[Fall of Superman] La Nouvelle Forteresse de Solitude à Mosaic

« C’était une idée brillante, » fit remarquer Diana, d’une voix douce.

La jeune femme debout à côté d’elle s’autorisa un petit sourire – un seul petit sourire qui pourtant ne faisait rien pour cacher l’immense fierté qu’elle ressentait. Cela fit sourire Diana à son tour. Elles étaient toutes les deux dans le fond de la foule, ignorées de ceux qui les entouraient et dont l’attention était rivée sur le centre de Mosaïc, sur la Forteresse et l’homme qui la présentait. Superman… Superman était un symbole qui dépassait les frontières humaines. Ici, dans la ville rejetée de l’humanité, le patchwork extra-terrestre qui tenait à peine debout, son symbole était encore plus fort. Plus fort, même, qu’à Metropolis. Ici, on l’utilisait comme conte avant de border ses enfants. Ici, il était l’objectif, le rêve. Un alien, intégré. Un alien que les humains aimaient et respectaient.

Et maintenant, il était aussi un alien qui faisait partie de Mosaïc. Comme tous les autres. C’était fort. C’était … très fort.

Et Koriand’r – Starfire – le savait. Elle savait ce que Superman était, ici. Elle savait ce que son discours et la présence de sa Forteresse ferait. Alors, oui. Elle était fière. Et émue, également.

« Je sais que… C’est Superman, et je le connais, mais… Il a accepté. Et ce qu’il fait changera tout ici, » dit-elle finalement. Elle tourna des yeux brillants vers Diana. « C’est ce pour quoi j’ai œuvré depuis que je me suis installée ici, et c’est finalement là, à portée de main. »

Koriand’r essuya ses joues en reportant son attention sur Superman. Elle n’avait pas la candeur des humains quant à ses sentiments, et Diana l’appréciait d’autant plus pour cela. Elle venait d’un monde ou les évènements étaient dictés par l’affect, ou les émotions étaient tenues en grande estime, et grâce à cela, elle ne ressentait aucune gêne. Ses larmes ne diminuaient en aucun cas sa force ou ce qu’elle était. Elle avait raison. Starfire avait délaissé le Conseil de l’Univers et bien des choses pour se concentrer sur Mosaïc et sur la paix qu’elle voulait y instaurer.

« Cela aidera, » acquiesça Diana d’un petit hochement de tête. Koriand’r était bien plus grande qu’elle et cela l’obligeait à lever les yeux pour la regarder. « Mais ce n’est qu’un premier pas en direction de la paix. »

Koriand’r lui jeta un regard en coin.

« Je sais, » répliqua-t-elle. « Bien sûr que je le sais. Mais c’est un tournant historique pour Mosaïc. Les gens m’écouteront plus facilement maintenant. Et tu le ressens toi aussi, n’est-ce pas ? » Elle désigna la foule autour d’eux d’un petit geste de la main. « Ils sont tous liés maintenant… Il m’était impossible jusque-là de tous les réunir dans un même endroit sans que ça dégénère. »

Diana laissa son regard parcourir la foule autour d’eux. Des aliens, tous si différents, avec des cultures et des passifs tellement diverses et contraires que l’idée même d’unité semblait risible. Elle savait qu’on avait essayé de prendre le contrôle de la ville en utilisant la violence et l’injustice auparavant. Koriand’r avait opté pour une autre approche, bien plus paisible, mais qui trouvait son apogée à cet instant même.

« L’amour, » confirma Diana. « Je le sens, oui. »

« Par X’Hal, » soupira Koriand’r en posant une main sur son cœur. « Je pourrais l’embrasser. »

Diana laissa échapper un petit éclat de rire. Elle tapota l’épaule de Koriand’r, d’un geste qui se voulait réconfortant. La jeune femme lui adressa un regard larmoyant, mais plein de gratitude et de joie sincères. A plusieurs mètres devant eux, Superman finissait son discours et la transmission était coupée. Mais ce n’était pas encore fini.

« Ah, c’est à moi, maintenant, » souffla-t-elle avec un petit sourire.

Koriand’r riva un regard surpris sur elle, mais Diana n’y répondit pas. Au lieu de ça, elle sortit de sous sa cape un long parchemin roulé ainsi qu’une longue épée – qui n’était pas la sienne. Comprenant alors ce qu’elle était sur le point de faire, Koriand’r écarquilla un peu plus les yeux.

« Je pourrais t’embrasser toi ! »

Diana sourit, mais ne répondit pas. Elle s’avança à travers la foule, droit vers Kal-El et la nouvelle Forteresse, ce symbole d’espoir qu’il venait de créer en quelques mots. On ne fit pas attention à elle, au début, mais rapidement, l’attention se tourna vers elle et un nouveau silence tomba sur la foule. Quand elle s’arrêta enfin devant Clark, tout le monde semblait retenir son souffle.

« Je suis Diana de Themyscira, » se présenta-t-elle d’une voix forte et claire. Elle connaissait Clark, et il la connaissait. Mais il ne s’agissait pas de vieilles amitiés, pas maintenant. Il s’agissait de symboles. D’ouverture, comme il l’avait lui-même si bien dit. « Fille d’Hippolyte, Reine des Amazones. »

Elle tendit devant elle le parchemin et l’épée.

« J’offre à la Forteresse des reliques de mon peuple, pour qu’ils soient accessibles à tous les habitants de Mosaïc. » Elle leva un peu plus le parchemin. « Cette fresque fut peinte lors des premiers jours de Themyscira. Elle est unique au monde et conte l’histoire des Amazones. » Elle désigna ensuite l’épée, toujours dans son fourreau. « Et voici en guise de témoin de l’amour de mon peuple pour les arts, une épée forgée dans nos forges. »

Elle sourit en les tendant finalement à Clark.
De Wonder Woman à Superman.
Amour, et espoir.

Diana se plaça du côté de la foule quand Hal Jordan fit son entrée pour ensuite présenter lui aussi le don qu’il s’apprêtait à faire dans cette nouvelle Forteresse, qui n’avait plus rien à voir avec la solitude, ni de près ni de loin. Elle l’écouta avec attention, un sourire aux lèvres et le cœur emplit de joie de le voir ici, d’entendre ses paroles pleines d’espoir et de découvrir ce l’anneau qu’il offrait au peuple de Mosaïc. L’émotion de Koriand’r n’était pas disproportionnée. Ce qu’il se passait était spécial, et entrerait sans aucun doute dans l’Histoire. C’était un pas de plus vers la paix et l’entente mondiale, et un refus de la guerre, de la violence et des injustices. Cette union, leur union à tous, importait tellement. Ils étaient liés, plus que jamais, et Superman en était le catalyseur. L’émotion était bel et bien de rigueur.

Ne résistant pas à la tentation, Diana posa une main sur l’épaule d’Hal une fois que ce dernier eut fini son discours ; à la fois pour le saluer mais aussi pour le remercier, pour acquiescer à tout ce qu’il avait dit, pour apprécier sa présence aussi, simplement. Elle échangea un regard avec ce dernier puis reporta son attention sur Clark tandis que ce dernier reprenait la parole.

Elle voyait la fatigue dans son regard, le genre de fatigue qui dépasse les limites physiques et qui se fait lourde, mentale. Elle savait que les pertes avaient été lourdes dernièrement, pour elle, pour le monde, mais aussi pour l’homme le plus puissant sur Terre. Personne n’avait été épargné par la vague de chaos qui s’était abattue sur Terre depuis l’annonce de Lex Luthor, et Diana regretta sincèrement ne pas avoir été là pour Clark pendant le plus fort de sa douleur. Il était fort, pas seulement physiquement, et déjà il se reconstruisait, comme il avait reconstruit la Forteresse dans son dos. Déjà, il avançait, créait et semait l’espoir dans son sillage… une vraie force de la nature. Mais dompter tout ce chaos ne se faisait certainement pas sans peine. Ce n’était tout simplement pas quelque chose qu’il montrait au reste du monde.

Les indications discrètes de Clark la firent sourire.

« Evidemment que nous sommes venus, » répliqua-t-elle, elle aussi dans un murmure tandis qu’aux yeux de tous, elle se détachait d’Hal pour se rapprocher de nouveau de Clark. « Tu nous as inspirés, Kal-El. »

Epée et fresque toujours en main, elle referma ses bras autour de Superman pour l’enlacer quelques instants.

« Merci, mon ami, » ajouta-t-elle avant de s’écarter.

Elle lui sourit une nouvelle fois, hocha la tête dans sa direction pour le saluer – un geste cérémoniel qui était pour le reste de la foule – puis se tourna vers les habitants de Mosaïc rassemblés sur la place.

« Allons-y, » dit-elle, clairement.

L’hésitation générale lui répondit tout d’abord. Une petite fille aux longs cheveux qui semblaient tenir plus de la végétation que de cheveux normaux s’avança finalement, à petit pas timides. Diana l’attendit avec un petit sourire pour finalement lui offrir sa main quand elle arriva à sa hauteur. La fillette hésita, jeta un regard par-dessus son épaule puis leva une main déjà prise par ce qui semblait être un petit jouet en métal qui dégageait une faible lumière verdâtre.

« Je peux ? » demanda la petite, d’une voix mal assurée.

« Bien sûr. » Diana lui offrit de nouveau sa main. « Avec moi ? »

La petite hésita puis s’empara de la main de Diana tout en hochant la tête. La fresque sous le bras et l’épée dans son autre main, Diana se mit donc en route avec sa nouvelle partenaire jusqu’à la Forteresse. Avant de passer les grandes portes ouvertes, elle tourna la tête pour échanger un nouveau regard vers Clark. Un regard emplit d’émotion, de fatigue aussi, certes, mais également de gratitude et d’affection. Elle lui sourit avant de se laisser guider par la petite fille dont la timidité avait fait place à la curiosité.

La foule se mit alors en marche, d’un mouvement synchronisé presque à la perfection. Ils suivirent Wonder Woman et la petite fille, ils suivirent les indications de Superman. Tous ces gens qui ne s’étaient jamais entendus, que Koriand’r n’avait jamais réussi à faire tenir dans un même endroit. Tous ces gens qui se livraient guerres froides après guerres froides dans les rues de Mosaïc, qui se savaient rejetés par le reste du monde et qui déversaient leur mal-être dans ce qui aurait dû être un refuge paisible et pacifique. Tous ces gens… ensemble, unis, se mouvant dans la même direction …

Par X’Hal, si elle continuait, elle allait pleurer toutes les larmes de son corps !

Koriand’r s’avança à son tour, fila entre les rangs d’habitants pour s’avancer jusqu’à Clark. Derrière ce dernier, le dos de Diana était prêt à de disparaître, happé par la foule, par la curiosité des gens qui entraient dans la Forteresse les uns après les autres et qui se demandaient à voix haute ce qu’ils pourraient laisser de leur monde et de leur culture ici. Elle savait ce que ça faisait, d’avoir un endroit où exposer les vestiges de sa planète. Clark, aussi, savait. Evidemment.

A Mosaïc, ils savaient tous. Cette peine les unissait. Et maintenant ? L’espoir, aussi. La renaissance. La Forteresse.

Koriand’r se jeta dans les bras de Superman et attrapa Hal Jordan au vol pour l’attirer dans son étreinte.

« Merci, » leur dit-elle. « Merci du fond du cœur. Merci, merci. »

Elle s’écarta, parce qu’elle se rappela que les humains n’étaient pas les plus grands adorateurs du contact physique, mais elle continua de les remercier malgré tout. Déjà ses doigts avaient détaché un des joyaux Tamaranéen qui composaient son costume, et déjà, elle l’imaginait au milieu de toutes ces cultures, témoin de son monde à elle parmi des centaines d’autres.

« Merci, » répéta-t-elle avant de se tourner vers la Forteresse.

Diana était toujours dans l’entrée, guidant et saluant ceux qui voulaient s’arrêter pour lui parler. La petite fille tenait l’épée et la fresque était dépliée et passait de mains en mains. On lui tendait d’autres artefacts et elle les observait avec attention, écoutait les explications souvent prononcées dans un anglais approximatif et maladroit et acceptait sans rechigner les étreintes qu’on lui demandait.

Et Mosaïc était unie. Mosaïc voyait, enfin, ce que l’humanité avait de plus beau à offrir. Superman, Green Lantern et Wonder Woman venaient de l’autre côté des murs infranchissables qui délimitaient la ville, et pourtant, il n’y avait pas de haine ici. Pas de rejet. Ils étaient venus pour eux, ils leur avaient parlé d’égal à égal.

Mosaïc survivrait. Vivrait, surtout.