Love & Mystery in Bailey, New Hampshire [Big Barda]

- Tadaa !

Barda fit irruption dans la salle à manger, sortie tout droit de la cuisine, un grand sourire aux lèvres et un plateau de brownies à la main.

- Scott ?

Il avait dû se déplacer ailleurs. Elle espérait pas trop loin, parce qu'il fallait absolument qu'il goûte aux brownies quand ils étaient encore chauds. C'était essentiel. La recette sur le site Internet disait bien de les déguster chauds.

Elle marcha jusqu'au salon et fit le tour de la grande pièce à vivre, obligée de constater qu'il n'y était pas non plus. Était-il monté à l'étage s'allonger, ou se doucher ?

- Scott ?

Il ne se trouvait pas non plus dans le bureau du rez-de-chaussée. Elle fit un sourire en coin, se disant qu'elle préférait amplement passer du temps à le chercher dans leur grande maison plutôt que lui courir après dans l'Espace...

Mais bon, les brownies devaient être dégustés chauds. Selon le site Internet, toujours. Et Barda comptait bien faire plaisir à son époux en lui servant pour la première fois un plat réussi.

- B-M, où est Scott s'il te plaît ?

La solution facile.

- Tout indique qu'il est allé prendre l'air, Barda, répondit immédiatement la Boîte-Mère de la Néo-deesse.

Logique. Journee ensoleillé, vue sympathique. Elle aurait dû y penser. D'un pas rapide tout en prenant soin de ne faire tomber du plateau aucun des six brownies, Barda se précipita sur la terrasse arrière. Elle plissa les yeux, s'habituant à la lumière naturelle. Pas de signe de Scott dans le jardin.

- Grkflzmlfpf...

Elle se précipita cette fois-ci sur le perron, pour finalement le trouver assis sur le canapé. Quel soulagement.

- Oh, tu es là mon chéri.

Et puis, le voir ainsi lui fit réaliser qu'elle devait arrêter de courir. D'aller trop vite. De tout vouloir tout de suite. Scott était là avec elle dans leur maison, et c'était tout ce qu'il lui fallait.

Elle s'assit à ses côtés, posant le plateau sur la table de jardin installée près du canapé et se servant d'un brownie. L'effet fût immédiat et elle le reposa de suite sur le plateau.

- Mouais, la bonne cuisine, c'est pas pour tout de suite, dit-elle avec dégoût. C'est fou, j'ai suivi la recette comme il le fallait. Sur le site. Le site Internet.

Elle fit apparaître un Aéro-disque sous le plateau et le dirigea en direction de la poubelle à déchets extérieure. Barda ramena ses jambes à elle et posa sa tête sur l'épaule de Scott, regardant droit devant elle les hauts arbres de leur paisible quartier. Profitant de leur paisible vie. À deux.

- Ça te dit un Japonais ce soir ? La cuisine est dans un état trop épouvantable pour que j'essaie quoi que ce soit quand il sera l'heure de dîner.

- Qui ?

Barda redressa un petit peu sa tête de l'épaule de Scott en posant sa question.

- La Ligue ?

Elle leva les sourcils comme si elle se questionnait elle-même.

- Dis-toi que Batman est le plus grand détective du monde, et que s'il voulait savoir notre position, il le saurait bien vite, soupira-t-elle en se serrant contre Scott.

Ça la rendait pensive. La Ligue accepterait-elle Scott de nouveau ? Sur Rann, il lui avait dit qu'il s'était retiré et éloigné de tout cela. C'était en tout cas clair et déjà décidé pour Barda : si Scott ne pouvait revenir dans la Ligue, elle ne prendrait pas la peine d'y retourner.

- Reste à savoir s'ils veulent découvrir ou non qu'on est là.

Barda n'eût pas de réponse, si tant est qu'une réponse était réellement attendue. Elle se dit que Scott était également dans ses pensées. Ça ne devait jamais s'arrêter de tourner, dans sa tête. Les engrenages là-haut qui faisaient que Scott était Scott, à toujours réfléchir, toujours cogiter.

- Et... reste à savoir si tu tiens à ce qu'on les contacte si jamais ils ne le faisaient pas eux-mêmes. Tu sais, je t'avais dit que je voulais m'y remettre. Mais... si tu ne viens pas, je peux oublier cette idée.

Cette fois, elle aurait voulu que Scott réagisse, mais elle vit que son regard était porté sur quelque chose plus loin devant eux.

- Scott ?

Elle se redressa cette fois complètement et plissa les yeux en direction de la silhouette menue proche de leur maison. La brise était légère, le soleil était encore haut dans le ciel. Et pourtant, ce qui semblait être un enfant portait un gros anorak. Ça donnait chaud à Barda, qui était comme à son habitude vêtue de sa tunique deux pièces rouge.

- C'est quoi ça ? Halloween est déjà passé, non ? demanda-t-elle ironiquement en riant.

- Très...

Barda scrutait de loin le ballon qui flottait devant eux. La scène qui s'était déroulée sous leurs yeux était digne d'une creepypasta. C'était Sin, lors de leur appartenance aux Birds of Prey, qui avait fait découvrir à Barda ces histoires terrifiantes sur Internet.

- ...très...

Il en fallait cependant plus pour terrifier Barda. À vrai dire, rien ne la terrifiait. Mais elle pouvait tout de même être intriguée, voire dérangée. Et c'était ce mot qui décrivait le mieux la "famille" qu'ils avaient aperçue : dérangeante.

Une ambiance glaçante s'était désormais installée, avec cet étrange visage qui se formait dans le ballon s'envolant dans les airs.
La pression exercée par Scott sur son bras ne rassura en rien Barda. Si même lui voyait une menace dans ce qui venait de se passer, alors Barda avait raison de s'inquiéter.

- ...bizarre... termina-t-elle sa phrase.

Pour Barda, qui disait menace disait action. Elle fit se matérialiser sa Méga-Rod dans sa main, et laissa son corps être revêtu entièrement de son armure. Elle ne faisait pas les choses à moitié. Prendre des décisions un peu trop rapidement était sûrement une de ses spécialités. Il lui fallait d'abord analyser la situation... Mais qu'y avait-il de vraiment à analyser ? Un visage menaçant et, disons les choses, effrayant était apparu dans le ballon, et Scott sentait un danger, il n'en fallait pas plus à la Néo-déesse pour passer à l'action.

- Bon, on va se promener un peu dans le quartier ? Je sens qu'on pourra y trouver des choses intéressantes.

Autrement dit, de quoi taper dessus. Même si, comme toujours, elle était prête et même impatiente de se confronter à un quelconque ennemi, elle espérait qu'aucun voisin n'avait réellement été blessé. Le couple Mister Miracle - Big Barda venait à peine de s'installer de nouveau dans leur nid douillet, ce n'était pas le moment d'attirer les regards sur Bailey, et donc sur eux-mêmes, souhaitant juste la tranquillité...

Était-ce une illusion ? Le résultat d'un sortilège lancé par un Homo magi ? Ou alors, cette maison avait toujours été là... Non. C'était absurde. Barda avait vécu loin de chez elle et de sa ville pendant longtemps, mais elle ne pouvait pas se tromper sur ce point-là. Cette maison n'était définitivement pas là auparavant. Comment avait pu se poser cette entière demeure dans leur quartier, à quelques pas de la leur ?

Et d'où sortait ces intriguantes personnes ? Probablement de cette maison. Le couple avait-il donc véritablement à faire avec de la magie ? De la magie noire, vu la tête de la bâtisse. Ces questions ne cessaient de se poser dans l'esprit de Barda. Surtout quand le regard du garçon ne les quittait pas. Une ambiance lourde pesait.

Il était temps d'agir. De briser ce silence glaçant. Barda fit signe à Scott de rester derrière elle. Il devait rester derrière elle. Au moins l'instant qu'elle fasse son premier pas. Elle s'avança vers la maison et, en posant le pied sur le chemin menant au perron, sentit réellement et seulement maintenant l'aura véritablement malfaisante qui se dégageait de l'étrange demeure. Mais elle était décidée, et son pas ne pouvait plus être stoppé désormais. Ce n'était pas vraiment une forme de courage venant de Barda, c'était juste sa manière naturelle d'être.

Elle se trouvait déjà à quelques centimètres du garçon. Il fallait lui porter assistance, il fallait faire quelque chose. Mais sans l'effrayer, et sans paraître pressé.

Son regard était à la fois bienveillant et craintif. Sa main s'était doucement levée en direction du jeune garçon, l'invitant à laisser son bateau en papier et à la prendre de son unique main à lui.

- Viens. Tout va bien.

Inconscient, très mal réfléchi, mais sincère. Barda sentait au plus profond d'elle que rien n'allait se dérouler comme elle l'espérait. Rien n'allait être résolu en seulement cinq minutes. Mais elle devait tenter cette première approche.

- Dans quoi s'est-on embarqués, Scott...

Bien qu'elle avait murmuré, la voix de Barda avait résonné dans la maison. Lugubre et sinistre, elle semblait tout droit sortie d'un parc d'attraction, d'une fête foraine, d'un film d'Halloween. Mais ce n'était ici pas de la fiction. Ils avaient bel et bien été projetés dans un tout nouveau monde. Un monde qu'ils ne comprenaient pas. Pas encore.

Si c'était de la magie, il suffirait de trouver qui ou quoi avait lancé le sortilège, l'assommer d'un bon coup de Mega-Rod, et répartir vivre paisiblement. Ça pourrait être vite réglé. Si c'était autre chose, il leur faudrait le découvrir bien assez vite. Et ça serait aussi rapidement réglé.

Barda leva les yeux au ciel en constatant elle-même qu'elle ne croyait pas une seule seconde à ses pensées. Il en fallait beaucoup pour convaincre le couple qu'il allait être facile de partir de là. De cette maison, qu'elle soit une illusion ou non.

Leurs Boîtes-Mères ne répondaient plus. Barda avait beau tenter toute connection avec la sienne, elle était comme éteinte. Ce qui n'arrivait jamais aux Boîtes-Mères. Et ça l'inquiétait quand même un peu, parce que le lien entre un Néo-dieu et sa Boîte-Mère était incomparable, Scott étant le premier à pouvoir en témoigner. Ils allaient devoir compter, comme de nombreuses fois par le passé, seulement sur eux-mêmes.

Barda balaya du regard la pièce en désordre, pour ne trouver aucune issue. Aucune porte, et les fenêtres donnaient sur... du vide. Littéralement. Comme si dans ce monde illusoire teinté de blanc ne se trouvait que la maison, avec Scott et Barda à l'intérieur. Mais pas seulement eux. Une présence se faisait ressentir. Ils savaient qu'ils n'étaient pas seuls. Et le ballon flottant à quelques pas devant eux confirmait leur ressenti. Il les appelait jusqu'à lui.

C'était bête, mais Barda voulait s'en approcher, alors que le danger régnait partout autour d'eux. Elle était d'ordinaire attirée par le danger, elle n'en avait pas peur et pouvait se jeter les yeux fermés dans les flammes. Elle l'avait fait toute sa vie sur Apokolips. Mais elle ne devait faire un pas de plus sans concerter Scott. Elle avait déjà pris une décision en allant jusqu'à l'enfant sur le perron, et cela les avait menés dans ce lieu intriguant.

- Je suis contente d'être avec toi ici Scott, je ne vais pas te le cacher. Je n'ai jamais aimé les films d'horreur.

Elle serra la main de Scott à son tour. Elle restait sereine, étant malgré tout aux côtés de son époux, mais ne pouvait effacer de son esprit le visage hideux de l'enfant qui s'était métamorphosé sous ses yeux. La Néo-déesse voyait déjà mille surprises arriver pour eux dans la terrifiante maison, et il fallait rester serein pour les affronter.

Entre Steppenwolf, Granny Goodness et les clowns aux dents acérées, le couple de Néo-dieux n'avaient certainement pas les ennemis les plus gâtés par la nature... Mais ils étaient généralement puissants, Barda devait bien leur reconnaître ce point. Et il était temps pour cette sinistre maison et ses esprits maléfiques de prouver, à leur tour, leur puissance.

- N'use pas ton énergie, mon aimé, j'en ai pour quelques secondes seulement.

Barda bondit sur le monstre partiellement fait de bois, en gardant un œil sur le visage clownesque qui sortait du mur. Il faisait deux fois sa taille, mais ça ne l'impressionnait aucunement. Elle s'interposa entre le monstre rugissant et Scott, pour laisser le temps à ce dernier de trouver un moyen de sortir de ce qui commençait à ressembler à un véritable cirque démoniaque.

Avant même de pouvoir porter le premier coup, Barda fût projetée plus loin avec une force qu'elle n'avait pas mesurée. Qu'elle n'avait pas imaginée provenant d'un monstre comme celui-ci. Elle regretta vite ses mots prononcés à son époux quelques secondes plus tôt.

- Oh. Ouch...

La guerrière s'était retrouvée à l'autre bout de la pièce, derrière le mur occupé par le terrifiant visage de clown.

- D'accord.

Elle était plus surprise que mal-en-point. Mais elle adorait le challenge. Avoir sous-estimé cet ennemi lui donna encore plus envie de se confronter à lui. Elle se releva sans attendre, son heaume apparaissant sur son crâne et sa Mega-Rod s'allongeant pour devenir une lance, en même temps qu'elle fixait les deux abominations.

- C'est l'heure de repeindre les murs.

Elle s'élança, non pas sur le monstre qui l'avait envoyée voltiger à plusieurs mètres de la scène de combat, mais sur le clown sortant du mur. Elle éclata son visage d'une force affolante. Le sang gicla sur le monstre de bois qui s'avançait vers elle. Barda pensait en avoir fini avec le clown, ayant été elle-même recouverte de lambeaux de chair et de sang, mais constata avec horreur que le visage se dédoubla, et les deux corps longilignes sortirent du mur. Elle faisait désormais face à trois adversaires. Obligée de fracasser comme elle le pouvait les mains aux longues griffes des clowns qui tentaient de lui lacérer le corps, elle devait également repousser le monstre de bois incapable physiquement de se décourager.

- Je gère toujours, pas de problème, lança-t-elle en direction de Scott. Tu, heu... tu as trouvé quelque chose ? demanda-t-elle en réalisant qu'elle s'entourait d'une dizaine de clowns maléfiques à force de les décimer les uns après les autres.

Barda prit le temps de s'accommoder à ce nouveau décor. Ne jamais se laisser impressionner, c'était ce qu'elle se répétait sans cesse depuis le début de cette galère. Mais désormais, elle était séparée de Scott. Et elle devait subir un discours qui le méprisait et l'accusait. C'était difficile à entendre.

Ces êtres mystérieux étaient malheureusement tombés sur la mauvaise personne. Ils étaient presque mignons. De manière pathétique. Ils étaient complètement à l'ouest. Visiblement pas au courant de ce que Barda avait traversé pour retrouver son époux. Les Néo-dieux venaient à peine de se remettre ensemble, et cette maison pensait déjà à les séparer ? Cette histoire sur se nourrir d'enfants pour la survie de leur espèce damnée ne l'avait vraiment pas convaincue. Elle n'imaginait même pas ce qui pourrait la convaincre de se laisser mourir ici et maintenant.

Elle leur accordait cela, l'ambiance "maison hantée" marchait très bien, et elle s'avouait intérieurement ne pas se sentir extrêmement rassurée, surtout quand elle pensait aux vies blessées ou même fauchées par ces monstres. De même quand elle pensait à Scott de l'autre côté - encore fallait-il qu'il y soit toujours. S'il lui arrivait le moindre problème... Elle ne serait pas en mesure de le soutenir, de l'aider. Et elle s'en voudrait à jamais.

Cette épreuve, cette illusion, cette mascarade avait assez duré. Barda avait grandi et vécu en Enfer. Littéralement l'enfer. Ça devait aujourd'hui être dans cette maison très facile. C'était censé être très facile. Elle était pourtant rapidement redescendu quand elle s'était retrouvée encerclée et avait réalisé qu'il ne s'agissait pas d'amateurs. Elle avait bien sûr été perturbée par les paroles du gigantesque monstre sans visage, mais elle n'avait pas voulu être déstabilisée au point d'en oublier son objectif principal : repartir d'ici en s'assurant qu'aucune victime n'avait été blessée, qu'aucun innocent n'allait être visé prochainement.

Elle aurait une discussion avec Scott sur ce qu'il s'était passé dernièrement. C'était gentil de leur part, mais les monstres n'avaient pas à s'en préoccuper. Ils devaient plutôt s'occuper de Barda et de sa Mega-Rod changée désormais en longue hache.

Barda fixait l'esprit avec un sourire en coin, silencieuse. Elle n'allait pas dire tout haut ces pensées qu'elle avait eues en l'espace de quelques secondes. Elle n'allait absolument pas se justifier. Elle n'allait pas leur faire ce plaisir d'entendre sa réponse. Elle observait juste. Souriante, consciente de son attitude désinvolte. Méprisante, à vrai dire. Ils en voulaient aux enfants de Bailey ? Ils allaient payer cher leur imprudence.

Barda souriait. C'était une façade. Elle bouillonnait intérieurement. Son regard fixait intensément ce qui constituait le visage de son ennemi faisant trois fois sa taille, et se porta ensuite sur sa bouche qui était finalement apparue. Elle allait éclater ça en premier. On aurait presque dit que la créature l'attirait à elle afin qu'elle la frappe de près d'un coup magistral et fatal.

Elle n'avait toujours pas dit un mot, qu'elle s'élança furtivement sur le monstre gigantesque, sa hache entre les mains. Elle allait très vite, malgré le poids de son arme, et le poids de sa colère. Une tentacule s'écrasa à l'emplacement où Barda s'était trouvée une demi-seconde plus tôt, et passa la première sous la hache meurtrière de la guerrière. Un cri strident résonna, probablement plus pour l'effrayer que pour signifier une réelle souffrance de la part du monstre.

- Il m'aura cassé la tête jusqu'au bout celui-là.

Barda grimpait avec une légèreté étonnante sur le grand corps râpeux, slalomant entre les tentacules, résistant aux mouvements brusques qu'excerçait le monstre pour tenter de la faire tomber. Elle arriva non sans peine au sommet du corps, sur une des deux épaules, et assena un coup puissant, déterminé, sans pitié, sans hésiter sur le crâne gris. La Méga-Rod ne décevait jamais. Le visage de Barda, déjà recouvert de sang suite à son précédent combat, se retrouva entièrement rouge. Elle faisait face à une immense tête éclatée, un visage qui ne pouvait plus prétendre ressembler à un visage. Le corps lourd tomba lentement, portant Barda sur son épaule jusqu'à ce qu'elle puisse de nouveau poser les pieds sur le sol. Elle passa la main sur ses yeux pour retirer le sang qui obstruait son regard.

Barda était une guerrière fière, forte, sûre d'elle, parfois trop sûre d'elle, prudente mais souvent arrogante. Elle ne pouvait rougir de sa formidable force reconnue par tous, ne regardait jamais derrière elle et ne regrettait rien. Aujourd'hui, c'était une histoire différente. C'était l'opposé même de Barda qui prenait le dessus.

Elle ressentait une terrible frustration. Une incommensurable frustration. Elle s'inquiétait depuis des heures du sort des habitants de Bailey, et voilà qu'elle venait de découvrir que le monstre avait pris possession du corps d'une enfant de la ville. Barda avait fracassé le crâne de la petite fille, et elle l'avait tuée sans pitié.

Barda était une guerrière fière, elle était désormais impuissante. Elle tomba à genoux, déconcertée. Incapable de se convaincre qu'elle avait tué une innocente. Elle avait fait ce qu'elle avait juré depuis des années de ne plus jamais refaire.

Et puis, le monstre lui dévoila une nouvelle scène d'horreur. Elle ne comprit pas immédiatement ce dont il s'agissait réellement. Tout se passa en deux temps dans l'esprit de Barda. D'abord, le choc. Puis, le doute.

En premier lieu, une telle vision la choqua. C'était une des effroyables scènes qu'elle redoutait chaque jour de vivre. Scott arraché à elle, Scott recouvert de sang. Il avait toujours réussi à se sortir d'affaires, avait toujours eu le contrôle, mais il apparaissait maintenant devant elle... vulnérable.

C'est alors que Barda se mit à douter. C'était un leurre. C'était un leurre, c'était certain. Barda niait le fait qu'il pouvait être tué et emporté loin d'elle par des esprits ayant décidé de régner sur leur sympathique et tranquille ville. Elle niait, elle ne voulait pas qu'il puisse être dans une telle situation.

Elle se déplaça lentement sur ses genoux vers la pièce dévoilée devant elle. Elle arriva aux côtés du corps. Ce n'était pas Scott. Ça ne pouvait pas être Scott. Barda souleva doucement sa main et la posa dans l'une de celles ensanglantées. Son regard était perdu tandis que le monstre lâchait un rire glaçant. Elle ne souhaitait même pas combattre cette absurdité, un autre enfant innocent risquait de souffrir par sa faute. Elle le laissait seulement rire.

- Scott... où es-tu parti...

Barda devait s'échapper de ce cauchemar. Mais elle n'était pas Scott Free, le Miracle se sortant de toute situation. Elle devait sortir de cette illusion malgré tout.

Barda n'eut pas le temps d'exprimer le moindre mot. D'abord parce qu'elle était souffrante, elle venait de subir mille coups portés par le monstre, et crachait du sang en se tenant l'abdomen. Ensuite, parce que quelque chose - quelqu'un, arrivait pour changer la donne.

Barda tenta de se redresser, mais sa jambe trembla sous son poids, et elle retomba au sol. Ça ne lui ressemblait définitivement pas. Elle s'était toujours relevée après un échec - même de cette ampleur. Elle s'était battue toute sa vie, avait essuyé quelques défaites, remporté un grand nombre de combats au corps à corps, mais avait eu son lot de coups.

Elle n'arrivait pas à se relever, parce qu'elle avait vu cette scène qui la hantait. Scott ne pouvait mourir avant elle. Surtout, il ne pouvait mourir par faute de l'impuissance de Barda. Elle avait pour devoir de le protéger, elle ne vivait que pour lui. Alors, l'avoir vu en sang, à demi-mort, sous ses yeux horrifiés, lui avait retiré toute force qui restait en elle.

Barda n'avait pourtant pas été dupe. Ce n'était pas son époux qui pouvait se trouver dans cet état. Elle avait eu un semblant d'espoir en croyant à une nouvelle illusion. Un espoir vite dilué quand le monstre lui avait fait part d'une terrifiante vision. Les enfants avaient besoin d'aide. Besoin d'eux. Dans aucun monde, aucun univers parallèle, Barda aurait choisi d'aider les esprits de la maison plutôt que les âmes innocentes de Bailey. Mais cela signifiait perdre Scott. N'y avait-il donc pas un autre moyen ?

Barda n'avait pas eu le temps d'y réfléchir bien plus longuement, et n'avait pas eu besoin de donner une quelconque réponse. Le monstre s'éloignait tandis que la maison tremblait. Voyant un semblant de retournement de situation, l'adrénaline s'empara du corps tout entier de la Néo-déesse, qui balança avec une force inattendue sa Méga-Rod en direction du monstre, pour le retarder, pour le dévier de sa route, pour tenter quoi que ce soit. Elle grimaça, ressentant douloureusement cet effort accompli, et se releva péniblement. C'était fait. Elle avait décidé de continuer la bataille, et de gagner la guerre.

- Scott ! hurla-t-elle en crachant du sang.

Le parquet se soulevait de plus en plus, et Barda fit irruption hors de la petite pièce dans laquelle elle se trouvait, prenant appui sur les murs qui tremblaient sous l'effet des explosions provenant du sous-sol.

Une bouffée de joie envahissait Barda. L'arrivée de Scott - son retour, en vérité, était source d'un immense soulagement pour son épouse. Et d'un grand malheur pour leurs ennemis. En le voyant, elle savait pourquoi elle était tombée amoureuse. En le voyant, elle savait pourquoi elle devait continuer de se battre. Toujours. En le voyant, elle savait qu'il ne fallait pas plier le genou face au danger. Plus jamais.

Cette fois, elle avait recouvert toutes ses forces et les utilisa dans ce qu'elle savait faire de mieux : être avec lui.

- Scott, tu... tu étais presque mort. Je n'y ai pas cru, bien sûr, je n'ai pas voulu y croire... c'était bien faux, c'était faux et ça n'arrivera jamais tant que nous serons ensemble. Promets-le moi.

Ce n'était pas le moment pour lui sauter dessus ; ils n'avaient que quelques secondes avant que les créatures arrivent à leur hauteur, mais ça avait été plus fort qu'elle. Elle l'avait de nouveau perdu - du moins, c'est ce qu'on avait voulu lui faire croire, et voilà qu'elle le retrouvait, bien vivant, héroïque et triomphant de son épreuve à lui, au sous-sol de la maison. Entre une nonne démoniaque et des enfants décédés, elle n'imaginait pas ce qu'il avait dû subir d'atroce là-bas.

Barda imita Scott, sa Méga-Rod revenue à elle, et s'envola sur ses Aéro-disques en direction des êtres aux griffes acérées. Ces monstruosités avaient vécu bien trop longtemps, et ils n'auraient pas dû vivre une minute de plus après avoir rencontré les Néo-dieux. Maintenant qu'ils avaient eu le couple une fois, ils n'allaient pas reproduire le même exploit une seconde fois. C'était terminé pour eux, Big Barda et Mister Miracle allaient mettre fin au joug des créatures sur les habitants de Bailey.

Ils arrivaient tous en masse, rapides et visiblement déterminés à leur faire payer leur survie aux épreuves. Pas aussi déterminés que Barda qui volait entre chaque corps en assénant son arme sur tous les crânes qui se trouvaient dans son champ de vision. Son époux lui avait rendu sa force. Ils se coordonnaient dans leurs gestes pour faire tomber ensemble le plus de créatures possible, effectuant avec brio une chorégraphie qu'ils n'avaient jamais eu besoin de répéter. C'était naturel pour eux. Main dans la main.