malgré tout, suffisamment pour envisager une ascension vers le sommet. Et quel sommet ! Perdu dans les nuages, et pourtant bien visible, rien ne laisse deviner sa hauteur véritable. Ce qui n'arrête ni Diana ni Arthur, soit dit en passant, car tous deux entament bien vite la montée.
Une heure passe.
Une minute passe.
Un mois passe.
Un siècle passe.
Une demi-heure passe.
- Hrm.
Aucun dieu ne passe.
Diana passe.
Arthur passe.
Le temps passe.
Et ils arrivent.
Deux informations contradictoires perturbent l'ancien roi d'Atlantis: ils n'ont mis qu'un clignement d'oeil pour atteindre les premières habitations, et pourtant ses jambes sont endolories, dures de fatigue. Encore un bien étrange tour de ce lieu mystérieux. Mais c'est fait. Ils ont réussi. Les premières constructions en dur leur tendent les bras, et l'impression mentale ne fait que se renforcer, au point qu'Arthur entend presque les vibrations magiques pulser dans ses oreilles. Et elles émanent toutes d'un point précis. Le Temple de Zeus. Évidemment.
- C'est calme.
Une évidence. Mais pas si idiote qu'elle en a l'air.
- Bien trop calme.
Pas de Dieux. Pas même la trace psychique de l'un d'entre eux. Pas de bruit. Pas d'adversaire autre que le soleil de plomb. Un Olympe mort, vide de toute substance. La situation est irréelle, alors que leurs pieds foulent le sol de marbre coloré. De rapides coups d'oeil sont envoyés vers Diana, assez régulièrement pour vérifier son état. Il la connaît, elle ne s'effondrera pas, mais une telle vision pourrait ébranler jusqu'aux plus forts. Il tient à elle.
Enfin, ils atteignent l'entrée du Temple de Zeus. Son cœur, plongé dans le noir, plongé dans l'ombre, se dessine difficilement, même pour leurs yeux mille fois plus puissants que ceux d'un humain. La même ombre quand dans le sanctuaire souterrain de Sounion. Une ombre épaisse, indépassable. Arthur hausse un sourcil roussi, alors qu'il échange un regard avec sa coéquipière, avant d'entrer. Avant de se plonger dans le noir.
CLAC CLAC CLAC CLAC CLAC
Le bruit de leurs bottes résonnent jusque dans les hauteurs impressionnantes de la toiture.
CLAC CLAC CLAC CLAC CLAC
Aux pieds de Zeus, un grand braséro doré, plein de cendres froides, attend.
CLAC CLAC CLAC CLAC CLAC rrrrrrrrrrrr
Ils sont à mi-parcours, quand un léger grondement alerte l'Atlante. Le sol vibre, et il détecte quelque chose. Quelque chose de gros, de grand, de puissant. Instinctivement, il lève les yeux vers le haut, et la voit alors.
Il n'a pas le loisir de ressentir de la peur. La vague noire déferle sur eux, immédiatement. Premier à réagir malgré sa faiblesse, son réflexe instinctif est de pousser Diana le plus loin possible. Hors de portée de la chose. Qu'elle soit en sécurité, forte, pour continuer le combat. Pour triompher. Lui... ce n'est pas important. Il n'est pas important, dans cette histoire. Le lasso se déroule et se tend, dernier lien unissant les deux guerriers. Mais la dernière chose que l'Amazone peut voir avant que la masse d'obscurité ne s'abatte, c'est le sourire désolé d'Arthur. Ses yeux pleins de regrets. Puis, plus rien, si ce n'est la chose qui l'a fait disparaître.
Diana s’essuya la bouche avec le dos de sa main. L’eau offerte plus tôt par Arthur avait été miraculeuse et inespérée, mais ils avaient marché depuis, sur une distance qu’elle ne pouvait mesurer, et pendant une période de temps qu’elle ne pouvait calculer. L’air, bien que largement plus supportable que lorsque Typhon se tenait face à eux, restait sec, poussiéreux. Des grains de sable grinçaient sous ses dents à chacune de ses respirations et peu importait combien de fois elle s’essuyait le visage et la bouche, rien se semblait stopper la poussière de venir irriter sa peau déjà bien touchée. Ils se tenaient dans l’ombre frêle d’une avancée rocheuse, profitant ainsi de quelques instants de repos fort bien mérités … et terriblement nécessaires. Arthur était assis dans le cœur de l’ombre, cherchant un soulagement qui ne viendrait pas. Si le soleil ne tapait plus sur leur nuque pour le moment, l’air restait chaud, désagréable. Debout près de lui, Diana écarta sa main de son visage et la frotta avec son autre main pour la débarrasser du sable amassé. Déjà, ses lèvres étaient de nouveau recouvertes de poussière.
« C’est pire qu’une prison, » finit-elle par dire, et sa voix lui parut affublée du même état granuleux que l’air autour d’eux. Elle jeta un regard à Arthur et lui esquissa un bref sourire. « Cet endroit… c’est pire qu’une prison. C’est un salon de torture. »
Qu’était-il arrivé à ses Patrons ? Quelle folie les avait menés sur ces Terres ? Elle ne savait pas encore comment ils avaient échappé à Luthor, alors que ce dernier avait rendu son acte de guerre contre l’Olympe terriblement public, mais elle savait que leur fuite les avait certainement mené à bien pire encore. Elle avait déjà voyagé hors du plan d’existence du monde des Hommes pour venir dans celui des Dieux, mais jamais elle n’avait vécu ce qu’ils vivaient là. Cet endroit était malade. Empoisonné.
Une main sur la roche chaude, et ce malgré l’ombre, Diana observait Arthur se débarrasser lui-même de la poussière qui les gênait tant. Elle n’avait pas loupé son commentaire plus tôt, et elle était bien trop familière avec l’influence du Lasso pour savoir que les mots qu’avait employé Arthur n’était pas ceux qu’il avait voulu utiliser, mais ceux qui restaient les plus justes avec ce qu’il voulait réellement dire. Elle n’avait pas relevé, peu désireuse de lui arracher vérité après vérité. Le pouvoir du Lasso était immense, mais il restait un instrument dans ses mains. Elle n’aimait pas s’en servir à des fins personnelles, encore moins contre un de ses amis les plus chers.
Tu es bien plus importante avait-il dit. Pour qui ? Pour quoi ? Que qui ? Que quoi ? Les réponses possibles étaient nombreuses, et peu étaient satisfaisantes. Parlait-il de lui-même ? La pensait-il réellement plus importante que lui ne l’était ? Elle n’aimait pas cette idée, mais elle connaissait Arthur. Son talent pour l’auto-flagellation était presque inégalé – à part par Bruce, certainement. Elle releva la tête vers les hauteurs qui les attendaient tout en passant de nouveau le dos de sa main sur ses lèvres machinalement.
Elle prit la décision de lui parler au moment même où ce dernier se releva, indiquant qu’il était prêt à commencer l’ascension. Elle le dévisagea un bref instant, satisfaite de revoir les couleurs sur son visage qui s’étaient effacées au cours de leur longue marche, puis hocha la tête. Sauvé par le gong, comme diraient les humains. Mais la discussion n’était que repoussée. Diana n’oublierait pas.
Ils commencèrent donc à gravir le mont en silence. Il ne s’agissait pas juste de garder leurs forces, mais d’être aussi discrets que possible. Les bâtiments étaient vides et aussi poussiéreux que le reste, et le chemin qu’ils suivaient n’avaient visiblement pas été foulé depuis des décennies, des siècles, même. Pourtant… pourtant, Diana avait la très nette impression de ne pas être seule. On les observait, elle en était convaincue. Les efforts incroyables que leur avancée leur demandait n’étaient pas normaux, pas pour le chemin qu’il parcourait, et c’était une distorsion qu’elle sentait différente de celle qui plongeait les terres de Skyland dans une espèce de boucle spatio-temporelle. Non, là, elle avait vraiment la sensation que quelque chose leur mettait littéralement des bâtons dans les roues.
« Je suis d’accord, » confirma-t-elle après la remarque d’Arthur.
Elle eut la surprise de se découvrir essoufflée et cela la fit froncer les sourcils. Elle n’était pas étrange à l’effort physique. Justement. Cela n’aurait pas dû en être. Pas pour elle. Elle s’arrêta à l’entrée du temple de Zeus pour jeter un regard derrière son épaule, presque convaincue qu’elle verrait un monstre, n’importe quoi, se ruer sur eux. Mais il n’y avait derrière elle que le sentier, les temples vides et les mêmes bourrasques de vent chaud qui les avaient accompagnés jusque-là.
Elle tourna la tête vers Arthur pour le mettre en garde, lui faire partager toutes ces impressions qu’elle avait, mais elle s’interrompit avant même d’ouvrir la bouche. Elle était elle aussi sous l’emprise du Lasso, et elle savait pertinemment que ce qui passerait la barrière de ses lèvres ne serait pas la mise en garde qu’elle voulait donner. Elle poussa un léger soupir puis laissa le Lasso la pousser vers la vérité.
« Je suis inquiète, Arthur, » avoua-t-elle donc.
Elle n’avait pas peur. Mais… elle n’en était peut-être pas si loin que ça.
Elle se pencha pour masser brièvement les muscles endoloris de ses cuisses, plia ses genoux l’un après l’autre pour tenter de supprimer le souvenir terrible de cette marche qui semblait hanter ses jambes… en vain. Il était clair qu’on avait essayé de les affaiblir. Quelque chose se rapprochait d’eux.
« Entrons, » finit-elle par dire et, ensemble, ils pénétrèrent dans le temple de Zeus.
Le soleil, si lumineux à l’extérieur, ne semblait pas réussir à entrer dans le bâtiment, pourtant ouvert den de multiples endroits. Elle sut, dès que ses pieds se posèrent sur le marbre à l’intérieur, que le temple avait été sali, injurié. L’amour et la foi qu’elle ressentait quand elle entrait sur le lieu de culte de Zeus n’étaient pas là, au lieu de ça, elle ressentait dégoût, horreur et colère.
Elle retourna le regard qu’Arthur lui lança. Lui aussi le sentait. L’ombre était dense autour d’eux, épaisse, presque… liquide. Alors qu’ils avançaient vers la statue de Zeus, Diana tendit la main vers une des nappes de ténèbres qui flottaient contre les murs latéraux et y plongea ses doigts. Ils disparurent presque totalement de son champ de vision, engloutis par le froid glacial de l’ombre et par l’absence totale de lumière. Elle ramena sa main vers elle et resserra les rangs avec Arthur.
Ils se rapprochaient de leur destination. Elle leva la tête pour essayer de voir le visage de la statue de Zeus. Ils étaient presque à ses pieds. De l’entrée même du temple, elle aurait pu voir avec aisance le grain du marbre sur ses joues. Mais là, elle ne voyait même pas son front.
Elle s’arrêta malgré elle. Puis elle le sentit. La vibration sous ses pieds. Le frémissement de l’ombre de chaque côté du temple. Elle leva la tête.
La vague déferla sur eux dans un grondement qui n’avait rien de naturel, mais tout du grognement d’une créature oubliée par les histoires. Le cœur de Diana bondit dans sa poitrine. Un millième de seconde pour ressentir cette peur, ressentir le mal qui se ruait sur eux, voilà tout ce dont Arthur eut besoin pour prendre le dessus sur elle. Sa main jaillit et la frappa de plein fouet pour l’écarter brusquement.
« Non ! ARTHUR ! »
Elle tendit la main, eut le temps d’agripper le bout du Lasso qu’il portait toujours à son bras avant de se heurter à une des colonnes de marbre qui longeaient le passage sacré jusqu’à la statue de Zeus. Elle leva la tête, les yeux écarquillés, et croisa le regard d’Arthur. Un regard qui la hanterait à jamais, elle en fut immédiatement convaincue. Puis il disparut sous les eaux noires.
« NON ! »
Diana se redressa vivement, tira sur le bout du Lasso qu’elle tenait toujours, remerciant vivement Héphaïstos pour son cadeau et pour la magie du Lasso qui lui permettait de s’allonger à volonté quand elle en avait besoin. Seulement, elle avait beau tirer, rien ne venait. Le Lasso se tendait, et les eaux noires continuaient de déferler du plafond. Elle laissa échapper un grognement de colère quand les premiers éclats vinrent lécher le bout de ses chaussures puis se retourna vivement pour grimper sur le pied d’une des statues latérales, gagnant ainsi quelques mètres de hauteur.
Elle tira de nouveau le Lasso vers elle, sortit l’extrémité de celui qui était enroulé à sa taille et les rassemblant. Obéissant à sa magie si particulière, le Lasso se reconstruisit, redevenant une seule et unique corde là où il y en avait eu deux. Toujours agissant avec la même rapidité, elle déroula le reste du Lasso, jeta un bref regard vers le plafond et lança une boucle du Lasso pour l’enrouler autour d’un des ornements, en hauteur. Elle récupéra le bout et tira de nouveau dessus, espérant que la boucle formée autour de la colonne maximise suffisamment sa force.
Mais, encore une fois, le bout du Lasso qui disparaissait sous l’eau resta tendu, immobile.
Diana jeta un regard dans son dos. Le niveau de l’eau montait et l’atteindrait bientôt. Elle tira encore plus fort sur le Lasso, positionna ses pieds au bord du piédestal sur lequel elle était et força, encore et encore, jusqu’à se placer presque à l’horizontal au-dessus de l’eau. Ses efforts sa transformèrent en un cri de rage qui résonna tout autour d’elle.
Mais Arthur était toujours pris au piège sous l’eau.
Diana se redressa et leva la tête vers la boucle du Lasso, en haut de la colonne. Elle se retourna vers le centre de l’allée, là où Arthur s’était tenu, à peine quelques instants plus tôt. Même pas deux minutes. Tout avait basculé en moins de deux minutes.
« Arthur… » murmura-t-elle.
Elle crispa les mâchoires, enroula le Lasso autour de sa taille et l’y noua aussi solidement que possible. Elle en avait toujours un bout autour du bras, et elle l’y laissa là, sans le reconnecter au reste. Il pourrait toujours servir. Puis elle se tourna vers les eaux si noires qu’elle ne voyait pas le sol du temple, bien qu’il ne puisse pas être à plus de trois mètres sous ses pieds. Elle prit une profonde inspiration …
De Charybde en Scylla. Cela signifie fuir un péril pour tomber sur un plus grand danger encore. Comme par exemple esquiver un maelström abyssal et se retrouver picoré par une grande créature à multiples têtes. Ou, plus contemporainement, s'extirper d'une terrible peau de banane négligemment jetée au sol et se faire heurter par un abominable camion lancé à vive allure. Voilà ce que pense Arthur, lorsqu'il se fait engloutir par cette marée noire. Après Typhon, ça. Ça, dont il ignore tout. Ça qui ne lui a même pas laissé le temps d'avoir peur. Ça, qu'il subit de plein fouet. De Charybde en Scylla.
Mais... Diana a été sauvée. Tout du moins, quelques secondes auront été gagnée, suffisantes il faut l'espérer. Pour fuir, pour se battre, pour triompher. Après tout, c'est le destin de Wonder Woman. Briller, mener la charge, vaincre comme l'héroïne qu'elle est. Aquaman, lui... n'est qu'un molwark, terme atlante désignant le poisson malade, handicapé, inutile et méprisé du banc. Aquaman est un poids pour cette Justice League renaissante, capable de porter sur ses épaules le poids du monde. Aquaman a tout raté dans sa vie. Être un bon fils ? Non. Être un bon héros ? Non plus. Être un bon mari ? Encore pire. Et nous ne parlerons même pas de la royauté: un fiasco total et absolu, le genre qui résonnera encore des siècles et des siècles après sa disparition. Une bien piètre postérité. Peut-être... peut-être qu'il ne lui reste qu'une seule chose à faire ? Mourir. Pour quelque chose qui importe, d'ailleurs. La libération des Olympiens... bah au final, quel intérêt ? Des enfants capricieux en manque d'amour, capables de répandre sur la Terre mille maux pourvu qu'on les vénère.
Mais... Diana a été sauvée malgré tout. Et elle, elle peut changer les choses. Arthur en est convaincu, malgré la chape noirâtre sui s'étend sur son âme.
Une chape qui s'étend vers l'infinité de l'horizon, sans lumière, sans matière, sans rien. Rien qu'un flottement éternel au milieu de ce grand Rien. Le Néant. L'Entropie finale. C'est... proprement terrifiant. Et pourtant, ce Rien n'est pas vide. Il n'est pas bête, pas idiot, pas vide. Car à la lisière de son esprit, Arthur capte quelque chose. Une pensée. Indéchiffrable, certes, mais quelle nouvelle déjà. Quoique... Le doute étreint encore le cœur de l'Atlante aux cheveux d'or. Un doute lancinant, dévorant. Qui le pousserait presque à ne pas s'avancer. Qui le pousserait à s'endormir ici, pour ne plus se réveiller. Mais non. Puisant dans ses dernières réserves, il traverse le monde de ténèbres. Encore une fois, le temps passe... ou pas. Il vieillit... ou pas. Tout n'est que noir, sur noir, sur noir. Jusqu'à ce qu'il aperçoive autre chose. Une forme, devant lui, étrange.
- Diana ?
Pas de Diana. Mais une silhouette, plus noire encore que les ténèbres qui composent l'horizon. Un homme noir, à l'inquiétante mine, dans un grand manteau noir, long, très long, se tourne vers lui. L'aura de cet univers est partout, mais se concentre terriblement ici. Le pire reste son regard, blanc, immédiatement dirigé vers Arthur. Derrière l'inexpressivité se cache l'atroce éternité des temps passés et à venir. L'ombre primordiale, qui a gouverné jadis. Et elle ne demande qu'à revenir. Voilà le Scylla de cette histoire, le début et la fin de tout.
Son sang se glace. Il est seul, face à cette chose. Impossible de vaincre en ce domaine obscur. Ridicule de penser ne serait-ce qu'un instant à lutter. Mais n'est-ce pas le propre d'Aquaman ? Être ridicule. Alors il tiendra. Pour offrir du temps à Wonder Woman. Activant cette magie nouvelle, puisant jusqu'au fond de lui, Arthur se prépare au combat. Se prépare à mourir. Encore. Une bien vilaine habitude.
Diana plissa les yeux. Puis les ferma. Et nota aucune différence. Les avait-elle encore ouverts ? Etaient-ils toujours fermés ? Elle ne pouvait répondre à cette question.
Les deux bras tendus devant elle, doigts noués et paumes pressées l’une contre l’autre, elle profitait de l’élan offert par son plongeon pour filer dans l’obscurité, pour avancer rapidement. Le sol du temple ne lui apparut jamais, et elle ne sentit aucun frottement, aucun glissement de l’eau autour d’elle, rien qui pourrait l’aider à estimer si oui ou non, elle avançait. L’air lui manquerait bientôt. Elle se devait de respirer. Mais où était la surface ? Où était le sol ? Les yeux grands ouverts (ou en réalité, fermés), Diana hésita un bref instant… puis entrouvrit les lèvres. Elle prit une profonde inspiration, et aucun liquide ne s’engouffra dans ses poumons. Pourtant, elle ne pouvait affirmer que c’était bien de l’oxygène qu’elle respirait, car il lui semblait que son corps tout entier rejetait ce qu’elle respirait. Elle n’était pas en danger de suffocation, et pourtant, ses muscles lui hurlaient de respirer, de leur donner de l’oxygène. Cela la laissa en équilibre incertain, quelque part entre la noyade et la perte de connaissance.
Et puis elle pensa à l’ombre autour d’elle, et l’idée que c’était cette ombre qui la maintenait en vie, cette ombre qu’elle respirait, la frappa. Impuissante, elle laissa cette noirceur incomparable s’emparer de son système respiration, s’immiscer dans son corps et finalement prendre le dessus sur ses pensées – car nageant ainsi au milieu des ténèbres, leur existence était la seule chose qu’elle pouvait penser.
Elle ramena ses bras contre elle, sentant que son élan touchait à sa fin, et commença une brasse puissance qui ne la mena nulle part. Ses muscles chauffèrent sous l’effort, son souffle s’accéléra, et elle maintint le rythme pour ce qui lui sembla être une éternité – et qui pouvait parfaitement en être une. Finalement, elle cessa de bouger, poussa un long soupir puis plia ses jambes sous elle. Ses pieds se posèrent sur une surface qu’elle ne pouvait voir, et elle se retrouva ainsi debout au milieu d’absolument rien du tout.
Tellement de choses étaient en mouvement tout autour d’elle que plus rien ne bougeait. Elle pensa aux légendes amérindiennes sur les âmes et la vie de toute chose qui existe, en opposition avec… et bien, le reste. Elle était dans le reste. Elle le savait. Il aurait été difficile de le démentir. C’était comme l’endroit rassemblait toutes les ombres de toutes les choses qui avaient existé, qui existaient et existeraient un jour. Elle tâta sa taille, à la recherche de la boucle du Lasso qu’elle y avait laissée avant de plonger, et ne put s’empêcher un léger soupir de soulagement quand ses doigts frôlèrent la corde. Elle n’était pas sûre que suivre le Lasso la ramènerait à la surface, mais ce n’était pas le réconfort dont elle avait besoin, de toute façon. Non, ce qui l’aidait, c’était de savoir que quelque part, le monde était toujours. La lumière, le soleil … Un bout de son Lasso était toujours là où toute chose pouvait exister, où l’air était réellement de l’air et où l’on ne pouvait nager que dans de l’eau.
Elle ne pouvait se soucier d’un éventuel retour en arrière tant qu’elle n’aurait pas retrouvé Arthur, de toute façon. Alors elle se mit en route.
Après ce qui lui sembla être des heures, elle se rendit compte que ses yeux étaient bel et bien ouverts. Non pas parce qu’elle voyait finalement quelque chose, mais parce qu’au milieu de tout ce noir, il lui semblait discerner des ombres encore plus sombres – si cela était possible. Et plus elle avançait, plus nombreuses elles étaient.
Et finalement, elle se heurta à la plus grande d’entre elles.
Diana se stoppa à quelques mètres (kilomètres ?) de la dite ombre. Elancée et drapée d’épaisses ténèbres, elle fixait Diana de ses grands yeux blancs et vides. Un frisson lui parcourut les bras. Elle ne pouvait fuir cette étrange apparition, pas alors que c’était là la seule chose qu’elle pouvait voir. Au lieu de ça, elle prit alors une profonde inspiration et se déplaça légèrement pour passer en position offensive. Inutile de sortir son épée, elle savait d’instinct que la lame n’aurait aucun effet sur l’ombre à capuche devant elle.
Mais alors qu’elle se préparait à se battre pour le droit de continuer son chemin, quelque chose d’étrange se passa. L’endroit, qui était en réalité nulle part, lui sembla se rétrécir, et elle eut la très nette impression d’être à deux endroits en même temps. Ici, là, face à l’ombre, les poings levés, les muscles bandés, mais aussi… Mais aussi de l’autre côté ? Face à la même ombre, au même regard, prêt à donner sa vie avec la certitude que c’était la seule chose qu’on attendait d’elle… Non. Pas d’elle.
« Arthur, » souffla-t-elle en baissant légèrement les poings.
Il était là, elle le sentait. Dans un univers où tout était rien, ils étaient tous les deux des étrangers. Mais dans ce chaos, ils avaient pris la même décision, celle de se battre et de faire face, et leur logique, leur raisonnement… Il y avait de l’ordre dans la multiplication de cette décision. Ils étaient liés, et elle le sentait. Pouvait-il la sentir elle aussi ?
« Où est-il ? » demanda-t-elle en levant les yeux vers le regard blanc et vide de l’ombre.
L’être ne répondit pas. Il continua de la fixer, immobile et sombre. Il semblait être la personnalisation même du trou noir ; son aura aspirait toute source de lumière, et ce qui se cachait en son sein dépassait toute compréhension. Quand Diana fit un pas vers lui, ses yeux s’écarquillèrent légèrement en réponse, comme un avertissement, une menace terrible. Cela lui donnait un air encore plus inhumain, déformé. Terrifiant.
« Arthur ? » appela-t-elle, dans le néant, et le néant avala sa voix.
Elle serra les poings. Elle pensa au temple sous le temple, à l’air perfide qui y régnait. Elle pensa au rire tonitruant de Typhon quand il avait appris ce qu’Arthur et elle venaient faire dans le Skyland. Elle pensa à la façon dont Arthur l’avait poussée alors que la vague qui n’en était pas une fondait sur eux.
« Très bien, » dit-elle en soutenant le regard de l’être – un regard presque insoutenable. Elle plissa le bout de son nez. [color=#8A2316« Très bien. »[/color]
Elle inspira une longue bouffée d’air qui n’était pas de l’air, ignora la confusion de son corps face à cet oxygène qui ne la soulageait en rien puis… elle se rua en avant, droit vers l’être drapé de ténèbres.
L'entité ne bouge pas. Peut-être n'a-t-elle jamais bougé, de toute son existence ? Elle se contente de fixer Diana, de ses yeux blancs, menaçants. Infinis. Imperturbable. Éternellement imperturbable. Même en détaillant chaque mouvement de la charge de Wonder Woman, elle ne bouge pas, alors que rares en ce monde peuvent se vanter d'une telle prouesse. Mais c'est peut-être ça: l'ombre n'est pas de ce monde. Ou plutôt, est au-dessus de lui. Insidieuse. Omniprésente. Universelle. Elle rampe partout où la lumière faiblit, partout où la vie ne parvient pas à prendre racine. Et elle se repaît du vide.
De longues secondes passent, et Diana ne semble pas se rapprocher d'un iota. C'en serait désespérant si la situation ne paraissait pas aussi critique. Les Dieux de l'Olympe dépendent d'elle. Dépendent d'Arthur. Dépendent de leur réussite. Mais face à ça, vaincre semble illusoire. Futile. Peut-être vaudrait-il mieux se laisser porter par l'obscurité, dévorer par l'entropie, et disparaître. Jamais le néant n'aura été aussi séducteur que maintenant. La fin de tout, une bonne fois pour toute. Plus de malheurs, plus de tristesse, plus d'échecs. Plus rien. Plus de Cheetah. Plus d'Arès. Plus de Luthor. Plus de morts. Juste... le rien. La douceur perpétuelle.
- DIANA.
Mais... qu'est-ce ? Un petit bruit, lointain, parvient aux oreilles de l'Amazone. Pas un petit bruit, non, même si ça y ressemble. Une petite pensée. Son nom, prononcé par... par quelqu'un qu'elle connaît. Mais la petite voix est faible. La petite voix peine à se frayer un chemin au milieu de la noirceur totale. La petite voix disparaît dans le vide, encore. Peut-être est-ce mie...
- DIANA.
Cette fois, elle explose ! Elle brûle les filaments noirâtres qui engourdissent l'esprit. Elle chasse l'apathie avec toute la puissance d'un torrent de montagne. Elle entre dans la conscience de Diana avec la force d'un tsunami. Une force qu'elle connaît bien.
- TU M'ENTENDS ?
Arthur Curry. Celui qu'elle est venue chercher dans le magma noirâtre. Il est en vie, et lui parle ! Ou peut-être est-ce encore une illusion ? Une bien triste et bien vilaine illusion. Qui pourtant vient se lier à son esprit, plus solidement que jamais. Tout semble correspondre, sauf ce doute lancinant qui étreint tous ceux qui nagent dans cet océan obscur. Arthur a l'air tellement sûr de lui... Comment pourrait-il être ici, présent ?
- BATS TOI. APPORTE LA VÉRITÉ.
Encore cette vérité... Elle n'a fait que blesser le monde. La vérité a déclenché des guerres, a amené les gens à s'entretuer. Des poisons ont été administré à cause d'elle. Des religions ont été créées, parfois de toutes pièces, parfois non. Le chaos et le conflit émanent d'elle. La vérité n'est pas bonne, ça non. Il ne faut pas écouter celui qui ose parler.
- ALLUME LE FEU. ALLUME LE. FAIS LE.
Ces deux derniers mots sonnent comme un ordre. L'injonction est puissante, portée par la voix de celui qui a gouverné. Elle contient la force de conviction et la colère d'un homme qui se sent faible, impuissant. Un homme dont les sentiments sont bridés. Des sentiments forts mais doux, lourds mais agréables, un fardeau qui ne demanderait qu'à s'envoler pour devenir beau. Et pourtant, Diana ne voit pas cet homme. Elle ne peut que percevoir les yeux de l'entité se plisser lentement. Très lentement...