Offre d'emploi musclée (PV Per Degaton)

La pire partie de l'inconscience, c'est la partie juste avant, celle où l'on est sur le point de succomber, mais où le cerveau fait de son mieux pour transmettre toutes les informations qu'il pouvait. Là, gisant sur le métal froid de la Tour Eiffel, une main accrochée à la rambarde, elle regardait la ville en dessous d'elle. Il y'avait du triomphe, quelque part, en voyant ce qu'elle avait réussi à faire, mais aussi la réalisation amère de ce qu'elle avait faite. Un autre justicier pourrait d'ailleurs l'en engeuler: En combattant les aliens à Paris, Ice avait permis à Degaton de garder du pouvoir. C'était cruel, mais en évitant de se mêler à tout ça, sans doute que le dictateur serait là, mort dans son bunker, les yeux révulsés, à quelques mètres seulement de sa satanée machine temporelle.

Mais pour Ice, ç'aurait été encore pire de laisser les aliens tout raser. Encore pire de simplement changer l'oppresseur. Si elle s'était battue, c'était pour qu'il reste quelque chose de Paris, quand ses héros viendront éventuellement arrêter le dictateur fou. Elle avait du regret à ne pas avoir arrêté les deux, quelque part, mais elle n'était pas Superman. Gérer deux armées en même temps... Bah. Placée dans une situation batarde, Tora ne regrettait pas d'avoir au moins sauvé des vies. Ou c'est peut-être qu'elle se cherchait des excuses alors qu'elle était là, à deux pas du coma, incapable de regarder ailleurs de son oeil, le regard figé sur un flocon de neige qui était tombé sur le dos de sa main. Charmante vision.

... Son village lui manquait.

Une main se posa à l'arrière de ses genoux, l'autre sur son dos, et Ice fut soulevée du sol tout calmement, sombrant finalement dans l'inconscience. Et la soldat qui s'était chargée de la récupérer poussa un léger soupir de satisfaction, s'étant dit que la métahumaine aurait pu tenter de la frapper de sa glace. Le fusil hissé autour de l'épaule, elle se retourna pour filer vers l'un des ascenseurs, sous le regard moqueur d'un autre soldat du régime. Tout deux portaient des uniformes visants à gommer leurs traces d'individualités. Grands casques, lunettes noires, cols élevés... Au mieux, on pouvait voir le visage autour de la bouche, et une partie du nez. Les forces d'élites du régime, déployées pour tuer tout ce qui avait à la fois huit pattes et un coeur toujours battant, et aussi récupérer cette fâcheuse héroïne, qui s'était mis en tête de s'évanouir au coeur du territoire ennemi.

On dirait qu'elle pèse 50 kilos toute mouillée, tu pourrais la descendre.

On n'est que sur la Tour Eiffel, ducon. Fit t-elle, mettant fin à l'argument avec son collègue. Une fois entrée dans l'ascenseur, la garde descendit le long de la Tour Eiffel, ne daignant même pas regarder tout le chaos autour d'elle. Alors que les siens finissaient les envahisseurs survivants, d'autres s'occupaient des dégâts ou alors s'affairaient à récupérer le matériel laissé par les vaisseaux détruits. Le sauvetage de civils était important, aussi, mais... en second plan comparé au reste de l'opération.

Une fois arrivée en bas, et après avoir descendu les dernières marches, la sous-fifre s'avança simplement sur une camionnette garée au pied de la tour. Là où tout le reste du régime se démenait un peu dans tout les sens, reportant de nouvelles flammes ou de nouveaux débris, les deux soldats près du véhicule se tenaient bien droit et immobile. Pour eux aussi, la reconnaissance faciale était difficile, que ce soit à cause de leurs cols très haut remontant jusqu'à la moitié du visage, leurs lunettes noires ou même leurs grandes casquettes, rendant toute identification compliquée. Quand la femme s'approcha, les deux s'écartèrent, et laissèrent à cette dernière le soin de placer Tora directement sur une capsule, au sein du camion lui-même.

Immédiatement, une fois déposée sur le siège, une épaisse protection de verre se déploya autour d'Ice, et les deux soldats montèrent immédiatement sur les sièges présents, pendant que la sbire descendit, consciente que son rôle dans ces évènements se finissait-là. Pourtant, toute bonne pion qu'elle était, elle ne put pas s'empêcher de poser les mains sur les hanches, dévisageant le duo.Vous auriez pu monter au moins, non?

Toute insubordination est passable d'exécution immédiate. Les portes se refermèrent, et le véhicule démarra, filant un chemin au travers des rues détruites de la Capitale, zig-zaggant parmi les débris en flammes et autres obstacles. Elle attendit que le tout disparaisse au loin avant de se retourner, ajustant son fusil.

Bah, gros cons.

...

Hrm... nh... mh? Quand Ice se réveilla, ce fut avec le sentiment que quelqu'un avait ouvert sa tête en deux, puis s'était chargé de tout recoller avec du band-aid, pour offrir une légère impression de la douleur qu'elle ressentait. Si son épuisement des efforts recents étaient parti, les séquelles de son utilisation à grande échelle de ses pouvoirs, elles, avaient encore d'assez beaux jours devant elle, si son mal de crâne en était à croire.

Se relevant du siège où elle se trouvait, Tora ne fit pas immédiatement la décision de regarder autour d'elle. A la place, elle bougea un peu des jambes et des bras, avant de reposer sa tête contre une surface solide, s'y maintenant via le bras droit. En passant le doigt en dessous du nez, elle put remarquer qu'il y'avait un peu de sang séché dessus, la promptant à tout nettoyer avec le doigt. La douleur dans sa tête devint éventuellement suffisamment passible pour qu'elle puisse tenter de regarder autour d'elle, s'éloignant de son mur et lançant un coup d'oeil curieux.

La salle était décemment petite et vide de tout matériel, sinon le lit au milieu. Encadrée par quatre murs épais et plusieurs vitres aux verres sans aucun doute résistante, le seul moyen d'en sortir sans utiliser la force était via une porte blindée, menant à ce qui semblait être une salle de test. Toute la pièce avait un air stérile. Le sol était en carreaux gris, tout comme le plafond, et les lumières d'en haut étaient assez aveuglantes pour qu'Ice décide de regarder en bas, se couvrant même les yeux avec la main.

Sujet: Tora Olafsdotter. Nom de code: Ice. Manipulation cryokinétique. Carrière passée dans la Ligue de la Justice Internationale. Coupa une voix, provenant d'un micro quelque part dans la pièce. Il y'a plus prestigieux que vous... Mais ceci reste une bonne prise.

Qui... Qui êtes vous? Identifiez vous! Ice se tourna vers la vitrine à droite, remarquant une figure derrière cette dernière, légèrement cachée. Son interlocuteur ne réagit guère à ses propos.

Mon nom ne compte pas. La seule chose que vous devez savoir, c'est que je suis vos supérieure en ces lieux, mademoiselle Ice. Bientôt, le chef suprême Degaton viendra ici, dans l'intérêt d'une conversation visant à vous recru-

Jamais! Fit Ice, défiante. La figure resta silencieuse un tout petit instant.

... Il en reviendra au Grand Chef de décider de tout ceci, mais sachez, madame Ice, que nous avons pris des mesures pour vous retenir ici. Sachez que si par aventure, vous veniez à fuir, nous exécuterons un civil par minute passée hors de votre cellule. Tora écarquilla les yeux et recula de quelques pas. Ceci n'est ni un bluff, ni quelque chose que vous pourriez arrêter si aisément. Per Degaton vous propose un avenir radieux au sein d'un monde fort. Vous n'avez aucune raison de refuser son offre, alors-même qu'il se distrait de ses tâches extraordinairement importantes pour vous convaincre, là où il aurait pu envoyer un agent. Vous devriez être honorée, et non horrifiée, qu'il se soit d'ailleurs arrangé pour ça.

Je ne laisserais pas Degaton me guider! Il a fait trop de choses horribles pour que je puisse accepter sa pitié! Et je-

Suffit. Vous verrez qu'il ne vous sera pas si facile de repousser la générosité du Chef Suprême une fois qu'il sera présent. Ne faites rien pour vous évader, et écoutez-le attentivement. Si vous veniez à essayer de l'interrompre, il en coûtera aux civils. Et tous mourront avant vous.

Tora leva le doigt, comme pour protester, mais se sentit faible et tomba juste sur sa chaise, la vitre derrière elle se teintant de noir pour masquer la personne derrière. Acculée, Ice se leva un peu de son siège et posa la main sur le crâne, dépassée par la situation. Degaton allait venir? La recruter? N-non... Elle n'était pas destinée à devenir un outil d'oppression cruel! Il devait y'avoir une sortie, il...

... Elle ne pouvait pas être sans issue de secours, non?

L'attaquant lança une pointe qu'esquiva le défenseur. Le sabre sportif fendit l'air en réponse. Jeu de jambes souple face à un adversaire moins mobile mais avec une souplesse du poignet plus avantageuse. Nouvel échange vain. Le niveau des deux adversaires impressionait tant les assauts se répétaient en laissant désespérément le score à 0 de part et d'autres. Tout était un jeu de concentration et d'endurance. Dès que l'un perdrait un point, il perdrait la partie.

L'échange dura facilement deux heures au terme desquelles Vandal Savage marqua le seul et unique point. Lorsqu'il ôta son masque, révéélant son visage millénaire recourvert de sueur, son adversaire, Degaton essoufflé fit de même. Visage rougis par l'effort, corps brûlant de l'exercice. Pas de commentaire, chacun tira silencieusement les leçons de cette victoire ou de cette défaite. Pas d'analyse, pas de félicitations, pas de verre échangé, pas de sourire non plus.

L'immortel prit une gorgée d'eau, le Haut Chancelier sortit de cette pièce et quitta le champ de non-temps qui l'entourait.

Son secrétaire personnel sursauta. Son application de rencontre de ce dernier n'avait même pas eu le temps de se lancer que son supérieur, encore frais et dispo quelque second auparavant surgissait, le corps chauffé de ce long exercice. Il dut se jeter à sa suite pour suivre le rythme de son pas.

Pas de temps à perdre, passage dans ses appartements où il prit une douche. Sur le chemin, trois officiers lui avaient passé des notes qu'il avait lu rapidement et transféré à son laquais avec des instructions lacunaires. A la suite, une sieste rapide de trente minutes qui ne lui prit pour le reste du monde que trois. Lecture de courrier, relecture du discours qu'il allait devoir adresser à la suite de l'invasion alien. Son lui blessé à la suite de l'attaque se reposait encore hors de cette époque pour reprendre des forces le plus rapidement possible. Le reste du monde était encore sous le choc par cette invasion avortée. Per avait déjà encaissé de son côté, il avait une semaine de vie supplémentaire par rapport au reste de l'Humanité. Une semaine de convalescence, coupé de bien des choses pour ne pas se désynchroniser. Il n'avait reçu de nouvelles que de Vandal et de ses officiers qui suivaient la véritable temporalité de cette planète.

Soudain, son agenda connecté fit vibrer sa montre futuriste. Mouvement du poignet. Rendez-vous dans les geôles française. Ah, oui. La fameuse "Ice". Il activa son disque temporel pour rejoindre ses bureaux privés situés en plein Time Stream, niché au coeur d'une tempête de paradoxes. Là il eut tout le temps de lire le dossier d'arrestation et toutes les affaires liées à cette héroïne au touché givrant. "Ice"...

Pathétique petite chose. Il détailla la liste dressée par ses services spéciaux des leviers de manipulation possible pour la convaincre de faire les pires abominations.

Il eut un rictus lorsqu'il découvrit la tête de liste.

Pour elle, quelques heures tout au plus. Pour lui près de neuf jours étaient passés.


Dans les prisons, le silence était aussi remarquable que celui qui hantait la solitude de son pouvoir. C'était d'ailleurs le même silence. Les pas des gardes, de son escorte et les siens réduisaient les prisonniers dans un silence de peur et de crainte viscérale. Même sort pour ceux et celles qui le croisaient dans son palais, son bureau, lors de ses visites ou de ses déplacements. L'on avait peur de lui. Cet homme qui avait mis un continent à genoux, qui le maintenait dans une main si terrible qu'elle transformait l'Histoire en présent, le présent en Histoire. Être répugnant, inquiétant, incompréhensible, qui se désynchronisait, qui planifiait avec un temps d'avance, qui paraissait en permanence soucieux de la date et des calendriers, des horloges et du temps. A mille tâche dans mille lieux en mille temps, Per Degaton naviguait dans son pouvoir comme une barque prise dans un tumulte. Derrière l'apparence de la solide tranquillité se tenait un homme qui en une année en avait vécu trois, qui dormait en dehors de cette temporalité et vivait partout et tout le temps.

Aujourd'hui, il s'octroyait dans son précieux emploi du temps une place. Une place de détente, à confronter une créature qui représentait tous les défauts. Méta-humaine, femelle, héroïne, témoin des évènements qu'il tenait à voir réécrits pour sa propagande. Une gêne. Mais tout problème peut devenir une opportunité pour qui sait les saisir. Or Degaton est là parce qu'il a su profiter pleinement de multiples situations à son avantage, parfois en les créant de toutes pièces. Celle-ci ne fera pas défaut.

Lorsqu'on lui ouvrit la porte, l'interrogateur de "Ice" se lèva et se fendit d'un salut qui faisait frémir au travers des âges.

- Maître Suprême, Grand Voyageur, voici la femme, lança-t-il en indiquant la seule personne autre qu'eux dans cette pièce. Elle a été préparé selon les instructions. Elle se montre toutefois peu encline à la coopération.

- Parfait, vous pouvez disposer, ordonna Per sans quitter la jeune méta-humaine de ses yeux cernés.

Lorsque la porte se ferma derrière son sbire, Degaton tira une chaise et s'assit. Il se cala contre le dossier et posa une simple main gantée de rouge sur la table qui le séparait de cette victime en puissance. Son regard ne cachait pas tout le mépris qu'il avait pour cette femme qui travaillait de l'"autre côté" de la frontière morale de ce monde.

- Vous commencerez à travailler demain pour mes services, fit-il directement. un uniforme, un casernement avec exercices militaires, nourrie et blanchie sur place. Un salaire vous sera versé chaque fois que les opérations seront fructueuses.

Il se passa une main dans les cheveux.

- Souriez donc, vous allez avoir le privilège de travailler pour bâtir un monde meilleur.

Une insulte, une bravade pour cette femme qui devait probablement n'avoir aucune illusion sur son règne, sur ce qu'il était. Mais qu'était-il pour cette femme libérale, dotée d'une mutation insidieuse qui réduisait encore la force de l'Humanité en lui faisant miroiter un avenir plein de pouvoirs et de possibilités inimaginables ?

Se rendait-elle compte de l'ignominie qu'elle était ? De l'horreur que son existence incarnait ? Elle n'était pas l'avenir pas plus que le bien. Elle était une anomalie dont il fallait se débarrasser après avoir obtenu tout d'elle. C'était une chose, abominable, une erreur, ni plus ni moins, un aléa génétique ou même un accident de laboratoire, qu'en savait-il. Mais elle ne pouvait être si l'Humanité souhait s'élever d'elle-même.

Elle finirait par ramper devant lui, comme tous ceux de son espèce avant que la puissance de l'être humain ne vienne la piétiner de sa vraie force.

Per grimaça de dégoût en détaillant cette chose. Mais l'idée même qu'elle puisse lui servir lui permettait de soutenir cette présence...

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Désolé pour le délais de réponse, semaine tumultueuse de mon coté ! J'espère te laisser assez de matière pour répondre !
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