[New-York] Ce qui nous rassemble [PV. Hawkman]

Morningside Heights, New York

Le jour se lève doucement sur la ville qui ne dort jamais.
Ce moment de flottement quotidien est le plus calme d'entre tous: les amoureux de la nuit rentrent tranquillement dormir chez eux, tandis que le reste de la population ouvre doucement les yeux, prêts à commencer une nouvelle journée. Il y a peu de monde dans les rues, et tant mieux. New-York City est une grande ville, aux proportions démentes. Plus encore qu'à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Plus encore la New-York que Kent Nelson a connu, chez lui.
Debout au sommet d'un building, réchauffé par le soleil qui darde encore timidement le bout de ses rayons, il contemple en contrebas le Manoir Dodds, petit bijou architectural du siècle dernier, merveilleusement entretenu. La vue lui plaît, mais il n'est pas venu pour elle.


Peut-être un peu naïvement, il avait espéré retrouver à cet emplacement même l'immense gratte-ciel sans fenêtre qui lui a si fidèlement servi de repaire, avant que Vandal Savage ne ravage tout. Sa bâtisse n'a jamais existé ici. Une petite déception, bien vite effacée par ce qu'il perçoit entre les murs: l'héroïsme, dans son plus bel et plus simple appareil. Des salles de trophées, pour ne pas oublier. Des salles d'entraînement, pour se préparer. Des salles de recherche, pour comprendre. Des salles de réunion, pour réfléchir. Et des chambres. Beaucoup de chambres, qu'il ne pénètre pas de sa vision, malgré une curiosité débordante. Respect, avant tout.

Sous son casque désormais baigné par la lueur solaire, un sourire se dessine. Là où sa forteresse personnelle s'élevait chez lui, symbole de liberté et d'exploration, un centre pour les héros existe ici. La JSA. Le Destin fait très bien les choses.
Voilà une raison de plus, déjà suffisante en elle-même, pour régler au plus vite la question de la Calamité et... peut-être protéger ce monde ? Essayer, tout du moins. Se battre de toutes ses forces. Lutter, pour offrir à cette Terre ce que d'autres ont perdu: un avenir. Mais chaque chose en son temps. Kent est satisfait. Plus qu'il ne l'aurait cru. Suffisamment pour profiter encore quelques secondes de la vision de ce manoir.
Mais il est temps d'y aller. De partir, ailleurs, pour préparer la suite.
Oui. A moins que...

C'était une matinée qui commençait lentement, gentiment à New-York. Pourtant, Hawkman pouvait sentir la pression que ressentait plusieurs habitants de la ville suite à l'annonce de Luthor et après avoir découvert le sort qu'il avait infligé à l'une des Terres du Multivers. Lorsqu'il avait entendu le message le guerrier ailé avait véritablement été furieux et avait déchargé ses nerfs sur un pauvre immeuble innocent. Mais ça n'avait pas suffit, ça ne suffisait plus. Il fallait véritablement que Luthor paie, et il ne supportait pas de devoir rester là à ronger son frein en attendant que Môssieur daigne ramener son crâne chauve sur sa Terre d'origine. Pourquoi il ne pouvait pas partir le chercher, hein ?
Wildcat aussi ne le supportait pas, et le chat et le faucon s'entendaient pour soulager un peu leurs nerfs dans des matchs de boxe.

C'était ce qui amenait donc le guerrier millénaire à survoler les toits de New-York alors que le matin débutait à peine et que le char solaire amorçait sa course à travers le ciel. Et même s'il n'y avait pas de char solaire, Carter appréciait encore la poésie de ce mythe pour se le permettre. Alors qu'il se dirigeait vers le QG de la JSA, Hawkman aperçu une forme sur un toit. Une forme que sa vision d'aigle lui permettait d'identifier... Avec surprise.

-Fate ?

Oui de toute évidence, c'était un Fate. Mais il ne ressemblait pas réellement à Khalid, même s'il ne voyait pas son visage, Carter le sentait différent du jeune mage représentant de l'Ordre. Et en se rapprochant, son impression se confirmait. Ce ne devait pas être ce jeune héros parti on ne sait où. Khalid portait un pull en général. Et il n'avait pas l'air d'être Hector qui était de toute façon plus ou moins prisonnier de la dimension dont son petit-fils était le nouveau maître.
Ce n'était pas Nabu non plus.

-D'accord... Le casque s'est trouvé un nouveau porteur... Ou es-tu le Fate de la Terre-38 ?

Lex Luthor avait affirmé avoir anéanti tous les héros de ce monde... Mais Carter n'était pas contre imaginer qu'un héros lui ai échappé. Surtout un gars aussi puissant que le Docteur Fate. En théorie, il était un héros, un allié et un membre de la JSA, ce qui expliquerait pourquoi il rôdait dans les parages, mais... Hawkman restait sur ses gardes. Les bras croisés et les muscles tendus.

-Que veux-tu ?

Quelque chose approche.
Quelqu'un.
A haute vitesse, venu du ciel.
Ce n'est pas étonnant, New-York a toujours été un bastion héroïque. Ou criminel, selon où l'on regarde.
Les sens de Doc Fate sont en éveil, alors qu'il pivote très doucement en direction du boulet de canon à plumes qui rejoint sa position. Casque doré de Nth Metal, harnais de cuir, ailes imposantes... voilà une silhouette que le sorcier n'a plus distingué depuis de nombreuses déjà, et qui éveille une certaine nostalgie chez lui. Presque de la mélancolie. Rien que le pouvoir du Heaume ne puisse étouffer. Rien qui ne puisse perturber la lucidité de Doc Fate.
Même si les premiers mots de ce nouvel arrivant, très directs, y parviennent.
Touché, en plein cœur.

- J'aurais dû m'en préoccuper davantage...

Les épaules du magicien s'affaissent quelques secondes, comme abattues par un nouveau poids invisible, un fardeau bien trop lourd à porter. Ces morts, ces échecs, il les reçoit très personnellement, presque intimement. Ce monde d'héritages héroïques et de grandeur filiale sera vengé, par Nabu ! Le responsable ne DOIT pas s'en sortir aussi facilement.
Las, Kent soupire sous le métal, et darde son regard froid vers le guerrier.
Les mots qu'il prononce sont lourd. Douloureux.

- Il est à craindre que le Fate de Terre-38 soit mort.

Et dans le même temps, il porte les mains à son Heaume, pour le retirer. Subitement, une fois le casque retiré, la peau blanche qui se laissait deviner brunit, tirant nettement sur le café au lait. Comme... par magie. Et sous l'artéfact et les illusions apparaît enfin le visage de Doc Fate. Un visage à la noblesse certaine.


Le casque coincé entre son bras et sa hanche, dans une pose éminemment pulp, l'homme se présente, ne ponctuant ses mots que d'un bref mais intense clignement d’yeux. Statique, il ne quitte pas Hawkman du regard, qu'il a d'ailleurs beaucoup plus doux sans les interférences du Heaume.

- Mon nom est Kent Nelson, porteur du Heaume de Fate. Je viens de Terre-20. Un monde ravagé, par la guerre et par votre Lex Luthor.

Même nom que l'illustre Dr. Fate de ce monde.
Un fait troublant, étrange, mais pas exceptionnel au milieu de ces 52 univers.
Cela a tout de même de quoi surprendre. Autant que de trouver un nouveau disciple de Nabu sur un toit new-yorkais par un beau matin de juin, cela dit. Mais si les apparences diffèrent, le coeur reste le même: celui d'un héros, d'un protecteur.

- Je viens vous aider.

A abattre le cerveau de cette destruction insensée, principalement.
Ce n'est cependant pas ce qui trouble Kent, là.
La mélancolie se fait plus forte, alors qu'il détaille la silhouette méfiante qui le survole. Un peu plus musclée, et nettement plus dénudé. Un aspect sauvage, nature assez déroutant de prime abord, sans être réellement décalé.
Avec un petit sourire triste, Kent prend de l'avance, et explique son émotion:

- Tu étais connu comme le Faucon, chez moi. Avant ta fin. Sa fin. Mon ami...

Oui il s'agissait bien d'un Fate qui se comportait comme tel oui, encore plus que le pauvre Khalid qui se laissait terroriser par des serpents. Mais le casque ne dominait pas entièrement, car le magicien semblait encore capable de sentiments. D'émotions. Surtout des émotions négatives. Le Fate exilé qui n'était pas celui auquel il pensait, était las... Et surtout déraciné de son monde qui avait été anéanti sans qu'il ne puisse rien faire pour le sauver.

-La Terre-20... Par Horus, combien de mondes ce fou a-t-il déjà détruit ?

Peut-être était-il le dernier habitant de sa Terre... Alors que ceux de toutes les autres ont été détruites. Luthor n'avait peut-être mis en valeur que sa dernière victime, et leur Terre découvrira bientôt les véritables dégâts provoqués par ce fou mégalomane chauve.

-Nous aurions dû le pourchasser... Il vient de notre monde, c'était à nous de gérer sa folie et d'y mettre un terme avant qu'il ne soit trop tard.

Un terme définitif... Il ne le disait pas, mais le pensait fort. Hawkman avait été seriné, par ses collègues héroïques, au principe qu'il ne fallait pas tuer les ennemis parce que sinon on ne vaudrait pas mieux qu'eux... Il n'y pouvait rien ça lui revenait comme un boomerang. Il ne pouvait pas s'empêcher de penser que s'ils avaient eut des solutions plus radicales contre certains vilains parmi les plus dangereux alors ils n'en seraient pas là.

-Désolé pour ton monde, et pour ceux que tu as perdu. Et... Tu seras le bienvenu si tu veux te ranger à nos côtés durant la bataille.

Hawkman avait prit une voix douce, en sachant que ces mots ne suffiraient pas à apaiser la souffrance que devait ressentir ce Kent d'un autre monde. Séparé de tout ce qui avait dû compter sur lui. La colère devait bien être l'une des seules choses qui le poussait à continuer. Lentement le faucon millénaire redescendit vers le sol

-Ah ?

Le Faucon donc ? C'était ainsi que le lui de Terre-20 se nommait dans sa carrière héroïque. Il voyait que cet animal le suivait partout même dans le Multivers. Comme le casque de Nabu semblait voué à suivre les Kent Nelson des différentes Terres.

-Je suppose qu'il faisait, comme toi, parti de la JSA de ton monde. Et que le QG se trouvait également à New-York, d'où ta présence.

On pourrait imaginer que les différents mondes du Multivers étaient très différents les uns des autres et ils devaient l'être, pourtant il y avait d'étranges similitudes avec eux. Toujours. Même si les univers changent, certaines choses ne changent jamais.

Combien de mondes détruits ?
Kent l'ignore, et il déteste ça. Son esprit se perd quelques secondes dans l'hypothèse d'un Multivers ravagé par la seule avidité d'un seul homme. Une horreur cosmique. Un fléau sans fin. Et pourtant... pourtant, la Terre-0 n'a pas été détruite. Pourtant, elle tient bon, envers et contre tout bon sens. Les héros de ce monde doivent être puissants, au delà du concevable.
Ce qui le fait grandement s'interroger: qui sont-ils ? A quoi ressemblent-ils ? Trouvera-t-il encore plus de points communs avec la Terre-20 ? Son esprit tourne à plein régime, comme à chaque fois qu'un sujet l'intéresse.

Mais il met finalement sa curiosité de côté, pour écouter l'Homme-Faucon. Ces réponses arriveront bien assez vite comme ça.

Les mots du héros ailé viennent brûler un peu plus l'âme de Kent. Oui, le monde de ce monstre aurait dû faire quelque chose contre. Oui, les destructions insensées sont leur fardeau, et ils devront le porter à vie. Leur faute est grande, totale.
Et pourtant... il ne leur en veut pas. Pas du tout même.
Il est habitué.

La protection de son univers était sa charge, son devoir, quelles que soient la menace à laquelle il devait faire face. Il a échoué. Et imaginer reporter cette responsabilité sur autrui le hérisse au plus haut point. Cependant, la douceur dans la voix de son interlocuteur vient quelque peu apaiser l'ardeur de sa plaie, et le pousser à... sourire. Suffisamment pour que ça se remarque. Suffisamment pour prouver que le porteur de Nabu n'a pas perdu ses émotions.
Quand Hawkman finit enfin, Kent reprend la parole:

- Sur ma Terre, il s'agit de la SOS. La Society of Super-Heroes. Dont le QG, mon repaire, se trouve...

Le Heaume de Fate se met à léviter, jusqu'à venir retrouver sa place sur la tête de Kent.

- ... ici.

Les yeux du casque s'illuminent alors, et projettent une lumière pâle, presque irréelle, qui vient se superposer à l'hôtel particulier de Dodds. Une pure illusion, sans réalité physique. Uniquement visible par Doc Fate et son interlocuteur.
Un bâtiment semblant sans fin apparaît, un gratte-ciel, plus grand encore que le plus grand building actuel de New-York. Son sommet se perd dans les nuages, et le plus étrange est encore qu'aucune vitre n'orne ses flancs. Des pierres, solides, à l'aspect inamovible occupent tout l'espace. Ni entrée, ni sortie. Une version particulière du domaine du Dr. Fate de Terre-0.
Mais les choses semblent ne pas changer.
Un Heaume, une Amulette, une Tour.
Un peu plus qu'une tour, même.

L'image n'arrache pas un frisson de mélancolie à Kent. Il a depuis longtemps fait le deuil de son foyer. Cinq ans ont passé depuis l'arrivée apocalyptique des monstres criminels de la Terre-40, et la destruction quasi-totale des États-Unis d'Amérique.

- Une immense tour grimpant jusqu'au ciel, surplombant toute la ville, garantissant sa protection. Je le croyais, à l'époque.

Mais le temps n'est pas au regret.
Il est à la guerre. Et gagner une guerre ne se fait pas sans alliés puissants. Vaincre la Calamité n'est pas une tâche de solitaire.

- Et donc, cette JSA ? S'agit-il de votre plus grande équipe de héros ?

Oui, les héros de la Terre Prime mériteraient de se prendre des critiques, de se voir reprocher leur faiblesse vis-à-vis de Lex Luthor. Ils auraient dû le chercher après avoir appris que le criminel faisait des misères aux autres mondes du Multivers. Heureusement, Doc Fate ne fit aucune remarque, aucun reproche... Sinon, il aurait involontairement pu pousser Hawkman à se lancer à la poursuite de Lex au lieu d'attendre qu'il daigne ramener son fessier dans son monde d'origine.

-La SOS. Hihihi, j'imagine que des gens devaient rire de ce nom.

Devaient oui... Et lorsque Carter réalisa ce qu'il venait peut-être faire il se tût après un "hrm" bien bourru pour chasser ce qui restait de son amusement. Si le sigle pouvait prêter à rire, le nom complet l'était heureusement moins. Et leur base comme sur la Terre originelle se trouvait bien à New-York, et le repaire du Doc se trouvait bien là. Un grand repaire.
Très grand.

-Je crois que ton repaire bat les plus hautes constructions créées sur notre monde.

Hawkman avait beau user de sa vision d'aigle, il ne parvenait pas à apercevoir le sommet de l'endroit qui se perdait dans les nuées. Cette Tour était sensée veiller sur le monde... Sur la ville surtout. Mais forcé était de constater qu'elle avait failli à sa mission. La SOS avait échoué... Luthor avait vaincu les héros de ce monde et réduit à néant tout ce qu'ils avaient accomplis.

-Elle l'a été, à un moment... Il y a plus de 70 ans. Sa première itération a été créée en 1940 durant la seconde guerre mondiale et elle a été pendant quelques années la seule équipe super-héroïque de la Terre. Même si on se chargeait essentiellement des Etats-Unis.

On oui, parce qu'il avait lui-même fait parti de la première version malgré qu'il n'ai pas l'air d'avoir plus de 80 ans. Mais peut-être que ça ne surprendrait pas Fate. Peut-être que le Faucon avait les mêmes caractéristiques que l'Hawkman de ce monde.

-Aujourd'hui, elle persiste toujours mais beaucoup de ses premiers membres sont morts ou retraités. C'est une autre équipe appelée la Justice League qui est actuellement la plus grande équipe de supers-héros... Dont quelques uns ont repris les noms de membres éminents de la Justice Society of America.

Flash, Atom, Green Lantern, Blue Beetle... Alors que d'autres avaient repris également des noms connus mais étaient restés dans l'équipe. Il y avait une certaine fierté chez Hawkman qui, même s'il était aussi lié à la JL, restait très attaché à cette vieille équipe un peu décrépit mais toujours vaillante.

-La JSA a perdu de sa superbe, mais elle reste une équipe ayant son importance. Elle est la première, celle qui a ouvert la voie et peut guider la jeune génération même encore aujourd'hui. Et elle continue de s'investir dans certains conflits, alors que les autres ne peuvent pas la faire.

Elle était un peu comme lui en fait. La Vieille Garde veillant toujours sur un monde ayant constamment besoin de protection.

La SOS a été la plus grande équipe de héros de Terre-20. Sa Justice League, en quelques sortes. Un regroupement des plus grands et des plus capables, en vue de défendre la Terre lors de la Deuxième Grande Guerre, puis quand Vandal Savage a lancé son assaut. Elle est source de fierté, pour Doc Fate, même si les débuts ont pu être... compliqués, avec d'aussi fortes têtes que Lady Blackhawk et Abin Sur. Le petit Atom, bien que dissipé, n'a cherché qu'à faire le bien autour de lui. Oui, une vraie fierté.
Fort heureusement pour Carter, Kent Nelson n'est pas un caractériel. Encore moins lorsque le Heaume de Fate ceint son haut front. Alors son humour ne pose aucun problème. Un léger sourire vient même étirer son visage, caché par le casque doré, mais clairement audible lorsqu'il répond ensuite:

- Ca a... amusé, oui. Un temps.

Cette légère rondeur dans la voix, cette chaleur tendre, cet amusement ne s'imitent pas.
Cela ne se reproduit cependant pas dans les secondes suivantes, car l'exilé garde silence. Il écoute. Il laisse le Faucon dérouler son propos, expliquer ce qu'est cette Justice Society of America. La première vraie équipe de supers, elle aussi assemblée pour lutter contre les horreurs de la guerre, et aider à y mettre fin. Kent trouve un écho dans cette "vieille école", cette famille qui est décrite devant lui. Cette famille qu'il a cru apercevoir, en détaillant le cœur de cet hôtel très particulier.
Tout cela le touche, plus qu'il n'aurait pu le croire et... excite sa curiosité.
Ce n'est pas surprenant, cela dit.
Tout ou presque l'agite.

- Est-ce que... cela poserait souci de me faire visiter ?

La curiosité, oui.
Mais pas que. Quelque chose d'autre pousse Fate à vouloir découvrir. Une forme de... mélancolie, peut-être ? L'envie de toucher ces murs qui sont un peu les siens, d'une certaine manière ? Sans les être tout à fait, bien évidemment.
En tous cas, la demande va bien au-delà du simple amusement intellectuel et... ça perturbe Kent. Car avec le Heaume inhibiteur et la perte de tout ce qui lui était cher, il pensait cesser de ressentir. Un soulagement en soi. Ce qui n'est pas le cas, ici.

Doc Fate acceptait qu'on s'amuse du nom de son groupe, de son défunt groupe... Qui aurait mérité de perdurer, de ne pas périr sous les coups de Lex Luthor. Hélas, il était trop tard pour revenir en arrière. Ils ne pouvaient plus rien pour cette pauvre Terre, comme ils ne pouvaient plus rien pour tous les mondes sur lesquels Lex Luthor s'était déchaîné comme le fauve qu'il était devenu. Prétendu défenseur du genre humain qui n'avait plus beaucoup d'humanité en lui en vérité. Triste constat. Ils auraient vraiment dû le tuer avant que cela n'arrive.
N'en déplaise aux défenseurs de la vie à tout prix.

-Hum...

Doc Fate demandait à visiter les lieux. C'était surprenant comme question, et un peu soudain... Mais au fond, il était venu jusqu'ici. Il était parvenu à trouver l'équivalent de la SOS et s'y était rendu. C'était peut-être quelque part parce que malgré tout le contrôle qu'exerçait le casque de Fate, Kent comme d'autres Fate de la Terre Prime gardait un peu d'humanité.

-Ouais, y a pas encore grand monde vu l'heure, mais tu pourras au moins voir les salles. C'est un vrai musée.

Carter se détendit, faisant signe au Fate d'un autre monde de le suivre. Ils descendirent par la voie des airs vers l'entrée de la zone. Étonnant un peu les quelques promeneurs matinaux qui se promenaient aux alentours. Puis ils pénétrèrent dans l'enceinte du QG, qui démarrait directement par un musée avec des statues représentant les principaux membres du groupe. Auprès des statues des héros décédés reposaient également leurs attributs et leurs symboles. Il y avait également des panneaux récapitulant l'histoire du groupe et... Oh.
Un matou.

-Ah tient, notre chat domestique est là.

Ted Grant poussa une sorte de feulement de rage en entendant les paroles de Carter. Comme les animaux qui leur servaient de totem, les deux héros avaient tendance à se chercher des noises dés qu'ils se voyaient et si aucune urgence ne réclamait leur attention.

-Chat domestique ? C'est d'moi que tu causes là ?

-Enfin, il est un peu sauvage. Mais il ne fait pas tant mal que ça.

-TU M'CHERCHES... Oh, un Fate. C'est plus le p'tit jeune ?

-Non, c'est un Fate venant d'une autre Terre. Terre-20.

La visite commence.
Mais pas par la première salle. Kent s'arrête quelques secondes sur le trottoir de cette New-York du XXIème siècle, de cette New-York technologique, de cette New-York... en vie, tout simplement. Et de sa place d'humain, il contemple la façade de l'hôtel particulier qui s'élève devant lui. Un édifice impressionnant, fruit de longs travaux et d'un coûteux approvisionnement en ressources, surtout à l'époque de sa création. Une petite merveille architecturale, plus rustique qu'elle ne le laisse paraître. L'exilé apprécie, tant il a l'impression de revoir son monde dans les arêtes de la bâtisse.

Puis, après cette brève contemplation, il entre.
Ses bottes claquent contre le béton du parvis, et il prend très poliment la peine de les essuyer sur le paillasson. On ne se refait pas, comme dirait l'autre. Avec la lenteur de celui habitué à observer, Kent suit l'archéologue au cœur de la première salle. Celle dédiée aux fondateurs et membres de cette prestigieuse Société de Justice d'Amérique. Les figures mythiques de ce monde se dressent ici, drapées dans leurs auras de l'époque. Starman, avec son énergie stellaire, Wildcat et son art du combat, Hourman et la pilule Miraclo, le Spectre et sa divine colère, Green Lantern et la Flamme Verte, Flash et sa super-vitesse, Atom et sa force radioactive, Hawkman donc et son Nth Metal... et Lui.
Fate. Dr. Fate.
Le Kent Nelson.
Officiellement l'original, celui qui a porté et maîtrisé les arts mystiques de Nabu, grâce aux artéfacts.

Pendant de très longues secondes, encore, Doc reste coincé devant la haute silhouette jaune et bleue, qui lui ressemble autant qu'elle lui est étrangère. Un étrange sentiment s'empare de lui. Étrange, vu la situation, mais pas inconnu: celui de ne pas être seul, perdu au milieu de toute cette histoire farfelue. D'autres que lui sont passés par les épreuves du casque.

- ...

Pour tout commentaire, Kent reste silencieux.
Une position qu'il gardera tout du long après, comme un temps de veille ou... de communion.
Jusqu'au moment de la rencontre avec le fameux Ted Grant. En chair et en os. Une fois passés les premiers échanges amicalement houleux, il tend sa main gantée de jaune, vers le héros centenaire.

- Vous pouvez m'appeler Doc Fate.

Sous le Heaume, une expression naît.
Fort peu étonnante quand on connaît la bête: la curiosité, l'étonnement, et le désir d'en savoir plus. Ce que ses mots viennent confirmer quelques instants après. Plus des questions que de simples affirmations, d'ailleurs. C'est normal, après tout ! Quoi de plus excitant que de ne pas savoir ?

- Ainsi, vous avez largement dépassé l'espérance de vie humaine standard. C'est assez fascinant. Est-ce l’œuvre de magie ? De science, peut-être ? Comment le vivez-vous ?

Résistant à l'envie de porter sa main à son menton, Fate fait quelques pas sur le côté pour étudier la morphologie du chat sauvage. Une analyse purement physique, visant à essayer de comprendre sa biologie ô combien spécifique. Centenaire, tout de même. Ce n'est pas rien, même sur ce monde aux légendes encore bien vivaces.
Son regard rendu neutre par le Heaume, Kent passe ensuite à Hawkman.

- Autant l'un que... hum, pardonnez moi.

Mais il s'interrompt.
Et dans sa voix, une légère gêne se fait sentir.
Il est allé trop loin, trop vite, comme à son habitude. Un bien vilain défaut, il est vrai, mais tellement riche d'apprentissages...

- J'ai tendance à m'emporter, quand se présentent des mystères.

Il baisse ostensiblement la tête, en signe d'excuses.
C'est le moins qu'il puisse faire, après tout. Et c'est encore bien peu.

- Mais... une question, si cela est possible: votre porteur du Heaume n'est plus... Kent Nelson ?

L'artéfact est-il porté disparu ?
Faut-il aller le chercher, pour le ramener en lieu sûr ?
Jamais objet d'une telle puissance ne devrait être laissé entre des mains indignes, viles. Et surtout, surtout... sera-t-il possible de rencontrer un cousin ? Un frère ? Ou bien devra-t-il aider à la formation d'un nouvel élu ? Autant de questions qui gagnent en l'espace d'une seconde l'esprit du Doc, alors qu'il joint les mains devant lui, attendant une réponse.

Le QG de la JSA était une sorte de symbole de ce qu'était l'équipe qui y avait élu domicile... Du moins tant que Wesley Dodds ne déciderait pas de les virer de sa propriété. Sinon il restait un endroit agréable, chargé d'une certaine histoire et tenant fièrement debout malgré le temps qui passe. D'apparence un peu ancienne surtout au milieu des bâtiments modernes, il restait un vestige des premiers temps de l'héroïsme contemporains. Le fief de la première équipe héroïque officielle de l'Histoire. L'intérieur était tout aussi impressionnant, même si visiblement Kent était davantage intéressé par une statue en particulier.
Pas étonnant.

-Ouais, le toi de notre monde. Il a fait de grandes choses ici aussi. Il nous a pas mal aidé durant la seconde guerre surtout quand l'ennemi utilisait des artefacts magiques.

Carter pourrait raconter des histoires sur les Fate, sur Kent premièrement et sur Hector... Qui ne naîtrait peut-être jamais dans le monde du Doc. Et le dernier en date bien sûr, Khalid. Même s'il avait moins de choses à dire sur lui. Carter accepta la silence du mage se contentant de lui faire la visite en lâchant des commentaires sur les héros ou certains de leurs attributs. Cela se passa ainsi, jusqu'à l'arrivée du minou. Ted Grant qui n'avait pas attendu longtemps avant d'alpaguer son collègue.

-Enchanté Doc Fa... Hé !

Pour le coup, le chat le faucon échangèrent un regard profondément surpris lorsque Kent commença à étudier le héros félin comme s'il n'était qu'une vulgaire bestiole. Visiblement, le Fate d'un autre monde était conscient de l'âge vénérable qu'ils avaient tous les deux atteints. Mécontent, le chat poussa une sorte de feulement de rage et serra les poings... En se contentant de croiser les bras.

-Ouais... On est vieux.

Le ton du matou et son regard vers Carter signifiait bien lequel des deux était le plus vieux... Mais vu que Carter ne révélait pas sa véritable condition à des gens qu'il en connaissait pas, même des héros, il se garda bien d'approfondir la taquinerie. Les deux avaient beau se chercher des noises dés qu'ils se voyaient, ils savaient garder les secrets de l'autre.

-Il y a plusieurs années, les héros les plus anciens de la JSA se sont retrouvés à combattre le Ragnarök dans une dimension hors du temps.

Ouais. La fin du monde selon les Nordiques, rien que ça. Hawkman se serait bien demandé comment cela était possible

-On en a été libéré au bout de quelques décennies. On a dû tout réapprendre... Mais je crois qu'on peut dire qu'on s'en est bien sorti.

-J'ai jamais compris ce que les gens pouvaient trouver à ces foutus machins tactiles.

-Moi aussi je comprends pas.

Les écrans tactiles et autres avancées technologiques dont les gens raffolaient, surtout les jeunes, restaient un méandre d'incompréhension et d'énervement pour les deux héros. Même si ces derniers faisaient des efforts... Quand ils étaient bien lunés.

-Kent est mort. C'était son neveu qui le remplaçait. Un p'tit arabe qui a dû tout apprendre sur le tas.

-Mais le p'tit Fate est parti très récemment. On ne sait pas où est-ce qu'il a pu aller.

La nouveauté fait toujours peur.
Elle vient bousculer les traditions, rendre obsolète tout ce que l'on peut croire établi, immuable. Ce n'est pas nouveau, et ça ne changera jamais. Tel est le destin de l'homme: être terrifié par ce qui le dépasse. Ce n'est toutefois pas une fin en soi. Il faut se battre pour s'adapter, évoluer, progresser, constamment. Devenir meilleur, en somme, pour ne pas finir ombre parmi les ombres, un laissé pour compte du temps qui passe. C'est ce que Clark et Scarlet, ses parents, ont appris à Kent. Ne pas se reposer sur ses lauriers. Apprendre du monde, constamment. Rien n'est acquis. Luthor s'est d'ailleurs bien arrangé pour le lui rappeler, cruellement. Les traumatismes ne justifient cependant en rien l'impolitesse, et pour s'excuser de l'examen minutieux qu'il a commencé à réaliser sur les deux héros, il incline la tête.

- Encore une fois, mes excuses. Mon goût pour le... fabuleux a pris le dessus, quelques instants.

Un sourire naît, sous le casque.
Il se sent. Il s'entendrait presque, contre le métal froid et doré.
Amusé, quelque peu. Il les brosse amicalement dans le sens du poil... et des plumes. Nul mensonge dans ses mots, néanmoins: pour lui, la physiologie de ces deux justiciers est réellement passionnante. Mais c'est hors-propos pour le moment. Malvenu, même.
Tant par l'impolitesse que par ce qui suit.
Le Kent Nelson de ce monde est donc bel et bien mort. Et son successeur a disparu.
Dr. Fate est sensé être le protecteur mystique du monde, un bouclier face aux nombreuses menaces cherchant à contrôler, détruire ou s'emparer de la Terre et de sa dimension. On le résume souvent à un héros costumé aux couleur improbables, comme beaucoup de Mystery Men, à tort.

- Hum. C'est... très problématique.

Car sans successeur... le Heaume doit échoir à un porteur digne. Un nouveau Sorcier. Ainsi sont faites les choses. Ainsi doivent-elles être faites. Car qui sait quelles forces obscures s'amassent déjà aux frontières sensibles de la Terre-0 ? Quelqu'un doit être là pour les mettre en déroute. Lentement, Kent croise les bras et baisse légèrement la tête, trompant son inquiétude par la réflexion. Des idées fusent, des plans s'échafaudent, se font et se défont, facilités par son intelligence et la puissance quasi-sans limites du Heaume.

- Avaient-ils un repaire ? Un espace dans lequel nous pourrions investiguer. Trouver ce qui est arrivé à ce jeune Fate.

C'est simple. Très simple. Trop simple diraient certains.
Mais sans davantage de données, il serait impossible de pousser plus loin sans prendre de risques. Et s'il y a bien une chose que Kent a appris avec la magie de l'Ordre, c'est que les risques mènent aux erreurs. Et les erreurs au Chaos. S'il n'est pas le plus rigide des porteurs du Heaume, l'idée d'avoir tout de même affaire à quelque chose qui dépasse la compétence d'un Dr. Fate de Terre-0 le remue.
Et c'est une bonne chose, pense-t-il. Cela veut dire qu'il n'a pas perdu toutes ses émotions.
Pas encore, tout du moins.

Un mage avec le goût du fabuleux, on aurait tout vu. Même si en fait il valait mieux avoir ce goût lorsqu'on était aussi étroitement lié à la magie, mais ça sonnait tout de même comme quelque chose de spécial dans la bouche de cet émigré de la Terre 20. Enfin... Il était plus bizarre que méchant. Et Carter et Ted étaient trop vieux pour s'offusquer de telles bizarreries après ce qu'ils avaient vu et vécus. Même si leur époque était assez rétrograde vis à vis des différences d'autrui.

-On devrait lui présenter la magicienne là. Zatanna. J'suis sure qu'elle le fascinera avec son langage bizarre. Tu sais où elle est ?

-Pas eut de nouvelles depuis un moment. Mais ça devrais pouvoir se trouver. Au pire, la chauve-souris doit bien avoir un relevé de tous nos déplacements.

-Non... A ce point ?

La paranoïa de Batman était connue de tous, et les héros en plaisantaient souvent... Même s'ils se demandaient ensuite si la plaisanterie en était vraiment une ou si Bruce Wayne le faisait réellement. Après un petit moment de silence, Hawkman reprit la parole.

-En fait, Khalid est parti avec son heaume de ce que j'ai compris. il est parti... Ailleurs. Et pour un sacré bout de temps je crois.

Ce qui n'en restait pas moins inquiétant puisque ce monde était privé de son plus puissant mage alors qu'ils risquaient d'avoir grand besoin de lui.

-Les Fate ont tous un repaire non ? Un endroit à eux.

-P'têt qu'il l'a pas lui. Kent l'a toujours eut sa Tour ?

La Tour du Destin... Un endroit contenant des centaines d'artefacts magiques ou non magiques dont certains dataient de l'Egypte ancienne même. Tous les Fate depuis Kent y avait eut accès... En tant que Docteur Fate de sa Terre, est-ce que leur interlocuteur y aurait accès ? C'était une bonne question. A laquelle ils n'avaient malheureusement pas de réponses.

-Si le monde survit à l'assaut de l'autre crâne d'oeuf, tu pourrais tenter d'aller voir.

Zatanna.
Un nom inconnu sur Terre-20. Bien des mages ont foulé le sol de ce monde, mais aucun n'a porté ce patronyme, Kent en est certain. En tant qu'autorité magique centrale, il a eu le loisir de rencontrer presque tous les utilisateurs des arcanes, bons comme mauvais. S'il ne connaît pas de Zatanna, en revanche, il déduit très facilement ce dont parlent les deux compères de la JSA. Doc joint les mains, le temps de laisser ses hôtes finir leur petite discussion. Leur amitié, profonde, fait ressurgir de vieux souvenirs dans l'esprit du Sorcier. Des bons moments. Très bons. Abin Sur, Al Pratt et Zinda Blake lui manquent. Mais ce n'est pas le moment de s'apitoyer !

- La logomancie ? C'est un art que certains magiciens pratiquaient, sur ma Terre. Toujours passionnant, mais ce ne serait pas une nouveauté, malheureusement.

La mention de la Tour de Fate fait immédiatement jaillir un sourire sous le Heaume.

- Une Tour... hum. Cohérent, cohérent. Il faudra que...

Mais celle de Luthor l'efface immédiatement.
Elle coupe même le mage dans sa pensée, dans sa réflexion.
La colère monte, grimpe, gronde.
Tout comme la soudaine dureté de son ton. Le métal. Le sang. La magie. La mort.

- "Crâne d’œuf" ne triomphera pas. Jamais. Cela lui est interdit.

Le surnom ridicule paraît même menaçant, là.
Comme si cela impliquait que Fate allait le briser dans sa main gantée.
Et en un instant, tout disparaît.
Kent redevient posé, calme, neutre.
Le Heaume.
Même si moins limitant que celui de Terre-0, celui de Terre-20 pousse également son porteur à la froide et absolue neutralité émotionnelle, à la logique totale et parfaite. Alors, terriblement influencé par l'objet, Doc se calme. Et reprend, conscient de son emportement. Une preuve d'impolitesse.

- Hrm. Bref. Nous nous occuperons du "repaire" en temps et en heure. En attendant, avez-vous... un médecin, parmi les vôtres ?

Kent Nelson de Earth-20 connaissait donc la logomancie, ce qui était une bonne nouvelle puisqu'il était sensé être le plus puissant mage de son monde. Mais bien évidemment, il ne connaissait pas Zatanna qui aurait dû naître bien plus tard. Quelques décennies après la seconde guerre mondiale. Et qui ne naîtrait peut-être jamais comme tant d'autres héros qui n'avaient pas vécu les années 40. L'exilé lâcha une phrase à propos de la Tour mentionné par les deux anciens de la JSA, mais la mention du destructeur de son monde ne tarda pas à évacuer le sujet. S'ils étaient habitués à des Fate plus ou moins calmes car leurs émotions étaient assoupis par le casque, ce n'était pas le cas en ce moment-même.

-Hihihi. Luthor a intérêt à bien se tenir.

C'était rare, mais pour une fois les deux têtes brûlées étaient en phase avec les sentiments d'un mage pourtant beaucoup plus calme qu'eux d'ordinaire. Mais après ce qu'avait vécu cet homme, comment lui reprocher de vouloir anéantir celui avait détruit son monde juste pour prouver sa puissance.

-Oh pourquoi pas. Un sort malencontreux est si vite arrivé.

-... Heureusement que Jay ou Alan ne sont pas là.

Ces derniers auraient sans doute trouvé des choses à redire du caractère belliqueux de leurs compagnons de bataille. Mais ils étaient trop vieux pour pouvoir changer. Surtout Carter. Alors que le Fate de Earth-20 posait sa dernière question, des bruits de pas se firent entendre tandis qu'une voix résonnait. Provenant du couloir où se trouvait l'infirmerie.

-La mort est quelque chose qui ne doit pas être de désirer à tout prix. Même si je conçoit que cette éventualité peut-être envisagée pour un être tel que lui.

Un hibou apparu en premier, allant se poser directement sur l'épaule de Carter. Comme si c'était habituel Le possesseur de la voix finit par apparaître aux yeux des trois héros.


-Dr Midnite. Bonjour Doc Fate.

- Docteur.

La poignée de main est franche, solide, intense.
Elle permet immédiatement aux deux hommes de reconnaître en l'autre ce qu'ils ont en commun: une formation, un serment, une expertise. De nombreuses réussites, peu impactantes. Quelques rares échecs, tous plus dévastateurs que le précédent. Ce sont des médecins, aux doigts agiles, habiles, capables de prendre les décisions les plus terribles d'un coup de scalpel. Ils partagent tous deux ce savoir médical mystérieux, presque miraculeux aux yeux des néophytes.
Mais Pieter Cross ressent autre, dans les infimes crispations de la main. Il capte des nuances si fines que nul autre n'aurait pu les saisir. Doc Fate est bon. Mais n'est pas bien. Il est tourmenté, sans exagération aucune. Et un homme bon tourmenté peut parfois faire plus de mal qu'un homme mauvais.

- Il est bien heureux que nous ne parlions pas de mort. Lex Luthor ne la mérite pas. Cela serait une bien trop belle fin pour lui. Il ne peut pas partir. Pas avant d'avoir payé ce qu'il doit au monde. Aux mondes.

La distinction se fait nettement.
Il ne s'agit pas que de lui, pauvre petite âme perdue au milieu de l'immensité des cosmos, tous plus divers les uns que les autres. Longue est la liste de ceux qui ont une dent envers "Crâne d'Oeuf". Longue est la liste de ceux qui mériteraient de se venger. La neutralité émotionnelle classique des Fate semble elle-même vouloir mettre un point définitif à la question Luthor, en tranchant le problème en deux. Littéralement.

- Je ne souhaite cependant pas m'élever en ennemi de la Justice Society of America, quelles que soient mes opinions. Quels que soient mes désirs.

Mais Kent Nelson s'exprime.
Malgré le Heaume. Malgré la rage. Malgré tout.
Il dépasse l'aveuglement que ses sentiments invoquent, et la neutralité que son plus grand allié provoque, afin de parler, en son nom seul. Celui d'un homme qui n'a plus rien, qui retrouve un semblant de camaraderie auprès de figures familières mais étrangères. Qui le retrouve, et qui compte bien en profiter pour le chérir. Jusqu'à nouvelle perte.
Ainsi est la vie des porteurs du Destin.