Quest for Daemonites [Animal Man]

La bataille de Metropolis en a secoué plus d'un. La ville peine encore à s'en remettre, malgré son lourd passif de "cité à invasion". Les travaux ont déjà commencé, mais ils ne concernent que les dégâts matériels. Parmi les civils, nombreuses ont été les familles dévastées, déchirées, arrachées par ce nouvel assaut des terrifiants kryptoniens. Parmi les héros, les coups reçus ont été terribles eux aussi, et demandent au moins quelques jours de calme, de paix, de tranquillité.

Sauf quand on s'appelle Buddy Baker, qu'on est l'Animal Man, et qu'on a donné son numéro de téléphone au directeur de la Justice Academy en rejoignant le corps professoral. Bien calé dans un gros fauteuil moelleux, à moitié assoupi par la chaleur de son salon et les ronronnements de Socks sur ses genoux, le héros papillonne des yeux, un peu secoué par la sonnerie de son communicateur. Il lui faut de nombreuses secondes avant de réémerger assez pour s'emparer du combiné, qu'il porte doucement à son oreille.

La voix du plus grand scientifique du monde résonne alors, et avec elle la promesse d'un bon paquet de tracas. Mais c'est le jeu, ça. Avec le privilège de porter un pseudonyme tel qu'Animal Man viennent tout un tas de soucis divers et variés, le pire ayant été la destruction de sa famille.

Dérangé dans sa sieste de matou, tout aussi curieux que son ami, le chat Totem lève une oreille interrogative, complétée par un minuscule:

- Qui est-ce, Baker ?

D'un petit geste d'apaisement, Buddy esquive la question, pour y répondre l'instant d'après.

- Salut Ray ! Ouais, repos pour reprendre des forces. Vu le ton que t'as, ça ne te ferait pas de mal de faire autant. Dis, tu veux pas venir à l'appartement partager une bière devant le match Toreros de San Diego-Comètes de Metropolis ? C'est chaud bouillant aujourd'hui !

Mais avant d'obtenir une réponse à cette plus qu'honnête proposition, le directeur de l'académie arrive au cœur du pourquoi de l'appel. Une inquiétude. Un malaise. Un mal-être. Après un petit silence lourd de sens, Ray peut entendre à l'autre bout du fil le froissement d'un tissu qu'on plie et qu'on déplie, et:

- ... les Daemonites, tu dis. J'arrive. Bouge pas.

Bip de fin de communication. Quelques minutes suffisent ensuite pour que du sol couvert de cendres fraîches que Palmer foule du pied jaillisse l'inimaginable, l'horreur, le chaos ordonné d'un système nerveux complet, auquel se rattachent à la vitesse de l'éclair os, muscles, tendons, peau, poils et vêtements. C'est étrange, dérangeant, mais cela ne dure pas, heureusement.


- Pardon. C'est pas très ragoûtant, mais j'ai rien d'aussi rapide.

Buddy Baker, car c'est évidemment lui, croise les bras devant son ami, collègue et supérieur. Les yeux encore jaunes de sommeil, il ne se prive pourtant pas pour partager sa joie et sa bonne humeur malgré le sérieux avec lequel il tente d'apparaître: celui d'un héros, d'un professeur, d'un homme de confiance, en somme.


Immédiatement, le Gardien du Red capture du regard l'état de fatigue de son interlocuteur, et les artifices déployés pour tenir envers et contre tout. L'ancien Atom est un être de science avant tout, avec des solutions techniques, technologiques même pour pallier aux quelques faiblesses de son organisme très humain depuis la chute de Lex Luthor. Notamment, aujourd'hui, avec la prise d'adrénaline. Ce qui ne ravit pas du tout ce bon vieux Buddy, attaché qu'il est à la force de la chair et du sang.

- Hé, ton pauvre corps là !

Sans attendre le feu vert de Ray, il s'avance, et commence à examiner certains emplacements particuliers: cou, poignets, poitrail, yeux. Evidemment qu'il ne va pas apprécier ce traitement quasi-médical. Palmer a sa fierté, a son orgueil. Pourtant, cela porte ses fruits, car Baker se redresse enfin, avec l'air de savoir quoi faire.

- Je vois bien que tu l'épuises, et ne t'avise pas de me dire le contraire. Ou pire, de me dire "je gère". On gère jamais, je parle d'expérience. Bouge pas.

Toute vie appartient au Red, d'une manière ou d'une autre. En tant que son gardien, Animal Man possède un pouvoir dessus, une force qu'il peut exercer pour entrer en communication, ou manipuler, tout simplement. C'est ce qu'il fait ici, par la force de sa pensée, en expulsant dans l'air l'atroce produit de synthèse pour le remplacer par un vrai gain énergétique 100% naturel, un boost de force qui aidera son bénéficiaire à moins subir le contrecoup le temps qu'il faudra avant de se coucher.

- Voilaaaaa, ça va t'aider à tenir un peu mieux qu'avec cette adrénaline dégueu qui bousille ton organisme, là. Mais faudra dormir dès que possible, Ray. Rien ne t'aidera à aller mieux que ça, crois moi.

Contrairement à beaucoup de ses pairs super-héroïques, Bernhard Baker observe un cycle du sommeil d'une rare qualité; dès qu'il le peut, il se couche pour faire de bonnes nuits de sept heures, réglées à la minute près. Il doit sûrement cela à son alimentation au poil, et à sa maîtrise tant instinctive qu'intellectuelle désormais du bon fonctionnement d'un corps vivant. Et mine de rien, cela a souvent fait toute la différence entre la vie et la mort.

Mais souvent, les circonstances demandent de mettre son bien-être de côté, comme ce jour, apparemment.

- Plus tard, cela dit: les Daemonites ont l'ait de t'occuper l'esprit. Ils sont une espèce animale, je suppose ?

Aux côtés d'un Raymond Palmer en proie au plus légitime des malaises, Buddy arpente les profondeurs de cette Académie qu'il ne connaît encore que trop peu. S'il a rejoint le corps professoral il y a peu, ses diverses obligations et missions ne lui ont pas laissé le temps nécessaire pour faire connaissance avec toutes ces infrastructures. Et même si ça avait été le cas, il n'est pas sûr qu'on l'aurait laissé pénétrer ici. Tout est en chantier, en travaux, plein d'un bazar que l'on impute d'ordinaire soit à un laisser-aller global (une chambre d'adolescent, par exemple), soit à une remarquable ampleur. La deuxième option semble davantage être de mise ici, à moins que l'ex-Atom ne soit encore un gamin dans l'âme, qui sait ?

Ce qui est largement le cas d'Animal Man, qui ne se gêne pas une seconde pour en rigoler un coup, histoire de détendre un brin l'atmosphère.

- Si tu voyais ma piaule, tu t'excuserais pas.

Cela dit, son désordre personnel tient davantage de son "animalité" profonde, de sa "bestialité" à peine contenue, de son propre aveu. Tout pour ne pas admettre qu'il est bordélique, tout.

Une fois posé dans un des modules de cette étonnante Atom-Cave, Buddy prend un siège et écoute religieusement. Pour ça, rien de mieux que la super techniquement dite du "menton maintenu". Il suffit d'envelopper le susdit menton et la bouge de sa main, pour se forcer à ne pas parler, à ne pas questionner chacune des phrases de son interlocuteur. Parce que là, ça le mériterait tant tout ce que dit Ray a l'air fou.

Pourtant, une fois l'explication générale achevée, Buddy prend quelques secondes de réflexion. Pour ordonner ce qu'il a pu entendre. Pour être certain de ne pas dire de bêtise, pas trop en tous cas. Même s'il lui est arrivé de bourlinguer dans des missions d'ordre spatial, ça n'est pas encore sa tasse de thé: il lui faut du temps pour assimiler.

Une fois cela fait, il se lance, enfin.

- Ce que j'en dis ? Si ça c'est ton centre d'opération, t'aurais pu l'appeler le Noyau, déjà.

Oui, on pourrait sans doute choisir un meilleur moment... mais peut-être pas, en fait; Face à tout ce drame et ce malaise, rien de mieux que l'humour pour exorciser les ténèbres et y voir plus clair. Et puis soyons tout à fait honnêtes: l'idée est bonne, hein.
Mais conscient de la gravité de ce qui a été dit ici, Buddy vient adopter un ton infiniment plus professionnel, que Ray se rende compte qu'il prend avec beaucoup de sérieux le signal d'alarme tiré ici.

- Maintenant que le sujet plus important a été abordé... si tu avais voulu d'un génie parano pour t'aider à les débusquer un par un, tu serais allé voir la chauve-souris de Gotham. Tu as donc besoin de mes talents rien qu'à moi. N'en dis pas plus, ils sont tiens. Alors que puis-je faire pour t'aider ?

Il ne peut toutefois pas s'empêcher d'ajouter une touche d'absurde, d'improbabilité, de rire à la chose. Pourquoi pas directement aller montrer à ces ennemis déjà en position de force ses propres points faibles, à savoir sa femme et sa fille, hein ? En vrai, autant faire preuve de politesse et leur faciliter la vie !

- A part m'introduire dans leur conscience collective comme un filou, bien sûr, hé hé !

Lorsque son petit pouffement s'estompe, un silence se fait sentir, se fait ressentir.

- ... ne me dis pas que c'était ce que tu voulais... si ?

Aux exclamations de joie de Ray Palmer, Buddy répond un grand sourire sincère, fruit d'une grande satisfaction. D'abord, celle de se souvenir de ses cours de sciences, qui commencent mine de rien à drôlement remonter. Ensuite, celle d'avoir un peu brisé ce malaise plus que désagréable entre eux. D'aucuns diraient qu'à cet instant, il n'a jamais autant ressemblé à un animal: le bienheureux labrador, pour être précis, blond comme les blés et constamment béat.

- Et j'ai même pas utilisé ma grosse mémoire d'éléphant pour ça.

Sa fameuse grosse mémoire d'éléphant. D'aucuns pourraient y voir une référence honteusement scabreuse. Il n'en est rien. C'est avec Maxine, sa jeune fille de cinq ans, qu'il emploie d'ordinaire cette petite expression rigolote, pour la faire rire.

Pour autant, Buddy n'hésite pas à insister un peu: fatigue et héroïsme ne font pas bon ménage, il a pu l'expérimenter lui-même à de trop nombreuses reprises.

- Ouais, t'en fais pas. Tant que tu prends quelques jours après ça, ton organisme devrait tenir. T'es sacrément en forme pour ce que tu t'es pris dans les dents, vieux !

Il insiste, oui, ce qui ne l'empêche toutefois pas de laisser s'échapper un sifflement admiratif concernant la constitution de son collègue. Redevenu humain après l'affrontement contre Lex Luthor, vidé de l'énergie de l'étoile naine, le voir encaisser autant de privations a de quoi rendre songeur.

Mais pas autant que sa demande. L'inquiétude se confirme. Plonger dans l'esprit d'un Daemonite, voilà ce qui est attendu de Buddy ce jour. Là, il se frotte l'arrière de la nuque, gêné, en plein malaise. Il connaît sa mission, il sait la nécessité d'un tel acte. Ca ne l'empêche pas d'avoir peur. Ca ne l'empêche pas de penser à sa famille, et de planter un instant devant ce dilemme total. Protéger le monde, le sauver, mais au prix de tout ce à quoi il tient lui ? Ce n'est bien sûr pas la première fois qu'un tel choix se présente à lui: le poids qui pèse dans ces moments est l'un des plus terribles qui soit.

- Hrm... t'as conscience que si ils commencent à me voir comme une menace, ils vont trouver un moyen de me faire plier, hein. Ma famille.

Il souffle du nez, brusquement.
Sa réflexion s'accélère, se fait plus intense.
Il ronchonne un peu, pour lui même, pour extérioriser son stress et ses pensées.
Avant de parvenir à une conclusion, et de répondre:

- Oui... ma famille. Hrm... pffff. Ah la la. Si... si tu te débrouilles pour protéger Maxine et Ellen, ok. Si tu peux les surveiller et les protéger sans qu'elles le sachent, ok. Je veux bien tenter le coup. Ca a l'air trop important pour dire non... mais c'est ma condition.

Une condition inaltérable. Des années durant, Animal Man s'est sacrifié pour le bien commun: aujourd'hui, il espère bien qu'on comprenne ses réticences. Sa famille avant tout. Son ex-femme, sa fille... il ne peut les perdre, sans se perdre au passage.

Avec beaucoup d'attention, il écoute la suite, à propos de cette hybride clonée daemonite/humaine. Des peuples réfractaires à ce type d'existence penseraient la chose comme une abomination. Bernhard Baker, lui, voit surtout la Vie derrière, et la légitimité que tout être a d'exister. Il tente aussi de ne pas s'attarder sur les courbes du visage, la douceur présumée de la peau, l'harmonie qui se dégage des formes...

A la place, il cherche à explorer dans son esprit la question biologique de tout cela. Les croisements inter-espèces sont souvent voués à l'échec, en raison de trop grandes disparités entre les codes génétiques. Buddy n'en a que faire, pour tout dire. Ce qui ne l'empêche pas de glisser une nouvelle touche d'humour, un brin maladroite il faut l'avouer.

- Voodoo, donc ? On l'amadoue comment, avec des totems kiki ? On dit kiki ou tiki ?

Un dernier soupire s'échappe de ses lèvres, actant derrière ses mots comiques une solide détermination. Il ont à faire, là, maintenant que la mission a été acceptée. Entrer dans la mémoire centrale de tout un peuple, une broutille ? Un jeu d'enfant ? Il l'a déjà fait, et ça s'est rarement bien terminé, il faut l'avouer. Maintenant lié par le pacte de protection de sa famille, hoche la tête, avec le ton des héros dont il est un fier représentant, quoi qu'il en pense.

- Bon, trêve de plaisanteries. Amène moi à elle. Il est temps de plonger dans la ruche mentale des Daemonites.

Un sourire d'une chaleur et d'une sincérité absolues traverse le visage de Buddy quand il entend l'excellente nouvelle: compromettre la sécurité de sa famille ne sera pas nécessaire. Un poids s'envole, et cela se sent. Il attrape à deux mains celle du Pr. Palmer, pour la serrer de longues secondes, comme si on venait de lui faire une fleur. Parce que c'est un peu ce qui s'est passé, pour lui. Dans tous les cas, héros jusqu'au bout des ongles, il aurait suivi ce premier plan. Si les Daemonites se sont infiltrés au coeur des civilisations humaines, la nécessité de les arrêter prime sur tout le reste.

- Merci Ray, vraiment.

Mais du coup, s'il n'a plus à exposer son esprit à une horde de reptiles cosmiques assoiffés de conquête, ça l'arrange bien. Là, copier un code génétique pour ensuite se faire étudier, oui, ça il peut le faire. Sans aucun souci, et même avec beaucoup d'allant. Rassuré, apaisé, il pourrait même suivre son ami scientifique jusqu'aux portes de l'enfer s'il le demandait.
En espérant toutefois qu'il ne le fasse pas, hein.
Pas idiot le Buddy. Pas trop, en tous cas.

Cela dit, ces quelques derniers mots, comme quoi son épouse n'allait pas aimer l'endroit où ils vont, ils le font tiquer un peu. Sourcils froncés, bras croisés, il souffle, hésite, et finit par répondre avec un bref pincement au cœur, cachant derrière encore beaucoup de mal-être.

- Et Ellen est mon ex-femme, tu sais. Mais... pourquoi tu dis ça ?

Ce n'est qu'une fois arrivé qu'il comprend.

Les yeux à la fois grands ouverts et pudiquement rivés sur ses chaussures, Buddy pénètre dans ce temple de la luxure inchangé, vêtu de sa chemise bleue et de son pantalon en toile brun. Mains dans les poches, il ne peut retenir un ricanement nerveux.

- AH. Pour ça !

Un parfait quidam, ainsi habillé... alors oui, mais non. Parce que le bougre est un héros à visage découvert, et un personnage public. D'abord en tant qu'acteur oscarisé, et puis en tant que défenseur politique des droits des animaux. Placardé au quatre coins du monde, son portrait sert depuis quelques années déjà d'emblème à de grandes associations.

Cela aurait pu poser souci... sans LA distraction de la soirée. Une créature de rêve fort peu couverte, aux mouvements entêtants, hypnotiques, à la fois charmeuse de serpent et serpent elle-même. Voodoo, annoncée en grandes pompes, danse sur scène pour le plaisir des yeux... et de son porte-monnaie, sûrement.

Une fois installé avec Ray, il sourit un petit coup, sans se démonter.

- Du coup, c'est maintenant que j'égorge le poulet sur scène, ou on a changé de plan pendant que j'écoutais pas ?

De l'humour. Pour dédramatiser. Ou plutôt pour calmer un peu ses sens. Le spectacle est tout simplement enivrant. Trop. Un peu trop. Le Red est quelque chose de vivant, d'intense, et en tant que son gardien, Buddy le ressent à chaque instant, fort, très fort. Comme là. Que ne donnerait-il pas pour faire taire ces petites voix en lui intimant à chaque fibre de son corps d'aller échanger une danse lascive avec la formidable danseuse sur scène. Pour les faire taire... ou les satisfaire, d'ailleurs.

Mais il doit faire avec. S'il se perd un instant dans le noir d'encre d'un bref regard échangé, Baker se reprend et fixe toute son attention sur son coéquipier. Voilà, Raymond Palmer, un bon gars dans la fleur de l'âge, cabossé par les années d'héroïsme, marié, avec des sourcils un peu trop épais et un début de perte de cheveux sur le dessus du crâne. Pas de quoi s'inquiéter, hein... mais si ce n'est pas temporaire, ça pourrait dégénérer. Et là, même le Red est impuissant contre l'alopécie.

Libéré de la lascivité de cette Voodoo, il reprend ses esprits, assez pour revenir au plan initial. Récupérer du matériel génétique daemonite par copie, le rapporter au labo, puis l'étudier. Une tâche simple pour l'Animal Man, normalement. Ou en tous cas, à sa portée.

- Si... ceux dont on a parlé tout à l'heure sont aussi puissants que tu le dis, il va me falloir beaucoup de concentration pour conserver les attributs de cette jeune femme. Enfin, les attributs... tu vois ce que je veux dire. Ses spécificités raciales hein. Pas autre chose. Roh tu m'as compris.

A défaut de plonger plus avant dans le malaise, il le fait dans le Red. Adoptant une posture proche de la méditation, il atteint très vite un état de transcendance psychique élevé. Il est la Vie animale, la Vie animale est lui. Assez pour s'accrocher à cette forme étrange en mouvement près de lui, assez pour tenter de capturer son essence, et la reproduire en son propre code génétique. Les choses se passent bien. Trop bien même.

Jusqu'au capotage.
Jusqu'à ce que son esprit se lie à celui de Priscilla Kitaen, qui ne peut retenir la même manifestation mentale de surprise que Buddy, en même temps:

[OH.]

- Je... nous... euuuuh...

Buddy peine, là. Le bref échange psychique le perturbe, lui rend la réflexion difficile. Le lien n'a pourtant duré qu'un instant, mais quel lien ! Plein d'émotions, de douleurs, de doutes, de chagrins. Quelques flashs, quelques images terribles, nées de souvenirs sûrement pire encore, et la peur qui en découle. D'ordinaire, cela n'est pas aussi fort, pas aussi profond. Mais l'affinité télépathique de cette Voodoo a dû ouvrir une porte inattendue.

Les dents serrées de honte, il baisse les yeux une seconde, avant de les relever, pile à temps pour croiser le regarde sans équivoque de la danseuse exotique. Un regard capable de faire fondre le plus solide des gaillards, et qui provoque chez Buddy un puissant rougissement des pommettes.

- Merde ! Je crois... qu'elle veut nous voir. Enfin, me voir. Parce qu'on a... hrm... la mission va sans doute se compliquer, Ray.

Sa voix est basse, la plus basse possible lorsqu'il s'adresse à Ray.

Ses mains se serrent, se croisent et se décroisent de gêne. Celle d'avoir merdé aussi bêtement, celle d'avoir des pensées aussi peu catholiques, là, celles de ne pas être à la hauteur de la simple tâche proposée par son coéquipier.

Il lâche un petit soupir, en tentant de réorganiser ses pensées.

- Nos pensées se sont rencontrées, un bref instant. Un flux de présence et d'émotions. Ca m'étonnerait qu'elle sache ce que je faisais, mais s'il y a une certitude, c'est qu'elle m'a repéré.

Et comme le seul moyen de pouvoir compléter la copie génétique tant convoitée consiste à se glisser en douce dans les coulisses de cette maison de luxure, Buddy récupère sa veste, se lève doucement, invitant Ray à faire de même, et tente une approche discrète de l'arrière-boutique. Par chance, par hasard, ou comme il va vite s'en rendre compte à dessein, personne n'est là pour stopper leur progression.

Premier entré, première cible: Buddy se glisse sous un rideau de perle, pour découvrir la partie des "artistes".

Ce long couloir derrière les scènes est à moitié plongé dans l'ombre, et jonché de caisses de matériel technique. L'envers du décor classique, quoique moins glauque que ce à quoi on pourrait s'attendre au premier abord.

- Mademoiselle Kitae... ouap !


La danseuse jaillit d'un recoin sombre. Ses jambes viennent entourer avec une force étonnante le cou de Buddy, qui bascule au sol avec elle. Ce pourrait être hautement sensuel si la pression exercée sur sa trachée ne l'empêchait pas de respirer. La panique le gagne, tant et si bien que réfléchir à un animal lui est impossible. Pas le temps de penser, juste celui de se débattre.

- Ray... peux plus respir...

Mais l'illumination le gagne enfin.
Au sein du règne animal, nombreuses sont les manières qu'ont les êtres vivants de respirer. Nez et poumons et branchies sont les plus courants... mais le ver de terre fait autrement. Il pratique la respiration cutanée. Par la peau, donc. Ce qui offre un répit temporaire au pauvre Buddy, toujours soumis par les cuisses puissantes de Priscilla Kitaen. Une situation de rêve pour certaines personnes amatrices de ce genre de clubs. Pour le très classique Bernhard Baker, un peu moins, il faut dire.

La jeune femme, le regard brûlant de colère, maintient fermement sa prise.

- Qu'est-ce que vous me voulez ?! Parlez, ou je lui arrache la tête !

- Ah non, pas ma tête !

- Le Red !

Ray semble avoir un peu de mal à enchainer.
Buddy le sent, le ressent même. Cette petite gêne, ce souffle retenu, cette espérance en un éclair de génie qui ne vient pas, qui se fait attendre. Alors puisqu'il l'a, lui, il se permet de prendre la suite.
Quelques informations sont distillées ci et là, des choses simples, basiques, loin d'être problématiques. La prudence faite mots, en somme. Parce que là, c'est à un véritable jeu d'équilibriste qu'ils s'attaquent tous les deux: si Voodoo tend à douter d'eux, il faudra se démasquer. Il faudra se battre. Il faudra risquer sa vie, et beaucoup d'autres pour obtenir un avantage contre les Daemonites.

- Je suis connecté au Parlement des Limbes, et à travers lui les menaces envers la Vie me sont perceptibles. Comme ces Quéroubimes.

Encore fébrile de sa strangulation, Buddy s'aide de Ray pour se redresser. Une gorge sacrément endolorie lui fait prendre conscience de la force surhumaine de cette gamine (oui, aux yeux d'un quadragénaire, tout ce qui a moins de 25 ans est officiellement un gosse). Maintenant débarrassé des artifices sensuels la nimbant, Animal Man la voit comme ce qu'elle est: un prédateur suprême, aux objectifs funestes. Exit la créature de rêve, exit les pensées honteuses, et ce n'est pas plus mal. Au moins, il saura garder la tête froide en cas d'opposition.

Même si, pour l'instant, il espère l'éviter en développant quelque peu ses affabulations.

- Nous avons découvert votre existence par la même occasion. Les Daemonites.

Il n'aime pas ça, mentir. Tout du moins aussi frontalement. Sans être un parangon supermanique de l'excellence, Buddy s'est toujours persuadé que la vérité était source de paix, et à un moindre degré essentielle au bien-être global. Pour autant, quand cela s'avère important, il faut faire le nécessaire. Comme ici. Comme maintenant.

- Alors nous sommes venus pour apprendre à mieux vous connaître, vous, leurs ennemis héréditaires. Les amis de mes ennemis, tout ça tout ça.

Priscilla Kitaen prend un temps de réflexion, alors qu'elle tente d'étendre son esprit vers ceux de ses deux interlocuteurs, en vain; l'annonce de l'arrivée des Kherubims l'a trop chamboulée pour lui offrir la concentration nécessaire à une intrusion totale.

- Ok, ok, d'accord... bon, le Collectif doit en être informé.

Ca avance bien, Buddy voudrait dire. Très bien, même.
Lorsque son regard croise celui de Ray, le scientifique peut y voir une certaine excitation, celle de l'aventure, à laquelle le héros semble totalement accro.

- Chouette ! On vous suit.

La réponse ne se fait pas attendre.

- Non.

Aïe.
Triple aïe.
Une vague de perplexité vient lui faire froncer les sourcils.

- Comment ça non ?

De nouveau sur ses gardes, Voodoo recule d'un pas, grandit de quelques centimètres, laisse ses ailes dépasser de derrière son corps désormais couvert d'écailles en de multiples endroits. Griffes acérées, yeux de serpent, queue couverte de plaques, tout est bon pour gagner en prestance, pour affirmer sa domination.

- Pas question de prendre le moindre risque avec des étrangers. Soumettez vos esprits, j'y prendrai ce dont j'ai besoin.

A cela, un Buddy en quête d'une marche à suivre lance un regard un peu perdu à Ray.

Au tour de Buddy de ne plus trop quoi savoir répondre.
Un silence s'installe quelques secondes. Longtemps, trop longtemps vu la situation. Voodoo voit sa posture s'assurer, des vêtements urbains recouvrir son corps, et son regard se durcir encore. Et ce n'est que le début, car Ray reprend la main et impose ses conditions. Un tour de force certain, pour quelqu'un obligé de patauger en plein milieu d'un mensonge monté de toutes pièces. Toujours mal à l'aise à ce propos, Baker n'ose plus rien dire, et attend qu'enfin Priscilla Kitaen daigne les laisser tous les deux dans les coulisses du club.

Quant enfin il est sûr d'être tranquille, quand la tension retombe doucement mais sûrement, Buddy expire tout l'air qu'il peut. L'inspiration d'après est merveilleuse tant s'envole le poids du trac, du stress et de la culpabilité lui écrasait la poitrine quelques secondes avant. Un petit rire nerveux s'échappe de ses lèvres, qu'il calme très vite. Le cou encore endolori, il s'appuie à un tas de caisses de matériel sonore, tout en se frictionnant vigoureusement la nuque.

Il ne faut pas être trop relâché non plus.

La mission n'est ni un échec, ni terminée. Dans une heure, Ray et lui seront sûrement encagoulés par les Daemonites pour être interrogés par ce fameux Collectif. Une situation classique de justicier, mais jamais bien agréable il faut l'avouer. Avoir sa vie en jeu, ça a tendance à jeter un froid, généralement.

Pour autant, la situation avance, comme en témoigne les paroles de Buddy:

- Bon, bonne nouvelle. Mes pouvoirs ont tourné en tâche de fond. J'ai copié et mémorisé à peu près cinquante pour cent du code génétique de cette charmante étrangleuse. Pour être honnête, ce sont surtout les parties hybrides, avec une base humaine. Le plus simple, quoi. Le reste prendra plus de temps.

Et un contact rapproché.
Pas à plus de trois ou quatre mètres pour optimiser le décryptage du génome.
La question de la fuite viendra ensuite. Généralement, improviser avec fracas, ça, il sait faire.
Un p'tit coup d'éléphant ou de rhinocéros, et hop, ça règle beaucoup de menaces physiques potentielles.
Après tout, comme il l'avoue volontiers, ce n'est pas dans le domaine de la négociation qu'il excelle le plus.

- Je suppose que se la jouer principal d'une académie, ça apprend à mener des échanges musclés, hé hé. Faudra que j'essaie un jour, parce que là, j'aurais pas pu tenir comme t'as fait. Merci mec. Enfin, proviseur Palmer, si tu préfères le décorum, hu hu.

Une petite blague, encore, pour détendre l'atmosphère.
Ce n'est pas plus mal, après ce qu'ils viennent déjà d'affronter.

- Cela dit, on est d'accord: c'est un piège ? Ils vont se retrouver à cinquante autour de nous, et nous mettre des sondes dans les oreilles pour pomper ce qu'on sait. Et ce qu'on sait... c'est qu'on ne sait pas grand chose. A moins que tu aies subitement repéré une menace kherubim avec tous tes capteurs, là.

Un silence suit ses propos.
Un silence qui en dit long: "surtout, surtout, ne viens pas me dire que tu as précisément repéré ce genre d'invasion, parce que là je ne réponds plus de rien Ray !". L'agression de Voodoo cesse enfin d'obnubiler le pauvre homme, qui voit le temps filer à toute allure, et la rencontre avec le Collectif approcher à grands pas.

- Tu veux faire quelque chose avant de remonter attendre devant le club ? Et non n'insiste pas, je ne compte pas profiter du club avec toi, c'était BEAUCOUP trop gênant. Hors de question. Nada. Nein. Jamais.

De l'air frais, enfin !
Adieu les relents de cigarette, adieu la fumée artificielle, adieu l'odeur acide de transpiration mêlée au déodorant premier prix ! Moins un enquêteur qu'un simple héros des rues, Buddy Baker évite généralement ce genre de clubs comme la peste. Son nez, fragile, habitué aux fluctuations de puissance, n'apprécie guère d'être malmené de la sorte.

Alors quand il passe la porte de sortie, c'est une libération. Ou presque. La pollution des villes, fusse-t-elle propre comme Ivy Town, lui gratte toujours un peu les narines.

Qui plus est, ce moment étrange passé à reluquer une strip-teaseuse avec un compère aussi peu proche que Ray Palmer l'a mis mal à l'aise. Et il ne semble pas être le seul. Tous deux ont des familles, des proches, des gens auxquels ils tiennent. N'étant en plus pas du genre lubrique, ils ressortent de cette première aventure avec un drôle de goût en bouche, celui du "n'y reviens pas".

Fort heureusement, le scientifique se permet de briser un peu la glace en plaisantant un peu.
Sur la tête de sa femme si elle venait à apprendre leur escapade.
Et sur l'origine de ses talents de négociateur, surtout.

- Ollie et Carter ? Outch. Moi, je faisais cesser les débats en parlant d'oiseaux. Mésanges, alouettes, mais surtout les canaris et les faucons et... dis, tu penses qu'ils arrêtaient de se taper dessus juste parce que j'étais un peu plus bizarre qu'eux avec mes lubies, Ray ?

On dit que derrière toutes les blagues se trouvent un fond de vérité. Ici, c'est surtout derrière le fard de la vérité que se cache la blague. Sincèrement inquiet d'avoir pu enquiquiner des coéquipiers, même si cela remonte à une éternité, Buddy soupire et... voit subitement une silhouette masquée de rouge, une seconde avant de l'entendre.

Il sursaute, avec un petit cri de surprise un peu ridicule.

- OUAH !

Autant pour se redonner un peu de crédibilité que pour passer à autre chose, il se frotte le front, avec l'air d'avoir évité une vraie catastrophe.

- Oh non, ouf, ça va. Un instant, j'ai cru que c'était Batman. Pfiouuu. Pas mal dans l'esprit, mec, mais y a encore à revoir la pose... et le costume, hé !

Il ne connaît pas ce Grifter. Même pas de nom.
Après tout, dur dur d'être au courant de chaque héros, protecteur, vigilant, défenseur qui court les rues ces derniers temps. Il y en a tellement, souvent avec des thématiques d'ailleurs. Chauve-souris, alien surpuissant, woman power... des héritiers à ne plus savoir quoi en faire ! Et toujours pas de vrai Animal Boy, terrible... en même temps, Buddy ne souhaite ça à personne, de rentrer pleinement dans le monde héroïque comme il l'a fait. Une grande partie de la vie qu'il chérissait a disparu au nom de sa passion pour le costume d'Animal Man.

Ce qu'il manifeste à sa manière, compte tenu des manières évasives de leur nouvel - et étrange- interlocuteur.

- C'est très bien de faire durer le suspense, mais on pourrait avoir un peu plus de détails, du coup ? Les plans foireux parce qu'on est jeté dans un univers inconnu, ça va bien cinq minutes, mais j'ai eu... ON A EU... notre dose, Grifter.

Une ombre grandit au-dessus d'Ivy Town.
une ombre dont ni Ray Palmer, ni Buddy Baker n'ont conscience.
Et ce n'est que lorsqu'elle se dévoile totalement que ce Grifter nouvellement venu fuit le navire, comme un rat. Et Animal Man s'y connaît en rats. En toutes sortes d'animaux, d'ailleurs. Et s'il y en a un qu'il peine toujours à respecter, c'est ce genre de grand primate fuyard, qui roule des mécaniques quand tout va bien et tourne les talons au moindre signe de problème.

- Définitivement pas Batman. Trop lâche pour ça.

Il découvre avec des yeux ronds d'intérêt et d'effroi le vaisseau daemonite dans le ciel. La silhouette de l'engin, racée, agressive, ne trompe pas sur le type de civilisation qui l'habite: des conquérants, des destructeurs. L'inquiétude pour la cité et ses habitants, pour la Justice Academy, pour cette génération à venir sacrifiée sur l'autel de la domination.
Une peur qui se transforme en résolution, en détermination. Que ce soit proche de lui ou dans des pays lointains, Buddy Baker a assez vu d'enfants et d'innocents mourir. Aujourd'hui ne sera pas un jour de deuil: le protecteur d'Ivy Town et son invité sont là, et ensemble ils vont montrer aux démons dans le ciel qu'ils ne les craignent pas, que l'humanité ne va pas se laisser faire.
Ensemble, ils vont comprendre ce que sont ces extra-terrestres, et les renvoyer d'où ils viennent.

- Bon, Ray, je pense qu'on a pas vingt mille solutions. Ding ding, le rendez-vous avec la cellule terroriste a été avancé.

Du plus profond de son corps, Buddy convoque toutes les forces du Red disponible. Ses muscles prennent du volume, sa silhouette s'affine, ses yeux s'élargissent, ses oreilles s'allongent, pour faire de lui le pinacle de ce que peut proposer le monde animal. Avec le gros cerveau et les gadgets du meilleur des scientifiques, nul doute qu'ils seront inarrêtables.
C'est à espérer, en tous cas.

- Accroche toi bien, on va se la jouer rhinocéros pèlerin, mais par-dessous !

Pas le temps, ils n'ont pas le temps. Animal Man agrippe son coéquipier et décolle, sérieux comme un pape malgré l'absurdité relative de ce qu'il vient de s'exclamer.


Très vite, comme il l'a annoncé à l'instant, il gagne la vitesse de pointe du faucon pèlerin. Trois cent kilomètres par heure, droit vers le vaisseau en suspension dans les airs. Cela aurait pu assommer Ray, ou même pire, mais la position adoptée par le héros du monde animal est idéale pour absorber les G et la force du vent. Assez longtemps pour atteindre l'astronef, du moins.
Une fois dessous, Buddy effectue une manoeuvre visant à foncer la tête la première contre la carlingue, et, au dernier moment avant l'impact, il active la force de pénétration du grand rhinocéros noir d'Afrique. Comme dote d'une corne indestructible lancée à la vitesse d'un TGV, il perce la paroi et pénètre dans la place-forte de la cellule daemonite.


Si Buddy et Ray découvrent avec stupeur et fureur le macabre spectacle de dizaines de corps humains flottant en suspension dans d'énormes cuves, les Daemonites sur place sont choqués de voir deux insectes pénétrer aussi facilement dans leur saint des saints, prêts à empêcher la destruction de toute une ville... et à récupérer un maximum d'informations au passage, s'ils y pensent, s'ils le peuvent.

Buddy s'est toujours demandé comment les gens font pour ne pas être prêt à évacuer n'importe quelle grande ville en moins d'une demi-heure. Avec les films catastrophes de la décennie 90, puis avec l'émergence totale et absolue du monde héroïque quelques années après, ils devraient être habitués depuis le temps. Pourtant, rien n'y fait, la passivité demeure. Politiquement parlant, sans doute y aurait-il des choses à revoir.

En attendant, c'est à eux deux, Raymond Palmer et lui, de se placer ce jour entre de bien belliqueux aliens et des humains innocents. C'est à eux de se battre de toutes leurs forces contre des ennemis supérieurs en nombre et momentanément en technologie. C'est à eux faire mentir les probabilités en défaisant les Daemonites. Sans les tuer. Sans les détruire. En restant des héros, et pas des vengeurs.

Mais pas sans s'envoyer quelques piques ci et là, pour pimenter le combat.

Evidemment.

- C'était soit ça, soit regagner ton labo en espérant qu'il y ait de quoi se téléporter dans un vaisseau sûrement protégé contre ce genre d'abordage, soit appeler ton espèce de pupille là, Sideways. J'ai fait au plus simple, Palmer ! Pis t'es ami avec Hawkman, tu vas pas me dire qu'il t'a jamais trimballé !

Animal Man se jette donc dans la baston avec un cocktail détonant de facultés animales.
La résistance de l'ours kodiak lui permettra de tenir contre les frappes les plus rudes, la force de l'éléphant d'Afrique de rendre la monnaie de leur pièce à ces envahisseurs venus d'ailleurs, l'agilité du petit singe saïmiri d'éviter ce qu'il ne peut encaisser et l'aboiement du chien à déstabiliser des adversaire sûrs de connaître les spécificités de ce qu'ils affrontent.

- ET JE DONNE DÉJÀ DES COURS GRATUITS, WOUF !

Pas le temps de s'excuser d'avoir été plus animal que man sur cette fin d'exclamation. Parce qu'entre deux coups, il lui faut esquiver, rouler, effectuer quelques saltos, tous aidés par l'aisance naturelle du sapajou avec son corps. La situation est à la fois difficile et critique; la moindre erreur peut sonner leur fin, et celle d'Ivy Town.

- Bon, je crois qu'il faut passer aux choses sérieuses, là.

En effet, les plusieurs robots sont déjà tombés, mais les monstres occupent encore le terrain, avec une détermination grandissante. Sans doute conditionnés de A à Z pour obéir à leurs maîtres, ils agissent avec vivacité, au point que Buddy prend la décision de retirer sa laisse une bonne fois pour toute.

Alors, il se met à grandir, grandir, à grossir, à se couvrir d'une épaisse toison brune et blanche. Sur son front, déformé par le changement, une énorme corne pousse, alors que sa bouche est remplacée par une gueule pleine de crocs acérés.


Il prend une forme titanesque pour lutter contre les agents des Daemonites, pour éviter une pure catastrophe. Le premier monstre subit un uppercut effroyable, qui l'envoie bouler à l'autre bout de la pièce. Profitant de sa puissance passagère, Buddy vient ensuite fracasser les cuves d'expérimentation. Lio est venue l'idée que ces humains prisonniers pourraient leur venir en aide. Et sinon, au moins il pourront aller se cacher, loin des combats.

Il leur faut quelques secondes, mais ils reprennent vite conscience, un peu trop vite même, et déploient presque immédiatement les nouveaux atouts dont ces aliens les ont dotés: griffes, crocs, ailes, queues, serres, armure d'écailles... toute la crème de la crème de l'hybridation se trouve ici, prête à aider contre ses tortionnaires, clairement identifiés.

- Ch'aurais chu, ch'aurais fait cha plus tôt, machette !

- Ch'est très aimable de votre part de nous faire la convershion flarks-minutes.

Animal Man se bat.
Mais il écoute aussi, et il réagit. Avec humour, avec un peu de bonhommie, malgré la situation de crise. C'est sa manière de faire, de gérer le stress et la peur. Avec un peu de chance, en plus, ça a toujours une petite chance de distraire l'ennemi.

Face à la transformation de tous ces humains en Daemonites, conséquences de malheureuses expérimentations, Buddy change de tactique. Son approche défensive, basée sur le nombre, vire à l'offensive, à l'agressivité.

Car le temps passe. Inexorablement. Chaque seconde de perdue est une de moins à leur disposition pour sauver Ivy Town et tous ses habitants d'une destruction imminente. Moins de douze flarks, désormais. Moins de cinq minutes.

Pourtant, il prend un instant pour immobiliser de sa poigne velue un de ces vrais aliens. Assez longtemps du moins pour lui sortir:

- Parche que shi ch'ai appris quelque chose des deshins animés que mes enfants regardaient, ch'est que cinq minutes, cha peut sh'étirer shur un paquet d'épisodes. Pile le temps de nous laisher gagner, quoi, car ne vous y trompez pas: vous êtes les monshtres dans chette affaire. Vous n'avez aucune chanche.

D'une frappe titanesque, Buddy envoie bouler le Daemonite, pour se rapprocher de l'ancien Atom. Puisant dans le Red, moins loin que pour se transformer en cette espèce de colosse cornu, il va chercher les extraordinaires capacités d'une créature singulière, réputée pour ses décharges étourdissantes depuis l'antiquité.

L'anguille électrique.

Dont il utilise la faculté à générer un courant pour recharger les réserves d'énergie défaillantes de Ray Palmer, d'un contact unique avec ledit matériel. De quoi lui permettre de continuer le combat eeeeet... une manière de s'excuser d'avance pour la suite des événements.

- Che vais faire un truc richqué, che crois.

Laissant ici le super-scientifique, il gonfle ses muscles et fonce à travers le vaisseau, vers ce qui lui semble être le pont. Ce n'est pas sa première bataille dans un astronef venu d'ailleurs, et mine de rien, les architectures ont toutes tendance à se ressembler. Le centre de commande, il est tout en haut, bien en évidence, avec plein de vitres partout. Classique.

Celui là, particulièrement, n'est pas prêt à voir un de leurs murs s'écrouler sous les coups d'un énorme Gardien du Red en furie.




Une fois débarrassé des quelques robots et des deux gus laissés là pour assurer la bonne tenue de route, Buddy se jette sur les commandes, mystérieuses au possible. Il tente d'accélérer le fonctionnement de son cerveau pour décrypter la langue qu'il a sous les yeux... mais à part quelques mots, rien de probant n'en ressort.

A travers l'oreillette qu'il porte toujours en mission, Animal Man vient informer son coéquipier de la situation... problématique.

**Bon, je connais aucun animal capable de piloter par instinct un vaisseau, alors je vais improviser avec ce que Starfire m'a appris... y a quelques années. Tiens le coup, mon vieux.**

Des patterns sont observables, mine de rien.
Des manettes prévues pour des êtres avec des pouces opposables.
Une logique inhérente au fonctionnement daemonite se dessine doucement mais sûrement.
Cela ne prend qu'une minute ou deux: une éternité quand c'est à peu près le temps qu'il reste avant l'extermination complète d'une grande ville américaine; une éternité quand on sait son compagnon d'armes se battre de son côté.

Mais un cri déchire enfin le silence du cockpit.

Un cri de joie.

- YES !

Le vaisseau penche soudainement, et se met en mouvement. Il plonge nez en avant, du ciel vers la terre, droit vers le sol. Les générateurs de gravité tentent de compenser cela, mais des glissades sont à prévoir. Immédiatement, Buddy, agrippé à une des tables de données, tente de contacter Ray... un brin trop tard, peut-être ?

**Si aucun de ces gros malabars ne touche aux commandes, on va foncer droit vers la Housatonic River. Le grand plouf. Si ton Atom Army pouvait limiter les dégâts en bas, ce serait top !**

Le vaisseau daemonite n'est pas si haut que ça dans l'atmosphère terrestre. Pourtant, l'intense friction de l'air au-dehors commence à faire atrocement chauffer la carlingue. Le métal souffre, hurle, se tord jusqu'à se déchirer, alors que l'immense astronef pique du nez, droit vers la Housatonic River. Endommagés, les systèmes de survie à l'intérieur peinent à maintenir le mercure sous une certaine température, et bientôt de grosses gouttes se mettent à rouler sur le front de Buddy Baker, toujours dans la salle de contrôle.

S'il a joué le rôle de l'audacieux ici, Ray Palmer s'emploie à incarner le sage, le prudent, qui a toujours plus d'un tour dans son sac. A l'extérieur, l'AtomArmy est déjà déployée, prête à sauvegarder au maximum les vies civiles et les biens matériels, dans cet ordre précis. Dans un couloir, non loin d'où se trouve Animal Man, un formidable véhicule n'attend désormais plus que lui.

Repassant par le trou creusé sous sa super-forme alien, il se glisse dans la coursive, direction son salut.

**C'était surtout pas sensé finir comme ça, mec ! Je crois qu'on a perdu la subtilité en route, là !**

Les couloirs s'enchaînent et se ressemblent.
Jusqu'à ce que...

**J'arrive, j'arrive, j'arri... ARGH !**

Se faire désirer n'a jamais été dans les habitudes de Baker, et là, ce n'est surtout pas le moment de commencer. Mais ça, il faudrait le dire au visage déformé par la haine de Priscilla Kitaen, un pistolet blaster encore fumant au poing.


- VOUS AVEZ TOUT RUINÉ ! Et vous allez le payer.

Une brûlure chauffe le flanc d'Animal Man, qui se trouve obligé de prendre appui sur un mur pour tenir debout, l'espace d'un instant. Plutôt que de fuir, plutôt que de laisser à l'hybride le plaisir de le chasser, il se tourne face à elle, pour la regarder droit dans les yeux.

- Terrasse moi aujourd'hui, cela ne changera pas l'essentiel: Ivy Town est sauvée. Ce sera toujours une ville de moins que vous n'aurez pas détruite.

Malgré la douleur, qu'il contrôle tant bien que mal en puisant dans la Méduse la capacité à survivre... sans système nerveux, donc sans récepteur de douleur aussi vif que celui de l'être humain. Ragaillardi sans réellement être frais, il se redresse donc, et bombe même un peu le torse.

- Mais je doute être si simple que ça à tuer.

En réponse, les doigts de Voodoo se métamorphosent en de longues griffes acérées aussi brillantes que de l'acier poli. Avec ça, Buddy ne sera peut-être pas facile à tuer, mais drôlement simple à blesser quand même. Profitant de sa vivacité supérieure, Kitaen bondit, lames en avant, et embroche l'épaule de son ennemi, de l'ennemi de tous les Daemonites, l'épinglant presque sur le mur. Toujours grâce à la Méduse, il ne sent presque aucune douleur... mais le choc l'étourdit un peu.

Ainsi, elle veut jouer la carte des grosses griffes au corps-à-corps ?

Très bien, très bien. Le monde animal a mille fois mieux à proposer.

- J'ai... ngh... moi aussi quelques tours de passe-passSHLLKK !


L'instant d'après, la tête entière de Buddy se déforme, change, se transforme partiellement en celle d'une terrifiante Lamproie, le vampire des mers capable de sucer le sang d'animaux bien plus grands qu'elle. Faisant fi de tout dégoût immédiat, il profite de la proximité pour plonger ses dizaines de crocs acérés dans la chair hybride, qu'il arrache ensuite d'un grand coup sec.
Marquée par la douleur, sonnée par l'assaut, Voodoo ne peut résister, et valdingue à plusieurs mètres, comme une poupée de son. Le sang gicle, vole et coule, alors que le visage de Buddy Baker reprend peu à peu sa forme initiale... en un plus couvert d'hémoglobine, peut-être.

Sans demander son reste, il fuit ensuite à toutes jambes vers l'Atomobile.

Une fois à bord, un peu tremblant mais soulagé, il tousse pour expulser quelque chose de sa bouche. Il crache dans sa main, et soupire à la vue de ce qu'il y trouve. Quelque chose qu'il ne montre initialement pas à Ray, le temps de rendre ça un peu plus présentable, et puis surtout de demander poliment aux bactéries bakeriennes de se faire la malle, pour ne pas trop contaminer l'échantillon.

- Tu voulais de l'ADN de Daemonite, c'est ça ? Je me suis fait trouer l'épaule pour toi, mon grand. Et pis c'est vraiment dégueulasse comme goût, soit dit en passant.

Le bout de Voodoo est encore palpitant dans les mains d'Animal Man quand celui ci le présente à son scientifique de coéquipier.

Ivy Town est en crise.

La ville est attaquée, en fait.
Attaquée par des Daemonites. Attaquée même par le vaisseau de leur cellule, révélée par Animal Man et Ray Palmer.
Attaquée par un engin spatial terrible et puissant, capable d'anéantir la cité aisément – et pourtant.

Et pourtant, rien ne se passe comme prévu.

La ville est attaquée, oui.

Mais le vaisseau, l'appareil, l'engin... cela se passe mal, pour lui. Et pour ses occupants.
A cause d'eux.
A cause de Buddy et de Ray, qui s'acharnent à l'intérieur et provoquent des dégâts – au point de provoquer la chute, le choc.
Le crash du vaisseau.

L'appareil s'écrase, lourdement.

L'engin s'embrase, et file brutalement vers les flots.
A l'intérieur, les Daemonites s'enfuient ; enfin, ceux qui ont encore assez de forces pour cela.

Sauve qui peut, au cœur de l'appareil !
Sauve qui peut.
Un adage que Buddy et Ray suivent à la lettre, alors que l'Atomobile s'allume enfin – et file, au cœur du vaisseau, puis vers l'extérieur.

Aussi rapidement que possible.
Même si l'ancien Atom prend le temps de regarder l'état de son ami, qui le rejoint difficilement.

 « BON SANG !! »

Il hurle, pour couvrir le bruit des moteurs poussés à fond, tandis que ses doigts filent sur les commandes, pour diriger habilement l'Atomobile.

 « Mec, t'as... bouffé la meuf ?! Mais t'es dingue !
Bon, du bon dingue, hein !
Mais bon... ouais, quand même ! T'es dingue !
Mais merci, hein !
J'étudierais ça, mais... OH BORDEL !! »

Le scientifique hurle, alors que l'Atomobile s'échappe de l'immense vaisseau – et le duo découvre ledit appareil extraterrestre, à moitié crashé dans l'eau.
A moitié sur les terres, aussi.


 « Bon sang de bordel. Merde. »

Il grimace – mais il pense, aussi.
Surtout.

L'esprit de Ray Palmer fonctionne au maximum, pour chercher des solutions ; pour trouver une voie, afin d'éviter le pire.
Le vaisseau est écrasé, les Daemonites fuient – mais pas tous.
Au-delà même du danger causé par ces créatures, la présence du vaisseau va perturber Ivy Town. L'équilibre de la ville va s'effondrer. Les infrastructures vont être dépassées. Il va fall...

 « Hey ! »

Le flot des pensées de Ray est interrompu, alors que l'Atomobile se décale du vaisseau ennemi.
Quelque chose arrive.
Quelque chose survient.
Quelque chose... explose, en fait.

Un choc visuel. Une attaque lumineuse.

Une explosion, oui.

Une terrible et puissante explosion de lumière pure intervient... et les conséquences sont terribles.
Brutales. Absolues.
Définitives.

 « … bon sang... »

Ray continue de piloter, mais murmure ce juron en un souffle. Il est choqué.
Et pour cause !

Le vaisseau Daemonite a été soufflé. Entièrement soufflé.
Détruit !

L'explosion lumineuse a entièrement détruit l'immense vaisseau – et Palmer ne comprend ni comment, ni pourquoi.
Cela va venir.

 « Nous savons qui tu es, Ray Palmer. Nous savons que tu es... l'hôte de Planetary, pour l'instant. »

Une voix terrible et intense s'élève, alors que plusieurs formes émergent à proximité.
En face, en fait.
Plusieurs formes apparaissent en face de l'Atomobile, qui lévite à quelques mètres au-dessus du sol.

 « Tu as encore beaucoup à apprendre, et cela viendra. Ton rôle est important, fondamental.
Le nôtre également.
Nous sommes StormWatch ; nous veillons dans l'ombre, et agissons parfois... pour évacuer, définitivement, les menaces pour ce monde.
Voici notre action. Voici notre potentiel.
Tiens-en compte... et veille à ne plus nous forcer à agir ! »

La voix cesse. Les formes disparaissent.
StormWatch s'évapore.

Abandonnant ainsi Ray et Buddy seuls, au-dessus des cendres du vaisseau ennemi – anéanti, entièrement.
Ivy Town est libre, donc ; libérée, même.
Mais à quel prix ?
Et quelles en seront les conséquences ?

Ce sera à voir. Ce sera un autre mystère.
Et alors qu'un Ray troublé se tourne vers Buddy, une autre question le hante... et le pousse à la formuler à haute voix, auprès de son ami, qui a beaucoup donné, aujourd'hui.

 « Bordel.
Ça... te dit, une bière, là ? Parce que moi, j'vais en avoir bien besoin, là ! »

La bonne fin pour une aventure aussi troublante qu'étrange, et qui va appeler bien des suites... sous bien des formes !
Mais ce sont les aventures d'un autre jour...

(HJ/ Je pense qu'on peut s'arrêter après ton prochain message ! Merci pour ce super RP, ça m'a beaucoup plu !  /HJ)