Colère et Marbre

Ainsi il filait. Comme ça. Simplement, aussi simplement que l'on dit au revoir sur le pas d'une boulangerie... Je commençai à avoir faim...

Conner s'effaça dans le cosmos, météore rougeoyant dans un monde où régnaient les forces gravitationnelles d'astres d'apparence immobile, trait carmin dans les ténèbres solides qui séparaient les curiosités physiques les plus remarquables. Mais échapper à mon regard n'était pas une tâche si aisée. Le combat face aux Omega Titan était à peine terminé, je sentais mon organisme doucement se remettre grâce aux radiation des Soleil Jaunes proches. Me lancer dans une telle poursuite serait hasardeux.

J'avais encore le choix : respecter "la volonté" - ou ce qui en faisait office - de Conner en retournant sur Terre avec un haussement d'épaules ou le suivre quitte à alimenter sa babiole sanguine. Je tranchai pour un mélange des deux en le suivant avec un haussement d'épaules - on ne se refaisait pas après tout. Sans doute était-ce une façon pour moi de ne pas trop penser à l'échec de mes négociations avec un dealer, une manière de différer le moment où j'allais devoir affronter des nuits de cauchemars et des réminiscences désagréables ; à moins qu'un peu de la grandeur de mon cousin était présente, cherchant à me faire agir pour le mieux...

Toujours était-il que je volai, slalomant entre des météores, glissant à l'orée de nuages ionisés, m'équillibrant entre deux attractions planétaires, toujours suivant ce point, d'abord lointain et de plus en plus près. Je faisais quelques crochets par des petites lunes, tournant autour d'elles pour gagner en inertie et, comme un boulet, gagner toujours un peu plus de distance. Le bougre était rapide et en avance sur moi qui plus est, je devais bien ruser un peu pour espérer le rattraper.

La "super-familly" était une chose un peu lointaine pour moi. Conner, Krypto, Kara, Kal, Jon. Des noms, des filiations plus ou moins ténues. Ayant toujours été plus proche de la J.S.A., le noyau "kryptonien" qui s'était lové autour de Kal était comme une famille très éloignée et je ne pouvais pas dire que je partageai de nombreux et beaux souvenirs avec eux. Au mieux des combats contre des entités cosmiques. Des luttes face à Zod...

Mouais, on faisait mieux en terme d'album photos...

J'approchai doucement alors que les lumières solaires m'alimentaient et me "réparaient" lentement.

De par sa naissance et ses débuts Conner était probablement le plus éloigné du groupe, à la fois un avantage - avec lui au moins on avait pas l'impression d'être totalement déconnecté de cette sphère très... boy scout - et un inconvénient - les sujets de discussions n'étaient pas bien nombreux.

Et comment l'aborder ? Mon but était clairement de l'aider à quitter son truc rouge, ou en tout cas à reprendre le contrôle. A l'inverse d'un Kal qui composait avec ses émotions et s'équilibrait parfaitement dans une vision morale et philosophique bienveillante, j'étais plus dans le contrôle et la domination de ces émanations regrettables d'états physiologiques parfaitement dangereux. Lorsque vous étiez un kryptonien sous l'effet d'un Soleil Jaune, il était en effet dévastateur de laisser libre court à des sentiments, aussi justifiés qu'ils puissent avoir été dans le passé lointain. Alors imaginez avec un anneau qui venait directement vous court-circuiter le cerveau...

Conner était une arme de destruction massive laissée libre dans un univers qui n'avait pas besoin de cela en plus du reste.

Je commençai enfin à devoir réduire ma super-vue pour le distinguer.

Gagnai-je de la vitesse ou décélérait-il ?

En tout cas je devais être à portée de super-voix... Si seulement je n'étais pas dans le vide intersidéral qui empêchait logiquement toute propagation d'onde sonore. Nous allions également trop vite pour que j'espère utiliser mes rayons laser afin d'attirer son attention. Mon estomac grogna un peu.

Alors je continuai de le suivre patiemment, la cape qui se collait à mon corps qui se recouvrait lentement d'une fine couche de poussière. C"était l'inconvénient de l'espace. De la glace se formait légèrement sur vous, mais entre votre chaleur et celle des étoiles environnantes, elle fondait, vous vous retrouviez rapidement avec une peau luisante et les particules minérales et métalliques qui se baladaient dans l'espace venaient irrémédiablement se coller à vous. Ce qui donnait à la fin des douches qui valaient certainement des millions mais pouvait boucher vos canalisations si vous n'étiez pas prudente et, sans doute le pire, polluait l'eau des égouts avec des éléments quasi-indétectables, raison pour laquelle je devais généralement passer d'abord dans un nuage spatial électrique et ensuite m'arrêter sur une planète isolée avec des océans à la composition chimique qui provoquerait la dissolution de n'importe qui d'autre...

Entre deux réflexions stériles de nature tout à fait dispensable, je secouai la tête, laissant dernière moi de charmantes volutes irisées de poussière. Une carcasse de vaisseau flottait à proximité, des cailloux et des amas ferreux s'aggloméraient autour de lui, révélant la présence d'un point de Lagrange où toutes les forces gravitationnelles s'annulaient. Je pouvais distinguer d'un rapide coup d'oeil des habitations et des vaisseaux fait de bric et de broc amarrés. Même l'univers connaissait ses squats.

Le silence était reposant. Apaisant. La gigantisme de mon environnement aurait dû me rendre humble et me faire sentir petite, mais... mais j'y volai, je pouvais l'explorer dans un privilège rare et précieux qui me donnait faussement l'impression d'être plus grande que bien des choses et des gens.

Sentiment fugace effacé par un virage qui frôlait une planète dont la carcasse d'un vaisseau frappé d'un "Omega" terrible tournait encore en orbite. Beauté et danger dans une super-structure d'espace-temps...

Je grignotai encore un peu de distance avec le jeune super-boy.

Où diable se rendait-il ? Allait-il seulement s'arrêter un jour ? J'avais très faim en plus...

Je tentai désespérément de pousser un cri avec la première chose qui me venait à l'esprit. On ne savait jamais, peut-être que sa super-ouïe aurait quant même la capacité de saisir le mouvement de mon système phonatoire ?

- Conner ! Pizza !

Mieux qu'un "arrête-toi !", mieux qu'un "halte-là !", pas un ordre, plutôt une invitation. C'était une introduction mitigée qui en valait une autre. Dommage que ça venait de graver en moi l'image mentale d'une pizza à la pâte croustillante et à la garniture onctueusement installée dans une mozarella parfaitement cuite, le tout dans un petit nuage de fumée de bois et une odeur à vous faire oublier jusqu'au nom de Darkseid...

Évidemment, ça ne pouvait pas être si simple.

Il savait qu'il n'aurait pas dû y aller. Qu'il aurait dû les laisser se débrouiller. Ils s'en seraient sans doute sortis sans lui. Il n'était, de toute façon, pas censé être là ; en fait, il n'était censé être nulle part. C'était bien le but de disparaître. Mais il n'avait pas pu s'empêcher d'aider ; de se rendre utile. De venir au secours de ceux qui en avaient besoin. Une bonne habitude en temps normal, pourrait-on dire, mais qui, dans son cas, n'était pas sans conséquences.
Preuve en était de cette jeune femme, de cette lointaine parente désormais lancée à ses trousses, bien décidée à lui demander des comptes - à lui poser des questions auxquelles il ne voulait pas répondre. Car il était parti sans prévenir, sans explications autres que celles qu'ils pourraient trouver par eux-mêmes, sans laisser à personne la chance de le raisonner. Cela avait nécessairement dû éveiller quelques curiosité ; peut-être même quelques méfiances.
Vaste comme l'était l'espace, pourquoi avait-il fallu qu'il rencontre des gens qu'il connaît ? Y errait-il depuis si longtemps maintenant qu'il avait fini par être reconnu comme un corps céleste et développé son propre centre de gravité, attirant vers lui tous ceux qui passaient à sa portée ?

Alors oui, il filait, fuyait - fusait à toute vitesse, mettant autant de distance qu'il le pouvait entre lui et ceux qu'il venait d'aider à faire... Quoi ? Le phénomène final de ce combat dans lequel il avait été impliqué presque malgré lui l'avait laissé dans une confusion qu'il ne se sentait pas la force de dissiper. Seul comptait de savoir qu'ils l'avaient emporté - qu'ils n'avaient plus besoin de lui, qu'il pouvait partir sans se retourner. Qu'il pouvait se jeter toujours plus loin dans le vide cosmique, traverser les étoiles, et ne plus en ressortir.

Contrairement à elle, il ne cherchait pas à faire dans la vitesse - n'en avait pas le luxe, le pouvoir de l'anneau pouvant reprendre le dessus à tout moment. Ainsi, plutôt que d'éviter les obstacles, il se contentait de passer à travers, pulvérisant les astéroïdes et perforant les lunes miniatures sans jamais s'arrêter pour regarder derrière lui. Mais aussi fragiles que soient pour lui tous ces obstacles, ils lui faisaient lentement mais sûrement perdre du temps, réduisant d'autant l'avance qu'il pouvait avoir sur elle.

Rapidement, il devint clair qu'il n'arriverait pas à la semer - et qu'elle n'avait pas l'intention de renoncer. S'il ne savait pas exactement quelle était sa place dans l'arbre généalogique biscornu de la maison de El, force était d'admettre qu'ils avaient l'obstination en commun. Et s'il n'avait d'autre choix que d'être rattrapé, Conner préférait que ce soit selon ses propres termes. Ainsi, lorsque survint le prochain planétoïde sur sa trajectoire, il choisit de s'y poser - quoique écraser serait plus juste, vu la délicatesse de son atterrissage - au lieu de le faire voler en éclats, au moment où elle l'interpellait. Pizza ? Hein ?

Qu'est-ce que tu me veux ? aboya-t-il, courroucé tant par sa persistance que par le risque qu'elle prenait sans même le savoir.

Il n'en faudrait pas beaucoup plus pour que les choses dérapent.

Finalement le jeune Conner décida de s'arrêter brutalement sur un terrain plutôt austère. Je pus admirer le gabarit de son cratère juste avant de me poser et d'entendre la voix pleine de colère et de ressentiment qui fut jetée plus qu'offerte. J'aurais pu reculer si je n'étais pas si sûre de ma force, j'aurais pu jouer la carte de l'empathie et de la compréhension, mais il fallait croire que j'étais plus Zor que El sur certains aspects. Mes bras se croisèrent tandis que mon regard, tout aussi dur que son ton était violent, se posait sur lui.

- T'empêcher de disparaître, lui lançai-je.

La fuite était une chose merveilleuse, c'était comme de tenter de laisser derrière soi toutes ses responsabilités, tous ses soucis pour ne plus conserver la plus petite once de culpabilité. Ensuite, il suffisait d'enrober le tout d'une rationalisation que l'on s'inventait car nos esprit n'étaient pas fait pour accepter la démoralisante perspective d'être au choix un/une lâche, sans honneur, sans passé et, pour ainsi dire, sans plus aucune connexion avec toutes les expériences qui pourtant nous avaient forgé. La fuite était virtuelle intéressante, mais fuir son passé revenait à endetter son avenir et le recouvreur de dettes ne se privait pas de saler la facture.

- Où penses-tu donc aller comme ça ? "Loin" ? "Ailleurs" ? "Là où tu seras seul" ?

Mon ventre grogna légèrement. Je haussai les épaules pour ponctuer mes propositions. Je me permis de détailler le jeune homme. Il y avait des traits qui rappelaient Kal, mais tendus par la fureur, marqués par la poussière des étoiles, des cheveux délaissés, uniquement coiffés par de multiples vols intersidéraux, une tenue réduite à un uniforme aux allures de relique d'un temps passé. Son coeur battait fort et vite, sa pression sanguine était forte. Il retenait en lui quelque chose qui pouvait exploser à tout moment.

- On ne se connaît pas particulièrement toi et moi, ajoutai-je en le fixant de mes yeux bleu acier. Je ne prétends être ni une amie, ni une proche parente mais l'on est trop peu nombreux à pouvoir se comprendre et s'entraider pour laisser les autres se perdre comme tu as l'air de le faire.

Une accusation, brillante stratégie "Miss Univers Diplomatie". Tu devrais aussi rajouter qu'il est une menace qui s'ignore et que tu ne peux pas le laisser en liberté dans sa cet état ? Non, mieux, ajoute qu'il pourrait "faire quelque chose qu'il pourrait regretter", la carte de la destruction de l'estime de soi c'est top pour un premier contact.

- Ce que je veux dire Conner, c'est que la solitude est séduisante, mais elle nous fait prendre de mauvais chemins si on n'y prend pas garde, expliquai-je pour éviter de laisser planer une ombre de jugement.

Parlai-je cependant encore de lui ? A le voir je n'éprouvai pas véritablement de la pitié, plutôt de la compassion de voir un homme si jeune déjà dévasté par une vie qui paraissait ne lui faire aucun cadeau. A son âge, il devrait être encore en étude, à courir après la vie, à courir après le temps, pas à fuir, pas à s'enfuir. Et malgré tout il était là, homme d'une rare puissance, en rage. Était-ce étonnant ? Kal El avait eu une belle enfance, des parents aimants, une vie presque idéale, pesante même pour ceux qui n'avaient pas eu la même chance... Moi-même arrachée à mon adolescence pour être plongée dans la perte je n'avais pour ainsi dire pas eu le choix de faire un bond de 14 à 28 ans sans vivre cette période charnière autrement que dans un simulateur.

Je ne voulais cependant pas calquer sur lui mes propres regrets, faire des plans sur la comète ou même essayer de deviner, en jouant la plus maligne, son mal-être. Parfois le plus simple était tout simplement de demander :

- Qu'est-ce qui te donne tant envie de fuir ?

Disparaître ?
Il aurait bien aimé, d'une certaine manière. C'aurait été une solution drastique à son problème actuel. Non pas mourir, mais bien disparaître - s'évaporer dans la nature et avec lui cet anneau maudit. Ne rien laisser derrière lui, et surtout pas cette charge qui menaçait à tout moment de lui exploser au visage, emportant avec lui... Et bien, tout, dans un certain périmètre.
Il ne savait pas quelle serait précisément l'ampleur des dégâts, mais ces choses n'étaient pas appelées arme la plus puissante de l'univers pour rien. Aussi défaillante qu'elle soit, la sienne ne dérogeait pas à la règle ; elle possédait la même force de frappe potentielle - le même pouvoir de destruction. Et la manière qu'avaient ses fissures de s'agrandir à intervalles réguliers, l'énergie d'en irradier même alors qu'il s'obstinait à ne pas en faire usage n'incitaient pas à la confiance.

Hélas, ce n'était pas vraiment une option. Aussi formidables que soient ses pouvoirs, celui-ci n'en faisait pas partie. C'était bien le plus rageant : malgré tout ce dont il était capable - malgré le temps qu'il lui avait fallu pour accéder à ses pleins pouvoirs -, aucun d'entre eux ne pouvait l'aider en quoi que ce soit dans cette situation.
Il était pris au piège.
À la fois l'un des êtres les plus puissants dans tout l'univers - et absolument impuissant face à une breloque qui brille dans la nuit.
Tu parles d'un héros.
Ce n'était pas à Clark que ce serait arrivé, c'était sûr, mais il n'était pas Superman.
De cela au moins, il était sûr désormais.

Pas plus que celle qui se tenait en face de lui n'était Supergirl. Peut-être qu'elle l'avait été un jour, mais celui-ci était passé depuis longtemps et ne reviendrait pas. Aucun des mots qu'elle prononçait - ou si peu - n'aurait eu sa place dans la bouche de Kara ; même lui pouvait le dire, alors pourtant qu'ils n'étaient pas particulièrement proches. Quoi qu'elle ait vécu, quoi qu'elle ait subi, ça l'avait changée drastiquement.
Grandie - et pas que dans le sens littéral du terme. Endurcie, aussi, croyait-il pouvoir deviner ; lui-même était fait du même bois - ou plutôt du même acier, dans leur cas. Ce qui ne la lui rendait cependant pas forcément plus sympathique, d'autant qu'elle semblait cruellement manquer de perspicacité en ce qui concerne sa situation. Certes, il ne lui avait rien expliqué, mais certaines choses ne devraient pas avoir à l'être.

« Où je vais » ? Là où je ne risque pas de tuer tout ce qui bouge par accident à l'échelle du système solaire.

Et même ce qui ne bougeait pas, d'ailleurs.
L'annihilation ne discrimine pas.

Quoique dubitatif, il leva la main, s'assurant que l'anneau soit clairement en vue. Si son uniforme - certes instable, se matérialisant ou non au gré des fluctuations - ne suffisait pas à lui faire comprendre, peut-être que le lui mettre sous le nez la source de tous les maux suffirait à faire passer le message. Mais de la part de quelqu'un doté de super-vision - et de toutes les options associées -, un tel manque de perspicacité avait de quoi alarmer.
D'autant qu'aussi réticent soit-il à employer cette babiole, ne serait-ce que par crainte d'accélérer sa déliquescence, il n'en avait pas fait mystère lors de la bataille qu'ils venaient de livrer. S'imaginait-elle encore qu'il avait choisi d'être ici ? Que c'était de son plein gré qu'il portait la marque des chiens enragés ? Aussi lucide qu'il soit sur ses problèmes de tempérament, ce n'était pas quelque chose qu'il irait fièrement arborer, quelles que soient les circonstances.

Au cas où ce ne serait pas encore assez clair, ce n'est pas moi qui lui fais faire des étincelles Pour une fois coopératif - fut-ce dans le seul but de montrer ses dysfonctionnements -, l'anneau grésilla de plus belle, lui écorchant méticuleusement les oreilles. J'aimerais éviter de me trouver à proximité d'une planète - pardon, d'une <i>galaxie</i> - habitée au moment où il décidera enfin de lâcher.

Ce qui, bien sûr, n'augurerait rien de bon pour lui, mais au moins aurait-il la satisfaction de savoir qu'il n'a pas entraîné des milliards d'innocents avec lui dans la mort.
Certes, le scénario idéal verrait l'anneau... Cesser de fonctionner, tout simplement, et le laisser perdu dans l'espace. Ce qui ne serait pas tout à fait arrangeant - ne serait-ce que parce que son cœur « cesserait de fonctionner » également -, mais aurait le mérite de ne condamner personne d'autre que lui.
Dans le doute, il ne pouvait cependant pas se permettre de prendre le risque ; de jouer plus d'âmes qu'il n'en saurait compter sur la possibilité qu'il ne se passe rien, tout ça pour vivre sa vie comme bon lui semblait. Il n'en était pas question.

Aux dernières nouvelles, on essayait d'éviter les génocides, même involontaires. reprit-il, fermant le poing sans encore le rabaisser - que ce soit pour lui laisser le temps d'examiner la bague plus en détails, si elle n'avait pas encore terminé, ou lui signifier qu'il n'avait pas l'intention de s'en servir contre elle. On n'est jamais trop prudent. J'ai besoin d'une autre raison ?

La discussion n'avait rien de cordiale. Ni de mon côté, ni du sien. Conner était pareil à tous les justiciers qui rencontraient un problème qui les dépassait : il s'isolait. Il devait y avoir, dans le code d'honneur des super-héros quelque chose comme : ton égo surpassera tout en toute circonstance. On avait naturellement toujours le chic pour enrober le problème de tout un tas de fausses excuses "Je ne veux blesser personne", "c'est trop risqué" et tutti quanti, comme si, dans le fond, nous étions les mieux armés pour affronter un problème personnel dans lequel nous étions trop émotionnellement impliqués pour y voir, en réalité, clair. La stupidité venait avec le costume, c'était peut-être même elle notre principal guide d'ailleurs...

Son ton ne souffrait pas la réplique, que ce soit dans ses affirmations sèches, son langage verbal fermé, ses questions passives-agressives ou son regard qui aurait pu souffler une super-nova.

Mais le fait qu'il continue de discuter signifiait deux choses : la première, il avait besoin de parler, même inconsciemment, même s'il se disait que c'était pour mieux m'envoyer balader et la deuxième, la plus importante en fait, était qu'il avait encore l'optique de vivre, ou survivre vu la bombe à retardement qu'il portait au doigt.

- Ce serait bien que tu t'en trouves une vraie, rétorquai-je à sa dernière et irritante question.

Puisqu'il me prenait de haut, je ne voyais pas pourquoi j'aurais pris plus de pincettes.

- Tu peux jouer ton petit adolescent émo-diva si ça te chante et chercher un petit coin de galaxie où exploser à ton aise, c'est ton droit, mais je t'interdit de dire "on", "on" a rien à voir, parce qu'au mieux tu joues les petits égoïstes qui se donnent de la grandeur dans un problème qu'il ne cherche pas à résoudre. Parce que si tu t'intéressais plus à la sécurité de l'univers qu'à toi-même, ça fait belle lurette que tu aurais été te balancer dans le trou noir le plus proche pour absorber l'énergie de ta babiole et disparaitre avec elle, qu'importe dans le fond, ce que représenterait ce sacrifice.

Les bras croisés, le regard dur, je ne devais plus avoir l'allure vaguement amicale que j'avais tenté d'arborer en l'approchant. Je venais d'autant plus de l'inviter au suicide, heureusement Kal n'était pas là pour l'entendre.

- A la place, tu te balades d'une galaxie à l'autre en trimbalant ta petite bombe comme une fleur en boutonnière... Plan brillant, y'a vraiment que ton anneau qui fait des étincelles, je confirme.

" Je serais curieuse de savoir qui tu es aller voir, à qui tu as demandé de l'aide. Ils t'ont tous dit : "promène-toi au hasard et laisse la chance décider du moment où tu vas péter ?"

C'était gratuitement violent mais il me tapait sur le système et franchement je ne pouvais ni le laisser filer vu le danger qu'il était ni l'affronter au risque de souffler une partie de ce système. J'avais le chic pour me lancer dans des situations impossibles.

L'option diplomatique s'étant fermée - en grande partie par ma faute -, je n'avais plus qu'à espérer que ce que je lui avais dit déclenche un truc, n'importe quoi qui pourrait me donner une accroche et l'emmener par la main voir des spécialistes de ces bijoux new age. D'un autre côté les leçons de morales du genre "mais tu fais n'importe quoi !" n'ont jamais eu pour écho des réponses du type "Oh mais oui, tu as raison, que je suis bête !", généralement ça se finissait en bouderie ou en bagarre...

Or je ne pouvais accepter la première option...