Burn the Witch | Zatanna

Quelque chose n’allait pas.
C’était une évidence qu’il n’avait pas été difficile de mettre en évidence, justement. Depuis ton retour des enfers, quelque chose avait changé. Quelque chose qui, dans un premier temps, avait été poussé dans un coin de ton esprit sans que tu n’y fasses vraiment attention, mais qui avait fini par s’imposer à toi de la façon la plus genante qui soit. Pour être plus clair : en blésant autrui.
Pour une fois, cela n’avait pas été volontaire, certes, mais ça ne changeait rien au résultat : malgré tes efforts pour te racheter auprès de la résistance et faire amende honorable après avoir servi pendant des mois sous Degaton, cette petite perte de contrôle avait réduit à néant le peu de confiance que tu avais réussi à nourrir dans le cœur des autres magiciens, les rares personnes t'étant favorables faisant en plus partie des victimes de tes erreurs.
La chose aurait pu rester anecdotique, si les hauts placés de la résistance n’avaient pas été mis au courant de l’accident, et qu’on les poussait désormais à revoir la seconde chance qui t’avait été accordée. C’est un fait Lori, une menace, aussi insignifiante et amicale voudra-t-elle se montrer, aussi nombreux seront les efforts qu'elle fera pour montrer patte blanche, restera aux yeux de la majorité une menace. Et que fait-on, une fois qu’on a repéré une menace ?
Exactement…

Peut-être n’était-ce là que des relents de paranoïas dû aux quelques fois où on avait déjà voulu t’éliminer par le passé, mais il n’empêchait que ta confiance en ton prochain en avait été franchement impactée. Tu avais un peu confiance en Siobhan, c’est vrai, mais elle t’avait sauvé des enfers, ce n’était pas rien comme acte amenant une quelconque loyauté. Qu’en était-il des autres ? Depuis des semaines, tu combattais à leur côté, mais la plupart n’oubliaient pas que tu restais responsable de la mort de certains de leurs proches. Si tes capacités n’avaient pas été d’une aussi grande utilité, probablement n’aurais-tu d’ailleurs pas eu la chance de pouvoir te rattraper, d'inverser la balance… Mais que se passerait-il, justement, s’ils apprenaient que ses capacités, qu’ils étaient si contents d’avoir de leur côté, commençaient à te faire défaut ?
L’épée de Damoclès au-dessus de ta tête semblait commencer à doucement vaciller, Alice…

Il fallait trouver une solution. Et comme à chaque fois que tu manquais de perspective sur les choses, tu en avais cherché ailleurs…. Et plus exactement, dans les pouvoirs de Xanadu. Un début de réponse t’était apparu, alors que la vision du château de la Silver Banshee t’était apparu dans ton rêve. Logique. La personne la plus à même de t’aider devait probablement être Siobhan, qui d’autre, sinon ? Cependant, la réponse te laissa quelque peu incertaine: bien qu’elle combattait avec hargne, Siobhan n’avait jamais semblé se mêler des décisions de la résistance, gardant une place à l’écart des mortels. Pourquoi aurait-elle agi différemment pour toi ? Quand bien même tu nourrissais de la loyauté et de l'admiration à son égard, l'inverse ne te semblait pas aussi évident...

Ne trouvant pas de réponse, tu décidas que le mieux était encore de t’y rendre pour tirer cela au clair. En premier lieu, la première chose à faire était de s’y rendre. Sans trop prendre le temps d’y réfléchir, tu siphonnas les pouvoirs de la magicienne Zatanna, pour ainsi te téléporter directement dans le salon de la Banshee et tomber sur… Sur Zatanna, en fait. « Oh. »
Oui, oh.

Les yeux grands ouverts, sourcils levés, tu regardas la magicienne un instant, de bas en haut, puis de haut en bas, avant de faire un pas en avant, puis un en arrière. Non, tu ne t’y étais pas attendu, et cela te mettait dans un état d'hébétement assez visible. Bah mince, Zatanna en personne. « Heu… Je suis une grande fan.» Trouvas-tu bon de préciser, alors que ta tenue continuait d’être transformée pour ressembler à celle emblématique de la magicienne. Te raclant un peu la gorge, tu finis par te rendre compte d’ailleurs que tu continuais à la priver de ses pouvoirs, alors que tes yeux descendaient sur ta propre tenue, tes mains se tordant dans leurs gants blancs de magiciennes. « Ouais, heu, j’vais peut-être vous rendre ça, hein... » Dis-tu un poil gênée, alors que tu laissais s’écouler sa magie hors de toi, la laissant retourner à sa propriétaire, tandis que ta tenue reprenait des allures plus communes, le body redevenant une jupe tartant et un corset ajusté, tandis que le chapeau disparaissait, tout simplement. Enfonçant les mains dans les poches de ton long manteau de cuir noir, tu essayas de cacher ta gêne derrière ton air revêche, mais le masque ne prenait pas. Pas cette fois. « Désolée heu… Pour ça... »
Silence, alors que tu te racles encore une fois la gorge.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que tu savais travailler tes premières impressions…

C’était toujours quelque chose, de rencontrer une star de la communauté magique. Zatanna était ce genre de personne dont on entendait d’abord parler par les autres, ou dont on découvrait les spectacles, petit, en se demandant comment elle faisait pour sortir autant de lapins de son chapeau. Tu l’avais longtemps admirée, enfant, espérant un jour pouvoir voir un de ses spectacles en vrai, tannant tes parents pour qu’ils t’y amènent enfin, pour enfin comprendre son truc avec le chapeau. Ce n’est que plus tard que tu compris le "truc", quand tu lui a pris ses pouvoirs pour la première fois.

Elle est encore plus jolie en vrai qu’à la télé, c’est vachement intimidant. En fait, elle te semble tout "plus" qu’à la télé, ou que dans ton imagination. Ça, c’est probablement du à l’admiration, mais tu ne l’intellectualises pas assez pour t’en rendre compte, alors que tu es plus occupée à bredouiller pour retrouver un brin de contenance.
Il n’y pas de sentiments plus éloignés de la raison que l’admiration, c’est bien connu, pourtant...

Malgré tout, tu restes très mal à l’aise, et cela se voit assez pour que Zatanna essaie de te rassurer, avec des mots vides de sens, comme le fait que tu serais en sécurité ici. Voilà quelque temps déjà que tu ne voyais plus la sécurité que comme un concept mensonger dans lequel on se berçait pour éviter d’avoir peur tout le temps, pour éviter d’avoir à lever les yeux trop souvent sur cette épée de Damoclès qui ne cessait de vaciller au-dessus de nos têtes… Mais, étrangement, quand Zatanna te disait que tu étais en sécurité, tu avais presque envie d’y croire. Presque. Après tout, c’est Zatanna Zatara quand même, l’une des plus grandes sinon la plus grande magicienne qui soit. Au moins tout ça… Si tu n'es pas en sécurité avec elle, alors avec qui pourrais-tu bien l'être?

« Nan, ça va. Je te remercie. Enfin vous. Ouais vous. » Commentes-tu comme pour te essayer de te rappeler de la vouvoyer. Dans trois phrases, tu oublieras de nouveau. « J’suis juste un peu tendue en ce moment.» Avoir quitté un régime fasciste en se faisant passer pour morte pour éviter les représailles, tout ça pour rejoindre une résistance qui continuait à te regarder d’un mauvais œil, était peut-être les raisons de cette insécurité. La sensation constante de n’avoir aucun allié, ni dans un camp, ni dans l’autre, devait jouer aussi... Bon, il y avait Banshee, bien sûr, mais jusqu’à quand ? Tu t'attendais à tout moment à la voir revoir son jugement sur toi, te tournant le dos pour de bon, cette fois.
Qu'elle est vicieuse, cette peur qui s’insinue partout...

« Ouais bah vous savez, généralement quand on vient squatter le château de quelqu’un, c’est plus pour voir la personne qui y habite que pour faire le tour du proprio… » C’est plus fort que toi, tu ne peux pas t’empêcher de te montrer sarcastique, irrévérencieuse. C’est ta façon à toi de te mettre à l’abri des autres. De te distancer de tout cela avec tes faux airs insolents qui, tu l’imagines, te donner des airs cools, alors que tout au plus, cela laisse juste transparaître tes crocs de caniche se prenant pour un pitbull. Ca ne marche pas fillette. « Ouais enfin… Bref. Finalement, j’me dis que ce n'était pas une bonne idée, c’est pas plus mal qu’elle ne soit pas là. Et vous, vous êtes là pour le tourisme ? L’irlande c’est chouette à cette période de l’année. » Quoi de mieux que visiter un pays en guerre. Les chars d’assaut, le fascisme et les bombardements, que demande de plus pour des vacances réussies ?