[Almerac] Lobo chez les Almeraciennes

Émergeant de la nébuleuse rosée d'Ordion après l'éprouvant voyage menant à la galaxie Almeracienne, le voyageur las apercevra pour la première fois sa destination, l'objet de son périple : Almerac, le joyau de l'Empire, sa capitale, son cœur. Un monde entre rocaille et désert balayés par les vents, aux vastes océans plats et chauds. Une terre inhospitalière aux standards terriens avec son atmosphère lourde et sa chaleur étouffante, couronnée par six infernales colonnes de plasma fusant par-delà son orbite. Six traces, comme six griffures offertes par l'entremise d'une divinité vengeresse.

Six marques dont les origines se perdent dans les tréfonds des mythes d'Almerac, oubliés et ignorés par la race souveraine. Un oubli semblable à l'horrible environnement de leur monde maternel, maltraité par des millénaires de conflits et d'industrialisation sur lequel les Almeraciens n'ont aucun regrets.


Oui, le monde sur lequel Lobo s'apprête à atterrir pour sa nouvelle aventure, n'est pas hospitalier. L'air est chaud, âcre et épais dès les plus lointaines strates de l'atmosphère. On peut apercevoir des cieux les sommaires habitations, des clapiers colossaux grouilllant de milles et unes races aux visages sales et émaciés, plus ou moins anthropomorphes, surveillés par des vaisseaux de guerre si grands que leurs ombres plongeaient des villes entières dans une nuit artificielle.

Par comparaison, Tae Tamrac, capitale d'Almerac et destination finale du mercenaire, a des allures d’Éden. Une jungle luxuriante contenue dans des barrières d'énergie l'accueille, sur Terre et dans les cieux. D'innombrables palais, villas et résidences parsèment une étendue agressivement à l'opposé du reste de la surface. Des îlots flottants verdoyants ceinturés de châsses dorées orbitent la ville et l'arrosent de leurs cascades crystallines, tandis que d'incroyables crevasses aussi vastes et profondes que l'horizon dévoilent une opulence qui ne s'étale pas seulement, mais qui se propage comme un cancer jusqu'aux entrailles de la planète.

Il ne reste guère que les griffures titanesques de plasma déchirant le lointain jusqu'au cosmos pour rappeler la réalité de leur environnement aux habitants de Tae Tamrac.

C'est en-dessous, à un étage quatre chiffres dans les négatifs, que le point d'arrivée de Lobo a été fixé. Des kilomètres sous la surface, dans une fournaise difficilement soutenable mais pourtant à peine moins majestueuse que la surface : d'étonnants puits de lumière et de gros arbres offrent des allures de grandeur à l'horizon claustrophobe de manufactures et d'ateliers où des individus des mêmes races étranges rencontrées dans les bidonvilles du dessus s'affairent. Ceux-là ont l'air heureux, bien nourris, et affairés à produire mille et uns bijoux et autres babioles précieuses, éclairés tout autant par le peu de ciel qui trouve jusqu'ici son chemin que par des aqueducs volants et des fontaines de magma faites du même or qui constelle les îlots flottants de la surface.

Lobo trouvera sa destination dans l'une des haltes commerciales où un espace d’atterrissage lui aura été indiqué.

C'est là, également, qu'il fera sa première rencontre, en personne, avec les sujets de l'Empire. Cinq individus d'apparence humanoïde en armure aux visages masqués, porteurs d'armes.

Le plus proche s'avance dès l'arrivée de Lobo et lui fait signe.

Évidemment, les allégations et autres élucubrations de Lobo eurent l'effet escompté - ou à tout le moins l'effet le plus prévisible - sur les autorités locales, et en particulier sur le chef de la troupe de douaniers masqués.

" Oui, c'est ça. C'est ça. Vous ne serez jamais que le troisième cette semaine à essayer ça ! " évacua-t-il en faisant signe de vérifier les documents à l'un de ses subalternes.

Il aurait été intéressant de noter que de tous les improbables que recelaient cette scène pour le spectateur humain, rien ne semblait attirer l'attention des besogneux agents de la bureaucratie impériale. Plus intéressés par la paperasserie que par le monde sensible, ils ne prenaient pas la peine de remettre en question la présence d'une moto spatiale arborant un crâne et un armement de forte puissance sur un pas d'atterrissage industriel.

Là reposaient les particularités du maintien de l'ordre dans un Empire multigalactique où même le plus cultivé des agents ne pourrait connaître les détails des appareils de chacune des races asservies se posant sur Almerac. Ou des autres, d'ailleurs.

Et c'était là supposer que la maréchaussée almeracienne était cultivée, ce qui nécessitait également de s'immerger dans un délicat exercice de pensée.

" En attendant, ils ne m'ont pas l'air particulièrement aux normes, ces déchargeurs de bosons hétéro-tachyoniques. " indiqua sèchement le chef, tournant autour de la monture de Lobo tel un vautour procédurier, " Je vais vous demander de descendre et de nous présenter un manifeste dét-...
"


Le capitaine laissa un soupir d'exaspération s'échapper de son casque, et fit signe au mercenaire stellaire de ne pas bouger en allant vérifier les allégations.

Sa réaction était sans équivoque :

" Nom d'une comète à deux queues, c'est quoi ce boxon ? Ça peut pas être des vrais ! "


Le cirque aurait pu encore durer un long moment. Heureusement, la porte du spatioport s'ouvrit sur une figure en armure dorée qui vint se poser solennellement, droite comme un i, et déclara d'une voix forte :



Sous ce qui devait être un air médusé du capitaine, l'une des politiciennes les plus influentes - et clivantes - de la planète rentra comme une tornade sur le pas d'atterrissage, marchant décidée et les bras grands ouverts vers un ... étranger inconnu porteur de foutues autorisations de porter n'importe quel arme et de tuer !

" Lobo ! L'Homme de la situation ! Pile à l'heure ! Vous avez fait bon voyage ? J'espère que nos petits fonctionnaires ne vous ont pas causé trop de soucis ? "

Et qu'ça bavasse et qu'ça tatillonne, j'me crispe un peu au niveau du sourire, j'me tends un peu sur les épaules, j'ai l'doigt qui tire qui m'démange... Va pas falloir long avant qu'on change ce pod atterrissage de "commerce" à "boucherie à emporter"...

Heureusement quelqu'un arrive, quelqu'une plutôt (j'préfère), qui semble au courant de ma v'nu, c'est elle qui m'a contacté, y'm'semble... Plus haut dans la hiérarchie forcément. J'apprécie le comité d’accueil d'un coup d’œil subtile et je réponds aussi aimable que possible.


"Ouaip' ça a été au poil. Et vos fonctionnaires sont en vie, et même pas abimés, donc ils m'ont pas posé d'soucis...
Ils semblaient douter d'la véracité d'vos papelards, en même temps ça doit faire un paquet d’barreaux d'écarts dans vot' échelle administrative, v'la qu'j'dis des gros mots...
Mais j'avais l'temps d'plier les formalités et d'être à l'heure au rendez vous..."


"Bon, on va pas faire un esclandre pour si peu. Et j'suis pas là pour tailler l'bout d'gras avec la douane locale, on va pas causer d'nos affaires ici non? J'vous suit où qu'vous voulez."