World's Finest Detectives (ft. Batman)

Cette ville me donne toujours le cafard, pensa Lois. Rien n’était plus déprimant que de regarder par la fenêtre d’une voiture et d’observer au loin la cité de Gotham, sous les nuages et la pluie. Quand on venait de Métropolis, le choc était d’autant plus grand. Les deux villes n’étaient pas très éloignées l’une de l’autre d’un point de vue géographique, mais elles étaient aussi différentes que le jour et la nuit. Évidemment, c’était à l’image des deux héros qui les représentait. Batman et Superman. Deux alliés aux méthodes et aux valeurs bien différentes. Lois soutenait son héros, bien sûr, mais comprenait aussi Bruce et son approche.

Elle vérifia rapidement les documents qu’elle avait apportés avec elle. Un énorme tas de fiches et de dossiers, plus ou moins bien rangés dans une mallette. Elle soupira et fronça les sourcils. Elle s’interrogeait énormément sur la situation actuelle, qui variait d’une journée à l’autre, indécise. Lois détestait rester dans le flou. Elle avait besoin de savoir, de réponses. De vérité. C’était l’une des raisons de sa présence dans cette ville lugubre.

Le retour de Batman après une longue disparition n’avait bien sûr pas échappé à Lois Lane. Après cinq mois. Plus inquiétant encore, Alfred Pennyworth était resté introuvable lui aussi. La journaliste ne s’était pas inquiété outre mesure de la disparition du Chevalier Noir. Elle connaissait bien Bruce et savait que ce n’était qu’une question de temps avant son retour. Mais peu importe les missions que s’octroyait le milliardaire, son majordome restait bien souvent joignable. Son absence était donc quant à elle inquiétante. Et au même moment, l’affaire des bat-dossiers surgissait. Tout cela avait forcément un lien. Le hack du bat-ordinateur n’était que la partie émergée de l’iceberg.

“Nous y sommes, Madame Lane, se contenta de dire le chauffeur devant le portail de l’immense manoir Wayne. Lois paya son chauffeur et quitta le taxi. Elle plaça un journal, exemplaire du Daily Planet, au-dessus de sa tête pour éviter de foutre en l’air son brushing. Il pleuvait tellement qu’après seulement quelques secondes dehors, elle sentait le froid de l’humidité qui filtrait à travers son imper. Elle jura, quelque chose comme “quel temps de m…” avant de se précipiter face à l’immense et solide porte du manoir. Elle regrettait déjà la douce sensation du soleil qui réchauffait la surface de la peau qu’elle avait laissé derrière elle en débarquant ici. A l’improviste.

“J’espère que t’es chez toi, Wayne, sinon je te jure que…

Les bruits sourds du heurtoir censurèrent la fin de sa phrase. Elle savait que Bruce, comme son époux Clark Kent, était souvent “de sortie”. Smallville s’occupait en ce moment d’un lieu qu’il appelait le Sanctuaire, en plus de toutes ses activités annexes, et Lois devait gérer seul l’appartement, leur fils et tout le reste. Actuellement, Jon était entre les mains de son hystérique de sœur Lucy, mais elle avait appelé toute les heures depuis son départ pour s'assurer que tout allait bien. Elle se montrait parfois aussi autoritaire et protectrice que le Général, mais Jon avait malheureusement à la fois hérité de son père et de sa mère, surtout pour s’attirer des ennuis.

Lois attendait depuis désormais plusieurs minutes sans aucune réponse. Décidément, quelque chose clochait avec Alfred Pennyworth. La journaliste avait beaucoup à faire avec le majordome, ils se téléphonaient et se voyaient régulièrement. L’amitié qui unissait son fils Jon avec celui de Bruce, Damian, était la principale raison de leur correspondance. Les deux enfants faisaient les quatre cent coups ensemble, souvent sans permission, et se mettaient constamment en danger. Et même si Robin était bien la progéniture de Batman, c’était Alfred qui s’occupait la plupart du temps de son éducation. Comme il l’avait fait avec le père.

Aussi, attendre aussi longtemps devant le portail Wayne sous la pluie sans une intervention rapide du majordome le plus efficace du monde était chose assez surprenante, voire inquiétante. Lois se risqua alors à ouvrir la porte qui, à sa grande surprise, n’était pas verrouillée. Bruce était un paranoïaque et un maniaque de la sécurité. Cette négligence ne lui ressemblait pas. Lois s’attendait presque à ce qu’une alerte retentisse, et que des fusils lasers sortent du mur et des statues pour la mitrailler. Mais rien de tel ne se produisit. En même temps, ce n’était pas vraiment une effraction, se rassura-t-elle.

“ Y-a quelqu’un ? Alfred ? Bruce ? Damian ?

Personne ne répondit. Le manoir semblait presque désert. Presque, parce qu’un son se faisait entendre dans une pièce, non loin. Cela frustra davantage une Lois trempée et frigorifiée, qui n’avait pas vraiment été accueillie comme une invitée digne de ce nom. L’hospitalité des Wayne n’était vraiment plus ce qu’elle était. Son réflexe professionnel la poussait à fouiner un peu partout, mais elle n’en fit rien et se dirigea directement vers la source du bruit qu’elle avait entendu.

Elle entra dans un grand salon, à la hauteur de plafond surdimensionné, à la structure gothique et à la décoration très sobre, presque froide. Là, sur un fauteuil, un Alfred mal en point, comateux,, et devant lui, agenouillé, Bruce Wayne s’inquiétait de son état. Lois se sentit immédiatement mal pour le majordome. Un homme simple, foncièrement bon et juste, fidèle aussi. Vieux aussi peut-être ? Loin d’être immortel malgré les apparences. En tout cas, si la journaliste ignorait le mal qui touchait son vieil ami, elle comprenait mieux certaines choses. Et pourquoi elle avait poireauté aussi longtemps sous la pluie.

Lois s’approcha doucement du fauteuil, et posa une main amicale sur l’épaule de Bruce. Elle compatissait vraiment à sa peine.

“ Qu’est-ce qu’il a ? J’ai l’impression que s’il n’est pas à l'hôpital, c’est que ce n’est pas quelque chose de… commun.

“ La courtoisie ? Non, ce n’est pas pour ça que j’ai fait des kilomètres pour venir ici. Ce n’est pas tellement mon genre. Et je ne m’attendais pas spécialement à un accueil chaleureux de ta part.

Bruce était froid et distant… comme à son habitude. Comme elle venait de lui dire, Lois ne s’attendait pas à ce qu'il l'accueille à bras ouvert. Mais tout de même, l’état de santé d’Alfred l’affectait, quoi de plus normal. C’était son père de substitution, après tout. Lois n’avait pas d’atome très crochu avec son propre père, le Général Lane. Mais s’il tombait subitement malade, elle serait la première à en être chagrinée. Mais que voulait dire Bruce par un empoisonnement à l’origine inconnue ? L’état d’Alfred a-t-il été provoqué par l’un de ses très nombreux ennemis ? Le Joker ? il était déclaré mort… Poison Ivy, l'Épouvantail… Les empoisonneurs fous de Gotham City étaient très nombreux. Mais Batman avait sans doute déjà exploré toutes ses pistes.

“ Je n'espérais pas non plus… des excuses. Mais au moins des explications… à ça.

Lois sortit de sa mallette un énorme tas de feuilles désordonnées, et les claqua sur la petite table du salon. Ces documents contenaient des tas d’informations, plus ou moins cryptiques, sur de nombreux plans. Des plans qui avaient tous pour but de neutraliser des super-héros, de tout genre, ainsi que quelques super-vilains. Le premier de la liste concernait le plus représentatif d’entre eux, le plus fort et le plus juste. Superman. Des dossiers qui avaient fuité sur le net, et qui certes ont été bloqués rapidement par le gouvernement… mais trop tard. Lois avait dû faire un tas de recherches, sur le darknet, sur des forums, dans les rues parfois. Elle avait récupéré tout ce qu’elle avait pu. Et tout était là.

“ Je sais ce que tu vas me dire. Le Général tenait ce genre de discours. Toujours se tenir prêt à toute éventualité ? Mais tu as mer***é sur ce coup là, Wayne. Il y a un marché noir, de l’information, sur tous ces dossiers. Alors, à quoi ça rime tout ça ?

Lois savait Bruce prudent, voir paranoïaque. Comment avait-il pu laisser faire ça. Très peu de gens étaient capables de pénétrer ses systèmes, encore moins pour récupérer des dossiers de cette importance. Une des possibilités, c’est que Batman ait laissé fuité tout ça. Il a disparu juste après l’apparition de tous ces documents sur le net. Même si Lois ne voulait pas totalement croire à cette théorie, elle exigeait cependant un minimum d'explications.