[5ML] L'orage et le feu - Tim Drake

L'orage et le feu

C'est comme cela que ça commence: de la fureur, de la fièvre, un sentiment d'impuissance qui rend les hommes biens... Cruels.

Gotham la belle. Reine noire dans un monde de lumière. Comment peut-on être à ce point aimé et tout autant maudit ? Ah, Gotham. Gracieuse Reine pourrie, âpre beauté damnée. Elle, l’égérie, la muse et la putain, drapée d’élégances fantasques où la vermine grouille sous chaque pli de sa robe aux courbes mensongères. Rien n’échappe à sa malédiction, à son poison insidieux, à son attrait haïssable, tandis que comme sa faune à sa flore, elle se fait belle et corrosive, violente et prédatrice.

Il faut être fou pour l’aimer. Il faut l'être plus encore pour lui offrir sa vie, sans concession ni limite, devenant à la fois dévot et bourreaux de ses rues, traqueur nocturne se terrant parmi ses gargouilles, attendant le bon moment pour frapper, l’instant décisif pour rendre une justice impitoyable et violente. Une justice à l’image de cette satanée ville, qui dévore les Hommes et ne laisse que des carcasses vides, mourant dans ses rues dans l’indifférence de ceux qui survivent encore.

Il pense à Alfred, avant de se l'interdire, de refouler cela dans un coin de son esprit. De nouveau il disparait dans la nuit, à la recherche de sang.

À son arrivée à Gotham, Damian avait été plus que décidé à haïr cette ville, cette preuve aberrante que l’humanité était damnée et qu’elle avait besoin d’être sauvé d’elle-même, comme sa mère lui avait toujours appris. Mais il ne l’avait pas fait, non, à la place, il avait décidé de marcher sur les traces de son Père, celles qui l’avaient amené sur un autre chemin, tout aussi sombre, mais meilleur, dans un sens. Levant ses mains recouvertes des lourds gantelets protecteurs de Robin, Damian les regarde, Damian cherche à voir ce "meilleur", en lui. Certes, il avait le sentiment d’avoir changé, d’avoir évolué, mais pour autant, était-il devenu mieux? Les quelques restes de sang écarlate sur ses mains disparaissent, comme une réponse, alors que la pluie continue de s’abattre sur Gotham. Il ne bouge pas pourtant, toujours accroupis sur sa gargouille solitaire, sa capuche le protégeant légèrement de la pluie, mais pas du froid qui s’infiltre dans son uniforme.

Il doit bouger. Continuer la traque. Pour oublier cette colère qui le dévore de l’intérieur.

Le crime est partout à Gotham, il suffit simplement de se pencher un peu pour le voir. Il hante les rues, il rampe dans les égouts, il rit dans les hauts buildings et se complaît dans ces zones qu’il revendique. Nul besoin de chercher longuement, quand tout ce que l’on cherche c’est noyer son impuissance et sa rage qui glissent sous sa peau, comme des vers affamés, cherchant à faire sortir la fièvre qui nous étouffe. Il sait où frapper, il sait comment les vaincre, presque instinctivement, tant cela a été marqué dans son esprit au fer rouge, au cours d’un apprentissage qui pendant longtemps, lui sembla être une vérité absolue. Est-ce que cela avait changé ? Alors qu’il laisse derrière lui une troisième scène de massacre, il n’en n’est plus certains. Non, il ne tue pas, il ne dépasse pas la limite, s'arretant aux fractures ouvertes, aux blessures irréversibles… D’abord, certes, il frappe pour les arrêter, mais très vite, il frappe pour lui, il frappe malgré leurs supplications.

Il va trop loin, il le sait, mais il s’en fiche.
Ce soir, il s’en fiche.

De nouveau, il retourne à sa gargouille. De nouveau, il reprend position, observant cette reine noire, cette reine haïe et vénérée, tandis que le froid et la pluie s’insinue dans son uniforme. Cependant, quelque chose à changé. Robin identifie le bruit caractéristique d’une cape au vent, et ne prend même pas la peine de se retourner. Le pas est plus agile que celui de son père, est-ce de la colère qu'il reconnait dans sa hâte? Il n'en est pas certain, mais il sait en revanche parfaitement qui vient d’arriver, alors il inspire doucement. Il n’est pas d’humeur à supporter cette personne ce soir, pas ce soir… Mais a-t-il le choix ?

« Batman. » Le ton est dédaigneux, presque moqueur, alors qu’il crache ce mot sans la moindre once de respect. « Je pensais que tu arriverais plus tôt. » Son visage se tourne, mais ne se fait pas amical « Qu’est-ce que tu veux ? » Finit-il sèchement, froidement, alors qu’il observe distraitement son frère d’adoption de haut en bas, dans ce costume qu’il lui envie. Dire que la relation entre eux avait toujours été compliqué serait un euphémisme, alors que leur relation avait principalement été construite sur une suite interminable de rivalité, d’animosité et de trêves éphémères. Ils n’ont que rarement parlé pour autre chose que se chercher, ils n’ont presque jamais su rester au même endroit sans se battre, dès la première fois, dans la Bat-cave…
Alors pourquoi lui, ce soir?

L'orage et le feu

C'est comme cela que ça commence: de la fureur, de la fièvre, un sentiment d'impuissance qui rend les hommes biens... Cruels.

Parler.
Voilà la chose que Robin avait probablement le moins envie de faire actuellement. Parler, aligner des mots, puis des phrases… Non Damian n’avait pas envie de parler, seulement d’aller frapper, mutiler, saigner tout ce qui pouvait se trouver sur son chemin… Et sa relation avec ‘’ce’’ Batman était assez tendu pour que Damian le considère comme un obstacle. «  Je n’ai aucune envie de parler et surtout pas avec toi, Drake.  » Il prononce son nom comme on jette un détritus, avec assez de dénigrement pour faire passer ce simple nom comme une insulte. Non, il n’a pas envie de parler.

Évidemment,son aîné se fiche bien de ses états d’âme et continue sur son ton qui se veut sévère et moralisateur, faisant grincer des dents Damian alors que sa mâchoire se crispe, ses poings se serrent. «  J’aurais pu, oui, mais ils ne sont pas mort. Je suis parfaitement conscient des limites humaines, Drake, j’ai été entraîné tout ma vie pour ça, pour être plus qu’excellent. Je suis meilleur que tu ne le seras jamais, alors garde tes remarques pour quelqu’un que ça intéresse. Cela ne cessera pas, tu peux rentrer te terrer dans ta cave et me laisser bosser désormais.  » Chaque mot sort de dents restés serrés par la colère, alors qu’il se retient, qu’il s’efforce de ne pas essayer d’attaquer Barman. D’abord les jambes pour le mettre à sa taille, puis un coup dans le plexus solaire, suivi d’un uppercut dans la mâchoire, sa zone la moins protégé. Il pourrait le faire. Il veut le faire. Mais il se retient, se tient seul en laisse, parce qu’il n’est pas aussi certain qu’il le dit de pouvoir toujours savoir les limites entre blesser et tuer….