Rendez-vous chez le Directeur [Jaime]

Les couloirs ont un peu changé, oui. Les derniers événements ne se sont pas montrés tendre avec la Justice Academy. Mais cette dernière s'est bien défendue. Se relevant de cette nouvelle ingérence de la part d'une force opposée. Dans le dernier cas, la Suicide Squade – et derrière celle, son imperturbable cheffe. Les couloirs ont donc changé, oui. Car Amanda Waller ne sait pas être tendre. La tendresse est-elle simplement un mot qu'elle emploie ? Certains diraient que ce n'est pas sa fonction : elle est là pour se salir les mains et pour réagir à ce qu'elle considère comme une anomalie à corriger. Une femme de pouvoir et d'ordre par l'action, en somme. Alors peut-être que, oui, elle n'a pas à être tendre.

Mais rien ne dit dans ce foutu monde que les gens doivent obéir aux poussées autoritaires d'Amanda Waller. Le système qu'elle a tissé fonctionne ? Peut-être. Mais beaucoup ici n'en veulent pas. Et la restructuration des couloirs en est une preuve : ceux qui sont ici sont prêt à défendre les victimes des crochets de Waller.

À l'heure, donc, dans cette petite pièce, Jaime est assis par terre, contre un mur. Dans ses oreilles, un casque vintage, dans lequel résonne quelques notes de musiques. Les yeux, eux, ouverts derrière ses lunettes, posés sur les pages d'un ouvrage à la dimension scientifique. Un écran sur sa gauche, holographique, qui semble provenir d'une petite architecture technologique nichée autour de la branche gauche de ses lunettes. En attendant l'heure exacte, il révise, comparant certaines informations avec la base de donnée du Scarabée et vérifiant sa compréhension par une mise en pratique de certains calculs totalement hypothétiques.
Cela fait trente minutes qu'il s'amuse à cela. Aujourd'hui, il terminait les cours plus tôt et voulait donc se concentrer à cela en attendant l'heure fatidique. Fronçant un instant les sourcils, le jeune homme sort un post-it et le dépose contre la page. Quelques notes, semblant corriger – sans écrire directement sur la page – une erreur qui s'est glissée dans la démonstration du scientifique.

Erreur qu'il n'aurait jamais pu voir sans l'aide de Khaji Da. Ou plutôt, sans l'aide de ses bases de données. Depuis que le jeune homme a repris ses études et s'est concentré à des domaines scientifiques, le Scarabée avait été clair : il n'interviendrait pas. Il ne soufflerait aucune réponse. C'était à lui d'apprendre à utiliser l'interface neuronale pour mieux en faire un outil et apprendre de lui-même. Comme quelqu'un utilisant un ordinateur, en somme. Personne ne chercherait pour lui. Personne ne lui dirait quels mots-clés employés. Personne. Il n'y a que lui et un outil à la technologie fabuleuse. Ce n'est pas l'ordinateur qui note les calculs à réaliser, c'est la personne. Sinon, autant oublier directement cette humanité à laquelle il s'attache tant. Autant revenir au point de départ.
Et s'il n'y arrive pas ? Eh bien, seulement après de nombreux essais infructueux – et de possibles recherches auprès d'experts – alors il participera. Sinon, non, Khaji Da, actuellement, fait ses propres calculs, semblant intégrer les nouvelles dispositions de l'Académie.

Il serait dommage de laisser les points faibles de cet établissement sans sa propre surveillance. Insensible à la paranoïa, l'Intelligence Artificielle restait totalement factuelle : il semble qu'il existe en ces lieux des gens qui s'attirent de véritables problèmes.

Une petite alerte résonne alors dans le crâne du jeune homme, qui se redresse, alors que l'écran disparaît et que la technologie retourne à sa place initiale. Ponctuelle, l'androïde assistante du Directeur, l'invite à le suivre. Dès l'alerte, le jeune homme était levé, ayant glissé son livre dans son sac en bandoulière. Alors, dès qu'elle lui offre cette invitation, Jaime ne se fait guère prier et la suit. La technologie de cette androïde, le Scarabée l'avait diagnostiqué. Certes, elle n'était pas d'un niveau particulièrement fabuleux, mais simplement de voir qu'elle avait ainsi perdu de sa superbe semblait faire naître une certaine désapprobation de la part de Khaji Da. Aux yeux de l'IA, elle aurait dû être remise parfaitement en l'état. Expliquer que les priorités sont différentes d'un être à l'autre, d'un schéma de pensée à l'autre, est toujours long – il le sait, en plus. Alors c'est pour cela qu'aucun débat ne commence réellement, laissant le Scarabée dans son silence de réflexion, écoutant simplement l'étrange symphonie numérique qui s'est installée dans son esprit, sans qu'elle ne cause quoique ce soit.

Suivant l'androïde à travers les quelques couloirs, il hoche doucement la tête lorsqu'elle lui montre une porte précise. « Merci. » Puis, d'un pas neutre, il entre, aux côtés de ses interrogations. Pourquoi cette convocation ? Pourquoi maintenant ? A-t-il eu quelques résultats inquiétants ? Oui, le monde héroïque et le monde ordinaire ne sont pas si différents lorsqu'il s'agit d'éducation.

Profitant de la courte absence, le jeune homme admire le bureau, ce chaos – qui sans doute dans l'esprit du Directeur devait suivre un ordre bien précis – dans lequel des annotations, des images, dansaient. Bientôt, la voix de Ray Palmer résonne, brisant ce silence. « Ah ! Bonjour Mr le Directeur. » Mr. Palmer parfois, Mr. Le Directeur d'autres fois. Ray Palmer est connu pour avoir porté d'autres noms que le sien et son actuel titre à l'Académie. Atom, par exemple. Un nom maintenant qui appartient à quelqu'un d'autre. Nommé, d'ailleurs, lorsque Ray parle de relevés du Microvers. Se montrant intrigué – bien plus que sa venue ici –, le jeune homme caresse son menton, ses yeux luisant d'intérêt derrière ses lunettes. « J'espère que ces relevés pourront apporter de nouveaux détails importants pour vos recherches. » Ce serait mentir de dire que Jaime avait un certain attrait pour les informations liés au Microvers. Même les simples instruments de relevés devaient être intéressant à observer.

Un intérêt qu'il partageait avec Khaji Da.

Puis, alors qu'il le regarde travailler, la question résonne. « Euh … Je crois. Enfin, oui ! » Son regard suit la simulation apparaître sur un autre écran, bougeant ses doigts au rythme de certains mouvements de données. Il est devenu … plus sensible à ce genre de mouvements. Invisibles pour beaucoup. Cette réalité numérique dont il n'a à peine conscience, par rapport à certaines entités comme Khaji Da ou les Intelligences Artificielles des New Gods. « Inquiet, quand même. Pour Joey et pour les autres. Ce qui s'est passé … a été brutal. Comment peut-on autoriser ce genre d'actions ? Sans parler même de s'attaquer à des jeunes héros … Les dégâts collatéraux que peuvent faire ce genre de situation sur Ivy Town auraient pu être bien plus violents. »

Une main sur son sac, l'étudiant observe encore. Il est intéressé. Intrigué. Par tout ce qui peut apparaître dans cette pièce. Les différentes réflexions d'un homme. Sur l'avenir. Sur ce qu'il peut apporter. Sans doute Ray Palmer a vécu plusieurs de ces expériences de pensées – et de mises en pratiques de ses réflexions – dans différents bureaux. Celui-ci est-il celui où il se sent le mieux ? La question semble dérisoire mais … il semble nécessaire pour travailler de se trouver un endroit qui nous plaît. Qui permet de s'exprimer pleinement. Après … sans doute que le chaos de ce lieu est peut-être justement le détail offrant au Directeur le loisir de s'adapter à tout endroit – comme une extension de ce qu'il peut réaliser. Chaque lieu n'étant finalement qu'une nouvelle pièce dans laquelle ranger d'autres morceaux de ses réflexions et expérimentations.

« Ah. » Première réaction aux mots de Ray Palmer sur le temps qui peut manquer. « Par le passé, j'aurai pu vous offrir quelque chose pour – en partie – régler ce problème. Mais Khaji Da et moi avons décidé de supprimer cette donnée. C'était un véritable virus sans une quelconque préparation pour les programmes du Scarabée. » Il parle de cette formule. Cette formule prononcée par Kid Flash – ou peut-être était-ce l'un de ses souvenirs apparus lors des troubles temporels exercés par la machine à paradoxe d'Epoch – était née de règles mathématiques et de physiques bien vastes. Vite. Tout allait vite. Bien trop vite. Au point que les programmes du Scarabée avaient commencé à devenir incontrôlable pour l'Intelligence Artificielle elle-même. Une expérience qui sera sans doute, un jour, une histoire à raconter.
L'observant et le suivant des yeux, Jaime Reyes écoute d'une oreille attentive – et il n'est guère le seul. De sa propre volonté, il enregistre cet échange. Découverte. Un grand pas dans la science. Une planète vivante, consciente. Une question qui brûle les lèvres d'un jeune homme, mais qui résonne dans son esprit, de la voix numérique d'un Scarabée attentif. Quel était son schéma de conscience ? Comment pense une planète ? Comme un outil de vie indépendant ? Comme un être avec des objectifs et des émotions ? En réalité, Jaime comprenait. Il comprenait que cette question intéresse particulièrement l'artefact.

La conscience n'est pas synonyme d'émotions. Khaji Da, par exemple, est conscient. Indépendant – bien qu'en symbiose. Mais sa conscience fonctionne selon le schéma d'une Intelligence Artificielle hautement développée. Il a eu le droit à un nom, preuve de son évolution. Mais son fonctionnement, oui, est basé selon une logique froide. Celui d'une arme. Avec des missions. Des données. Stockées selon importances. Mais c'est aussi une forme d'existence qui calcule, pour mieux évoluer.

Un nouveau monde. Mais purement artificielle. L'information surprend. L'information est enregistrée. Le jeune homme montre une réelle capacité à écouter. À assimiler l'information. Et à y trouver un intérêt réel. Cela le passionne, en fait. Une légère moue se pose alors sur son visage, alors que l'explication du lien existant entre le Microvers et la Justice Academy devait dépendre d'une autre leçon. « J'aurai bien aimé en apprendre plus pourtant … Je m'intéresse beaucoup à l'espace entre notre univers et les autres … » Le Bleed. Ce mot résonne avec une certaine facilité entre les lèvres du jeune homme. Ce mot, c'est Khaji Da qui lui a appris, tout en lui apprenant sa fonction première : être un espace entre les autres. Peu de choses peuvent naviguer à l'intérieur. Khaji Da en fait partie, mais par des manipulations particulières – et des programmes dont l'accès est restreint au maximum.

Se frottant l'arrière de la tête, il l'incline légèrement. « Désolé, je ne voulais pas vous manquer de respect. »

Puis, l'écran sur lequel Ray Palmer travaille s'éteint. Une nouvelle discussion résonne. Plus personnelle. Moins universelle – quoique, parler de l'humanité reste quelque chose d'assez universel, finalement, du moins à l'échelle de ce petit monde. Mondial. Donc. Mais universel par la pensée. Bref. La philosophie passée, Jaime hoche doucement la tête. « Je comprends bien. Le problème est que je pense que … hm … Qu'importe les preuves qu'on pourrait apporter pour défendre quelqu'un, face à elle. Elle trouvera toujours le moyen de retourner celles-ci. J'veux dire … Je sais ce que c'est, de se faire, vous voyez, parasiter. » Il montre son crâne avec son index. « Et je crois que si j'avais été à la place de Joey, tout le monde aurait dit : il a utilisé l'arme, il n'était pas dominé par elle. » À nouveau, il frotte sa tête, le regard un peu en biais. « Je ne sais pas si j'me fais comprendre. Mais j'pense que les gens auront toujours du mal à accepter ces phénomènes. Parce que … bah naturellement, un corps appartient qu'à une personne et … Enfin … je me comprends ! »

Cela le touche personnellement. Pourtant, d'une manière différente qu'avant. Maintenant, il semble moins effrayé par l'idée que cela puisse arriver. Quelque chose a bien changé depuis ces étranges épisodes. Khalid et Khaji Da … Khaji Da face aux forces de Darkseid. Plein de choses. Trop de choses. Là encore, bref …

« Moi ? Eh bien … j'avais déjà combattu certaines difficultés. J'avoue que j'avais du mal à comprendre un peu pourquoi, cette fois, il y avait une attaque. Enfin, je connais les raisons, mais on en revient à c't'histoire de corps, de choses difficiles à croire, et tout ça. C'est rare en ce moment que j'utilise l'exosquelette. Mais là, c'était un peu urgent. » Il tapote son pied contre le sol, regardant celui-ci. « Khaji Da et moi avons réussi à utiliser au mieux les systèmes de défenses pour sécuriser certaines zones. Après, j'pense pas avoir été le plus utile à cet instant. » Mais les choses changent toujours.

Relevant la tête, son regard est un peu plus surpris lorsqu'il pose la question sur l'Académie, tout en développant cette question. Son avis ? Celui du Scarabée ? Ce qu'il ressent ?
Il ne répond pas de suite. En fait, il reste un peu silencieux, posant une main sur son flanc. Il semble réfléchir. Il pourrait le laisser dire. Mais le Scarabée ne semble pas réellement convaincu par l'idée – démontrant une certaine absence d'intérêt de défendre son cas. En fait, il semble rapidement comprendre la situation : il reste une Intelligence Artificielle dont les paramètres ne peuvent être contrôlés par autre chose que lui et Jaime – et encore, certains facteurs semblant impossibles à modifier en cet instant pour l'un comme pour l'autre. Alors … après ce silence.

« Eh bien … Par où commencer ? Bon, je vais éviter de faire tout le curriculum … Alors faisons simple et synthétique - enfin, j'vais essayer. Khaji Da trouve que c'est là que je dois être. Pour mieux le comprendre en tant qu'être, je dois mieux connaître ce qu'il fait. Ce qui nous entoure, aussi. En fait, il n'a pas vraiment de … sentiments par rapport au fait que je sois sous une autorité. » Attrapant une mèche pour jouer un instant avec, le jeune homme laisse entendre un rire. « Il trouve même que si ça peut me discipliner un peu, ce serait une bonne chose. Après, je ne vais pas mentir … » Ses yeux retrouvent ceux du Directeur. « Il a un esprit d'une logique très froide. Il sait, dit-il, ce qu'il est … » Enfin, il croit le savoir … « Et donc, par exemple, quand j'fais des recherches, il me laisse l'accès complet à ses données, ses outils de calculs et tout, pour que j'apprenne à l'utiliser non pas que comme, eh bien … Blue Beetle quoi, mais comme tout ce qu'il est : un être d'une complexité et d'une technologie importante. Donc je dirai que c'est pour lui une bonne chose, un bon calcul, que je sois présent ici. »

Un haussement d'épaules. Un instant, le jeune homme observe par la fenêtre, ne bougeant pas de sa place. « Moi … ça me plaît d'être avec des gens. Je peux les aider avec ce que Khaji Da m'offre. Je peux apprendre à devenir plus … doué. Efficace. Et j'ai l'impression de faire les choses dans le bon ordre. » Ses yeux, de nouveau sur Ray. « La Young Justice a été très bien. Mais, sans doute manquait-il ce qu'on trouve ici. La transmission. D'une génération à l'autre. Pas pour faire des copies des anciens. Mais pour aider à développer. Puis, paraît qu'on apprend à tout âge. » Un nouveau léger rire.

« Je sais, ça semble presque irréel. Par rapport à ce que c'était, il y a un an. Mais … Khaji Da m'a appris une chose. Il n'y a quasiment aucune chance pour que j'intègre mes principes dans la logique de Khaji Da. Pour lui, mes valeurs ne sont que du spam qu'il efface sans difficultés. Cela n'est même pas un virus à combattre. Ce n'est rien. Mais ça peut me rendre immobile, de vouloir le combattre avec ça. » Une chose à laquelle il n'avait pu donner de contre-arguments. « Alors. J'ai dû faire en sorte de travailler ma façon d'être. Pour pouvoir utiliser et comprendre toutes les capacités du Scarabée. Sans faillir à mes principes. Même si je sais que ce sera pas simple. Pas seulement par rapport à lui. Vous l'avez dit : la nature humaine est parfois terrifiante. Et les conséquences à certaines actions peuvent l'être toute autant. »

Non. Tuer n'est pas une chose qu'il apprécierait faire.
Mais si un jour il est obligé de le faire. Le fera-t-il ?
Cette énigme, il n'en a pas encore la réponse … Khaji Da, lui, a déjà sa réponse.

« Désolé. Je parle trop ! »

Ça peut l'être. Ouais. Ça peut être un défaut, à n'en pas douter. Faudrait quand même synthétiser. Un peu plus. Il essaie. Essayer, est déjà un travail en soi. Cela veut dire chercher l'information la plus importante. Ne pas se tromper. Ceux qui parlent beaucoup, parfois, sont ceux qui ne veulent pas se tromper. Tout dire. Pour être certain que tout le monde a les cartes en main. Sans savoir, finalement, qu'ils le font très bien. Mais c'est ainsi. La confiance se travaille. Vraiment. Beaucoup.
Beaucoup de choses se travaillent, de toute façon. Apprendre à tout âge, tout ça. C'est, dit-on, la chose la plus importante. L'américano-mexicain est prêt à apprendre. Encore faut-il aussi concentrer l'esprit sur ça – par chance, quand cela n'arrive pas, il a un partenaire prêt à tout faire pour le rendre attentif …

Un instant, Jaime Reyes cligne des yeux. « Je ne le savais pas du tout. Mais lorsque nous l'avons entendu, c'était durant un phénomène temporel extrêmement chaotique. Alors j'imagine que les règles naturelles étaient … déformées ? Enfin, il faudra que je fasse un écrit sur ça. Il y aurait des choses à dire. Par contre. Sachez le. Plus de formules. » Son pouce montre un instant son dos. « Khaji Da a été clair dessus : cette formule ne devait pas rester dans sa mémoire tant qu'il n'avait pas simuler de nombreuses protections. » Un travail difficile, lui aussi. Tant les paramètres de précisions sont essentiels et, surtout, tant il a fait le ménage. Alors comment travaille-t-il par simulations ? Grâce à des données enregistrées sur l'événement en lui-même, sur la réaction, plus que sur la formule.

Non pas des données. Mais des enregistrements. Pour beaucoup, c'est la même chose – un enregistrement est une donnée intégrée dans un disque dur et qui peut être réutilisée. Mais la formule est une donnée source. Une racine. Et pour mieux savoir où est la racine, autant voir comment l'arbre pousse. Métaphore forestière, mais plutôt efficace.

L'attitude de Ray Palmer, dans tous les cas, reste assez intéressante à observer. Il est scientifique. Mais en tant que bon scientifique, fait attention à ne pas toucher à ce qu'il ne peut percevoir clairement. La complexité est de savoir si la clarté des choses est concrète, ou simplement un mirage de ce qu'est réellement la solution, la compréhension.
En cela, Jaime Reyes se sent encore loin. Loin de beaucoup de gens. À regarder les héros, les scientifiques, les ingénieurs, ces êtres qui réussissent à utiliser ainsi leur cerveau. Leurs connaissances. Et aussi à se remettre en question, sans sombrer dans l'absence totale de confiance. Oui. Cela fait un peu peur. Cela crée une pression. Mais, finalement …

Cela motive. Aussi.

Cela le motive, à l'écouter. Lorsqu'il parle du Multivers. De ces probabilités infinies qui existent, séparées par cette Plaie écarlate. Une chose magnifique. Tout comme voir cet attrait – et à la fois cette facilité à en parler, comme si ces questions étaient devenues un quotidien. Finalement … c'était un peu le cas. Pour lui. Ray Palmer. Cela aussi, ça motive. Il hoche la tête. Inspiré. « J'aimerai beaucoup en parler. Oui. Surtout que … » Il s'arrête, un instant. C'est peut-être le moment. Oui. Peut-être. « Ah c'est compliqué et je vais prendre trop de temps j'en ai peur. Mais je suis allé dans la Plaie une fois ! Bon, c'était pas dans les meilleures conditions. Mais genre, pas longtemps. Mais sur Terre, une année s'était déroulée ! Et … non pas que j'ai beaucoup de souvenirs mais … depuis quelque temps, voilà. » Il montre son crâne. « C'est pas Khaji Da. C'est moi. Mon cerveau. La nuit, j'ai des … fragments de ce voyage. De cet instant. Court. Mais qui en rêve semble … infini et … aussi excitant qu'effrayant en fait. » Il a tenté de faire court. Parce que … la porte était ouverte. Parce que, bordel, ça reste. C'est dérangeant.

Le Scarabée travaille sur la question – cachant une forme d'inquiétude pour son hôte. Ou peut-être est-ce un réflexe de survie ?
Enfin. Qu'importe. Il travaille. Pense que c'est une réminiscence. Mais a du mal à comprendre la raison. Pourquoi maintenant ? Et le voyage était tellement chaotique que ses propres données sur la question sont inexistantes.
Alors. Oui. Il travaille. Et il n'est pas contre le fait que son partenaire ait parlé de cela. Quand on ne sait pas, on cherche. Et parfois, chercher demande de demander.

Aussi douée qu'est cette Intelligence Artificielle – et elle le sait, qu'elle est douée, elle en est même parfois agaçante –, il y a des limites qu'une seule Intelligence ne peut surpasser. Non pas par manque de moyen. Mais par manque de perspective. De recul.

« Responsable de rien. Ouais. Et je compte bien aider quiconque veut le prouver. Parce qu'on peut servir à ça. »

Le jeune homme hoche la tête. Certain de son fait. Là encore, seuls, ils n'arriveront à rien. Mais s'ils peuvent mutualiser des compétences. Des capacités. Khalid pourrait aider. Oui. Il pourrait aider. Même si penser à lui irrite légèrement le Scarabée. Khalid, ou n'importe quel autre mystique capable d'avoir la perspective que certains n'ont pas.

Jaime Reyes écoute toujours. Il écoute et comprend, ce désir de continuité. C'est important. Le libre-arbitre existe, bien entendu – et créer une charte du héros n'est sans doute pas le désir du Directeur Palmer. Mais ce qui est essentiel, c'est cette transmission. Chaque héros est différents. Avec leur propre capacités – sans même parler de combat … une simple capacité à vivre. À faire vivre. Il existe des hommes et des femmes, dont les actes sont héroïques, dont les actes protègent. Mais qui peuvent avoir cette pensée, pragmatique ou instinctive de détruire pleinement la menace.
Elle existe. Cette façon de combattre. Il en existe d'autres. Plusieurs autres. Autant qu'il existe de façon de vivre. De communiquer.

Et d'apprendre. Par la lecture. Par la recherche. Par le travaille.
Et par cet investissement, proposé par Ray Palmer. Une proposition qui le surprend – tout comme il a été surpris, et légèrement gêné, d'apprendre qu'il serait un très bon élève. De la part de cet homme, c'est un compliment. Un réel compliment. Mais cette proposition ? C'est … Intense. Oui. Un mot qui convient bien.

« Je … » L'hésitation est palpable. Non pas pour la prise de décision. Mais sur la façon de s'exprimer. « J'adorerai. Je peux pas m'empêcher d'aller sur le terrain, même sans armure, pour réfléchir à certaines questions. L'environnement, le potentiel de nos technologies et leur évolution dans un monde qui se déchire pour tout. Les réalités chimiques et physiques. Je vous l'ai dit, je suis réellement intéressé par le Multivers. Sur le fonctionnement des choses, sur notre façon de nous adapter, d'évoluer, avec ce qu'on sait faire et ce qu'on pourra faire plus tard. Vous pensez vraiment que je serai capable de ça ? » Dans sa voix, son intérêt. Dans ses mots, son acceptation. Son inspiration, aussi.

« Ah oui. Je voulais vous répondre pour la question précédente. Et aucun problème, ayez toute la curiosité que vous voulez. Je travaille beaucoup sur ma propre compréhension de Khaji Da. Et donc. »

Il hoche la tête. Encore un peu souriant, inspiré. Motivé. « Oui. On a réussi à s'entendre sur une forme d'intimité. Il y a toujours un lien bien entendu, mais on a réussi à travailler sur une forme de bulle d'intimité, on pourrait dire ça oui. Il peut littéralement se débrancher de moi. Mais il ne le fait pas. Parce que un c'est franchement pas agréable. Et de deux, il … est maintenant fortement lié à moi. De façon symbiotique. Il pourrait ne pas survivre. Donc, voilà. Et à l'inverse si on crée une forme de bulle, si quelque chose de grave se produit, on peut interagir assez … rapidement. Aussi rapidement qu'une pensée. »

Frottant l'arrière de ses cheveux, Jaime observe un instant le directeur. Il penche la tête sur le côté. « Puis-je vous présenter plus … précisément ce dont je parle ? Parce que j'ai ce défaut d'expliquer ce qui est devenu assez simple pour moi. Alors si vous me donnez l'autorisation, je peux diffuser une simulation, ici. »

« Oh. Désolé … Juste que … période un peu difficile. » Très difficile. À dire, à se souvenir. Non pas que les souvenirs sont flous. Non, il s'en souviendra sans doute toujours. « C'était à l'époque de l'invasion de Darkseid. Nous avons combattu certains de ses séides et des infectés. » Il n'imagine pas que Ray Palmer ait oublié cette période, désagréable. Violente. Cette fois, le jeune homme va directement sur l'information. To the point, comme l'on dit. « À cette époque, Khaji Da n'était qu'un parasite pour moi. Je refusais qu'il fasse quoique ce soit. Mais dans notre situation, il avait réussi à prendre un contrôle quasi complet sur l'exosquelette et, donc, sur moi. Car je n'étais pas assez … eh bien … efficace. Lors d'une énième altercation dans notre … notre esprit commun, j'ai dérangé les paramètres de calculs du Scarabée au moment où il voulait utiliser ce qu'il a appelé une retraite d'urgence. Normalement … il devait traverser la Plaie en à peine un instant. Mais nous y sommes restés quelques secondes. Le temps que Khaji Da calcule de nouveau tout. Cette altération a fait que lorsque nous sommes réapparus, eh bien … Il y avait une année d'écoulée. »

Une main passe dans l'arrière de ses cheveux. Il détourne légèrement le regard. « Cela ne s'est pas reproduit. Nous n'avons pas eu à utiliser ce programme et je n'en ai pas accès. Il est crypté. Si vous voulez en parler … Ce sera donc avec Khaji Da. » Son regard vient croiser un instant les yeux de Ray Palmer. « Nous avons trouvé lui et moi des moyens de le faire communiquer avec d'autres personnes sans qu'il ne soit obliger de prendre le contrôle de mon corps grâce à l'exosquelette, ne vous inquiétez pas. »

Observant le directeur réfléchir à l'origine de ce problème, il hoche alors doucement la tête quand celui-ci commence à parler de quelques examens. Oui. Pourquoi pas après tout ? Il a un regard extérieur. Différent. Peu peuvent aider – et certains ne sont pas recommandables. Alors pourquoi ne pas accepter cette aide ? Une déduction qui arrive bien vite dans l'esprit du jeune homme, qui lève un instant un doigt. « Si cela vous intéresse. J'ai quelque chose pour vous. » il fouille un instant dans son sac. Cherchant quelque chose de précis. Avant d'en sortir une petite clé USB. La lui tendant. « Je me suis toujours dit que ça me serait utile. Ma mère a quelques amis à l'hôpital d'El Paso qui sont neurologues et autre mais … je ne savais pas si je devais lui en parler ou non. Bref. Khaji Da a fait quelques enregistrements de mon activité cérébrale durant certains de ces rêves. » Laissant la clé USB au scientifique, il hausse un peu les épaules.

« Je ne sais pas si vous accepterez de les regarder. Je me doute un peu qu'il est difficile de lui faire confiance. Mais si vous pouvez avoir une réponse là où nous n'en trouvons pas … » Un léger sourire. Alors qu'il enfonce ses mains dans ses poches.

Ray Palmer se montre intéressé par la proposition. Faire une démonstration par l'expérience n'était pas une chose dont il avait prévu, au départ. Mais si cela peut permettre de préciser clairement son propos … Observant un instant les nouvelles activations du Directeur, l'étudiant hoche la tête. Si cela le rassurait et si cela comblait son réflexe scientifique … « Je vous demande juste, s'il vous plaît, de n'activer aucun programme caché d'analyse concernant Khaji Da lui-même. Nous avons dressé lui et moi un véritable système de protection. Réflexe de geek ! » Un léger sourire. Encore. Avant qu'une petite mécanique ne s'active, venant entourer sa branche de lunette pour y déployer un très fin émetteur.

Bientôt, un écran holographique apparaît sur la gauche de l'étudiant. Intégrant quelques données, une nouvelle émission est ensuite réalisée, produisant différents hologrammes de l'ensemble de la symbiose formée par Jaime et Khaji Da. « Sur la droite, vous avez la relation symbiotique en temps normal. » Un petit mouvement sur l'écran, l'image se déformant pour dévoiler un enchevêtrement de liens. « Ceci est une simulation de la façon dont nous communiquons. Il n'y a pas autant de câbles, je vous rassure. Dans cet exemple, toutes les informations circulent. Informations auditives. » Des liens s'illuminent. « Informations visuelles. » D'autres font de même. « Les différents sens, en soi. Ainsi que les pensées. Il est ainsi capable de réagir aux tentatives de télépathie. » Aux mots, différents liens se dévoilent. Montrant la complexité du principe – et à la fois la façon dont il a réussi à vulgariser tout cela. « Cela permet, durant un combat, au Scarabée de réaliser des calculs efficaces pour répondre en temps réelle à certaines situations. Principalement, il fait des suggestions. Et est un observateur constant de l'environnement ainsi que de mes constances vitales. » Un nouveau mouvement, sur l'écran.

Une nouvelle silhouette donc. Qui se déforme. Pour reprendre la même simulation, bien qu'il soit possible de voir certains liens imagés se rétractés un à un, jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un dernier. « Voilà notre concept d'intimité. Nous réduisons les capacités du Scarabée pour qu'il ne soit plus en mesure d'entendre, de voir … Ni même d'utiliser des programmes d'enregistrement par exemple sur la situation autour. Il garde sa propre perception technologique, bien entendu. Mais sinon, dans cette configuration, je suis quasiment seul. Je n'entends plus ses propres calculs. Je dis quasiment car je sais. Donc, quand sait, on a conscience d'une présence. Mais je sais aussi qu'il n'entend pas. Ne voit pas. Il va simplement percevoir l'environnement technologique et énergétique. Je garde la possibilité d'utiliser certaines fonctions, de mon côté. »

Enfonçant de nouveau ses mains dans ses poches, il observe alors les images holographiques. Avant de soupirer légèrement. « Je suis certain que j'aurai pu faire une meilleure présentation que cela. Mais j'avoue que je n'avais rien préparé. » À ces mots, la technologie d'émission se désactive. L'écran, tout comme les simulations, disparaissent, alors que le jeune homme retire ses lunettes. Une couleur ambrée disparaissant des yeux de Jaime. « Je sais qu'avec ce qui s'est passé avec Joey, la présence de Khaji Da n'est guère appréciée. Je les entends un peu, vous savez. Ils ont sans doute raison. » Il remet un instant ses lunettes. « Mais chacun possède ses avantages et ses risques. Je reste très prudent par rapport à ce que peut faire le Scarabée. Et lui-même m'invite à apprendre par moi-même ce qu'il est. Sinon, autant lui laisser directement le contrôle. »

Croisant ses bras, le jeune homme écoute avec intérêt le Directeur. Son regard le suit un peu quand il bouge. Il garde le silence – maintenant qu'il a dit ce qu'il avait à dire et fait ce qu'il avait à faire. Oui. Ce serait des recherches importantes. Intéressantes, aussi. Des moyens d'apprendre de l'architecture de ce multivers, de son potentiel. Les sciences évoluent au fil des découvertes – et cette découverte pourrait être un grand pas. Alors, quand il lui parle de la Maison des Héros. De voyages en sécurité à travers le Multivers. Peut-il empêcher ce léger frisson ? Sans doute que non. C'est agréable, d'avoir une perspective. Bien entendu, encore faut-il que les résultats soient bons.

Cela, il en est bien conscient.

« Cela m'intéresserait beaucoup, Monsieur. Vraiment. » Un sourire, franc, sur ses lèvres. Un intérêt qui ne s'est pas effacé depuis tout à l'heure. « Mais je suis aussi d'accord avec vous. C'est pour cela, que je vous en ai parlé, c'est important de prendre compte de cette réalité avant toute entreprise. »