« Therapy » ft. Stephanie Brown / Batwoman

_____Je n’entends plus le réveil, je n’entends plus rien. Mes yeux sont clos et mon sommeil est lourd. Cela fait partie des nombreux effets secondaires de mes médicaments. J’ai appris à vivre avec et les dons qui m’ont été donné à la naissance me permettent de les supporter un peu plus. Mon corps et mon esprit sont épuisés, mes paupières sont lourdes, après dix heures de sommeil. Il est treize heures, je n’ai pas encore mangé. Je ne sais pas si c’est la lumière du jour des baies vitrées qui vient m’agresser les yeux ou mon estomac qui crie famine qui vient de me réveiller, ou les aboiements du chien qui se promenait dans la tour.

Toute cette énergie qui se dégage dans cette tour me poussait à me lever. Je glissais mon corps vers le bord de mon lit. Mes jambes sont les premières à sortir du lit, ma colonne vertébrale se décolle du matelas. J’ai l’impression que mon corps pesait des tonnes. Il me faut des heures pour me lever de mon lit, si ce n'est pas pathétique comme situation. Au moins, je pouvais m'estimer chanceux de ne pas entendre les remarques et les commentaires du démon qui a élu domicile dans ma tête.
J'ai commencé à entendre sa voix peu de temps après mon attaque à San Francisco. Avant, je ne l’entendais pas, il agissait dans l’ombre et me rongeait l’esprit en pensant pouvoir prendre le contrôle. Maintenant, c’était une autre histoire. L’avantage de mon traitement médical, digne d’une ordonnance pour schizophrène, c’est que je ne l’entendais plus. Pour une fois, depuis ma résurrection, je n’avais pas l’impression d’avoir un intrus qui squattait le fond de mon crâne.

C’est un mal pour un bien, c’est comme ça que j’essayais de prendre la chose. Une fois debout sur mes deux jambes, j’attrapa la boite en plastique sur ma table de nuit, un petit coup pour faire sortir une gélule que j’avala sans me poser de question. Dextroamphétamine, ce sont des médicaments qui m’aident à vaincre ma narcolepsie, j’en pris un second pour éviter de m’endormir sur le canapé en fin d’après-midi. J’attrapa le premier t-shirt pour l’enfiler et me rendre dans la cuisine. Floki n’était jamais bien loin quand je me rapprochais du coin cuisine. Il pensait que j’allais lui filer mon repas, mais il pouvait toujours me faire ces yeux doux, je ne céderais pas.
Pendant que je fouillais le frigo à la recherche de reste, trop fainéant et à peine réveiller pour me permettre de faire la cuisine, ma deuxième main tenait mon téléphone. Je fouillais un peu mes conversation, je me souvenais que Stephanie devait passer par là aujourd’hui. Je lui ai demandé si on pouvait profiter de ce temps libre pour s’entrainer. Je sais que je n’ai pas vraiment le droit de jouer au héros, que mes pouvoirs ne répondaient plus depuis que je prenais ce traitement, mais un élève du grand Batman peu m’apprendre beaucoup plus de chose qu’un puntching-ball.

J’étais en train de me contenter d’un bol de céréales sec. Entre quelques bouchées, debout en plein milieu de la cuisine, je baissais les yeux pour remarquer ce même regard vif me regarder en attendant sa part du repas. Il pouvait toujours courir, il n’arrivera pas à vaincre la détermination de mon estomac vide. Bon sang, j’espère que je ne suis pas en train de faire attendre Stephanie.

Débuter un combat le ventre vide n’était clairement pas la bonne idée. Une fois avoir terminé ma portion, je n’ai même pas pris le temps de le déposer dans le lave-vaisselle, je me rends dans la salle d’entrainement. Je me rends souvent dans cet endroit, pour lutter contre l’hypersomnie. Parfois, le toutou m’accompagnait, mais il était beaucoup moins énergique que moi. Il avait son petit coin à lui pour dormir, le bruit ne semblait pas perturber son lourd sommeil. Aujourd’hui, il a clairement envie de me suivre, peut-être sait-il que sa maîtresse n’est pas loin. Heureusement, quand je suis arrivé dans la salle, Stephanie n’était pas encore arrivé.
J’ai profité de ce petit moment seul pour m’échauffer, enroulant des bandage autour de mes paumes pour les protéger. Toute la colère que je pouvais ressentir autour de ma situation, de cette chose qui se promenaient dans ma tête, des torts que j’avais provoqué, de ma famille et de tout le reste, je le rejetais sur ce sac de sable. A défaut d’exprimer le fond de ma pensée à un psy, je me servais de ce sac pour me faire ma propre thérapie. Plus j’enchainais les coups et plus mes coups commençaient à devenir de plus en plus violent.

_____J’extériorisais ma colère à travers ce sac sans en avoir réellement conscience. Je ne sais pas qui j’imaginais vraiment à travers ce sac de sable, mais je prenais mon pied. La chair de mes poings commençait à rougir et s’irriter. Une chose est certaine, ce n’était pas moi qui allais gagner ce combat si je continuais à laisser mes nerfs prendre le dessus. C‘était un trait de la famille Wilson, quelque chose que j’essaye. Une voix me ramena à la raison, celle de Stephanie. Floki lui avait déjà sauter dessus, comme à son habitude. Je crois que lui aussi en a assez de voir ma tête. J’ai arrêté le combat, je me suis redressé pour les observer tous les deux. Le chien semblait beaucoup plus obéissant avec elle qu’avec moi.

Je l’ai laissé se rapprocher et me conseiller. Elle a Batman comme mentor, elle ne peut qu’avoir que d’excellents conseils. On reprend sa respiration, on recule d’un pas, on se concentre. Mes genoux se sont légèrement pliés et j’ai fait de mon mieux pour reprendre mon calme. Je frappai une première fois, un peu plus fort et je m’explosais les phalanges. Je frappai une seconde fois. Cette fois, le sac de sable semblait avoir beaucoup plus mal que moi. Je souris, presque fier de ma réussite du moment. Ma mère m’avait déjà initié au combat au corps à corps avant que je ne rejoigne les Titans. Dick a pris le relai mais j’ai l’impression d’être encore un peu rouillé à ce niveau. Jouer les héros du dimanche me manque un peu, c’est vrai.
Elle me demanda si tout allait bien, je n’arrivais pas à répondre immédiatement. Dans un premier temps, je me suis demandé s’il s’agissait d’une question piège. J’arrête ce que je suis en train de faire, par lassitude, épuisement ou par politesse, je n’en sais rien. Je me suis tournée mécaniquement vers elle. Les médicaments me bouffent le cerveau, dans moins d’une heure, je serais incapable de garder les yeux ouvert et je finirais probablement par m’endormir sur le banc juste en face, à côté de la niche du chien. C’était plutôt pathétique dit comme ça, mais ce n’était pas le pire niveau effets secondaires. Parfois, il m’arrivait d’avoir des moments d’absences, des propos incohérents, une perte totale de lucidité. Je ne m’en rendais jamais compte, est ce que je me rends vraiment compte de toutes les conneries que je pouvais sortir à cause de ses médicaments ? Lorsque la personne qui se trouvait en face de moi finissait par m’avouer que ce que je disais n’avait plus réellement de sens, j’avais toujours les mêmes tics. Je détournais la tête, le regard vide, j’ouvrais légèrement les lèvres avant de m’excuser et de couper court à la conversation. C’est un sentiment assez particulier que de savoir qu’on était en train de perdre l’esprit, lorsque l’on en a pleinement conscience. J’en arrivais presque à envier les fous, qui eux n’en auront jamais conscience.

« Je ne sais pas, mieux que la dernière fois ? » signais-je avec un léger sourire triste. Bien sûr, je savais parfaitement à quoi elle faisait allusion. Je sais qu’elle est au courant, leur attitude à changer depuis le jour où j’ai failli me jeter dans le vide. « Ok, je sais que j’aurais dû être beaucoup plus ouvert au sujet de… ce qu’il se passe chez moi, de mes sauts d’humeur de… mon traitement. La vérité c’est que je me sens piégé. Si j’arrête mon traitement, il va revenir. Je sais qu’il est là, dans un coin de ma tête. Je ne veux pas vous remettre en danger. »

Même si je ne sais pas ce qu’il s’était réellement passé quand il a pris le dessus. Je sais parfaitement que cette chose dans ma tête aurait pu aller bien plus loin. Je sais aussi que si je n’avais pas été entouré de ces jeunes héros, j’aurais fini chez STAR Labs ou pire encore. Si un puissant magicien ne peut pas me retirer ce démon alors personne ne le peut. Mécaniquement, je me suis tourné vers mon téléphone pour activer mon émetteur subvocal. C’était beaucoup plus simple pour moi de communiquer. J’ai besoin de mes poings pour me calmer un peu.

« Je te serais toujours reconnaissant, toi et les autres de m’avoir protégé malgré tout le mal que j’ai pu causer. C’est vrai je t’assure. Je sais à quel point j’ai été chanceux Mais la vérité, c’est que je ne sais pas qui va me tuer en premier lui ou ces médicaments. C’est très efficace pour le faire taire et pour l’oublier. Les premiers jours après mon réveil ont probablement été les plus agréables depuis ma résurrection. Mais plus le temps passe, plus je sens que je perds énormément de force. Et si seulement il n’y avait que ça… » Je baissai les yeux avant de soupirer. « Il y a quelques jours j’ai cru que le Jackal était à la maison. Ma chambre était en bordel j’ai paniqué… C’était juste le chien. J’ai… j’ai même pas fait le rapprochement. Mais je… J’ai préféré me taire… par honte de ce que cette chose est en train de me faire faire… par honte de ce que je deviens… même si vous l’auriez remarqué tôt ou tard… si ce n’est déjà. »

J’ai honte de ce que je suis en train de devenir, qui n’aurait pas honte de se voir dans cet état ? Je n’ai pas joué carte sur table sur ce point, car je sais qu’il n’y a pas d’autres solutions. J’ai déjà joué toutes mes cartes en voulant me débarrasser de ce démon et certaines se sont même retourné contre moi. Je reculai, à la base je lui avais proposer une séance d’entrainement, pas qu’elle joue ma psy et j’ai justement besoin de penser à autre chose.

« Et j’ai envie d’oublier tout ça… tant que je le peux encore. »

_____Robin était probablement la dernière personne à qui je me confiais, je crois. Les souvenirs sont encore vagues, un véritable puzzle. J’ai avoué à Steph toute la toxicité et la détresse que pouvaient provoquer mes médicaments. J’avais beau être le plus âgé de cette petite bande, je méritais bien cette petit leçon et cet air froid dans ces paroles. Je suis pleinement responsable, même si elle m’affirme avoir une part de responsabilité pour ne pas avoir été assez attentive. C’est une justicière, une membre de la Batfamily, bien sûr qu’elle a mieux à faire que de gérer les pensionnaires de la tour.

« Tu n’as pas à te blâmer pour ça. » J’haussa les épaules. « Je suis toujours là, c’est ce qui compte, non ? Et je ne compte pas réessayer un plongeon, si ça peut te rassurer. »

J’ai laissé échapper un petit sourire triste. Bien évidemment, ce n’est pas le type d’humour approprié, même si c’était moi qui avais essayé de me jeter dans le vide. Bref, je n’ai pas envie de m’éterniser sur cette histoire, et Stephanie non plus. Elle m’a proposé un entrainement au bõ. Je n’ai pas vraiment l’habitude de me battre avec une arme à la main, mes poings et ma force et mes pouvoirs me suffisaient. Maintenant que j’avais perdu mes pouvoirs, mon armure, j’avais besoin de compenser ailleurs, au cas où un autre vilain viendrait me rendre une petite visite. Je sais que mes pouvoirs attirent les convoitisent, surtout depuis qu’ils se sont développés, à cause de ce démon dans ma tête. Bon sang, je le hais.
J’attrapa le bõ en bois, j’ai pris le temps de le regarder quelques secondes. J’ai vague souvenir d’avoir travailler avec ce type d’arme avec Dick, quand j’étais encore un membre des Titans. J’ai été entrainé par ma mère et Nightwing avait complété ma formation. Stephanie avait raison sur un point, j’avais besoin de penser à autre chose. Je fis quelques pas, jouais un peu avec mon arme avant de me mettre en position de combat.

Je me suis lancé, j’ai attaqué le premier. Mes jambes, placées scolairement et méthodiquement de sorte à utiliser toute ma puissance, m’ont permis de m’élancer le premier avec une puissante attaque. Les bons reflexes reviennent facilement apparemment. Je souris, mais je n’oublie pas que mon adversaire était redoutable. Elle était rapide, agile, beaucoup plus souple que moi. J’enchainais les coups, mais j’étais incapable de toucher mon ennemi. Mes médicaments rendaient mes reflexes et mes mouvements beaucoup plus lent. J’avais la sensation d’avoir pris quarante ans de plus. Mon père, sans mutation, aurait été plus rapide que moi, même avec son âge.
Stephanie suggérait qu’on organise une seconde sortie nocturne. Derek nous avait emmené en plein cœur du Sahara. Floki s’était roulé dans le sable. Je m’étais fait plaisir en jouant quelques morceaux de guitare. C’était une excellente soirée et la plus agréable que j’avais passé depuis ma résurrection et peut-être la seule. A Noël, je me suis retrouvé seul avec mes tourments et au premier de l’an, mon démon a joué les fugueurs, cela aurait pu très mal se passer mais j’avais une bonne étoile, malheureusement disparu. Il me manque, je m’étais attaché à cette personne, peut-être plus que je le pensais. Bon sang, mes pensées et mes sentiments prennent de nouveau le dessus en plein combat, je vais me prendre une dérouillée.

« J’aimerais… J’aimerais beaucoup qu’on se refasse ça un de ces quatre, oui. » Floki semblait tout aussi heureux de repartir découvrir de nouveaux horizons. « Oui, tu viendras avec nous, le toutou. Tu es collant mais je t’aime bi… »

J’ai beaucoup de mal à parler et me défendre en même temps. Je reculais pour ne pas me prendre de coup et j’essayais d’en redonner autant à mon adversaire mais je me déconcentrais beaucoup trop vite et la colère semblait prendre le dessus sur moi.

« Bordel, fait chier ! »

_____J’ai senti mes jambes se dérobées, j’ai perdu l’équilibre. Je suis tombé à la renverse, le cul par terre. Un élan de colère s’est emparé de moi, en quelques secondes. Floki l’avait ressenti et il commençait à devenir nerveux. Heureusement, ce sentiment était parti aussi vite qu’il était apparu. J’ignore s’il venait vraiment de moi ou si cela provenait de l'entité qui vivait en moi. Ce n'était pas impossible qu'il tente de s'exprimer à travers moi. Ce n'est pas ce qu'il y a de plus sympathique, maintenant je ne cesse de me poser cette question, est-ce que ces émotions sont vraiment les miennes ? Je me suis calmé rapidement. Je n’ai aucune envie d’être en colère contre Stephanie. Je sais qu’elle fait ça pour mon bien et une décharge électrique me fait le plus grand bien.

La frustration est bien la seule émotion dont je peux confirmer la provenance. Enfant, entraîné par Dick, j’avais de meilleur reflex et je sais très bien que je peux faire mieux que ça. Mes médicaments sont aussi connus pour leur effet tranquillisant. Honnêtement, si je n’étais pas doté de la régénération de Papa, je ne pourrais même pas tenir debout.
La petite référence de Stephanie me fit oublier ma frustration. Elle se la jouait maître Yoda maintenant. Je secoua légèrement ma tête avant de laisser échapper un petit sourire sur mon visage, enfin. J’ai pris le temps de me redresser, j’ai manqué de me dérober plus d’une fois.

« Tu as vraiment envie de te la jouer Maître Yoda ? » me moquais-je une fois debout. « Tu ne fais pas encore le poids. »

Je la taquinais, je la provoquais, c’était peut-être pour me changer les idées et arrêter de parler de ma dépression. Son copain lui a fait regarder les films Star Wars, je n’étais même pas surpris. Je laissais échapper un bâillement. J’y crois pas, je viens à peine de commencer un entrainement avec Stephanie et je suis déjà épuisé. Je n’ai pas envie de lui montrer à quel point j’étais faible mais j’avais beaucoup de mal à le cacher. Je m’endormais souvent sur le canapé, dans la salle à manger. Je fermais les yeux cinq minutes, seulement le temps de me reposer et cela finissais toujours par quelques heures dans un profond sommeil. Je pourrais me renommer la Belle aux Bois Dormant.

« J’avais bien aimé le désert… C’était une ambiance agréable, il faisait frais. J’aime beaucoup les pays scandinaves. »

Je proposais quelques idées mais pour l’instant, je n’avais pas la tête à ça. Je suis fatigué et je la cache tant bien que mal. J’ai parfaitement conscience que mon état me rend vulnérable. Je sais que c’est dangereux, surtout pour moi et je dois apprendre à vivre dans cet état et à le transformer en force.
J’ai profité de ce moment de pause pour une petite attaque surprise. Je ne sais pas vraiment me servir d’un bâton de combat mais je sais me servir de mes poings et de mes jambes. Un coup de rotule au niveau des côtés, une attaque surprise pour déstabiliser mon adversaire et je finis par un petit coup de poing en plein visage. Bien sûr, j’ai retenu ma faible force, je n’ai pas envie d’abimer un si joli visage.

« Tu ne l’as pas vu venir celle-là ! »

_____J’ai réussi à surpasser Maître Yoda, ou plutôt Maître Batwoman. Elle était distraite, j’en ai profité pour lui porter un coup assez bas, par surprise. J’avais laissé échapper un sourire suite à mon coup réussi, fier de moi. C’était un petit croche-patte, un coup bas pratiquement, rien d’honorable, pourtant j’en était satisfait. Comme quoi, je me contente de peu.
Cela faisait très longtemps que je n’avais pas vu un épisode de Star Wars. La dernière fois, c’était au côté de mon frère, Grant. Autant dire que ça date. Toutefois, je sens bien que cet entrainement était léger. Pour avoir été entraîné par l’aînée de la famille de Batman, il m’avait habitué à plus intense, Maman aussi. Je sais qu’elle ne disait pas tout, peut-être qu’elle cherchait à ne pas me vexer. Mais je n’avais pas besoin de ça pour sentir que le rythme était allégé et qu’aucun ennemi ne me laisserait autant de temps pour répliquer.

« Vous savez, Maître Yoda, je doute que mon adversaire soit aussi clément que vous, lorsqu’il sera face à moi. » Je souriais, essayant de prendre cela à la rigolade pour ne pas l’inquiéter. « Mais c’est très gentil de ta part de prendre ce temps pour moi. »

Il faut dire qu’il n’y avait pas foule dans le quartier général de la Young Justice ces derniers temps. Je ne blâmais pas les membres, ni leurs leaders. Mais évitons de parler de ma solitude, Steph avait déjà quelques propositions sur notre prochaine excursion en proposant les paysages scandinaves. Il fait un peu frisquet la nuit, mais la vue est merveilleuse. De toute façon, tant que je peux passer une soirée en bonne compagnie sans quatre murs pour me retenir, je suis toujours preneur.

« Je suis persuadé que Floki adorera courir après les troupeaux de moutons. Je suis toujours partant pour une sortie, tu sais ? Ça me ferait très plaisir. »

Stephanie me suggéra un entrainement quotidien pour me tenir en forme. Il est vrai que, si elle n’avait pas proposé cette petite initiation au combat, j’aurais abandonné mon sac de sable pour terminer ma sieste. Mon état ne m’aidait pas vraiment à me motiver à faire quoi que ce soit dans le repaire. Les activités n’étaient pourtant pas ce qui manquait : la salle de gym, la piscine, la salle d’entrainement et j’en passe, mais je n’ai plus l’énergie.

« Tu veux que je te ramène mon bulletin de note, Maman ? » C’est vrai, je me moquais un peu d’elle, mais c’était de bonne guerre, je n’ai jamais pensé qu’elle pourrait le prendre mal. « Merci Stephanie, pour tout ce que tu fais pour moi, vraiment… »

Pendant quelques secondes, mes yeux se sont absentés. Mon regard se vida en un rien de temps. Mon corps semblait fatigué et je ne parle même pas de ma cervelle qui atteint ses limites. Je redressais doucement mes yeux, un moment d’absence, mon visage semblait se décomposer d’incompréhension, comme si je n’avais aucune idée de ce que je foutais là, comme si je ne reconnaissais pas les alentours.

« Je pensais que Grant serait là… » les propos incohérents font parties des effets secondaires de mes médicaments, c’est probablement de ça dont j’ai le plus honte. Heureusement pour moi, je ne suis pas en train de lui raconter ma dernière nuit d'amour avec mon ex, l'horreur ! « Où est-il ? »

_____Ces moments d’absences sont rares mais ils sont présents. Pendant quelques instants, je devenais irrationnel, je ne savais plus où je me trouvais, le pourquoi du comment. Je me suis mis à parler de mon frère décédé. Je crois que mon subconscient s’est accroché à un souvenir d’enfance. J’ai détourné la tête de Stephanie pour regarder derrière moi, en pensant qu’il se trouvait à cet endroit précis. Les médicaments faisaient aussi naître une certaine paranoïa chez moi. Avec tous ce que j’avais vécu ces derniers mois, j’avais la sensation qu’un vilain allait débarquer pour me faire du mal.

« Je pensais qu’il était derrière moi… » j’essayais de me justifier, mon regard était un mélange de vide et de tristesse. « Non, il ne peut pas être mort, je l’ai vu il n’y a pas longtemps. »

J’étais en train de m’enfoncer, jusqu’à ce que Stephanie décide de tenter de me ramener dans le monde réel en me parlant de notre entrainement. Mes lèvres se sont entrouvertes, ma tête observait le mur à ma gauche et j’ai eu un moment d’absence. Mon esprit était complètement perdu, désorienté. Il avait besoin de faire le point quelques secondes. L’astuce de Stephanie semblait avoir fonctionner. J’ai retrouvé mes esprits, j’ai compris ce qu’il venait de se passer et j’en avais particulièrement honte.

« Je. Je l’ai refait, n’est-ce pas ? » C’était une question rhétorique, je sais ce que j’ai fait. Je baissais les yeux quelques secondes. « J’ai tellement honte de ce que je suis en train de devenir. »

Au moins, cette perte de lucidité n’avait pas durée longtemps grâce à l’ingéniosité de Stephanie. J’hochais timidement la tête suite à son compliment. J’ignorais si elle était réellement sincère mais je l’acceptais quand même. J’essayais de retrouver un peu de gaieté en souriant.

« J’ai encore un peu de ressources… mais ça n’arrêtera pas un vilain s’il débarque ici. »

Le scénario est un peu improbable mais pas impossible. Je sais que mes pouvoirs sont convoités et il n’y a rien de mieux qu’un télépathe pour contrôler sans violence. Est-ce que Grant serait fier de moi ? C’était un frère particulier. Il avait les couilles que je n’avais pas à l’époque, celui de tenir tête à Papa. A ces yeux, j’étais le petit frère pleurnichard. J’étais petit, je ne voulais pas jouer les petits soldats, je n’étais pas le cliché de la virilité masculine. C’était un autre temps, mais mon cerveau, lorsqu’il perdait l’esprit, se focalisait uniquement sur cette période de ma vie.

« Je ne sais pas s’il serait fier de moi. » avouais-je à Steph. « … mais du moment que vous l’êtes, toi Dick, les autres… c’est tout ce qui compte pour moi. » Je souriais, sincèrement avant de jeter un coup d’œil vers l’ascenseur. « Tu veux boire un verre après ça ? » Floki se mit à japper, lui s’attendait à quelques friandises.