Catharsis [Wonder Woman]

Cela s'est produit. Cela se produit, en ce moment même.
Mes sens s'activent, s'intensifient, s'alarment les uns après les autres, alors que je suis encore en compagnie de Richard, dans ce bar miteux de Gotham dans lequel nous nous sommes retrouvés par hasard. Alors je prends congés. Immédiatement, sans explication. Mais en quelques secondes, l'ample toge blanche des Amazones dont j'étais vêtue pour rendre hommage à Martha Kent, disparait au profit de ma tenue guerrière. Alors... si je ne prends pas la peine, ou le temps plutôt, de rentrer dans les détails avec Richard, il ne pourra que se douter que je ne l'ai pas laissé pour une quelconque raison qui ne soit pas d'importance.

Je dois partir.
Et je le dois... maintenant.

Il est aussi identifiable qu'une balise lumineuse au coeur d'une nuit sans lune. Il brille, mais pas de sa lueur habituelle. Pas de sa chaleur habituelle. Cette lumière là est sinistre, rageuse, violente.
Emplie de colère, de souffrance, d'un trop plein accumulé qui ne demandait qu'à sortir. Et maintenant que c'est le cas... s'il ne faut pas chercher à la maîtriser, du moins tant qu'il se contrôle un minimum, il convient tout de même de faire en sorte qu'elle n'affecte personne.

Et s'il a choisi un lieu dénué de toute vie humaine, il n'en va pas de même de la faune qui, bien que moins présente qu'en d'autres endroits du monde, est tout de même là. Habite ici, est parvenue à faire de ce terrain hostile son lieu de vie, son air de jeu.

Je reste à bonne distance de lui. Mais ma présence est perceptible. Evidemment qu'elle l'est, surtout pour lui.
Doucement, mes paupières se ferment, alors que mon esprit se focalise sur la faune qui vit en ces lieux. Phoques, baleines, ours blancs, pingouins... chaque être vivant à plusieurs kilomètres à la ronde reçoit une instruction claire et précise : s'éloigner le plus possible et le plus vite possible. Pour l'instant, du moins.

Mes paupières ne se rouvrent que lorsque le règne animal est enfin en sécurité, loin du regard ravageur et de la colère de Clark. En d'autres circonstances, j'aurais sans doute pu lui adresser une boutade. La fonte des glaciers n'est visiblement pas due qu'au réchauffement climatique.
Mais pas aujourd'hui et surtout pas maintenant. Il serait fichu de culpabiliser pour cela, et ça ne ferait qu'alimenter sa colère, déjà bien assez grande.

Alors je me contente de rester stoïque, d'un calme absolu et je veille dans un parfait silence. Je veille sur lui, je veille sur ce qui l'entoure. Et je ne bougerai pas jusqu'à ce qu'il soit calmé.

Je me suis trompée. J'étais dans l'erreur.
Je m'en rends immédiatement compte lorsqu'il se tourne. Dès qu'il se retourne vers moi.
Je le perçois dans son regard. Je le ressens dès ses premiers mots.
Il est en train de perdre le contrôle. Ce qui me renforce forcément dans l'idée que j'ai vraiment bien fait de venir. Car un Superman qui perd son sang-froid, qui dépasse la frontière, on sait ce que cela entraîne.
Je sais... ce que cela entraîne. Et personne n'a envie de subir ça. Alors vaut-il mieux qu'il se restreigne à ce paysage désertique.

Je l'observe attentivement. J'ai un sale goût amer de déjà vu à cette minute.
Je me trouverais face au Général Lane que la situation ne serait guère différente. La même colère, la même amertume, le même mépris, la même condescendance, la même froideur.
Pourtant ce n'est pas Lane que j'ai en face de moi, mais Clark. Mon ami, mon allié, parfois mon rival, mais plus mon ennemi depuis fort longtemps aujourd'hui.
Mais à cette minute... c'est bien ce dernier costume qu'il semble arborer. Et cela me navre. Vraiment...

Alors je l'écoute, sans mot dire. Lévitant à quelques dizaines de mètres de lui, nous nous faisons face comme si nous étions prêts à nous affronter. Pour autant le calme règne dans mon esprit, tout autant que dans mon attitude. Mon boucler reste soigneusement fixé dans mon dos, le Lasso de vérité à ma ceinture ne brille pas de sa lueur si caractéristique. Je ne suis pas menaçante et n'ai pas l'intention de l'être.

Je laisse planer quelques secondes de silence après qu'il aie fini sa tirade. Puis, lentement, mes paupières se ferment alors qu'un mot passe la barrière de mes lèvres. Un seul.

- Non.

Un seul mot, qui répond à toutes ses questions, exceptée la première.

Non, je n'ai rien de mieux à faire, je suis là où je dois être.
Non, je n'ai aucun vain discours à formuler, car tu n'entendras probablement rien à cette minute.
Non, je n'ai aucune parole de réconfort inutiles à t'adresser, car seul le temps le pourra.
Non, il n'est pas trop demandé de te laisser seul, mais dans ton état actuel je n'en ferai rien.
Non, ce n'est pas trop espérer. Mais si c'est ce que tu souhaites, tu devras faire taire ces flammes intenses qui habitent ton regard.
Pars...? Certainement pas, non. Pas après ce que je viens de voir. Pas après ce que je viens d'entendre.

Donc... non.

Je le dévisage calmement, sans rien ajouter de plus, si ce n'est mon bras qui se décolle de mon flanc et embrase le paysage d'apocalypse qu'il a déclenché tout autour de nous, comme si je l'invitais à continuer sa grande oeuvre. Jusqu'à ce qu'il soit calmé... du moins. Ici il ne fera de mal à personne et personne ne subira les affres de sa colère. Qu'elle sorte. Qu'elle s'échappe. La nature a horreur du vide, alors... lorsqu'il aura enfin extériorisé une partie de sa souffrance, espérons que ce soit pour se remplir de quelque chose de plus apaisé, de plus... positif.

La perplexité m'habite.
A sa place, je souhaiterais sans doute être seule également. Cependant... je n'arrive pas à me faire à cette idée. J'ai comme un très mauvais pressentiment. Comme la sensation que ce n'est surtout pas maintenant que je dois le laisser, que je dois... l'abandonner, dans un sens.

Mes paupières se ferment quelques brefs instants.
Que suis-je censée incarner. Qu'ai-je toujours voulu incarner... Qu'est-ce que je représente... Que devrais-je représenter pour l'autre.

Mon but a toujours été de montrer une autre voie. D'indiquer qu'un autre chemin est possible. Finalement... un léger sourire se dessine sur mon visage... tout est dans le nom que les terriens m'ont donné lorsqu'ils ont découvert mon existence. "Wonder"... Un idéal qui ne peut s'atteindre qu'en faisant des efforts, qu'en devenant meilleur, jour après jour. Nous montrer... devenir meilleurs... que ce que nous sommes et avons toujours été.

Mon rôle est de délivrer le message des Dieux et de montrer la voie. Comment peut-on faire différent, comment peut-on faire... mieux. J'ai été jusqu'à sacrifier mon immortalité pour cet idéal.
Alors... dans ce cas...

- Non Clark, je ne te laisserai pas. Dis-je doucement alors que mes paupières se rouvrent et que je le dévisage d'un regard aussi calme et clair que le sien est furieux et ardent. Non... parce que c'est ce que font les héros. Ils aident ceux qui sont en difficulté.

Combien de fois m'a-t-il entendu dire ces mots... sans doute trop pour être comptées. Cependant, jusqu'à cet instant, ces mots ne lui avaient jamais été adressés personnellement.

Mais je n'omets cependant pas la rage qui l'enserre et j'en perçois toutes les nuances. Il ne se calmera pas. Et ce n'est pas en détruisant quelques cailloux que son état va s'améliorer. Il est même probable que ce soit l'inverse car... il n'y a aucun challenge, aucun soulagement à affronter quelque chose qui n'a pas le moindre répondant.

Alors dans ce cas... s'il lui faut du challenge...

Je me pose sur un large montant de roches, une sorte de petite île couverte de glace et de neige que son regard brûlant n'a pas encore détruit.
Ma main saisit le bouclier qui se trouve dans mon dos, alors que je le place devant moi. Je peux encaisser. Je l'ai déjà fait. Je vais le refaire si nécessaire. Mais mon épée n'est cependant pas touchée et reste plaquée dans mon dos. Il n'est pas question de le blesser, de quelque manière que ce soit.

Mon bras libre se détache de mon flanc et se tend dans sa direction alors que mes doigts s'agitent, lui faisant signe de me rejoindre. Mes jambes s'arquent, attendant, se préparant à recevoir sa colère.
Viens Clark... affronte donc un adversaire à ta taille.

Le choc des Titans.

- Non Kal-El, c'est ce que toi tu veux.

Et si je lui réponds le plus calmement du monde, les faits sont là. Je propose, il dispose. J'offre une possibilité, il choisit. Et en l'occurrence, son choix se porte sur l'affrontement.
S'il faut en passer par là pour qu'il finisse par se calmer enfin... qu'il en soit ainsi.

Je l'appelle par un nom que j'utilise rarement, que l'on m'entend rarement prononcer et pour cause. A chaque fois que je le fais, c'est pour le ramener à la raison. Pour lui rappeler qui il est... Parfois cela déclenche quelque chose, parfois pas.
Aujourd'hui, je n'attends pas que cela suffise. Loin de là. Mais c'est un début.

Sa réponse est instantanée et elle est brutale. La salve d'énergie brûlante percute mon bouclier de plein fouet, alors que mes jambes s'arquent d'avantage, que j'ancre mes pieds dans la glace le plus possible, mais que cette force surhumaine me repousse toujours plus loin.
Lorsque cela s'arrête, une traînée de plusieurs mètres marque profondément le sol, perçant la couche de glace jusqu'à la terre de l'îlot.
Et encore... il n'a pas mis toute sa puissance. Ce qui serait un comble à vrai dire.

Par contre...
Mes paupières se plissent alors qu'il lévite, tout un soulevant un monstrueux morceau de roche. Il y a quand même été fort. Beaucoup trop fort pour la relation que nous sommes censés entretenir. Suis-je surprise ? Pas vraiment. Non pas parce qu'il en est coutumier, très loin de là. Mais bien parce qu'il n'est pas dans son état normal. Pour peu que j'eus besoin d'une confirmation supplémentaire, ce qui n'est clairement pas le cas, je ne pourrais plus avoir le moindre doute.

Bien alors dans ce cas...

Cette fois je ne le laisse pas prendre l'initiative. Car lorsqu'il propulse ce qui est de l'ordre d'un bon gros caillou dans ma direction, mes pieds se décollent sèchement du sol et je file comme le vent à sa rencontre, sans attendre qu'il ne me rejoigne sur le sol.
Bouclier en main, sa solidité alliée à ma vitesse percutent et brisent la roche en milliers de fragments. Je disparais dans cette pluie de gravats et l'épais nuage de poussière qui s'en dégage, mais le Lasso de Vérité, lui, s'en extrait en brillant de sa forte lueur d'or avant même que je ne m'en extirpe à mon tour.
Il s'enroule autour de son avant-bras en claquant d'un coup sec, alors que j'apparais à quelques mètres, lévitant bien au-dessus du sol, j'exerce une pression assez forte sur son bras en tirant dans le sens opposé.

Hestia... donne-moi la force...

- Dis moi ce que tu as sur le coeur, Kal-El !

Je l'apostrophe alors que le Lasso de Vérité brille soudainement plus fort. S'il ne parvient pas à s'en dégager, il va être contraint de répondre à mon injonction. Oh... cela va le mettre encore plus en colère, sans doute. Mais peu importe. J'encaisserai. J'encaisserai encore.

Car il doit lâcher. Il doit tout... lâcher. Mettre des mots, sur des sentiments. Mettre des mots, sur sa colère. Mettre des mots, sur son amertume. Mettre des mots... sur tout ce qu'il ressent.
Parce qu'il est mon ami, mon allié. Parce que je lui dois bien ça.

J'acquiesce.
Simplement.
En silence.
Oui. J'ose.
Et sache... que ça me déplaît autant qu'à toi.

Les sentiments commencent enfin à exploser. Il parle et je me tais. Il s'exprime enfin. Il met des mots sur la souffrance. Sur les traumatismes. Sur les plaies qui parsèment son âme. Sur sa rancoeur. Ses incompréhensions également...

Je l'écoute. Dans le plus profond silence.
Et j'implore... j'implore tous les Dieux d'apaiser un peu son calvaire. De soulager un peu cette âme et ce coeur si malmenés par la vie, si injustement malmenés par l'existence.

Je l'écoute. Alors qu'il parle. Alors qu'il répand enfin sa colère. Peu importe si elle se dirige vers moi. Peu importe. Tant qu'elle s'extirpe un peu, c'est le principal. C'est nécessaire. Même si ça ne sera pas encore salvateur. Il en faudra plus... bien plus. Et du temps... beaucoup de temps.

Mes paupières se froissent très légèrement à certains de ses mots, seule véritable expression qui passe sur un visage qui l'observe avec attention, sans jugement ni sévérité aucune.
Tu as la mémoire bien courte... Kal-El.

Il tire d'un coup sec. Il est bien plus difficile de résister dans ces conditions quand on lévite que lorsqu'on est sur le sol, du moins pour moi. Alors... si je déploie mes forces pour ne pas me laisser attirer trop près d'un périmètre qui risquerait fort d'être périlleux, je n'y parviens pas vraiment. Et dans la mesure où le regard qu'il me jette est tout sauf aimable... cette relative proximité n'engage rien de bon.

L'épicentre de sa colère, de sa douleur est enfin lâchée. Ses parents. Ses parents adoptifs.
Ceux qui, toute leur vie durant, n'ont cessé de le soutenir, d'être là pour lui. De lui prodiguer tout ce qui lui avait tant manqué, tout ce qui lui a quelque part toujours manqué et dont il a cruellement besoin. De l'attention, de l'affection, de la tendresse... de l'amour.

A cette pensée, me vient une idée mais j'hésite. J'hésite vraiment.
Le pousser dans ses retranchements était ce qu'il fallait faire. J'en reste convaincue. Mais maintenant... que c'est fait. Maintenant... qu'il a fini par céder et poser des mots sur ce qu'il ressent... je m'interroge.
Il exerce une nouvelle pression sur le Lasso de la Vérité, et avec elle je me rapproche encore de lui et son regard rougeoyant qui me promet un avenir peu glorieux.

Je n'ai plus le temps. Je dois me décider. Et je dois le faire maintenant.
Nous ne sommes plus qu'à quelques mètres. Mes paupières se ferment brièvement, alors que j'extirpe un soupir. Soit. Ca passe ou ça casse.

La tension qu'il exerce sur le Lasso cède brutalement, alors que nous nous retrouvons nez à nez en moins d'un dixième de secondes. On dirait que je me suis téléportée alors qu'il n'en est pas du tout question. Mais... lorsque l'on est capable d'atteindre des vitesses comme les nôtres, parcourir à peine quelques mètres peut donner cette impression.

Il s'attend peut être à voir venir un coup. Mais il en sera tout autre, alors que mon bouclier a repris sa place dans mon dos et que mes bras passent au-dessus de ses épaules. Ma main se presse contre sa nuque, alors que j'attire son visage contre moi, le prenant dans mes bras. Le prenant... le serrant... tout simplement... contre moi.

- Tu es aimé, Clark Kent. Tu es aimé, Kal-El. Je t'aime. Et d'autres ressentent les mêmes sentiments que moi. Tu n'es pas seul. Tu ne l'es plus depuis longtemps. Tu ne le seras plus jamais.

J'évite cependant de parler de Lois, ayant conscience que la situation est actuellement compliquée entre eux, même si elle a fait l'effort de se déplacer pour être à ses côtés. Les choses sont... beaucoup trop complexes pour que je m'aventure à la citer également. Même si... au fond... elle est tout autant concernée que les autres, si ce n'est d'avantage, forcément.

- Tu dis que je ne sais pas ce que tu traverses et dans un sens... tu as raison. Mais dans un autre...

Mes paupières se ferment, entraînant avec elles les regrets, l'amertume, la douleur... qu'engendrent en moi les quelques souvenirs que je m'apprête à partager avec lui. A partager... de nouveau avec lui.

- Aimée... respectée... intégrée... Je répète ses mots avec une certaine amertume au fond de la voix. As-tu oublié... quand toute la terre m'a tourné le dos... quand même mes alliés... m'ont tourné le dos. Quand tu... m'as tourné le dos. Quand tout le monde me considérait comme une meurtrière sans foi ni loi, sans âme... une tueuse... et rien que cela... ce qui m'a obligée à m'exiler, seule, pendant si longtemps...

Quelle sale période... la pire de mon existence jusqu'à ce jour, sans conteste.

- Alors sur ce point... crois bien que je sais ce que tu ressens... Sauf que ta situation n'est pas aussi figée que l'était la mienne à cette époque. Car aujourd'hui, quoi que tu en dises, quoi que tu en penses, tes amis ne te tournent pas le dos. Nous sommes là... et nous y resterons, comme nous l'avons toujours fait, comme nous l'avons toujours été.

Je m'écarte très légèrement sans rompre le contact, que j'affermis même, en posant mes mains sur ses joues. S'il refuse ce que je lui dis, s'il refuse la main que je lui tends, face à lui de la sorte et à cette distance, je risque de passer un très très très... mauvais moment.

- Tu dis qu'ils ont anéanti la seule chose qui t'appartenait vraiment. C'est faux. Tu le sais au fond de toi. Car la plus belle chose que tu possèdes aujourd'hui, qui vient de toi, c'est ton fils.

Je lui adresse un sourire empli de toute la plus sincère compassion que je suis capable de dégager.

- Ma Mère est encore parmi nous. Mais j'ai cru par deux fois à sa mort... alors je sais ce que tu ressens, même si j'ai encore la chance de l'avoir avec moi. Tu n'es plus celui que tu étais ? C'est vrai. Tu ne pourras plus jamais être le Clark Kent d'avant. Mais tu peux être le Clark Kent de demain. Un Clark différent, un Clark renouvelé. Aujourd'hui... le monde est surpris. Le monde s'interroge. Tu les as déjà rassurés par le passé. Tu peux le refaire. Tu dois le refaire.

Un immense soulagement envahit ma poitrine et mon coeur alors que le message porte. L'ouverture que j'ai créée pour lui... que je lui ai proposée... il la franchit. Il passe la porte. Il se calme, sans pour autant se détendre. Il ne faut pas trop en attendre de lui non plus. Et dans pareilles circonstances, rien de plus normal.
Mais l'effort qu'il développe est à saluer. Est louable. Est... fort. Tout comme il l'est. Tout comme il l'a toujours été. Il suffit peut-être simplement de le lui rappeler...

Il n'a pas brisé le contact. Il ne m'a pas repoussée. Il a accepté. Tout simplement accepté la main tendue. Oh... il ne la saisit pas franchement. Je ne m'attendais pas à ce qu'il le fasse. Mais rien ne laissait présager que ça se passerait aussi bien.

Aussi bien ?
Il semblerait que j'ai pensé un peu trop vite.
Il semblerait que je me sois réjouie... un peu trop vite.

Je commence à ressentir une forte chaleur alors que mes mains trônent toujours sur ses joues.
Mes sourcils se froncent alors que je l'observe partir dans une crise de... panique. Oui, on dirait bien que c'est ce qu'il est en train de se produire.
Ce n'est que lorsque son corps entier s'embrase que je recule, lévitant à une brève distance de lui. Et, déjà... la chaleur est presque insupportable. Quand l'on considère ma capacité de résistance aux fortes températures et à la douleur, je n'ose imaginer comment quelqu'un d'autre vivrait la chose. Il serait sans doute... déjà mort.

Je baisse les yeux vers le sol. L'épaisse couche de glace qui recouvrait l'îlot qui avait vu naître les prémices de notre affrontement n'est déjà plus. A sa place, trône une terre calcinée par les effets de ce nouveau pouvoir... cette super... explosion à venir.

Il est en train de perdre le contrôle. Il... perd le contrôle. Ce n'est plus qu'une question de secondes.
Je ne connais pas ce pouvoir. Je ne connais pas son potentiel destructeur. Mais je connais assez son détenteur pour imaginer que ça va s'étendre loin. Très loin. Trop... loin.
L'eau ? Il va détruire toute la faune et la flore de l'océan qui nous entoure, ce qui risque de provoquer une catastrophe écologique et marine sans précédent. Le laisser ici et partir ? Même problème. Son rayon risque d'être beaucoup trop large et je ne peux courir ce risque.

Alors... il ne reste qu'une seule solution... et puis... ne lui ai-je pas mille fois répété... les hommes n'entendent décidément jamais rien.

- Certainement pas ! Je ne t'abandonnerai pas !!!

Tu n'as quand même pas oublié... je ne fais jamais ce qu'on me dit de faire quand je suis en désaccord. C'est une marque de fabrique et ce n'est pas aujourd'hui que je vais renoncer. Surtout pas aujourd'hui. Surtout pas maintenant.

Je franchis la distance qui nous sépare et mes paumes se plaquent fermement sur ses épaules. J'arrache une grimace et remercie Athéna de me permettre d'être bien plus résistante que la moyenne. Que la plupart. Que... presque tout le monde, en définitive.
Mais ce n'est pas pour autant que ce n'est pas douloureux. Ca l'est même assez. Ce qui ne fait qu'amplifier mon inquiétude. Car si moi... même moi... je souffre à ce point... cela n'augure vraiment rien de bon. Rien du tout.

Le Lasso de la Vérité s'enroule autour de nous deux, nous plaquant l'un contre l'autre, alors que je l'entraîne vers le ciel à une vitesse défiant l'imagination la plus fertile. Si le Lasso de Vérité ne nous maintenait pas l'un contre l'autre, j'aurais déjà lâché, c'est une certitude. Car, déjà, et malgré toute la résistance que je lui oppose, malgré tous les dons que m'a prodigués ma Déesse, ma peau est déjà parsemée de nombreuses brûlures profondes.

Nous filons dans le ciel. Je ne stoppe notre élan qu'une fois bien au-dessus des nuages, à la limite de quitter l'atmosphère terrestre, à l'endroit où il ne pourra faire de mal à personne, ne détruire personne, si ce n'est... moi, sans doute. Il ne se sera passé que quelques dixièmes de secondes. Un lapse de temps très court, mais qui m'a paru vraiment très long.

- KAL !!!

Je suis obligée de hurler. Déjà parce que cela relâche un peu la cuisante douleur qu'est mon corps dans son intégralité, mais aussi parce qu'il dégage tant d'énergie et tant de bruit, qu'un vacarme assourdissant nous entoure.

- Contrôle-toi !!! Tu en es parfaitement capable ! Tu es le roi du contrôle. Alors ne me dis pas que tu ne peux pas le faire !!!

Je n'ajouterai pas "si tu ne le fais pas, tu as de grande chance de me tuer", car il le sait. J'ai renoncé à mon immortalité il y a des années déjà... pour protéger la terre, pour protéger les humains. J'ai renoncé à mon île, à ma succession au trône, à ma... Mère aussi dans un sens. Alors... si je dois mourir pour les protéger, pour les protéger de son accès de panique... qu'il en soit ainsi.

La chaleur est tellement cuisante que même le Lasso de Vérité se détache et file reprendre sa place, s'enroulant de lui-même à ma ceinture, comme mu par sa propre volonté. La situation devient alors très difficile pour moi, qui éprouve de plus en plus de difficultés à ne pas lâcher mon ami.

Un déluge de feu s'abat autour de nous, provenant de lui. Je ne peux rien faire. Je ne maîtrise rien, je ne peux pas l'aider à contrôler l'explosion, et j'ai vraiment horreur de ça...
L'impuissance... le pire fléau qu'il me soit donné d'affronter. Bien pire que n'importe quelle altercation musclée, plus dangereuse que le plus puissant ennemi que j'ai pu rencontrer dans mon existence.

Il me repousse d'un geste, et je me retrouve propulsée à plusieurs dizaines de mètres de lui.
Même dans cet état... il parvient à tenter de me protéger. Mais nous savons tous les deux que ça ne sera pas suffisant. Le rayon de l'explosion à venir promet d'être bien trop important, bien trop puissant... il faudrait que je me sépare de lui de plusieurs dizaines de kilomètres, pour espérer y échapper. Peut être d'avantage...

Et puis... les Amazones sont des têtes de mule pas vrai ? J'ai dit que je ne l'abandonnerai pas. Alors... c'est ce que je vais faire. Quelles qu'en soient les conséquences.

Il réussit. Il y parvient. Aucun sourire ne se dessine sur mon visage, parce qu'il est encore bien trop tôt pour se réjouir. Cependant... il l'a fait. Tu vois Clark... que tu en étais capable. C'est un grand pas. Même s'il risque de se payer au prix fort. Et lorsque je constate que son corps se fige, se raidit brusquement, et que les lois de la gravité reprennent leurs droits, cela confirme mon pressentiment.

Alors je file, comme le vent, poussée par le vent et je ressens sa présence à mes côtés. Lui... que je n'ai pas revu depuis si longtemps... Hermès. Mon parrain, mon ami, un Dieu que je respecte tout autant que les autres, mais avec lequel j'ai toujours entretenu une relation particulière. Tantôt côte à côte sur le même front, tantôt parfois en rivalité quand nous n'étions pas d'accord sur les évènements qui se déroulaient.

Poussée par sa force, par son soutien, j'atteins des vitesses que je n'aurais pas soupçonnées. Pourtant... j'ai l'habitude. Mais aujourd'hui... c'est différent. Alors je le rejoins bien vite. Saisissant d'abord son poignet pour freiner un peu sa descente, puis passant mes bras autour de lui pour ralentir brusquement sa chute. Mais nous sommes déjà trop près du sol, alors... ce n'est qu'à la dernière seconde que je parviens à me retourner, mon dos s'encastrant violemment dans la roche qui éclate de part en part, évitant de justesse à mon ami de s'écraser sur le sol.
ça ne l'aurait sans doute pas tué. Superman... n'est-il pas indestructible ? Malheureusement non. Le passé nous l'a démontré et je ne veux plus courir le moindre risque. Surtout dans la mesure où j'ignore tout des dégâts provoqués par l'explosion, par ce nouveau pouvoir... qu'il a retenu en lui.

Il est inconscient alors que je m'extraie avec difficulté de la roche en poussant un grognement. Le corps déjà affaibli par les radiations de son pouvoir, ce qui d'ordinaire ne me fait presque ni chaud ni froid, m'indique à cette minute très clairement que quelques unes de mes côtes sont à l'état de miettes.

Je repousse son corps sur le dos avec le plus de délicatesse possible et je le dévisage avec attention.
Dans quelles proportions ce nouveau pouvoir a-t-il causé des dégâts ? C'est quelque chose que j'ai bien du mal à quantifier. Je ne suis pas guérisseuse et je n'ai aucun pouvoir qui me permette de jauger correctement la situation, et encore moins d'y remédier... Mais je connais quelqu'un qui a ce pouvoir. Qui le maîtrise plus que de raison. Qui est un expert en la matière. Et qui m'a déjà sauvée plusieurs fois grâce à lui.

Mais j'hésite, et pour cause.

On ne se permet pas de faire appel à "lui" comme ça.
En règle générale... on ne se permet pas de faire appel à "lui" tout court.
Car "il" n'est pas n'importe qui, loin s'en faut.
"Il" est les mers et les océans.
"Il" est le roi et le gardien des peuples marins.
"Il" est le membre honoraire de la trinité Olympienne depuis que le monde est monde.
"Lui"...
Poséidon, Seigneur des Mers et des Océans de ce monde.

Je prends une grande inspiration. Je n'ai pas le choix. Je ne peux pas laisser Clark dans cet état. Il ne le mérite pas... il ne mérite pas de vivre ça après tout ce qu'il a affronté d'injustices, de malheurs et de souffrances ces derniers temps. Non... mes poings se serrent alors que mon visage se baisse vers lui, au-dessus de lui.

La téléportation dimensionnelle ne me permet pas uniquement de voyager entre les dimensions. Elle me permet également de créer un passage mental... un passage dimensionnel particulier... autrement plus privé et sacré... qui me permet de communiquer avec les Dieux là où ils sont. Je ne l'emploie que très rarement. Je ne me permets de l'employer que très rarement. Mais aujourd'hui...

Agenouillée auprès de Clark, je prends une nouvelle goulée d'air que je retiens quelques secondes, malgré la douleur cuisante qui enserre mes côtes. Lorsque je la relâche, mes bras s'élèvent vers le ciel, alors que mes paupières se ferment et que mon visage se baisse en signe de respect et d'humilité.

- Seigneur Poséidon, Roi des Mers et des Océans, Père et Protecteur du Royaume Sous-Marin, je vous en conjure... Entendez mon appel. Entendez ma prière. Entendez la requête de votre Championne qui se tient humblement devant vous.

Le vent se lève tout autour de moi, balayant ma longue chevelure sombre, indiquant par ce phénomène que j'ai appris à connaitre, que la dimension divine est à présent ouverte. Selon le Dieu que je prie, les manifestations qui suivent peuvent être différentes. Egalement selon si j'ai obtenu son attention... ou non.
L'environnement de glace et d'eau qui m'entoure, où que porte le regard, est propice à obtenir l'attention du Divin. Mais ce n'est pas pour autant que la chose est acquise. Car si Poséidon est reconnu pour certains traits de caractère... c'est bien ceux de son humeur changeante.
Mais aujourd'hui il semble à l'écoute, si j'en juge par les vagues qui s'élèvent tout autour de l'ilot de terre à moitié détruit sur lequel Clark repose. C'est maintenant... ou jamais.

- Je ne vous ai jamais demandé d'intervenir auprès de qui que ce soit. Mais aujourd'hui... j'implore votre pitié et votre clémence, Seigneur Poséidon. Clark... a beau ne pas être né sur cette planète, il est sans doute l'être le plus terrien qu'il m'ait été donné de rencontrer dans mon existence. Il a juré de protéger une terre qui l'a bien souvent rejeté. Il s'emploie depuis longtemps à instaurer la paix que nous chérissons et à sauvegarder les humains des menaces extérieures, mais aussi... d'eux-mêmes.
J'ai bien conscience que ma requête n'est pas conventionnelle. Mais... je vous en prie... Seigneur... permettez lui de poursuivre sa mission à mes côtés... sauvez-le, je vous en conjure.

A peine ai-je achevé ma prière que le vent retombe instantanément et que les vagues perdent en intensité, jusqu'à ce qu'une mer où règne un calme absolu ne s'étende tout autour de nous. Mes lèvres se pincent alors que mes bras retombent lourdement, mes mains enserrant celles de Kal-El.
Mon regard clos s'embue. Cette absence de réaction... n'est pas bon signe. Si Poséidon refuse de me venir en aide... je...

Soudain, un éclair de lumière vibre sous la surface de l'eau, nous inondant de sa clarté bleuté. Je relève brusquement le visage, tournant la tête vers l'origine de la lumière. Une créature absolument merveilleuse s'en extraie. Une créature... bénie par le pouvoir de Poséidon. Une créature que je n'ai pu contempler qu'une seule fois dans ma vie... car elle n'est autre que l'une des émissaires du Dieu en personne. A l'aspect humanoïde, bien que sa nature profonde en soit totalement éloignée, son corps est recouvert d'écailles d'or parsemées de pierres précieuses qui reflètent un million de couleurs chatoyantes sur la surface de l'eau qui l'entoure. Sa longue chevelure turquoise est nimbée de fils d'or, d'argent et de fins coraux d'un vert émeraude.

Toujours aussi abasourdie et impressionnée face à ce qu'il convient d'appeler le miracle des Dieux, je m'écarte de Clark en inclinant respectueusement la tête dans sa direction.

- Ta requête a été entendue, Diana de Themyscira. Dit-elle alors que ses lèvres ne bougent pour autant pas, avant de poursuivre tandis qu'elle s'approche de Clark. Sa Majesté consent à offrir son don de guérison à celui qui est l'allié de la Championne des Dieux.

Le soulagement que je ressens à cet instant pourrait difficilement être qualifié par quel que mot que ce soit... Le moment est solennel, alors aucune phrase ne passe la barrière de mes lèvres. Sentant d'autant plus que l'ambassadrice n'a pas terminé.

- Cependant... de part la nature de cet être et le bon vouloir de sa Majesté, la guérison ne sera pas totale. Kal-El aura à prouver sa valeur. Kal-El doit se montrer digne de la faveur qui lui est aujourd'hui accordée. Ainsi, Kal-El devra trouver le moyen de panser les blessures de son âme lui-même. Et si Kal-El se trouvait dans l'incapacité de maîtriser son pouvoir, la guérison prodiguée lui sera alors retirée et il retournera à l'état de catatonie présente.

Les conditions de Poséidon sont lourdes de conséquences. Mais j'acquiesce cependant sans émettre la moindre objection. Car je sais... je suis convaincue... qu'il y parviendra. Cela prendra du temps. Mais il vient de le prouver. Il est en capable. Il... peut le faire. Oui.

L'ambassadrice se penche alors au-dessus de lui et pose un simple baiser sur le front cadavérique de mon ami. J'observe la scène avec attention, alors que son baiser laisse une marque bleuté qui s'infiltre rapidement au coeur de sa peau, soignant le corps meurtri qui reprend petit à petit quelques couleurs. Sa respiration se fait entendre plus profondément, reprend son cycle. Les choses reviennent peu à peu à la normale. Clark vient de recevoir... une bénédiction divine. Et ce n'est clairement pas donné à tout le monde.

Je me relève à demi, laissant mon genoux ancré dans le sol alors que je m'incline avec un profond respect devant la créature sortie des mers. Elle m'adresse un léger sourire, puis plonge dans les eaux sombres d'un jour déclinant.

Il se relève. D'abord doucement, puis son mouvement est plus assuré. Plus vif. Plus prompt.
Il s'envole. Il s'élève. Il... part ?
Mes prunelles claires le suivent quelques instants, jusqu'à ce qu'il disparaisse de ma vue.
Mes dons, les dons offerts par les Dieux portent loin. Très loin.
Mais pas aussi loin.
Pas jusque là. Pas là où il va... pour autant que je le sache, car je ne cherche aucunement à le suivre.

Je me relève à mon tour, grimaçant légèrement alors que ma main se presse contre mon flanc.
Mes côtes commencent déjà doucement mais sûrement à se reconstruire, à cicatriser, à panser d'elles-mêmes leur blessure. Bientôt... il n'y paraîtra plus. Plus rien. Comme souvent.

Je reste stoïque, quelque peu interdite sur "notre" îlot de pierre. "Notre" îlot de fortune qui ne fait plus que le tiers de ce qu'il était au départ. Qui a perdu sa neige, sa glace, pour n'arborer désormais que les profonds stigmates d'un combat qui n'aura heureusement pas duré longtemps entre nous.

Comment interpréter son départ ? De quelle manière suis-je censée l'aborder ? Je n'en ai pas la moindre idée à vrai dire. Alors... c'est un unique, simple, mais profond soupir qui s'extirpe de ma poitrine.
Je n'ai cependant pas le temps de me pencher plus avant sur cette question, que je perçois son énergie. Sa présence. Cette présence si caractéristique qui file vers la terre. Qui fonce droit sur moi.

Mon regard s'élève, une fois encore. Quelque chose a changé. Quelque chose est en train de changer.
Il atterrit délicatement à plusieurs dizaines de mètres, sur le pan d'un iceberg que le courant à entraîné vers nous. Jusqu'à nous. Son mouvement est plus léger. Pas par rapport à d'habitude, car s'il est capable de briser le mur du son en une puissante déflagration, il est tout aussi capable de se poser sans que l'ombre d'un bruit ne l'accompagne s'il l'a désiré.

Non...

La différence réside surtout dans le passé proche. Le passé... très proche. Celui de la lourdeur qu'il incarnait précédemment. Une lourdeur de corps, tout autant que d'esprit.
Et cela a changé désormais. Et pas uniquement mentalement. Son corps a évolué. Ses cheveux sont un peu moins grisonnants, moins ternes. Son visage a retrouvé une certaine finesse, tandis que son corps est plus... fin, en quelques sortes.

Je hausse brièvement un sourcil. Chère émissaire de Poséidon... il semble que vous y soyez allé un peu trop fort. Ou alors... peut-être que c'est tout aussi bien, finalement.

Un sourire accompagne son "Hey", alors que ma main s'élève comme si c'était la première fois de la journée que nous nous rencontrions.

- Bonjour Clark.

Je lance ces mots dans un sourire, tout aussi apaisé qu'aimable. Il est de retour. Fort heureusement.

- Ne blasphème pas. Rétorquais-je d'un ton faussement choqué avant de rajouter. Evites de manger du poisson à partir d'aujourd'hui cependant...

Est-ce que je plaisante ? Je le laisse réfléchir à la question sans qu'aucun signe extérieur ne vienne appuyer une potentielle ironie de ma part.

- Merci de ne pas m'avoir fait exploser. C'était rondement géré.

Je le félicite et c'est sincère. Il a accompli un tour de force. Il serait mentir que de dire que ça a été une évidence, ou facile. Il est évident que non, que ce soit sur l'instant ou les conséquences qui en ont découlé. Mais c'est un premier pas et un pas d'envergure. Il se sait désormais capable, quand il en doutait fortement avant. Quand il déclarait, il y a si peu de temps "je ne peux pas". Si tu peux Clark... tu es capable de tout. Ne l'oublie jamais.

Je m'élève doucement dans les airs, sans me rapprocher pour autant.

- Bien... Maintenant que notre Superman et notre Clark sont de retour plus en forme que jamais, ma mission ici est accomplie. Dis-je dans un sourire.

Il est désormais temps de me tourner vers une autre direction... Je dois me préparer. Demain... risque d'être une journée fort longue et difficile.

- Tu ne me dois rien.

La réponse est franche, nette, précise, sans concession ni condition. A mon image... en somme.
Et bien qu'elle soit formulée dans un sourire, les mots ne pèsent pas moins que ce qu'ils incarnent à cet instant. Que n'a-t-il pas encore compris dans les mots "Je serai toujours là pour toi" ?
Les hommes... qu'ils soient terriens, kryptoniens, de bien plus loin ou bien plus près, ils sont tous les mêmes. Ils ne voient jamais ce qu'il y a pourtant juste sous leur nez, même si on le leur exprime en des mots limpides.
Et si cela m'exaspère la plupart du temps, chez Clark cela m'amuse plus que ça ne m'afflige. Du moins, dans ce cas précis.

J'acquiesce en silence. Parce qu'il n'y a pas besoin de mot supplémentaire. Il est revenu. Il a survécu. Il est là. Et c'est tout ce qui compte.
Désormais, à lui de prendre la situation à bras le corps, comme il est si bien capable de le faire. Tomber pour mieux se relever, c'est notre lot à tous. Surtout le notre... quelque part.

C'est sur cet échange que nous nous quittons, une fois encore.
C'est sur cet échange que nous étions censés nous quitter.
Mais les Dieux en ont décidé autrement.
Les Dieux...? J'ai comme le sentiment que non.
C'est autre chose.
C'est quelqu'un d'autre.

Je plonge la tête la première dans l'eau, et m'enfonce dans des abysses de ténèbres alors que quelque chose, qu'un choc terrible et autrement plus douloureux, m'a percutée en plein visage quand je m'éloignais de Clark.
Je n'ai rien compris. je n'ai rien vu. Je n'ai rien senti venir, jusqu'à cette fulgurante brûlure et ma chute.
Ceux qui peuvent s'enhardir de me surprendre sont rares. Très rares.
Et ceux pouvant se targuer de pouvoir me blesser jusqu'à ce que j'en éprouve une véritable et puissante douleur le sont encore plus.
Alors tout ceci... ne présage vraiment rien de bon. Mais... vraiment rien.

J'ai du mal à récupérer, je le sens. Cette blessure n'est ni modérée, ni normale. Là où je devrais déjà commencer à cicatriser, il n'en est rien. Le sang s'écoule de la plaie béante qui défigure mes traits, se mêlant à la salinité de l'océan qui me retient au creux de ses bras.
Je suis sonnée, j'ai du mal à réellement bouger, et je ne parviens pas à retrouver les forces nécessaires pour me propulser hors de l'eau, comme je l'aurais fait en temps normal.

Alors on me vient en aide... une aide inattendue tout autant que bienvenue.
Une gigantesque baleine bleue se place sous moi, glissant sur son flanc dans un mouvement harmonieux, alors que sa large nageoire pousse mes talons et me renvoie vers la surface avec une étonnante douceur mêlée de force.

Je m'extirpe de l'eau et je m'élève bien au-dessus de la surface. Je n'ai qu'à peine le temps de discerner l'homme qui semble mettre Clark en colère, que je les distingue. Je les vois. Comment faire autrement... quand ils sont si nombreux. Des kandoriens. Des kandoriens... partout. Trop. Beaucoup trop.
Ils foncent tous en direction de Clark. Une armée, littéralement.

J'analyse. Vite, bien, objectivement. En temps normal, nous serions bien assez puissants pour abattre n'importe quelle armée à nous deux. Mais face à ce genre d'adversaires là il en est tout autre. Nous aurons difficilement le dessus. Et en restant réaliste... il est probable que nous ne l'aurons pas.
Alors je fais quelque chose que je n'ai jamais fait jusqu'à présent et je ne sais même pas si ça fonctionnera. Je sais à quel point leur ouïe est surdéveloppée. Bien plus que la mienne. Mais nous sommes loin... si loin... et tellement isolés... que ce serait un miracle qu'elles m'entendent.
Mais les miracles, ça existe. J'en suis l'incarnation vivante.
Alors je hurle comme je crois n'avoir jamais hurlé de mon existence jusqu'à aujourd'hui.

- KAREEEEEEN !!! KARAAAAAAA !!!

Que les Dieux soient cléments... faites qu'elles m'entendent, où qu'elles soient.

Et je file à la vitesse de l'éclair au devant de Clark. Pour qu'il ne subisse aucun dommage, pour nous faire gagner un peu de temps. Mes bras se rejoignent, se croisent, s'entrechoquent, alors que, déjà, quelques filaments d'électricité divine courent le long de mes bracelets.
Clark sait ce que cela signifie. Tout comme il sait qu'il vaut mieux éviter de se retrouver entre moi et la meute qui nous assaille. Raison pour laquelle j'ai pris les devants.

Mais surtout... je suis vraiment... mais vraiment... très en colère.

- Bande de lâches ! Vous êtes certains d'être assez nombreux ?!

La déflagration est violente, sévère, rapide. L'onde de choc se répand, partant de mes bracelets, balayant tout ce qu'elle va rencontrer sur sa route. J'y ai mis tellement de coeur que je recule de plusieurs mètres, même dans les airs.
Mais cela sera-t-il suffisant pour nous faire gagner le temps nécessaire pour nous extirper de cette situation ? Et dire que je prévoyais d'aller les trouver le lendemain avec Karen... pour tenter de trouver une issue pacifique à tout cela et éviter la guerre.
J'ai comme dans l'idée... que cela restera de l'ordre de l'utopie maintenant.

Ils sont repoussés comme des fétus de pailles. Ils s'envolent, virevoltent comme des papillons emportés par la violence d'un orage, mais cela ne suffit pas. Cela ne suffira à accorder à Clark que quelques maigres secondes que nous n'aurons même pas la possibilité de mettre à profit pour autre chose que d'écouter les paroles d'un sinistre personnage, que je soupçonne fortement d'être celui qui m'a envoyée faire un petit tour dans l'océan.

Clark saisit la difficulté de la situation, sans doute encore bien plus que moi. Il jure. Concept assez rare chez lui. Je ne sais même pas si ce n'est pas la première fois que je l'entends dire une chose pareille.
Et ce qui pourrait paraître de l'ordre de l'anecdote sans importance, ne fait qu'appuyer la dangerosité qui nous menace à cet instant.

Condescendant, imbu de lui-même, attaquant notre terre tout autant que mon ami.
Un sourcil se hausse. "Femelle" ?
Il coche définitivement toutes les mauvaises cases celui-ci... Un vrai gentleman.

- Ce qui est dégradant c'est d'envoyer une armée abattre une seule personne. C'est lâche, pathétique. Là est la véritable indignité aujourd'hui. Rétorquais-je du tac au tac à l'individu qui parle de moi comme si je n'étais pas présente.

Ils se mettent en rang à l'évocation d'un signal qui n'est formulé qu'en sous entendu. Dix... vingt... trente... une centaine. L'environnement change, la température augmente drastiquement alors que tout ce qui nous entoure prend une teinte orangée qui aurait été un spectacle grandiose si les circonstances n'étaient pas ce qu'elles sont aujourd'hui.

Clark se place au devant de moi. Les rôles sont inversés. Encore.
Je fixe la cape qui claque contre son corps alors qu'il est dos à moi. Je l'écoute. Je l'écoute attentivement, en silence. Cependant...

- Tête de mule qui n'entend pas, ne veut pas entendre mes mots.

J'apparais à ses côtés. Côte à côte. Et mon visage se tourne dans sa direction.
Mon regard est empreint de gravité, mais c'est pourtant un doux sourire que je lui adresse.

- Combien de fois faudra-t-il te le répéter pour que ton coeur le comprenne, pour qu'il l'accepte. Je ne t'abandonnerais jamais. Enfonce toi ça dans la tête une bonne fois pour toutes.

Aucun de nous ne sait si Karen et Kara auront entendu mon appel. Aucun de nous ne maîtrise les pouvoirs psioniques de la télépathie. Aucun de nous n'est donc en mesure de savoir si nous allons devoirs affronter cette armée seuls... ou non.
Alors... dans cette expectative...

- Nous n'avons aucune certitude que Kara et Karen m'aient entendue. Tu ne pourras pas les retenir tout seul.

Factuel. Evident. Le bon sens même.
Il n'est même pas certain que nous parviendrons à les retenir à nous deux. Mais cela vaut le coup d'essayer. Pour protéger la terre... son écosystème... et mon ami.

Le champ de force régénérant qui m'entoure en permanence, grâce de la divine Déméter en personne, s'amplifie jusqu'à être perceptible. Il nous enveloppe. Il se glisse autour de nous, en nous.
La magie de la Déesse nous permettra de tenir le choc plus longtemps et, avec un peu de chance, nous évitera peut-être de mourir également...

Les rayons se concentrent dans les centaines de regards qui sont posés sur nous. La seule résistance que je puis leur opposer, c'est le bouclier des Dieux que je place au devant de moi en un geste ferme.
Il a toujours tenu jusqu'à présent, quelle que soit l'attaque, quelle que soit la situation, et ma confiance en lui est inaltérable. Il va falloir qu'il tienne encore aujourd'hui. Malgré la masse, malgré la puissance, malgré la concentration.
Oui. Il le faut.

" Pssst ! Kara ! On t'appelle ! "

" Ssssh ! Regarde le nord magnétique !.. Écoute !.. "

" Le devoir m'appelle ! "

" Je t'avais dit que tu n'étais pas tout seul ... "

... J'étais en train de la perdre à nouveau...

... Et j'avais la raison devant les yeux.

... Y'a pas à dire, des fois, je m'épate toute seule.

Elles sont venues. Elles sont là. A nos côtés, elles ont répondu à l'appel, toutes les deux.
Je n'étais pas certaine que ça fonctionnerait. Je n'étais pas certaine que ma voix porterait assez loin pour les toucher. La super-ouïe de ce peuple est tout bonnement incroyable...
Alors elles sont venues, et elles frappent. Frappent fort.
Certains Kandoriens sont percutés avec une violence inouïe, alors que Karen et Kara investissent le paysage. J'adresse à chacune d'elles ma gratitude d'un mouvement silencieux, d'un hochement de tête entendu, alors que Kara esquisse quelques mots à mon attention.

Elles sont fortes, courageuses et elles n'ont peur de rien. Kara le démontre une fois encore en interpellant le chef des Kandoriens sans aucun ménagement. Elle le percute de ses mots, le bouscule de sa colère. Je n'ai jamais eu à me battre contre une armée entière d'Amazones qui aurait souhaité ma mort. Alors je ne peux pas réellement me mettre à leur place... mais je peux cependant assez facilement imaginer ce qu'ils ressentent à cette minute. Ce qu'ils ont ressenti lorsque Kandor a frappé Métropolis.
Et aujourd'hui... Kandor envoie une véritable troupe d'élite pour abattre Clark. Et les deux jeunes femmes ne seront pas épargnées par leur férocité. Elles sont désormais dans le même bateau que Kal-El, des cibles privilégiées à abattre, pour leurs propres... frères.

Mes poings se serrent alors que le sinistre et odieux leader de l'armée Kandorienne reprend la parole, quand il traite Kara de traînée... de catin... Quel immonde personnage. Comment ose t'il...
Kal-El interrompt son discours de véritable petit despote d'un coup bien senti. Celui-là... tu ne l'as clairement pas volé.

Celui qui incarne la famille des deux héroïnes qui nous accompagnent, et mon ami, prend la parole. Il nous adresse quelques mots. Forts.
Enfin... J'extirpe un soupir. Il a compris et admis surtout, sans doute, que nous ne l'abandonnerons pas... ce n'est pas trop tôt.

Mes paupières se ferment brièvement quand il m'interpelle directement. Quel est ton plan... Diana.
Je n'ai que quelques secondes. Quelques secondes pour tenter le tout pour le tout. Quelques secondes pour marier nos compétences, nos capacités, nos pouvoirs, afin qu'ils s'unissent harmonieusement. Afin qu'ils parviennent à réaliser l'impossible.

- J'y crois encore.

Ces quelques mots se détachent avec lenteur de mes lèvres, malgré l'urgence de la situation.
Kal-El a proposé une stratégie. Qui n'est pas mauvaise, mais qui est désespérée. Ils sont... 189.
Leur leader est au sol, isolé. Le reste des troupes est en vol, bien au-dessus de lui et se focalise sur nous, sur eux, sur mes amis, principalement. Moi... je ne suis qu'accessoire dans cette affaire. Et ça me convient très bien... car ça m'offre une ouverture. Une ouverture parce que... en définitive... Kal-El, Kara, Karen... ne sont pas les seuls qui doivent être sauvés aujourd'hui.

Alors oui. J'y crois encore. Parce que c'est dans ma nature. Parce que je ferai toujours tout ce qui est en mon pouvoir pour les protéger. Parce que... s'ils doivent tuer leur peuple, ils le feront. Pour préserver la terre, pour se sauver eux-mêmes.

Cependant.

Quels dégâts... quelles traces indélébiles... cela laissera t'il sur leur coeur... dans leur esprit. Comment pourront-ils vivre avec ce drame, flottant tel un immonde cauchemar au-dessus de leur tête, à chaque jour qui s'écoulera par la suite... Ils sont déjà si peu nombreux...

- Vous devez... encore y croire.

L'infame leader reprend la parole, encore une fois. Il adore entendre le son de sa voix celui-ci.
Et lorsqu'il crache ce qui n'est ni plus ni moins qu'une insulte à l'encontre de la Divine Athéna, mes paupières se rouvrent brusquement et un éclair zèbre brièvement mes iris qui le dévisagent.

Oui. Ils sont... 189. Et, déjà, ils fondent sur nous, comme le vent, comme un essaim de guêpes rageuses, comme une pluie de météorites en fusion.

Mais... j'y crois. Je dois... y croire. Et... ils doivent y croire aussi, même si c'est peut-être un acte que certains qualifieront de désespéré. Pourtant ici... nul désespoir n'habite mon coeur. Au contraire. Il est pétri d'espoir. Il l'a toujours été.

- Karen, Kara, Kal-El. Unissez vos super-souffles. Qu'ils ne fassent plus qu'un. Ne faites plus qu'un, fils et filles de Krypton.

Trois super-héros hors norme. Trois personnes dotées des mêmes pouvoirs, à quelques degrés près. Des mêmes facultés. Et surtout, ce qui m'intéresse à cette minute... de trois puissants souffles capables de tout geler sur place. Je n'ai jamais vu Kara l'utiliser mais je sais qu'elle est en capable. J'ai déjà vu plusieurs fois celui de Kal-El et il est terrifiant. Quand à Karen... je ne l'ai vue le faire qu'une seule fois, et sa force, son impact, n'étaient pas moins incroyables que ceux de Clark.

Alors...

Trois super-héros hors norme. Trois Kryptoniens hors norme. Trois super-souffles hors norme. Oui, ça peut marcher. ça peut nous laisser le temps... me laisser le temps dont j'ai besoin.
Le temps dont j'ai besoin pour rejoindre le despote à la vitesse de l'éclair. Il est peut être rapide, mais moi aussi. Et contrairement à lui, j'ai l'effet de surprise pour moi, lorsque la monstrueuse nageoire dorsale de la baleine bleue qui m'a aidée précédemment, s'abat sur le petit ilot de terre sur lequel se tient Quar. Imagine-t-il réellement que les êtres qui peuplent cette planète, quelle que soit leur nature, vont rester sans rien faire ? Kal-El n'est pas seul, Kara et Karen ne sont pas seules, je ne suis pas seule et cette planète l'est encore moins.

- Gelez-les, ralentissez-les, bloquez-les, laissez moi une chance. Laissez leur une chance. Ils...

Le Lasso de la vérité brille d'un éclat mordoré qui illumine le ciel, comme si la foudre de Zeus elle-même venait de déchirer les nuages sombres qui défilent sinistrement au-dessus de nos têtes.

- ...ils sont votre peuple !

Il s'enroule autour des bras, du torse de Quar. Le Lasso de Vérité l'enserre, le retient, le bloque, alors que son pouvoir file dans l'esprit du Kandorien. Le plus sombre et le pire pouvoir qui soit mis à ma disposition. Celui que je n'utilise qu'en cas d'extrême urgence, de dernier recours. Lorsqu'il... n'y a plus rien d'autre à faire et que la situation l'exige.
Alors j'implante un ordre dans son esprit. Un seul. Il est simple, clair, concis. C'est ce qui est le plus efficace. La simplicité... est la clé de ce pouvoir.

- Donnez l'ordre de cesser l'attaque. Immédiatement.

Ils doivent entendre raison. D'une manière ou d'une autre... mais ils le doivent. Je le dois à mes amis. La terre... le leur doit. Après tout ce qu'il s'est passé. Nous leur devons une dernière chance... même après ce qu'ils ont fait à Métropolis. Et n'en déplaise au Général Lane.

Et si ça ne fonctionne pas... si ça n'est pas suffisant... la bataille sera probablement notre seule alternative. Mais... s'il s'agissait des Amazones. S'il s'agissait de mon peuple. J'aimerais... j'apprécierais vraiment... que quelqu'un essaie de les sauver. Quitte à les sauver d'elles-mêmes et de leur folie.



Récapitulatif des actions RP :

- Diana remercie Karen et Kara d'avoir répondu à l'appel d'un mouvement de tête
- Elle demande aux trois héros d'y croire encore et de lui laisser une chance de renverser le cours des évènements
- Elle leur propose de combiner leur trois super-souffles pour ralentir/entraver/geler l'armée qui fonce vers eux
- Pendant ce temps la nageoire dorsale d'une baleine bleue s'extirpe de l'eau pour distraire Quar, resté au sol
- Diana engage les trois héros à tout faire pour sauver leur peuple de lui-même
- Diana fonce sur Quar à super-vitesse et l'encercle avec le Lasso de la Vérité
- Elle tente d'induire un ordre dans son esprit : qu'il ordonne à son peuple de cesser l'attaque immédiatement