Ce n'est qu'un rêve [Post unique]

Barda se réveillait toutes les nuits en sueur, seule, impuissante face à ses cauchemars, contrainte de les retrouver chaque lendemain soir. Torturée à l'idée de ne jamais retrouver sa vie d'antan, elle subissait ces nuits comme une punition. Sa vie d'antan, celle avec Scott, bien sûr. Scott, qui l'avait abandonnée. Où bien était-ce Barda qui l'avait lâchement laissé fuir ? Avait-elle inconsciemment décidé de le laisser partir, se pensant trop faible pour l'aider à se relever, l'aider à se supporter, l'aider à guérir de ses maux ? Se sachant trop faible. Elle, la plus puissante guerrière venue d'Apokolips, trop faible. C'est bien ce qu'elle était, trop grande, trop impatiente, trop faible, trop.

Et pour Barda, quand on est de trop, on se retire, on s'exile. On coupe les ponts. On évite à ses proches de subir sa présence, son tempérament, son envie piétinante de revenir dans le passé. Elle avait ainsi pris, peut-être trop rapidement, la décision de s'exiler loin de tout. Ça n'arrangeait rien de rester sur une planète désolée, à se morfondre, à méditer en vain, à se poser les mêmes questions encore et encore, et elle le savait. Elle le savait pertinemment, mais elle en avait besoin pour se punir, pour réaliser qu'elle n'avait pas été assez forte pour Scott. Chaque nuit, elle vivait les mêmes cauchemars, abandonnée, désemparée, faible.

Mais cette nuit avait été différente. Elle ne comptait plus depuis longtemps les jours passés dans ce lieu inhabité, mais elle savait que cela faisait des mois qu'elle n'avait pas dormi aussi paisiblement. Et pour cause, un rêve des plus doux, un rêve joyeux, un rêve tout simplement. Un rêve ne lui ressemblant pas. Barda ouvrit les yeux calmement, sereine et presque souriante. Comme elle aurait aimé que ce rêve dure toute une vie ! Elle se releva du sol où elle dormait, s'appuyant sur ses mains, et sentit alors que son coeur allait exploser. Elle n'avait pas ressenti autant de joie et d'espoir depuis ce qui semblait être pour elle des siècles.

Elle aurait pu se lever d'un bond et sauter de joie, si ce rêve avait été réel. Elle savait que ce n'était qu'un rêve, et la dure réalité lui effaça son demi sourire. Tranquillement, elle se leva et s'étira. Elle eut la surprise de constater que son corps meurtri était ce matin détendu. Ses muscles, tendus sous la pression permanente de sa culpabilité, étaient maintenant reposés. Cette nuit lui avait-elle donc été bénéfique aussi bien mentalement que physiquement ? Ce rêve... Il lui donnait une force intérieure qu'elle avait cru disparue à jamais, et cette force se transmettait maintenant dans ses veines. Barda regarda du coin de l'oeil son armure apokoliptienne et sentit le besoin urgent de la vêtir. Elle avait été laissée de côté trop longtemps.

Barda sut à l'instant où elle posa le heaume sur son crâne qu'il était l'heure de revenir. Revenir là où se trouverait Scott, peu importe le lieu. Elle descendrait aux Enfers pour lui. Ça, elle en avait douté pendant si longtemps, mais elle se devait d'y croire à nouveau. Un rêve aurait-il donc suffit à Barda pour s'extirper de cette vie solitaire qu'elle s'était infligée ? Elle avait choisi de croire plutôt à un songe. Il fallait bien retrouver son époux et s'arracher à cette misérable situation dans laquelle elle s'était mise toute seule si elle souhaitait que ce songe prenne vie. Elle, tenant son enfant dans ses bras, aimés tous deux par Mister Miracle, heureux, enfin. Elle allait se battre pour voir cette vision devenir réalité.

"B-M, ouvre un tunnel-Boum direction la maison, Connecticut, s'il te plaît" demanda Barda à sa Boîte-Mère.

"Okay Barda, ce sera prêt dans 0,6 seconde ! On commençait à se sentir seules ici !"

"C'est la dernière fois qu'on vit comme ça, promis." sourit la Néo-déesse.

Disparaissant dans un tunnel-Boum, elle laissa à tout jamais derrière elle cette planète mais aussi cette vie solitaire. Posant le pied dans le salon de sa maison achetée avec Scott il y a de ça des années, elle tomba nez-à-nez avec une bande de trois adolescents ayant eu la bonne idée de venir fumer quelques substances dans ce lieu abandonné aux volets clos. Apercevant la guerrière, bras croisés et levant un sourcil tout en les jugeant du regard, ils poussèrent un cri et partirent sans demander leur reste. Enfin seule chez elle, Barda se sentait d'attaque pour partir à la recherche de Scott, mais la vision de son sombre salon la rendit soudainement nostalgique, et elle s'accorda d'abord un peu de temps chez elle. Elle se vautra dans le canapé qui avait bien besoin d'être dépoussiéré, et prit sa Boîte-Mère dans la main, réactivant pour la première fois depuis des lustres sa messagerie.