Au creux d'une vallée, adossé à une montagne que les derniers rayons du soleil chatouillent toujours d'un flamboyant orange teinté d'une touche de timidité, enchâssé dans un écrin verdoyant, se trouve un petit chalet de bois. C'est la demeure du Maitre Dragon. Cette cabane, fruit des besoins les plus élémentaires de son illustre occupant, ne paie clairement pas de mine. Le bois brut côtoie la pierre grossière, et la chaume épaisse par-dessus. Les fenêtres, simples carrés de verres maintenus grâce à une armature simplissime, laissent généralement apercevoir un lit, une table, une cheminée servant de four rudimentaire et une petite armoire. Voilà tout ce qui sert de mobilier; point de confort moderne ici. Ni téléviseur, ni frigidaire, ni lumière artificielle.
Il y a bien des années de cela, au sommet de sa gloire, Richard Dragon est venu se perdre ici. Seul.
S'il n'a jamais souhaité parler du pourquoi, il explique bien volontiers au curieux les avantages, qui n'en sont d'ailleurs que pour ceux de son type. Paix, combat, harmonie, nature, solitude, temps, pensée, réflexion, émotion, contrôle, mouvement, immobilité... des atouts pour celui qui ne cherche en rien la compagnie, et préfère se développer à travers la perception active de ce qui est.
Ce jour là, pourtant, le Dragon est agité. Les fils invisibles qui permet au monde de tenir en un tout uni s'agitent devant son regard de maître, avec bien trop d'insistance pour que cela soit un hasard. Il doit s'attendre à quelque chose. Un danger ? Pas vraiment. Un changement, pour sûr. Une visite. Une entrée fracassante dans le quotidien rythmé d'un homme en quête d'équilibre, de perfection et... d'oubli.
Alors, Richard se prépare.
Il va couper deux fois la quantité habituelle de bois, prépare le thé et cuisine plus qu'il ne devrait, pour accueillir celui ou celle qui franchira bientôt le pas de sa porte. O'Sensei son maître lui a appris les arts martiaux, l'histoire, la philosophie, les sciences, mais aussi la délicatesse d'être un hôte d'excellence. Les senteurs du ragoût de chèvre des montagnes vient embaumer la demeure, et jusqu'aux confins de la petite prairie qui la borde.
Il ne sera pas dit que le Dragon néglige ses invités.