It's just business ~ Ft Ted Kord

Une invitation, déposée par un coursier. Une invitation qui préfère la lecture sur le papier plutôt que la présence de potentiels mouchards informatiques. Pourquoi ? Car Théodore Kord est depuis quelque temps au cœur d'une médiatisation qui n'est guère bonne pour de potentielles négociations ou rencontres professionnelles. Une invitation, donc, déposée par quelqu'un de confiance – du moins pour l'expéditeur. Une invitation signée. Par Hsin Zhao. Un nom peu inconnu dans le milieu des affaires. Une invitation, à venir dans un restaurant de Ivy Town. Un lieu intimiste. Au cœur de la ville. Un lieu qui se veut respectueux des gentlemen qu'il reçoit. Un lieu britannique dans sa façon de penser. Dans son professionnalisme. Et dans son refus de laisser un quelconque journaliste tenter de corrompre son personnel pour avoir des informations sensibles.

La gourmandise est comme la luxure : des choses sont entendues par ses professionnels. Des visages sont vus. Des informations, lues. Prostituée et serveuse, prostitué et serveur, ne doivent pas oublier une telle réalité. Pour certaines personnes, ce n'est pas qu'une question de garder un emploi.
C'est parfois une question de vie ou de mort que la chose reste … secrète. Invisible. Inconnue.

C'est donc dans un lieu silencieux que le rendez-vous est pris. C'est donc dans un salon privé que Hsin Zhao attend, installé pour le moment dans un fauteuil. Son regard observe quelques courbes économiques. Des informations essentielles. De gestion. De commandes. De rentrées et sorties d'argent. Bénéfices. Intérêts. Investissements. Prévisions économiques sur une année. Cinq années. Dix années. Une proposition. Celle d'un avenir meilleur. Sous un œil unique. Caché sous les tissus qui composent le costume du jeune chinois – à peine trentenaire. Chemise noire. Gilet sans manche, veste et pantalon rouges.
Le Conquérant à des objectifs. Des besoins. Technologiques. Matières premières, certes. Mais plan, aussi. Et ressources. La connaissance est présence. Il l'utilise du mieux qu'il le peut, avec ce corps. Mais les projets scientifiques et industriels attirent les regards. Et s'il peut les détourner sur certaines choses. Ou profiter d'autres entreprises … Cela pourrait lui offrir suffisamment de temps pour faire ce qu'il a à faire.

Préparer la suite.
Oh, bien entendu, cela serait sans doute plus simple s'il laissait le besoin de vengeance le satisfaire. Mais le marionnettiste reste un conquérant. Pour dominer, il faut jouer. À des jeux intéressants. Précis. Difficiles, sans doute.
Mais essentiels. Pour surprendre. Terroriser. Et garder la main.

Mais pour ce rendez-vous … ces choses n'ont pas à être prononcées. Le Conquérant est encore aux premières étapes. La préparation. Et, oui. Théodore Kord a un rôle à jouer dans ces étapes. Bien entendu, cela pourrait être quelqu'un d'autre. Une autre entreprise. Mais peu de grandes entreprises comme Kord Industrie ont subi le contre-coup d'une attaque directe et de la médiatisation de liens personnels et de cette attaque. Une faiblesse dans la forteresse. À utiliser. Et, là encore, il existe plusieurs manières de procéder. Comme souvent, le Conquérant imagine toutes ces méthodes. Il dessine un plan principal. Des propositions alternatives. Il se donne les moyens.

La Conquête, ce n'est finalement pas si différent de la gestion administrative et financière d'une entreprise.

Portant un verre d'alcool à ses lèvres, le Chinois parasité se redresse, approchant de la fenêtre du salon pour mieux observer les quelques personnes qui déambulent. L'obscurité domine. La nuit est un voile dangereux. Mais aujourd'hui, ce tissu métaphorique cherche à le protéger. À protéger Théodore Kord. Être dans un environnement protégé. Pour parler d'une chose qui le concerne. Directement. Personnellement. Professionnellement.
Un message fait vibrer son téléphone. Une réponse est envoyée, rapidement. Une réponse qui arrive jusqu'à l'appareil d'une femme, à l'extérieur du salon. Un sourire, alors qu'elle regarde le maître d'hôtel montrer sa silhouette à Théodore Kord. Elle approche.

Une main tendue, vers le couloir menant au salon. « Merci de me suivre, Mr. Kord. » Une politesse, un accent, dans les mots de cette femme. Accent de ce vaste pays, à l'Est. Elle le guide, jusqu'à la porte. Avant de toquer trois coups. Puis d'ouvrir la porte.

Là, un jeune homme – à peine trentenaire. Une main dans la poche, l'autre posant un verre sur la table de repas. Des yeux sombres. Un sourire tranquille. L'homme aux vêtements rouges approche. Tend une main. Pour serrer celle de son invité. « Bonsoir, Mr. Kord. » Des cheveux sombres, impecables. Une jeunesse sur le visage, qui cache un esprit de conquête industrielle. Qui l'a toujours caché. Hsin Zhao est l'unique héritier de la famille Hsin. À la mort de son père, il a tout hérité. Il a fait en sorte de garder le Conseil d'Administration sous sa botte.

« Je suis heureux de voir que vous avez accepté mon invitation. »

Oui. Très heureux.
Bien plus que vous, sans doute. À en voir cette fatigue, greffée sur votre visage.
Une deuxième peau.

D'un mouvement de sa main, il invite son hôte à s'installer. Une table. Bois de qualité. Des sièges confortables, dans lequel le dirigeant chinois s'installe. D'une oreille attentive, il écoute. Cet homme intelligent. Fatigué, certes. Épuisé, sans doute. Mais toujours intelligent. Il a cet éclat dans les yeux. Un éclat intéressant. Un éclat dangereux. Sur cette planète, il existe de nombreuses formes de vie. Et la dangerosité de certaines ne s'explique pas par leurs sens développés, par leur force herculéenne. Mais bien par cet esprit de logique. De science. De calculs. Les plus dangereux ne sont pas forcément les plus puissants. Ce sont surtout ceux – forts ou non – qui réussissent à utiliser des éléments à leur avantage. Et de comprendre lesquels peuvent être une difficulté. Un danger pour eux.

Et cet homme, bien qu'il ait été aussi victime du Coeur, possède la Raison. Cette intelligence. Et cette capacité à l'utiliser. La véritable question est de savoir maintenant à quel point est-il capable de se défaire de ses propres chaînes pour mieux l'exploiter. Pour mieux optimiser sa réussite. Sa contribution au développement d'un monde et à l'utilisation de toutes ses ressources. Humaines. Minérales. Végétales.
Zhao observe donc cet éclat. Et l'homme qui entoure cet éclat d'intelligence. Il pourrait être un choix intéressant. Mais … Dites-moi avec qui vous sortez et je vous dirais qui vous êtes. Et cet homme a montré une partie de son visage lorsqu'il a été démontré que sa relation est une héroïne. Alien – les humains se soucient beaucoup trop des origines, imbéciles –, mais surtout représentation d'une puissante justice.

Power Girl. Karen Starr. Non. Bien sûr. Ce lien est un problème. Cette attache est un frein à une optimisation complète. Et plus que tout … Ce lien est difficile à briser. Famille et amour. Pour ce genre de choses … certains sont prêts à tout. Alors … Peut-être. Peut-être que cela pourrait être un élément essentiel à cet avenir promis par l'oligarque asiatique. Qui sourit. Poliment. Doucement. Alors que Théodore Kord a terminé.

« En effet. » L'homme se redresse. Ses doigts attrapent une bouteille et verse un alcool ambré. L'occidentalisation des affaires : en Chine, c'est avec des alcool chinois que l'on accompagne les négociations. Aux USA ? On s'adapte. À la personne face à soi. Et comme Hsin Zhao est celui qui propose les affaires, c'est à lui de s'adapter. Poussant le verre en direction de son invité, il reprend place dans son fauteuil. « Je suis fortement intéressé par les compétences de votre entreprise. Depuis plusieurs années, les États-Unis d'Amérique concentrent de nombreux pôles de recherche et développement scientifiques. Luthor. Kord. Wayne. De nombreux noms. Vous faites concurrence aux géants de la Silicon Valley. Et même certains acteurs asiatiques vous observent avec intérêt. Chinois, Japonais, Coréens. » Attrapant un menu, le chinois commence à lire les différents plats.

Mais sa voix continue. « Ainsi que mon conglomérat. Nous cherchons à faire évoluer nos secteurs d'activités, ainsi que nos investissements. L'armement est … intéressant, bien entendu. Mais ce n'est pas l'armement qui permet les évolutions technologiques de pointes. Du moins, pas complètement. » Ses yeux se lèvent. Vers Mr. Kord. Son sourire s'efface. Plus neutre. Pour parler de choses … importantes. « Je n'ai pas pu m'empêcher d'être au courant de vos différents déboires médiatiques. Dans notre monde, la mauvaise publicité peut être fortement pénalisante … Malheureusement – ou heureusement – les médias possèdent une liberté de parole dans votre pays. Et utilisée de façon intelligente et avec de mauvaises intentions, cette liberté peut devenir un problème bien plus grave que de la mauvaise publicité … »

Hsin Zhao ferme son menu. Il le pose sur le côté. Sa main attrape son verre, le porte à ses lèvres. Une gorgée. Puis quelques mots. « Vos actions baissent. Vos bénéfices vont bientôt dégringoler. Vous le savez aussi bien que moi. Kord Industrie ne mérite pas ça. Les dirigeants industriels de votre pays souffrent d'une très mauvaise réputation. Le séducteur Bruce Wayne. Le fou Lex Luthor. De la plus ridicule anecdote aux actions les plus graves, cela crée un climat de défiance. Ce que je vous propose est justement de remédier à cela. Avant que les choses ne deviennent incontrôlables. »
Il se penche. Pour attraper un dossier. Pour le pousser vers Thédore Kord. Des prévisions. Des prévisions selon la situation actuelle.

Diminutions des bénéfices.
Augmentation des coûts, des charges.
Baisse des contrats.

« Ceci est une prévision que j'ai fais réaliser par des experts en économie d'entreprises. Bien entendu, j'ai joué avec vos règles : ces prévisions ne prennent en compte que les données connues de votre patrimoine industriel. Malgré tout … je pense que vous comprenez que cette projection est loin d'être un scénario impossible. » Son doigt tapote un instant sur la table. Quatre coups rythmés.
Il observe. La réaction. Il attend. Un peu. Il laisse le silence s'instaurer. Le laisse étudier les données.

Il observe. Jusqu'à ce qu'un serveur entre avec autorisation. Le chinois commande. Il compte bien manger. Et négocier. Aussi.

La logique. Une qualité importante. Dans la guerre. Dans la construction. Dans la gestion. Dans la science, bien entendu, aussi. La logique d'accepter que certaines données ne sont pas quantifiables. La logique qu'il faut être capable de s'adapter – ou, comme le dit si bien Mr. Kord, créer la solution à une situation nouvelle. Improviser. Par l'expérience. Par le talent. Deux choses dont le dirigeant de Kord Industries semble doter. Une réalité que Zhao apprécie – et que l'ombre qui l'anime ne doutait pas. Bien entendu, il a un défaut. Celui d'avoir laissé trop de faiblesses à sa sécurité personnelle.

Ses liens. Sa relation.
Ses blessures médiatiques.

Mais Théodore Kord n'est pas le premier – ni le dernier. Il doit juste apprendre … à faire disparaître les preuves. Lorsqu'une maladie commence à contaminer un corps, il est important de s'attaquer aux symptômes. Il est important de réparer la fuite en amont et non de chercher à gérer au mieux la dite-fuite.
Mais cela, peut-être va-t-il réussir à le gérer. Seul ? Il n'en a pas l'obligation. Après tout … Il est parfois plus intelligent d'accepter une main tendue que de se fier à son propre jugement. La subjectivité est parfois l'ennemie de la survie.

Hsin Zhao écoute. D'une main tranquille, il fait tourner l'alcool contenue dans son verre. Il écoute. Il préfère le silence et l'attention. Oui. Thédore Kord a pour le moment toute son attention. Car son raisonnement est logique. Sur son entreprise. Sur ses idéaux. Mais aussi sur la simple interrogation d'un quelconque lien entre leurs deux administrations. Il écoute. Sourire poli aux lèvres. Il écoute. Boit une gorgée. Pose le verre. Il a été attentif. Même lorsqu'il a remercié le serveur, qui s'est retiré de ce théâtre de discussions importantes. Essentielles. Hsin Zhao écoute. Il écoute. Puis s'enfonçant tranquillement dans son siège, il hoche la tête.

« Vous avez parfaitement raison. » D'un mouvement de main, l'oligarque Chinois montre le dossier présenté à son interlocuteur. « Ce dossier est comme la totalité des dossiers présentés par n'importe quel expert, avec n'importe quel objectif. Incomplet. » Sa main retourne contre l'accoudoir. Son regard quitte les yeux de l'Américain. Il observe une peinture. Décoration normale dans un tel environnement. Une peinture d'un artiste sans doute peu connu du grand public. Un artiste connu des cercles plus précis. « L'improvisation n'est pas quantifiable. Elle ne peut être expliquée mathématiquement. Tout comme la motivation, d'ailleurs. Philosophique, certes. Mais réel. À l'heure actuelle, aucune technologie n'est véritablement capable de calculer ce qui se passe … ici. » Son doigt se pose sur son front. Son regard se tourne vers lui. « Je ne suis pas surpris. J'ai fais mes études ici, voyez-vous. » Hsin Zhao a fait ses études dans ce pays, oui. Une chose suffisamment particulière pour le remarquer. « Administration des entreprises. Et sciences de l'ingénieur. Alors, oui. Je ne suis pas surpris. Improvisation. Relations humaines. Voilà des données que nous ne pouvons quantifier. Au mieux, nous pouvons les prévoir. Calculer les potentialités selon les profils de partenaires ou d'employés. Mais cette stratégie demandera toujours une certaine … » Hsin Zhao semble chercher pendant un instant l'expression. Avant de sourire, doucement. « Ouverture d'esprit. »

Le Chinois croise ses jambes. Observe son interlocuteur. Un premier point établi. Mais qui pourrait être bien mieux développé. Bien entendu. Tout ceci est de la stratégie. Et c'est cette pression qui anime ce corps – partiellement, du moins. Bien avant le cadeau de Luthor, Hsin Zhao connaissait déjà ces réalités. Un savoir qui nourris des pensées. Des pensées qui ne sont plus les siennes.

« Mais ce dossier, voyez-vous, est une preuve de mon souhait de négocier avec le véritable cerveau derrière votre entreprise. Oui. Les relations entre nos pays ne sont pas les plus … simples. Mais dans le monde des affaires, vous devez savoir que certains acteurs sont … étrangers à ce genre de considérations. » Il s'arrête. Une nouvelle autorisation demandée. Donnée. Le serveur entre. Avec leurs différentes commandes.
Tranquillement, il dépose. Montre son professionnalisme. Celui qui invite hoche la tête. Remercie le jeune homme. Qui les laisse alors retourner à leurs occupations.

Hsin Zhao regarde leurs plats. Avant de sourire doucement. Un sourire amusé. « Celui dont le ventre crie famine ne peut converser avec celui qui est repu. » Un léger rire. Il reprend. « Cela est bien plus harmonieux dans ma langue natale. J'espère que votre plat saura vous sustenter. Enfin … Je disais donc … » Les couverts en main, il coupe un morceau de viande. Croque dans la chair cuisinée. Mâche. Avale. « Ah. En effet. Les actionnaires. Il n'aurait pas été si difficile de négocier de quelconques projets d'investissements avec certains membres de votre Conseil d'Administration. » Il fixe. « J'ai calculé. J'ai calculé vos pertes, si vous et votre Conseil d'Administration venaient à entrer dans un conflit interne concernant des fonds. La graine de la discorde. Elle est quantifiable, elle. Mais cela ne m'intéressait pas. » Il coupe un nouveau morceau. Il mange. Il semble apprécier.

« Je peux parler avec des financiers quand je le désire. Échanger avec un esprit créatif et logique est bien plus difficile à réaliser. Alors, oui. J'ai refusé l'idée de faire les choses sans vous approcher directement. Je n'aurai pas été gagnant. » Il hausse un instant les épaules. Oui. La graine de la discorde est une arme possible. Probable. Mais parfois inutile. Parfois plus dangereuse que désirée. « Maintenant, sachez que je ne crois pas aux miracles. Pour moi le miracle n'est qu'un souhait. » Il regarde son assiette. Il mange un troisième morceau. Avant de poser les couverts. Un sourire. Énigmatique. « Je crois en la transformation d'un miracle en une chose concrète. N'est-ce pas là ce que doit faire un inventeur ? »

Il existe un proverbe pour cela. Des mots qui, là encore, dans la langue natale de Hsin Zhao, seraient sans doute plus harmonieux. Les grandes âmes ont la volonté, les faibles n'ont que des souhaits.

Zhao attrape son verre. Il boit une gorgée. Dépose le verre. Reste un instant silencieux. Car il y a encore beaucoup à dire, oui. Sur les technologies de l'armement. Oui. Il y a des choses à dire à ce sujet. Ainsi, l'industriel asiatique hoche la tête. « Vous avez encore une fois raison. Certaines entreprises développent des armes. Des technologies de pointe dans la sécurité, dans le contrôle des armements. Dans la conception de drones de combat ou encore dans l'élaboration de technologie de contre-espionnage. Oui. C'est le cas. Et, oui. Ces domaines ne sont pas les vôtres. Je l'entends. » Une nouvelle gorgée. Le verre est posé. Le corps est légèrement penché, en avant.

« Et c'est tant mieux. Je ne recherche pas un partenaire dans le développement en armement. J'ose croire que j'ai suffisamment à faire tout seul à ce niveau. Non. Ce que je cherche … Est de profiter des talents de votre esprit et de ceux de vos ingénieurs et chercheurs pour ouvrir la porte vers une nouvelle ère. » De nouveau, il s'enfonce dans son fauteuil. « Vous avez une grande capacité à la polyvalence. Et je pense que vos compétences méritent d'être observées à leur juste valeur. Oui. Nos pays ne sont pas des alliés. Vous avez des idéaux. Nous pourrions en discuter longuement. Mais là n'est pas le sujet. Ce que j'attends … C'est que vous répondez à une question. »

Il le fixe. Le regarde. Un instant, son regard se ferme. Puis la question résonne. « Pensez-vous que notre monde est-il réellement auto-suffisant ? Pensez-vous que nos gouvernements fassent les efforts nécessaires pour développer et rechercher des sources d'énergies viables ? » Son regard s'ouvre. « Savez-vous pourquoi l'armement se développe encore et toujours ? Car des conflits existent. Pour des ressources. Pour des besoins. Mais aussi, parce que l'armement dépense de l'énergie et que nous recherchons toujours un moyen d'économiser. Certaines sécurités informatiques sont de véritables gouffres financiers de consommation d'énergie. Les avions. Les hélicoptères. La crise du pétrole est la preuve que notre système actuel bascule. Mais. Je ne suis pas un pessimiste. » Il se redresse. Il quitte sa chaise, pour aller jusqu'à la fenêtre. « Le potentiel de cette planète … de notre planète … Sommes-nous capable de l'exploiter réellement ? Je le pense. Nous sommes capable d'arrêter de nous demander comment dépenser moins et de nous diriger vers une question plus importante : quelle nouvelle forme d'énergie peut-on développer. Et je pense que Kord Industries, par ses compétences, est capable d'être un acteur important. »

Hsin Zhao se tourne vers lui. Son regard attrape le sien. Le fixe. Le domine. « Vous pouvez y voir un moyen comme un autre de ma part de faire évoluer mon commerce. Vous aurez raison. Qu'importe l'époque, l'armement et la sécurité seront toujours au centre des gouvernements. Mais ces recherches sont essentielles dans tous les secteurs d'activités. Transport. Industrie en tout genre. Communication. » Il approche. Retourne dans son siège.

« Je ne cherche pas à faire de vous un marchand d'arme. Je cherche à vous offrir un moyen de revenir sur le meilleur devant de la scène. »

« La discorde prend bien des formes, Mr. Kord. Et je peux vous l'assurer : mon initiative ne sera bien vue ni de certains de mes actionnaires … et encore moins de mon gouvernement. Mais … Je ne vois pas cela comme un frein. Au contraire. Car cette ambition, cette observation de la science et du monde de demain se doivent d'être réalisées sans les frontières que la société imposent. » Un léger sourire. Presque blasé. Par cette situation politique. Complexe, oui. Une difficulté qui ne pourrait être niée, oubliée. Mais n'est-ce pas là tout le plaisir de la conquête de nouveaux horizons ? Sentir la pression. Sentir les obstacles. Réfléchir. Judicieusement. Pour exploiter au mieux la motivation qui ressort de cette danse guerrière. Oui. La conquête, c'est aussi cela. Et Hsin Zhao est un conquérant. Du moins. L'esprit qui anime ce corps est celui d'un conquérant.
Un conquérant ne l'est réellement que lorsque l'objectif désiré est accompli. Atteint. Lorsque la finalité de tous les efforts, parfois compliqués, est réalisée. Ce n'est que cela, un conquérant. Quelqu'un qui a réussi. Et qui a dominé. Un pays. Un monde … Mais aussi, tout simplement … Une idée.

Pour ouvrir de nouvelles portes. Celles d'un nouvel horizon à atteindre. D'un nouvel exploit à réaliser. D'un nouveau potentiel à exploiter.
De retour à son siège après l'avoir écouté, longuement, il reprend place. Pose son verre. Doucement, il profite, du repas. Silencieux, d'ailleurs. Pas trop. Juste assez. Pour confirmer que son esprit prend en compte les mots. Les motivations. Les arguments de son interlocuteur. Qu'il respecte. L'un comme l'autre possèdent, finalement, un parcours similaire. La science. Et la vie administrative et économique d'une entreprise. Puis. Simplement. Zhao pose sa fourchette.

« Je ne ferai pas semblant de nier la situation médiatique actuelle. La tourmente est à vos portes. Une chose qui peut nous arriver, à tous. Malheureusement, cela arrive à un esprit brillant. » Une gorgée. Puis lentement, le chinois s'enfonce dans son fauteuil. « Cette couverture médiatique pourrait être … désastreuse pour votre propre entreprise. L'est déjà, même. Entendons nous bien. J'aurai souhaité que rien de tout ceci n'arrive. Il est plus simple de négocier lorsque la presse ne perverti pas certains esprits – surtout nos collaborateurs. Je comprends le danger. Je le vois. Je l'accepte comme un argument. Je peux même l'imaginer, facilement, comme une pièce qui n'aurait rien à faire dans une machine et qui risquerait de saboter le processus. Voyez, j'observe les choses de façon mécanique. Et selon cette règle … Tout problème possède sa solution. »

Il inspire, doucement. Un sourire poli. Avant de reprendre, d'une voix calme. « Je pense que j'ai fais une faute et je vous prie de me pardonner. Les faits économiques sont certes importants mais ils montrent avant tout une action viscérale de ma part. Je ne voulais en rien offenser vos valeurs que je respecte. » Une gorgée. Un verre qui se pose. « Parlons donc d'ingénieur à ingénieur, si vous le voulez bien. Voyons notre situation actuelle de ce point de vue. Il me semble que cela sera plus intéressant et rendra ce repas moins conventionnel. » Une légère œillade amusée. Voilà quelque chose qu'il n'avait pas réellement prévu.
Mais face à un esprit comme celui de Théodore Kord, il faut savoir … Réagir. En conséquence. Il est important de pouvoir le considérer non pas comme un simple acteur économique. Mais aussi comme un acteur scientifique. Tel que d'autres. Tel que le professeur Raymond Palmer, par exemple.

Un homme qu'il verra. En temps et en heure. Qu'importe la réponse.
En fait, cela pourrait même être un avantage. Qu'importe la réponse.
Sauf si, bien entendu, Théodore Kord se montre réellement contre l'idée. Contre lui. Contre son pays – qui, finalement, n'a que peu à voir avec son initiative. Mais ce problème … Oui ce problème … Il faudra le régler. Un jour.

« Si votre actuelle situation – englobons dans celle-ci votre situation économique, médiatique, ainsi que ma proposition – était une machine … Comment décririez-vous cette technologie ? Son fonctionnement ? D'ailleurs … Fonctionnait-elle mieux avant ? Si oui : comment améliorer le fonctionnement pour qu'il redevienne optimum ? »