L'exécution de Ray Palmer

Degaton avait reçu la nouvelle avec une joie non dissimulée et n'eut dès lors d'autre priorité que de transformer cette opportunité en un exercice de propagande à sa gloire. Il avait la copie papier de cette annonce pliée dans sa veste comme pour mieux en sentir le poids réconfortant. Son arrivée au pouvoir avait fait couler beaucoup d'encre en dehors du continent et du sang dessus, mais tout était encore contrôlable, tout était encore dans "les marges acceptables" de son inacceptable logique. Tuer des citoyens, faire taire la contestation, être violent et sans pitié formaient des leviers évidents pour lui. Rien ne devait être un frein et le temps prouverait que rien ne le fut pour cet homme en pleine chute dans le gouffre de sa pensée unique. Cette aubaine était l'occasion de faire d'une pierre deux coups : affaiblir ses ennemis et renforcer son pouvoir.

Ray Palmer était entre ses griffes et croupissait dans l'une de ses geôles, arrêtés lors d'une opération clandestine à l'amateurisme peu surprenant connaissant le piètre guerrier qu'était l'individu. Atom n'était pas un adversaire taillé pour la guerre, il avait peut-être le pseudonyme de l'un de ses anciens ennemis, mais il n'en avait ni l'expérience ni la robustesse. Livrer bataille et mener des assauts était une chose pour les guerriers, il n'en était pas un.

Ses conseillers en communication avaient accueilli l'exercice avec le même plaisir sadique que leur chef et se délectaient de chacune de leurs trouvailles et les raffinements de communication qu'offrait une telle capture. Atom avait défié, Atom était tombé. Maintenant il fallait battre le fer pendant qu'il était chaud, brûlant même et refroidir cet importun le plus spectaculairement possible.

C'est pourquoi, assis derrière son bureau massif, des drapeaux de l'Europe marqués en leur sein de son "D" triomphant, Degaton, uniforme sévère et regard grave regardait avec intensité les caméras qui lui faisaient face. L'heure de son allocution arrivait.

L'émission "Nouvelles d'Europe" était un bijoux de propagande moderne, diffusée sur la plupart des chaînes publiques et privées - par ordre de la chancellerie - et devenait lentement mais sûrement la seule source d'information autorisée par le gouvernement car placée stratégiquement sur la grille des programmations. La technique était plus insidieuse qu'une coupure nette des autres services, il s'agissait surtout de les étouffer et de leur couper diverses subventions. L'enfance de l'Art.

L'émission était présentée par la sémillante Judy Carter et le très souriant Sven Kärsson, lesquels formaient un excellent duo et avaient le répondant nécessaire à l'animation d'une telle parodie de journal télévisé. Tout y était dit à la gloire du chancelier et de l'Europe, à la haine des ennemis du gouvernement, tout ce qui n'était pas positif était soit ignoré soit relégué dans le déni. On faisait défiler des vedettes ; on présentait des rouvertures d'usines désaffectées ; on affichait un programme écologique de façade pour calmer le jeu ; deux trois programmations de défilés ; on vantait les nouveaux uniformes ; la sécurité ; on vendait de la peur à peu de frais en parlant de la météo ; on vantait les nouvelles technologie des véhicules intelligents qui pistaient pour mieux réguler le trafic. Bref, la société au prisme de ce média devenait lentement une dystopie fasciste avec consentement silencieux.

C'est donc entre une annonce sur le recensement des cas d'agressions d'humains par des méta-humains et le danger représenté par une Atlantide dirigée par des agents américains qu'eut lieu l'annonce d'une déclaration importante du Haut Chancelier, annoncée à grand renfort de "Gloire à Degaton".

L'image des deux présentateurs fut remplacée par celle, plus dramatique et redoutable de Per Degaton.


" Européens, européennes,

" En ces heures troublées, où l'ordre se rétablit, où vos administrations se normalisent, en ces heures où des années d'impérities gouvernementales qui vous ont privé de votre dignité prennent fin, je m'adresse à vous.

" Il n'aurait pas été juste ou honnête de vous cacher une lâche mais hélas prévisible tentative d'incursion de nos ennemis sur nos terres souveraines. Menés, comme vous le savez, par un adversaire acharné et belliqueux, l'Amérique semble perdre totalement le contrôle de ses ouailles, de ses créations ignobles qu'elle pare des plus grandes Vertus pour mieux cacher leur but secret : déstabiliser le monde libre. Comprendre le monde qui vit et tente de survivre en dehors des frontières de cette Terre de brigands.

" Et ce n'est rien de moins que le brutal et violent Ray Palmer, alias Atom, qui a tenté dans une opération d'envergure d'attenter à notre sécurité à tous.

" Je suis affligé de constater que cet homme et ceux qu'il sert n'ont point entendu raison et je suis outragé par l'impunité qui semble guider leurs pas, par la facilité avec laquelle ils violent les lois, les frontières, les règles. Leurs douces et paisibles paroles du temps où ils croyaient diriger le monde avec assurance sont bien loin désormais que s'oppose à eux une vraie force de bienveillance et d'avenir. Ces tyrans en sont désormais réduits à faire triompher leurs idéaux par la force et la violence.

" Mais je suis là. Je veille et protège ce continent qui m'a réclamé. J'assure un règne heureux sur l'Humanité qui m'est confiée et assurerai une justice juste, mais ferme.

" Aujourd'hui vient le temps d'associer les actes aux paroles.

" Ray Palmer a été arrêté alors qu'il s'infiltrait, aidé par une agence de renseignement étrangère, avec des moyens militaires et assurément un soutien politique d'une Nation ennemie. Heureusement, nos forces de police et notre armée ont mené une opération périlleuse pour intercepter l'individu et sa cohorte terroriste. Un véritable succès logistique et militaire face auquel je m'incline humblement. Toutes mes félicitations vont à ces hommes et ces femmes qui ont lutté pour la victoire de nobles idéaux.

" J'aurais préféré que la diplomatie nous permette de calmer les pulsions destructrices de nos ennemis, mais les faits sont là. Ils ont tiré les premiers, ils en subiront donc les conséquences

" J'ai donc l'honneur, dans toute l'humilité de ma charge, de vous annoncer que l'individu actuellement emprisonné va subir la justice de la nouvelle Europe.

" La peine de mort lui sera appliquée pour en faire l'exemple nécessaire à la paix. Notre détermination à assurer la sécurité et l'ordre ne doit pas être remise en cause et nos adversaires n'auront d'autre choix que de comprendre enfin qu'il n'y aura aucune clémence pour quiconque viendrait à défier aussi vertement notre autorité.

" L'Europe est aujourd'hui unie, libre et entend vivre encore longtemps dans cet état de grâce. N'en déplaise aux armées costumées qui envahissent l'ancien "Nouveau Monde".

" Gloire à l'Europe, gloire à la Chancellerie !"



- Eh bien Judy, pour une annonce, c'est une annonce ! Le terroriste Atom sous les barreaux ? déclara joyeux Sven revenu à l'écran.

- Tout à fait Sven, une ex-cel-lente nouvelle qui pourra ravir les européens. Selon le dernier sondage Pofi, ils seraient 86 pourcent à être en accord avec la nouvelle politique gouvernementale et 79 pourcent seraient pour l'exécution publique du criminel Ray Palmer.

- 86 pourcent seulement ? Ils sont bien durs, sans doute ceux et celles qui se demandent si les Mac Donald continueront de tourner et de savoir s'ils pourront acheter le dernier Q-Phone.

- Et oui, le doute est permis, car dans quelques heures, Ray Palmer alias Atom sera exécuté publiquement selon l'annonce du gouvernement. Les autorités américaines n'ont pas encore émis le moindre commentaire mais nul doute que des sanctions économiques viendront de cet état voyou. Quelle pression la Maison Blanche - ou ce qu'il en reste ha ha ha - osera-t-elle user pour faire plier la Chancellerie ? Nul ne le sait encore, mais la chancellerie a annoncé être prête à mener un bras de fer avec l'Oncle Sam...


Degaton n'avait cependant pas pu bouder le plaisir d'aller se repaître du spectacle de son adversaire emprisonné. Chaînes, tenue misérable, cellule sécurisée, rien ne lui avait été épargné. Noyé dans son autosatisfaction cruelle, le Haut Chancelier vint directement dans la cellule pour y narguer son ennemi. Plaisir coupable pour celui qui aimait tant s'écouter parler.

- Alors, monsieur Palmer, on se sent heureux, loin de son laboratoire, piégé dans l'utopie d'un monde plus ordonné ? , commença-t-il avec un rictus désagréable. Je sais que mon monde vous déplaît, mais... le monde qui le précédait était un monde fou monsieur Palmer, fou de peur, de désespoir, pétri de contradictions, chaotique, anarchique, plein de passions et trop libre pour qu'il en sorte quelque chose de bon. Il l'est devenu par la force des choses, par les désillusions que vous avez incarnées.

" Vous avez été l'incertitude, les louvoiements. Entre renoncements et actions d'éclats, vous avez soufflé le chaud et le froid dans votre force et vos faiblesses. Les peuples l'ont vu et ils le verront encore et encore. Vous n'avez eu aucune volonté de changer les choses monsieur Palmer, vous leur avez montré la chute d'un super-vilain de temps à autre, mais après ? Leur avez-vous un seul jour donné du travail ? De la nourriture ? Quelque chose de plus concret que vos beaux discours ? Ont-ils pu se repaître de vos belles paroles pour les jours difficiles ? Pensez-vous que vos portraits et vos citations pouvaient réellement changer les choses ?

" Vous fûtes un scientifique de la pire espèce Palmer, un beau parleur sans ambition. Vous aviez un idéal pourri par votre incapacité à le faire vivre. Vous n'inspiriez rien en réalité. Atom fut un nom bien pédant pour un individu qui ne compose rien du tout.

Les deux gants du tyran vinrent se plaquer sur la tête de son prisonnier alors que son regard fou embrassait un avenir qu'il se dessinait dans la solitude de ses délires de conquête et de gloire.

- Je vous vois tel que vous êtes Palmer, un moins que rien, une virgule dans l'Histoire, un trublion, une carcasse vide ! Voilà la vérité Palmer, l'Europe est entre mes mains parce qu'elle préfère les chaînes de l'esclavages qui lui assure de la stabilité plutôt qu'une liberté qui la laisse crever sur le bas de la route !

" Vous y croyez encore hein ? En votre liberté, en votre égalité, en ces concepts vides de sens ! Mais la réalité est l Palmer, celle dans laquelle je vais bientôt plonger le monde. Un monde où les rêveurs auront la place qu'ils méritent dans le caniveau et où mon peuple s'élèvera ! Un monde où il ne subsistera plus rien en dehors de mon État structuré, ordonné. Je trierai, classerai, j'organiserai ce monde chaotique.

" Les rebuts seront éliminés, les traîtres traqués, les terroristes terrorisés par ma propre audace ! Je vais concevoir la plus belle et la plus magnifique des utopies de cette Terre et tous arboreront bientôt ma LETTRE, ils SCANDERONT MON NOM !

" Un nom tapis depuis trop longtemps dans l'ombre des fissures que vous avez laissé sur les murs des sociétés humaines.

Perdu dans ses rêves de grandeurs monstrueux, Degaton s'écoutait plus qu'il ne parlait à son interlocuteur. Il le voyait, le méprisait, l'abhorrait, ne distinguant en lui non pas l'inspiration que d'autres percevaient mais la frêle et pathétique créature qui venait rayer le disque de sa mégalomanie pathologique.

- Vous et vos semblables ont été le tapis rouge de mon ascension et il est bien normal qu'aujourd'hui soit le jour où je marche dessus pour réclamer ma place. Vous serrez le premier Palmer. Vous serez le moment précis où tout pourra évoluer. Où les règles changeront et où, à jamais, le monde se souviendra de moi, de ma détermination et de mes réussites. Mais encore mieux Palmer, vous m'offrez une porte ouverte vers plus...

" Aujourd'hui une exécution, demain la Guerre et bientôt le Monde sera entre mes mains...

Il se releva alors, montrant ses gants rouge sang aux yeux de son ennemi, songeant avec délice à la mort de cet adversaire qui ne l'avait que trop défié. Un sourire criminel au visage, il quitta alors la cellule, trop heureux d'aller superviser les détails de la cérémonie.

[center]***[center]

Il l'avait désirée au soir, sous la clarté lunaire d'une nuit d'été. Tout avait été conçu dans une perspective fasciste, une allée centrale au milieu de division armées qui portaient les couleurs et les armoiries du chancelier, toutes organisées en de parfaits rectangles. De part et d'autre, une foule sélectionnée parmi les plus fanatiques sujets était massée derrière les cordons noirs de la police d'Etat.

Le tout, illuminé par des torches brûlantes qui projetaient de sinistres ombres sur les casques brillants et les bottes luisantes, comme si les flammes faisaient parties intégrantes de ces cohortes infernales, donnait l'impression de voir un paysage de l'Enfer lui-même. Les visages des civils embrigadés étaient taillés dans la haine et les flamboiements ajoutaient à la dureté de leurs traits inhumains.

Les crépitements de l'éclairage peinaient à outrepasser les cris de la foule et cela devint impossible lorsque les voix passèrent à des vivats lorsqu'apparut la voiture du Chancelier. Debout, dans une décapotable, il saluait cette masse qui lui renvoyait l'image d'un peuple qui n'existait que dans ses fantasmes. Cette masse de comédiens piégés dans leurs rôles, y croyait, dans la plus ignoble sincérité des régimes tortionnaires.

Vaincre Degaton était une chose, détruire son régime et les balafres qu'il réalisait dans le coeur des peuples, une autre, plus dur, plus tragique, plus humaine aussi.

Le Chancelier, sous les vivats, monta sur une estrade qu'ornait sa terrible initiale. Il s'installa devant un pupitre et sa voix résonna sur la place. Le silence qui accompagna ses premières paroles montrait combien cette foule était à sa botte.

"Peuple d'Europe,

"Ce soir la Justice et la Vérité triompheront de l'obscurité et du mensonge. Que les criminels tremblent en comprenant quelle détermination est là nôtre, qu'ils fuient devant le glaive de notre fureur et la force de notre conviction !

" Ce soir, Ray Palmer, agent ennemi, envahisseur belliqueux va mourir !


"Gloire à Degaton" hurlèrent les fanatiques.

On l'applaudit, il y eut des vivats. Soudainement, un coup de klaxon fit tourner les têtes vers un véhicule qui exhibait sur une remorque le malheureux Atom, entravé comme un monstre de foire. Cette mascarade de Justice qui ne cachait même pas l'outrage et la violence du dispositif alimentait la haine et la rancœur, tout en forgeant l'humiliation de l'adversaire. La foule hua l'homme, on jeta des objets salissants sur son passage. La foule devenait meute, les hommes et les femmes tombaient dans les affres de la servitude...

Les brutes généraient des brutes, la violence rapetissait les êtres, ici régnaient les hyènes et les carnassiers lâches. Ici régnaient les bêtes.

Car tel était le règne de Degaton...

[HRP]
Une intro un peu longue mais il y avait quelques trucs à présenter pour ce sujet. Merci à Atom pour l'initiative ^^.
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L'exécution de Ray Palmer est visible sur toutes les chaînes d'Europe.
Car le Chancelier Degaton n'est pas homme à cacher son triomphe. Potence, discours, tout est fait pour savourer l'instant. Une chose que les héros qui l'ont affronté savent de lui. Cet empêcheur de tourner en rond temporel adore ça. Alors le plan s'est mis en place. Il s'est déroulé, à la perfection réglé comme du papier à musique, jusqu'alors. Le sympathique et génial Victor Stone, le Cyborg, fait apparaître sur les écrans de tout le Vieux Continent des images.
Des images en direct. Trois écrans en simultané.
L'exécution plus si définitive que ça.
Ailleurs. Entre les mains de héros de l'ombre.

Et en Europe. Dans un lieu que l'Etat fasciste pensait secret, à l'abri des menaces. Un camp de prisonniers, dans lequel croupit déjà plusieurs milliers d'hommes et de femmes. Toutes et tous des menaces avérées: scientifiques, journalistes, politiques, militaires... des résistants. Des opposants. Des ennemis qu'il faut faire taire. Les premiers d'une longue liste, et les plus importants.
Et pour les garder, des Enfants de Degaton parmi les plus durs, les plus cruels.
Une main d'acier trempé dans un gant de titane clouté.


Il fait gris.
Le sol est boueux.
Le vent souffle.
Une atmosphère déprimante, rude, renforcée par les intenses travaux physiques exigés par les gardiens de cet enfer clôturé. Aucun espoir ne pointe le bout de son nez. L'horizon est vierge de solutions. Le maelström est là, et personne ne l'a pourtant vu venir.

Des flocons de neige commencent à tomber. Ils dansent en un étrange ballet, comme unis par une pensée commune. La promesse d'une nuit glaciale, bercée par le soufflement du vent par les trous des baraquements.
Les ombres dans le camp s'agitent, remuées par d'étranges murmures.
La rive est battue par les vagues qui se meuvent, furieuses.

Spoiler:

Un éclair s'abat enfin, dans un flash terrible. Énorme. Un signal, mythique. Il fracasse l'armurerie, faisant exploser le bâtiment de bois et de tôle. Les laquais de Degaton accourent... et trouvent, au milieu des flammes de leur entrepôt, des silhouettes.


Aquaman.
L'homme qui "parle aux poissons".
Un sur-Atlante, ancien roi des royaumes sous la Surface.
Malmené à Bruxelles. Laissé pour mort.
Qui compte bien rendre la monnaie de sa pièce au tyran européen.


Crimson Fox.
L'héroïne française aux capacités physiques surhumaines.
Son président est tombé lors de l'attaque de Bruxelles.
Son pays est sous le joug dictatorial du Chancelier.
Inacceptable.


Ice.
Protectrice du monde libre avec ses pouvoirs de glace.
Norvégienne, il lui est insupportable d'imaginer un monde dans lequel Degaton garderait le pouvoir.
Alors elle compte bien se battre, jusqu'au bout.


Knight & Squire.
Le Dynamic Duo de l'Angleterre.
Vaincus par Degaton il y a peu.
Éternellement résistants, comme leur pays.
Ils n'attendent que la victoire pour singer Churchill.

Des couleurs, multiples, nombreuses, qui égaient étrangement la morne routine de ceux qui vivent et subissent l'emprisonnement politique.

Voilà que peuvent voir les soldats amassés devant les flammes. Voilà ce que peuvent voir les citoyens européens amassés devant leurs télévisions. Des hommes, et des femmes, prêts à se dresser contre la tyrannie et à se battre pour le bien de millions d'autres, peu importe les périls. Des héros. Leurs héros.
Mais pas les seuls. Car d'autres attaquent ailleurs dans le camp.
D'autres âmes combattives. Venues libérer les civils.
Menés par quelqu'un de singulier, mais non moins méritant et capable.
Quelqu'un qui a des comptes à régler avec Degaton.
En sauvant le maximum de vies.

Le regard sombre, les bras croisés, Aquaman toise tous les soldats.

- Lâchez vos armes. Rendez-vous. Et nul mal ne vous sera fait.

Il n'a droit comme réponse qu'au déclic des armes futuristes des troupes temporelles.
Soupir.

- Évidemment.

Et à une tempête de lasers. Qui ne touche personne. Car la fine équipe s'est préparée. Knight a déployé un bouclier technologique déviant les tirs, derrière lequel Squire s'abrite également. Crimson Fox profite de son agilité proprement exceptionnelle pour louvoyer entre les traits brûlants. Ice lève un mur de glace devant Aquaman et elle, et l'Atlante perturbe leurs assaillants avec d'intenses ondes psychiques.

Et tous se lancent à l'assaut !
Sans la moindre peur.
Armés de leurs convictions.

Ils bondissent, frappent, repoussent en brisant les armes et détruisant l'équipement ennemi. Pas de morts, tel est le mantra que chacun se répète alors qu'ils font face à la haine de ces militaires embrigadés, de ces fils et filles d'une idéologie déviante. PAS. DE. MORT.
Et lorsque enfin le silence se fait, lorsque la dernière arme cesse de tirer, lorsque le dernier rugissement guerrier s'estompe, les spectateurs devant leurs postes ne peuvent que constater: les forces de Degaton ont été défaites. Ce camp d'horreur a chu. Et les héros sont encore debout. Fatigués, endoloris, mais bien en vie. Et prêts à remettre ça, autant de fois qu'il le faudra.

Avant que la transmission ne coupe, Aquaman se tourne vers l'écran, son regard bleu glacial traversant les milliers de kilomètres le séparant du Chancelier.
La colère.
La détermination.
La lutte.
Une force inarrêtable.
Et sur ses lèvres se forment enfin quelques mots, clairs, limpides comme de l'eau de roche.
Je. T'ai. Eu.

Où va le monde ?
Je me suis répété cette question… des centaines de fois. Depuis que la menace de Luthor s’est mise à grandir et qu’elle a fini par passer la frontière. A côté, un autre a su profiter de la situation pour devenir tout aussi dangereux. Per Degaton.
Une fois de plus, il a frappé. Il a fait beaucoup de mal. Une fois de trop.
Ray Palmer a lancé un appel… Et je lui ai proposé de nous laisser faire, de prendre la main, de l’aider à reformer les All-Star Squadron. Avec le soutien des Outsiders et ceux des volontaires, prêts à se rendre en Europe.
La justice ne connaît pas de frontière, la liberté appartient à tout le monde. L’oppression est un acte abjecte.
Atom a voulu y aller le premier, faire diversion. C’est le plan… J’ai promis de le respecter. Je lui ferais honneur. Et je vais l’accompagner, en parallèle, pour lutter contre la tyrannie du Chancelier.

Le discours se fait entendre à travers les chaînes de télévision.
Le spectacle a commencé…
Il est arrêté par Cyborg, ce très cher Victor.
Ailleurs, non loin du camp, nous nous tenons debout. Nous sommes prêts à agir, au nom de tout ce qui est juste.
Les silhouettes des premiers Héros apparaissent sur les images. Tout le monde peut voir les All-Star.
Aquaman, suivi par Cimson Fox, elle-même talonné par Ice. En arrière garde, le duo Knight et Squire. Tous ont répondu à l’appel de Ray. Tous ne comptent pas laisser faire plus longtemps Degaton et ses hommes. Ils arrivent pour se battre. Sans faire de victimes. Parce qu’ils sont les justiciers que le monde a besoin.

De l’autre côté, je les vois. La plupart sont des amis, tout comme Ray Palmer. Tout comme eux, je me dresse contre le Chancelier, comme je l’ai toujours fait. Malgré les menaces, malgré la torture mentale… Ses ignominies vont cesser !
On m’appelle Ralph Dibny, plus connu sous le nom d’Elongated Man. Le ductile détective … Membres de la JLA et aujourd’hui j’aide Arthur Curry à mener l'Escouade.
A mes côtés, deux légendes se dressent. Deux parmi les membres fondateurs de la JSA, la toute première équipe de Héros.

Jay Garrick


Le premier Flash.
Main sur le coeur et l’autre tendue vers les autres.
L’exemple de Barry Allen.
Capable d’atteindre des vitesses incroyables !

Alan Scott


La Sentinel.
Un des plus vieux Héros.
Il voue sa vie pour les autres depuis si longtemps…
Et sa lumière n’a jamais perdue de son éclat.

Les premiers Flash et Green Lantern s’échangent un regard puis se tournent vers moi.
Et c’est parti !
Plusieurs dizaines de bâtiments pour quelque millier de prisonniers. Nous rencontrons peu de résistance, la plupart sont occupés avec Arthur et les autres. D’un côté Flash file à pleine vitesse, brise les portes et emporte les personnes, deux par deux. Je ne vais pas aussi vite, mais je peux en porter quatre personnes de plus par bras. Alan utilise ses dons pour former des plateformes qui les accueillent.
Nous parvenons à tous les libérer, personne n’est laissé à l’arrière ! Le front est victorieux, des vies sont sauvés d’un sort funeste, l’équipe s’est dressé contre le Chancelier.
Une image forte, qui s’est fait enregistrer. Des actions qui ont été vus par des millions de personnes.
Des actes qui ont été fait au nom de la Justice et de la Liberté, contre le crime à l’Humanité !
Car c’est ce pour quoi nous nous sommes toujours battus.

À bord du véhicule volant prêté par Blue Beetle, un héros haut et en couleur bourdonne d'impatience. 
Il ne tient plus.
Il ressent le besoin de faire savoir qu'il agit, qu'il a agi. Qu'il est prêt. Qu'ils sont prêts, en partie grâce à lui.

"J'ai absorbé l'image rémanente de toutes les transmissions entrantes et sortantes. J'ai checké le cahier des charges de l'opération avec les échanges de données en interne et hors-site. C'est l'instant ou jamais !"

Un coordinateur connecté à distance se permet de commenter son propre enthousiasme, à sa façon.

« Grâce à Dieu nous allons mettre un coup à ce chien de Degaton. »

Oliver interrompt sa tirade d'allégresse inhabituellement partisane.

"On s'en tient au plan, Al-Sheikh. On doit juste le rendre aveugle et sourd pendant quelques temps."

Quelques insultes en arabe s'ensuivent, destinées à Green Arrow.
Il ne les prendra pas personnellement.

Le lieu est tenu secret, un centre de communications co-opté et mis sur pieds par les Enfants de Degaton.
Mise au service du nouvel empire européen, la structure centralise et vérifie tout ce qui concerne le contrôle de l'information - ce qui inclut censure, propagande, communications internes et surveillance des données.
Aujourd'hui, elle va prendre un coup d'arrêt.
Le jour est celui choisi par Per Degaton pour l'humiliation publique de Ray Palmer.
Une forme invisible et à peine audible se glisse sur le terrain des opérations.


Un homme en armure furtive se pose prestement aux abords de l'installation. Il tire plusieurs rayons d'énergie concentrée sur ses cibles. Il n'en manque aucune. Nul ne le repère. Aucun garde ni tourelle ne résiste à l'efficacité de sa technologie. 


"Les défenses du périmètre sont neutralisées pour mise en place du protocole de ressortie."


Il s'agit de Gardner Grayle, vétéran de l'armée et ancien garde de sécurité de STAR Labs. 
Atomic Knight. Un homme profondément rigoureux dans la veine de l'armée américaine. Hanté par des visions apocalyptiques et des délires de chevalier du Moyen-Âge. 
Son armure post-nucléaire mark 3 fait de lui un agent polyvalent et d'une efficacité redoutable, avec une charge limitée. La mission repose sur la maîtrise impeccable de ses ressources. 




"Je suis à l'intérieur !! Ça ressemble à une salle de serveurs !"
« On se fiche de l'air que ça a. Est-ce qu'on vous a repéré, Jordan ? »
"Je n'sai... Hu, oui oui c'est bon ! J'suis pas r'péré."
"Doucement la testostérone, Al-Sheikh. Le petit fait au mieux. Si vous lui mettiez moins de pression, il... Oh et puis laissez tomber. Junior, tu fais du très bon travail."
"Merci M'sieur Arrow."

On entend le bruit d'un briquet dans les communicateurs.

« Ouais, tu parles. Arrow, si le plan foire, sache que je t'en tiendrai pour responsable ! »




Naif Al-Sheikh, ressortissant saoudien et vétéran des renseignements, grogne encore à l'autre bout des commlinks. 
Sa devise, Fais confiance, mais vérifie est mâtinée d'hypocrisie. Il ne se fie simplement à personne. 
Il ne laisse rien au hasard, au niveau micro-tactique comme macro-stratégique. C'est ce qui fait de lui l'homme qu'il est. 
C'est-à-dire l'un des chefs d'orchestre confidentiels de ce monde, capable de mener à la baguette du simple engagé au plus haut fonctionnaire. 
Il suivrait le discours de Degaton au même moment, s'il n'avait pas eu déjà le script par un scribouillard que quelqu'un que quelqu'un connaît qu'il connaît connaît. 
Alors, comme il n'a rien à faire qu'attendre, il râle. Il récrimine.

« Yamashiro passe encore... Les états de service du Sergent Grayle sont parsemés de trous et d'incohérences béantes. Quant à Air Wave... ce Métahumain... Était-on obligés de nous remettre à ses capacités ? »
"Mes hommes. Votre plan. Vous savez mieux que personne qu'il a sa part à jouer."

Une lame au pouvoir contenu tranche le canon du pistolet d'un agent du fascisme au sein de la base. 
Shling!


"Ici Katana. En position."
"Sergent Grayle en position."
"Air Wave prêt à l'action !"

Chacun connaît son rôle, ses directives. Naif Al-Sheikh leur a fait un briefing parfait.
Ils investissent le hub de l'information du protectorat de la Haute-Chancellerie. Ils neutralisent, sans tuer. Sans écueil. 
Rayons énergétiques, rafales pulsées, prises d'arts martiaux. Coups de jus, d'estoc et de taille. 
Et... Une flèche. 

Voir son image remplacée par celle de Cyborg...



Voir Atom sourire de cette façon si victorieuse...



Lire sur ses lèvres...



Voir sa taille changer...



IL...



M'A...



EU...

- NON !!! hurla Degaton alors que sa proie, son symbole, sa victoire s'évaporait devant ses yeux injectés de fureur.


Dix conseillers, debouts, silencieux, observaient, la mine basse, la colère froide qui glaçait le Haut Chancelier dans son fauteuil. Sa main gauche posée sur son bureau massif ne bougeait pas, sa main droite écrasait régulièrement avec force une balle anti-stress. Son regard était dirigé vers une fenêtre fermée à travers laquelle il pouvait voir un drapeau à son effigie flotter dans le flux temporel.


Les caméras s'étaient interrompues, la foule avait hurlé au crime, les régiments de parades s'étaient dispercés pour tenter de retrouver l'impudent, mais il était trop tard et le Haut Chancelier, sur son estrade, observait la potence désormais vide, les brasseros éclairant sporadiquement son visage tuméfié de férocité.

Piégé. Manipulé. Trompé. Mais pire que tout, humilié.


- Nous avons pu identifier un certains nombre de dissidents qui sont intervenus... annonça un homme du commissariat au Haut Chancelier qui lévitait sur son disque temporel au-dessus des ruines d'une prison politique.

Les gants de Degaton crissèrent tant il les serrait de colère. L'on peinait à voir ses yeux tant son regard était froncé de haine. Il avait reçu la liste des justiciers impliqués. Une longue, trop longue liste, parmi elle d'anciens ennemis et de nouveaux.

- Les gardes et le directeur ont été mis aux arrêts, continua le "policier" qui ne savait trop comment prendre le comportement de son supérieur. Ils ont été coopératifs durant l'enquête. Aucune victime n'est à déplorer.

- Il y en aura... gronda le Haut Chancelier.


- Nous... nous avons besoin d'instructions Haut Chan...

La balle anti-stress vola d'un seul coup dans la pièce et Degaton bondit hors de son siège à la surprise de ses conseillers qui eurent un mouvement unanime de recul.

- DES INSTRUCTIONS ?! A votre avis bande de demeurés ? Trouvez-moi comment ils ont réalisé ça ! Je veux tous leurs noms, je veux leurs têtes !!! hurla-t-il tant et si fort qu'il en fit vibrer les vitres de son bureau. J'ai la puissance d'un continent et ils osent me défier ! M'Humilier !

" Alors au lieu de compter les mouches, dressez-moi cette foutue liste ! Et faites-moi un état des lieux de ce fiasco !

L'un des conseiller à la sécurité trouva le moment opportun pour se porter volontaire et quitta les lieux.

- Nous avons coupé la diffusion de la vidéo sur les réseaux officiels mais... les réseaux sociaux, eux, s'en donnent à coeur joie si vous me permettez l'expression... enchaîna rapidement un préposé à la propagande.

- Dispensez-moi de ce genre de commentaire ! siffla Degaton en s'approchant d'une fenêtre.

- Euh.. bien monsieur, je... euh... nous avons identifié plusieurs serveurs problématiques qui ont été coupés sur le territoire, mais il en reste d'autres ailleurs... nous n'avons pas les moyens, notamment sur les Etats-Unis de...

- Piratez-les

- Euh... c'est un acte de guerre monsieur et...

Per se retourna alors et attrappa à la gorge son impudent conseiller.

- La guerre ! VOUS CRAIGNEZ LA GUERRE ?! Mais ce sont eux qui l'ont ouverte ! J'ai plus d'agences de renseignements que n'importe quel gouvernement dans ce monde, alors ne me faites pas croire qu'il soit si compliqué de cacher une telle action ! Pi.Ra.Tez.Les !

L'homme se contenta de hocher la tête lorsque sa gorge lui permit de nouveau de respirer.

- Quant aux opposants, pressurez-les ! Arrêtez-les. Après quoi ils n'auront plus le luxe de la prison, vous les fournirez directment aux laboratoires du professeur "M". Qu'ils soient tous rééduqués !

" Puisqu'ils ne veulent accepter mon règne, alors je les obligerai à M'AIMER ET A ME RESPECTER !

" Je veux que le commissariat accélère ses enquêtes, je veux un continent sans plus de crime, de délit ou d'attentat ! Je veux une société qui suit l'Ordre que je lui choisis ! Est-ce clair ?!

Un concert de hochements de têtes et de prises de notes lui répondit.

- Quant à ces fauteurs de troubles, je veux qu'ils paient ! Doublez la production de nos usines d'armement ! Recrutez, embrigadez la population s'il le faut, alignez toutes les usines qui sont sous-exploitées ! JE VEUX PLUS D'ARMES !

- Haut Chancelier, fit l'un de ses conseillers au budget, nos armées n'auront pas l'usage d'une telle production.

- Mes armées sont innombrables sinitre abruti ! Préparez les livraisons à nos cellules dormantes des "Enfants" aux Etats-Unis. Puisqu'ils viennent jusqu'à moi, je brûlerai leurs terres, je vitrifierai leurs villes ! J'y ferai naître l'enfer sur Terre ! Quant au reste... croyez-moi, elles serviront, en 2020 ou ailleurs...

Les visages blêmirent devant sa colère écarlate qui parlait de guerre et de terrorisme. Per Degaton était une âme sanguine et sanguinaire qui n'aurait de cesse d'abreuver les pires conflits. Dirigeant des armées, il n'avait été qu'une question de temps de le voir, grisé, s'enivrer de sa toute puissance et de se croire invincible. Une croyance qui venait d'être ébranlée.


Dans les différentes prisons éventrées, les gardiens et les responsables du désastre furent alignés et fusillés. Leurs corps, meutris et "décorés" post-mortem furent ensuite employés pour une mise en scène morbide. Les caméras de propagande, cyclopes affamés des désirs de leur maître qui commençait à se noyer dans les blessures de son égo n'en manquèrent pas une goutte.

Les commentaires qui accompagnèrent les images ne furent pas tendre avec les "rebelles", les "terroristes" et les insultes accompagnaient les messages les plus virulents. Les bourreaux furent présentés en victime, les libérateurs en monstres.

L'effet fut difficilement mesurable mais les langues allaient se délier, les images discutées, les messages remis en question. Autant de crimes dans un monde où la chape de plomb de l'État était en train de se refermer sur le quotidien, où la police verrouillait l'information comme on verrouille un assassin.

Ils l'avaient eu collectivement, dans un plan magistralement exécuté, avec force et courage. La frappe fut rapide, efficace et allait profondément marquer le dictateur... pour le pire.

[HRP]S'agissant d'un sujet éclair, voici qui conclut la présence de Degaton à ce dernier et les réactions provoquées sur le continent.[/HRP]

Jessica fondit sur la scène avec autant de volonté qu’elle avait de colère et d’horreur.

Se considérant elle-même comme une boule d’émotions, elle se savait sensible. Elle se savait sujette à de nombreuses humeurs, et pourtant, si elle n’était pas étrangère à la colère, celle qu’elle ressentait quand elle dévoila enfin sa présence à l’endroit exact où Ray l’attendait était toute nouvelle. Elle sut instinctivement que si elle n’avait pas eu d’anneau vert à sa main, si elle avait été à proximité d’un anneau rouge abandonné, il aurait trouvé sans soucis le chemin de son doigt. Se contrôler n’était pas facile, pas alors qu’elle avait l’impression d’avaler de la bile et d’avoir une bande de papier de verre dans la bouche au lieu d’une langue, mais elle était Jessica Cruz-Palmer, non ? Elle se contrôlait, et elle le faisait avec volonté.

Ca ne l’empêcha pas d’apparaître en libérant derrière elle la silhouette dévastatrice d’un dragon ailé. C’était une des constructions auxquelles elle s’était attachées, de façon toute à fait inédite pour un Green Lantern. Mais après tout, elle parlait à son anneau comme s’il était vivant, et en réponse, ce dernier s’était bâti une personnalité qui n’appartenait qu’à lui. Alors pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Les guerrières dans les livres de fantasy, les femmes qui se soulèvent contre un empire injuste et malhonnête, sont toujours accompagnées de dragons. Elle n’était pas Wonder Woman, mais si elle pouvait réduire la différence avec un peu de mythologie par-ci par-là, elle n’allait pas se priver.

Elle se rendit rapidement compte, ceci-dit, que ce n’était pas le respect qu’elle cherchait à invoquer en apparaissant de la sorte. Non. C’était la peur. La même peur que tous ces gens ressentaient, cachés chez eux, terrifiés de voir ce qu’on faisait à leur avenir. Et si ça ne marchait pas, si la gueule béante dans son dos et les ailes de dragons de chaque côté de son corps ne suffisaient pas, au moins un peu de méfiance. La preuve que ça ne serait pas si facile de gagner tant qu’elle, tant qu’eux tous seraient là.

De ce côté-là, aucun risque que le message ne passe pas.
Ray en avait été le porteur, après tout.

Les bras de Jessica se refermèrent autour du corps de ce dernier tandis que le dragon déployait ses ailes dans son dos.

« Accroche-toi, » souffla-t-elle dans son oreille.

Le dragon ouvrit grand sa gueule et cracha un feu d’émeraude qui les enveloppa. Quand les flammes disparurent, ils étaient déjà partis. Le dragon s’éteignit de lui-même après quelques nouveaux battements d’ailes, réduit à néant par la distance entre lui et l’anneau de Jessica qui était déjà à plusieurs centaines de kilomètres.

« Tu es blessé, » souffla-t-elle, quelque part au-dessus de l’océan Atlantique. Quand elle reprit parole, à peine quelques instants plus tard, l’état de New York s’élevait déjà à l’horizon. « Je sais, je sais. C’était prévu. On en avait parlé. Mais… Tu es blessé, Ray. »

Elle se retenait tant bien que mal de ne pas dresser un diagnostic complet grâce au scan de son anneau et essayait de concentrer toute son attention sur le vol, et sur la chaleur de Ray qu’elle tenait toujours contre elle.

« Patty nous attends. Tout est prêt. Elle va s’occuper de toi. »

Elle marqua une pause et l’état de New York se retrouva loin derrière eux.

« Je suis si fière de ce que tu as fait… Mais la prochaine fois que tu me proposes un plan de ce genre, il est probable que je te crie dessus. Ne m’en veux pas, okay ? »

Elle lui esquissa un petit sourire avant de désigner d’un petit signe de tête la Tour de la Team Atom qui venait d’apparaître à l’horizon. Elle n’avait pas vraiment besoin de le tenir, parce que la sphère qu’elle avait créée tandis que les flammes de son dragon les enveloppait et dont elle se servait pour transporter Ray lui offrait un faux semblant de gravité et de solide sous ses pieds. Mais c’était dur de le laisser, de ne pas le serrer contre elle après les images transmises à la télé et les marques qu’elle voyait partout sur lui. Paradoxalement, ce furent ses blessures qui finirent par la décider, et elle s’écarta à contrecœur pour seulement le tenir par la main et lui offrir le support physique dont il pourrait avoir besoin. Elle avait promis : pas de scan tant qu’ils ne seraient pas arrivés à la Tour. Elle ne devait pas paniquer avant l’heure. Patty se tenait prête et tout le matériel médical dont elle aurait besoin les attendait.

« Tu es en sécurité maintenant, » rajouta-t-elle en se ralentissant tandis qu’ils se rapprochaient de la fenêtre ouverte qui les mènerait à Patty. « Je te tiens. »

Parce que ça ne servait à rien de lui combien elle avait souffert de s’imaginer ce qu’il vivait, combien ça lui avait coûté de ne rien y faire alors qu’elle en avait les pouvoirs. Ca ne l’aiderait ni elle, ni lui. Par contre, ce qu’elle pouvait faire, c’était continuer à lui serrer la main, rester près de lui et aider Patty pendant ses examens.

Et que Dieu lui en soit témoin, c’est exactement ce qu’elle comptait faire.