« The little light in the dark » ft. Jason Blood / Etrigan

Inscription : 22/11/2019

« The little light in the dark »

ft. Jason Blood / Etrigan

_____Mes paupières ne s’étaient pas redressées lorsque le réveil a sonné. Je n’ai jamais été un élève très ponctuel, préférant rester au fond de ma couette plutôt que de ramper hors du lit. Les choses ont empiré quand mes pouvoirs ont décidé de devenir beaucoup plus puissant et de réclamer davantage d’énergie. Après un lourd entrainement, je finissais toujours la séance par une bonne sieste qui pouvait durer une trentaine de minutes, comme plusieurs heures selon la volonté de mon subconscient. Je ne m’en plaignais pas, du moins plus maintenant. Mes cauchemars ont cessé, grâce aux actions de Ray, me permettant de profiter de ces courts moments de répit pour m’évader du monde réel et m’imaginer un avenir meilleur.

Certaines nuits, il m’arrivait de faire encore quelques mauvais rêves, comme tous les êtres humains. Tous mes traumatismes n’avaient pas disparu et mon subconscient était encore traumatisé par les évènements en Europe. Mon procès approchait et le stress avait commencé à monter. Je donnais l’illusion que tout allait bien chez moi, que je n’avais pas peur, que j’avais confiance en ma bonne étoile mais ce n’était pas réellement le cas. Ma liberté conditionnelle renforçait ce stress avec des conditions strictes et ce sentiment constant d’être épié. Mes sorties à l’extérieur de ma chambre était limité, alors il m’arrivait de trainer un peu trop dans mon lit, comme si rien ne pouvait m’arriver de pire.

Lorsque j’ai trouvé le courage de redresser mes paupières, j’avais déjà un retard d’une heure ou deux sur mon rendez-vous avec Jason Blood. Cet homme, je l’avais rencontré lors de mes premières semaines à la Justice Academy. Le directeur Palmer l’avait sollicité pour être, en quelques sortes un professeur particulier pour étudier mon cas et m’apprendre à gérer mon parasite. John avait ses méthodes, Jason avait les siennes mais il semblait avoir un peu plus de réponse sur certains points. Avant l’arrivée d’Amanda Waller, nous avions un petit planning de deux à trois rendez-vous par semaine. Malheureusement, les changements sont arrivés et l’emploi du temps avait été perturbé.
Mes émotions sont un facteur essentiel pour garder le contrôle. Avec le stress qui était réapparu, Amy était susceptible de prendre le contrôle pour tenter de s’enfuir. J’avais besoin de ce rendez-vous, juste pour me rassurer et savoir qu’il y avait quelqu’un derrière moi si Amy pétait les plombs.

J’ai mis quelques minutes avant de sortir de mon lit, chassant les dernières migraines qui me fracassaient le crâne avant de démarrer la journée. J’avais dû écourter mon rituel du matin en m’habillant avec des vêtements qui trainaient dans ma salle de bain, un petit nettoyage du visage et un mix de gélules à avaler avant de sortir de la chambre. Je me suis vêtu d’un t-shirt classique vert accompagné d’un pendentif, un souvenir de ma mère et d’un simple jean. J’ai enfilé mes baskets les plus confortable et ma veste en cuir avant de sortir de ma chambre.

Un vigile m’attendait à l’entrée de mon appartement. Il est là, il a probablement dormi quelques heures, il veillait à ce que je ne prenne pas mes jambes à mon cou et que je respecte les règles qu’on m’imposait. J’avais encore le droit de sortir de ma chambre, entre trois et quatre heures par jour suivant son humeur. Peut-être qu’il allait me laisser un peu tranquille si je lui disais que j’allais rejoindre Monsieur Blood.
Je n’ai pas cherché à lui prêter la moindre attention, lui qui m’épiait depuis des jours, je n’avais pas réellement envie de jouer les gentils garçons aimables. Il ne m’aimait pas, et je ne l’aimais pas non plus. Il allait se contenter de me suivre, comme à son habitude, j’avais même accéléré la cadence en espérant pouvoir le semer. Niveau endurance et force physique, il est probablement bien plus costaud que moi.

Je suis arrivé dans un bâtiment un peu excentré de l’académie. Je suis passé par une porte d’entrée bien dissimulé qui m’a conduit vers un escalier. A l’étage de se trouvait une pièce qui avait été aménagé comme un grand bureau. Une bibliothèque remplie de nombreux ouvrages occulte avait été installé derrière un imposant bureau. Juste devant moi se trouvait un endroit un peu plus confortable, deux canapés et sous mes pieds, un parquet ancien avec un cercle rituel dessiné à la craie accompagnée de quelques bougies éteintes. Au fond se trouvait une autre pièce annexe que je ne m’étais pas permis de visiter, un endroit réservé à Jason Blood.

J’ai refermé la porte derrière moi, le vigile n’a pas protesté pour l’instant. Il fallait faire comme si rien de rien n’était ? J’ai attendu quelques secondes avant de me rendre compte qu’il ne semblait y avoir personne dans cette pièce. Timidement, je me suis avancé de quelques pas avant d’observer mécaniquement les alentours.

« Jason ? » J’ai avancé d’un pas. « Vous êtes là ? » Mon téléphone prenait le relais pour traduire mes pensées. Peut-être qu’il faisait la gueule, j’avais quand même deux heures de retard. D’habitude, j’arrivais toujours quinze minutes après l’heure. « Je suis désolé pour le retard j’ai… je ne me suis pas réveillé. Je sais, vous avez l’habitude de cette excuse mais… elle est vrai. » Malgré le manque de réponse, j’ai continué de m’installer dans le bureau et de faire mon petit rituel avant de démarrer la séance, poser mes affaires sur le canapé, le téléphone sur la petite table basse, retirer mes chaussures pour ne pas détruire le cercle et m’y installer. « Ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vu ? Avec tout ce qui s’est passé j’ai eu… besoin d’un peu de temps pour me remettre les idées en place et… comprendre ce qui allait m’arriver. » Je me suis installé en tailleur au milieu du cercle, laissant s’écouler quelques secondes de silence, mordant mes lèvres en balançant mon regard de gauche à droite. « Je veux dire, ça m’est tombé dessus d’un coup c’était… perturbant. »

Même si je n’étais pas certains qu’il était présent dans cette pièce, parler de vive voix, ou presque, pouvait être thérapeutique. J’ai fait l’effort de m’exprimer, de faire part de mes émotions, de ma routine quotidienne. Mes pouvoirs et mes capacités psychiques sont liés à mes émotions et à mon état de santé mentale. Si je ne partageais pas une partie de ma vie à Jason, je risquais bien de tous nous mettre en danger. Ça n’a pas été facile, au début de parler à un parfait inconnu qui était loin d’avoir les compétences d’un psychiatre. J’ai eu un peu de mal à m’ouvrir avec sa froideur et son visage fermé mais au fond, je savais que ce n’était qu’une carapace, un peu comme Papa. Il suffit de le regarder un peu plus longtemps dans les yeux pour comprendre ce qu’il ressentait. Peu à peu, l’exercice est devenu un peu plus facile à réaliser à chaque séance pour devenir une habitude.

« J’ai encore fait ce cauchemar hier, celui avec Arcane et la table d’opération, j’étais paralysé et… » Inutile de me rappeler de mauvais souvenirs. « …Ce n’était pas la faute d’Amy cette fois, je suis parvenu à me rappeler de certains détails. J’ai pris l’initiative, depuis quelques jours, de noter mes cauchemars sur un petit carnet, mais je n’ai jamais trouvé le courage de le relire mes notes jusqu’à aujourd’hui. » Ce cauchemar ne m’a pas empêché de me reposer, fort heureusement. « J’étais un peu stressé ce matin, j’ai pris deux neuroleptiques différents et trois gélules d’antidouleurs ce matin. » J’ai fermé doucement les yeux pour entrer dans une espèce de méditation. « C’est Amy, avec tout ce qu’il s’est passé, il est en colère contre moi, enfin plus que d’habitude. Il dit que ce procès sera une vaste blague, que je suis entré dans la gueule du loup. Je ne sais pas si c’est vrai, je ne sais plus quoi penser de tout ça mais… je flippe, je flippe complètement. » J’ai laissé échapper un soupire. « J’ai l’impression de faire un véritable contrôle en arrière, d’être susceptible de perdre plus facilement le contrôle… Il a redoublé d’effort cette nuit pour me blesser. »

Amy est de plus en plus nerveux et sa frustration, il l’envoyait directement sur moi. La nuit, il m’était quasiment impossible de garder le contrôle. Il ne pouvait pas aller bien loin, dans ma chambre recouverte de symbole et d’artefact de confinement, mais sa force démoniaque était toujours là pour me rappeler que je ne faisais pas le poids. Ce matin, je m’étais réveillé avec un autre hématome au niveau des côtes et quelques ecchymoses au niveau des avant-bras. Finalement, après dix longues minutes de monologue et de méditation, je ne trouvais plus les mots pour parler de moi, peut-être avais-je fait le tour ? C’était quand même beaucoup plus simple quand quelqu’un se trouvait derrière moi pour enchérir.

« Ouais, les monologues c’est clairement pas mon fort… » Je devrais peut-être pas insister, rentrer dans ma chambre, essayer de faire comme si ma vie était normale et que je n’avais pas un vigile au cul qui attendait patiemment que je termine ma visite chez le psy.

Certaines nuits, il lui arrive de faire encore ces rêves d’un autre temps. Des champs et des plaines à perte de vue, un château immense planté au milieu d’une ville côtière, une région boisée sur des kilomètres. D’émotions sereines, tout devient angoisses perpétuelles. Le rêve se transforme en cauchemars, un terrain enflammé, des hurlements et des personnes tombant en cendre. Il ne peut pas se retourner et trouver qui est l’auteur de ces actes atroces. Il se voit continuer, avancer vers ces champs paisibles que la poussière noire recouvre, vers cette ville à moitié rasée, vers ces corps sans vie calcinés. Au bout, un miroir se dresse et montre enfin le visage de celui qui doit être puni pour toutes ces ignominies.
Et ces rêves se terminent toujours par la même chute : C’est lui le monstre de l’histoire.

Ce matin, Jason Blood se réveille sans mal. Aucun songe n’est venu à lui. Les fantômes du passé sont restés à leur place. Une lampe à l’ampoule usée continue d’éclairer la pièce, encore plongée dans la pénombre. Les volets laissent à peine passer l’aube. Juste à côté de lui, un livre ouvert est resté sagement à la page laissée. Les symboles dessinés sur l’une n’augurent pas grand chose de bon, tandis que sur l’autre trône un texte descriptif sur l’occulte. Une étude particulière sur certains sortilèges et rituels…
Après s’être longuement attardé sur cette page, Jason finit par continuer sa lecture, sans se lever. Il est encore très tôt. Autant investir son temps dans l’utile, pendant que le jour daigne se lever.

Pas de rêve étrange, cette fois-ci… Est-ce un bon ou un mauvais signe ?

Après s’être levé pour se préparer, se raser et s’habiller, le nouveau résident de la Justice Academy commence à tracer un cercle à la craie dans le salon. Ce petit appartement est très convenable. D’ailleurs, pour tout dire, Jason commence même à s’y plaire. Cela fait quelque temps que le professeur Ray Palmer, directeur de cette Académie pour former les jeunes super-héros, a fait appel à l’occultiste pour le soutenir. Le cas de Joseph Wilson est en effet très particulier.
Plus qu’un occultiste, il lui fallait un démonologiste, une personne capable de gérer le danger que représente le démon se tapissant dans l’esprit du jeune homme.
Amy, plutôt Avnas de son vrai nom, procède à une possession de l’âme très spéciale…
La symbiose est magiquement parfaite et ne pas comprendre comment cela a bien pu se produire ennuie beaucoup l’expert en la matière.

Il semblerait que les suppôts des Enfers soient encore capable de le surprendre…

Terminant le tracé, Jason se redresse et va regarder par la fenêtre du salon la vie faire son chemin. Les élèves sont nombreux à aller et venir. Cet endroit est une belle initiative, même s’il n’a pas encore vu beaucoup de collègues venir enseigner les arts mystiques. Qui sait… Peut-être qu’il pourrait redevenir un jour professeur ?
Blood chasse cette idée fugace de la tête.
Il jette un coup d'œil à l’heure.
Ce garçon est en retard…

Abandonnant la pièce confortable dotée de deux canapés, Jason s’isole dans la partie où se trouve un grand bureau entouré d’une bibliothèque. De nombreux livres lui servent à l’étude et à approfondir son art, afin de répondre aux besoins de Joey comme il le peut. Aujourd’hui sera un jour particulier, puisqu’ils doivent se préparer pour le procès à venir.
Et il vient en retard…
… Quel manque de sérieux.

Jason pousse un soupir discret, ne lâchant pas ses yeux de sa lecture, alors qu’il laisse traîner son écoute ailleurs. La porte d’entrée s’est ouverte. Joey vient d’arriver et commence à le chercher. La voix générée par ce surprenant téléphone est très reconnaissable. D’après les pas effectués, il est bien venu seul. Joey Wilson débute le monologue par des excuses et des justifications. Habitué par les soucis de sommeil de son patient, Jason n’est pas surpris. Il laisse toutefois cette tête en l’air, seul, pendant encore une bonne minute, dans laquelle Joey continue de parler.

Il se livre de mieux en mieux, sans qu’on le lui demande. C’est très bien. Ils approchent enfin d’une confiance mutuelle !

Au début, c’était difficile pour Joey Wilson de parler ouvertement. Ils ont commencé par communiquer avec le langage des signes, pour montrer qu’ils ont bien plus en commun qu’un démon. Le fils du tristement célèbre Deathstroke a bien plus de capacités que celle qui réside dans son esprit. Jason n’a pas vraiment connu Jericho en action, mais ce dernier lui a beaucoup parlé de lui, des origines de ses pouvoirs. Issu des gènes de son père, Joey a développé des dons psychiques très avancés. C’est ce qui a généré bien des problèmes, des traumatismes et des souvenirs que le jeune homme a enfouis au plus profond de son esprit.
C’est ceux-là qu'Avnas utilise pour pouvoir mieux posséder le garçon.

Mais quelque chose cloche. Joey n’a rien de vraiment magique en lui… Alors comment Avnas a pu devenir aussi puissant ?

Wilson cache quelque chose. Jason l’a deviné la toute première fois qu’il l’a interrogé. De fil en aiguille, il sait qu’ils vont finir par mettre le doigt sur ce qui a permis cette symbiose trop parfaite…

Hmm, il dit avoir fait d’autres cauchemars…
Ils sont récurrents mais n’apportent pas les réponses que Jason cherche.
Quittant ses yeux du livre, il le referme doucement pour ne pas perturber le monologue de son invité. Il commence à marcher doucement vers le pan de porte qui les sépare. Après que Joey eut fini de parler, Jason Blood se montre enfin.

« C’est normal d’être nerveux dans une telle situation, Joseph. »

Jason a toujours l’air naturellement froid. Pourtant, dans son regard ne se trouve pas le stoïcisme habituel, mais plutôt une franche curiosité. Il cherche également du regard les blessures que vient de mentionner Joey et finit par relever les manches de sa chemise.

« Il essaye de te déstabiliser pour avoir un meilleur contrôle sur toi. Tes émotions sont la source. S’il parvient à te stresser, Amy peut parvenir à prendre ta place. Il cherche à asseoir sa domination. »

Tout en répondant aux nombreux éléments apportés par les confessions de Joseph Wilson, le praticien s’avance. Sans gestes brusques, Jason saisit un des bras portant les ecchymoses et le manipule avec précaution.

« La colère, la haine, le mensonge, la fourberie. C’est dans leur nature… Tu dois faire plus attention à toi. Ce n’est pas avec un surdosage d’antidouleur que tu parviendras à l’éloigner de toi… »

Jason est sévère. Et le pire, c’est de constater que le jeune homme ne reçoit aucun effet secondaire de cette ingérence. En plus des capacités psychiques, Joey Wilson a hérité de la régénération du corps… De quoi rendre les médecins assez inutiles.
Les doigts dansants et dans un geste effectué avec précision, Blood fait apparaître une légère énergie magique qui vient recouvrir les ecchymoses pendant quelques secondes à peine avant de disparaître.

« Essayes de pratiquer la respiration et la méditation. Ce sont tes angoisses qui génèrent toutes cette frustration et tes comportements susceptibles. C’est ce qui permet au démon d’en profiter pour te blesser physiquement. C’est sa manière de te rappeler… qu’il est là. »

L’occultiste vient s’asseoir à son tour dans le cercle, juste en face de Joey. Il joint ses mains, gardant son regard sur le jeune héros et semble réfléchir. Ses yeux observent la pièce autour d’eux comme s’il vérifiait l’emplacement de chaque élément… Que cherche-t-il ainsi, doit se dire son invité.
Se tenant bien droit, Jason finit par se concentrer pleinement sur Joseph et reprend la parole, en les signant en même temps.

« Ce cauchemars, avec cette même personne, sur cette table d’opération… Quels sont les détails plus précis que tu as noté ? Je sais que tu peines à te souvenir. Mais cette vision peut nous apporter bien des éléments. Ici, tu peux parler. Il ne te fera aucun mal. »

Un mot supplémentaire s’est ajouté à la fin de cette phrase. Le mot signé représente le “pouvoir”. Jason Blood continue de signer pour prévenir Joey que de nombreux sceaux ont été dessinés un peu partout dans la pièce.
Prononçant des mots dans une langue incompréhensible, Blood active ces fameux sceaux qui les protègent des manifestations néfastes et leur permettront d’être en bonne condition pour les prochaines méditations.

« Ces sceaux de pouvoir seront aussi utilisés, pendant ton procès. Nous allons voir s’ils vont nous permettre, dès maintenant, de tenir Amy suffisamment loin de ton esprit. Je vais t’apprendre à te protéger de lui, même en situation de vulnérabilité.
Respires et ne laisses pas tes émotions négatives prendre le dessus. »

Ce ne sera pas facile.
Les souvenirs que Jason veut faire remonter sont particulièrement traumatisants pour Joseph. C’est aussi un moyen de réveiller l’intérêt d’Avnas de se manifester et de tester les sceaux. Pour aider Joey, il faut en arriver à provoquer parfois des situations désagréables.

Le seul prêt à faire une chose pareille attend patiemment, restant sur ses gardes et à l’écoute de la moindre manifestation magique démoniaque.

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« The little light in the dark »

ft. Jason Blood / Etrigan

_____La voix est surtout de nulle part et m’a provoqué un léger sursaut. Je me suis coupé en plein élan pour pivoter légèrement la tête vers elle. Je n’avais pas besoin de beaucoup de neurones actifs pour connaître le propriétaire de cette voix. Jason était là depuis le début, c’est ça ? J’aurais préféré qu’il ne me fasse pas ce coup là mais peut-être que je le méritais, avec tous les retards que je cumulais pour nos rendez-vous hebdomadaires. J’ai laissé échapper un petit sourire lorsque j’ai croisé son regard. Sa présence réduisait une partie de mon anxiété. Je me sentais en sécurité avec lui, tout comme avec John mais avec un ressentiment différent. Jason avait ce calme et cette carrure rassurante que Constantine n’avait pas forcément. C’était une toute une autre ambiance mais loin d’être désagréable.

Je l’ai laissé s’approcher de moi, sans prendre la peine de me relever. C’était un peu malpoli de ma part de ne pas prendre cette peine mais ma cervelle avait la fâcheuse tendance à ralentir lorsque je prenais un peu trop de médicaments. Jason n’a pas manqué l’occasion de me faire la réflexion lorsque j’ai pris conscience de sa présence en ses lieux. J’ai laissé échapper un sourire légèrement gêné pendant qu’il s’était mis à ma hauteur pour observer mes blessures du matin.

« Je sais que je ne devrais pas en prendre autant mais c’est plus fort que moi. J’ai besoin de le savoir loin de ma tête. C’est plus un reflex qu’un geste réfléchit. » Je me justifiais comme je le pouvais, conscient que je m’empoisonnais plus qu’autre chose et que ma régénération m’empêchait de faire une overdose.

Je me confiais à lui comme si je le connaissais depuis toujours. Je n’avais pas honte de parler de mes sentiments, de mes peurs et de tout ce que je pouvais vivre ces derniers temps, je sais que c’était bon pour moi. Je ne connaissais Jason Blood que depuis quelques mois et je lui confiais pourtant pratiquement toute ma vie. Ray m’avait présenté cet homme comme un démonologiste réputé et je lui accordais une confiance aveugle qui perdurait et se répercutais par défaut sur Jason.
J’ai observé avec une certaine fascination la petite énergie qui caressait ma peau pour venir faire disparaître mes ecchymoses. Je lui au montré mes blessures, sans le moindre complexe, comme si je faisais ça tous les jours. Jason finit par me rejoindre dans le cercle, s’installant juste en face de moi, comme d’habitude. Ouais, les séances sont quand même beaucoup plus agréables quand on parle avec quelqu’un, même si ce dernier se montre particulièrement strict envers toi.

Sur ses conseils, j’ai pris une grande inspiration avant de reprendre quelques séances de respirations contrôlées. Je prenais un bol d’air avec ma bouche pour expirer avec mon nez tout en écoutant les paroles de Jason. Mes paupières se sont doucement refermées pour me permettre de me concentrer un peu plus sur ma respiration. Mes médicaments m’empêchaient de prendre contact avec mon parasite intérieur. Il est là, se promenant dans mon esprit à la recherche d’une faille, de quelque chose qui pourrait me nuire. Il est toujours aux aguets, je le sais, je ne suis pas stupide. Il est difficile de faire ami-ami avec un être démoniaque qui a des objectifs bien fixé.

Très rapidement, Jason m’a orienté vers un exercice plutôt complexe. Il me demande de me concentrer un peu plus sur le rêve que j’avais fait, d’essayer d’avoir quelques souvenirs de ce qu’il s’était passé. Ce sont des souvenirs enfouis qui s’échappent de la prison qu’avait crée le docteur Fate pour m’éviter de perdre la boule. Cette prison, en forme de sphère, voir d’astre solaire laisser échapper quelques brides de souvenirs de temps en temps. Revivre des fragments de ma captivité n'avait rien d’agréable, c’était parfois difficile à supporter, même pour quelques secondes qui ne pourront jamais s’enfuir de mon esprit.
Les premiers jours, je m’étais un peu braqué sur cet exercice, ne voulant pas ressasser le passé. A l’époque, je pensais qu’en parlant de mes cauchemars, je n’allais faire qu’accroitre le traumatisme et en réveiller de nouveau, plus intense, plus effrayant. Ce n’était pas le cas. L’esprit humain est si compliqué à comprendre, surtout lorsqu’il s’agit du sien.

Jason capta mécaniquement mon attention en signant quelques mots devant moi. Mes yeux se sont figés sur lui. Amy ne comprenait pas le langage des signes, ou alors il ne connaissait que quelques signes simples. Mon corps s’est légèrement redressé pour observer de plus près les symboles que Jason indiquait et que se mirent soudainement à briller après quelques paroles incompréhensibles du démonologiste. La magie me surprendra toujours. C’était une protection supplémentaire contre Amy. Il pourrait très facilement profiter de cette situation et du stress qu’elle pourrait me générer pour prendre le contrôle de mon corps et tenter d’étriper Jason.

« Ouais… ouais ouais. Je vais essayer. » J’ai repris un bon bol d’air, puis un second. « Allez Joseph… tu peux le faire juste… concentre toi. »

J’ai essayé de me donner quelques mots d’encouragement avant de refermer doucement mes paupières et de me concentrer un peu plus sur ce fameux rêve. J’ai commencé par me centrer sur les éléments dont je parvenais à me souvenir assez facilement. Je pensais d’abord à cette table d’opération qui me glaçait le dos à travers le peu de vêtements qu’il me restait. Progressivement, un détail m’emmenait vers un autre et la scène prenait forme lentement. Mes poils se sont dressés lorsque j’ai essayé de me souvenir du métal froid sur ma peau. Je me souviens de ce que je portais ce jour-là, ils n’étaient pas encore tombés en lambeaux. Lorsque j’ai enfin assez d’éléments pour pouvoir les raconter à Jason.

« Je… je me souviens de la table d’opération, de mes vêtements, je portais encore les miens, je crois que ce souvenir date du début de ma captivité, enfin c’est ce que je déduis. J’ai mal partout, comme si on m’avait tabassé… ou j’ai la sensation d’avoir fait une chute de plusieurs mètres… je sais pas. » Je me concentrais un peu plus ailleurs, ces détails sont utiles pour savoir où se trouvait le souvenir dans l’échelle du temps mais je n’avais pas assez d’éléments pour en être certain. « J’ai essayé de partir de là… mais j’étais complètement bloqué. »

Ma tête s’est mise à se déplacer et mon esprit commençait à reconstruire progressivement ce souvenir. J’étais tellement focalisé sur les détails que j’essayais de recréer que j’en oubliais de suivre les exercices de respiration de Jason. Les premiers signes de stress ont commencé à apparaître. Ma main gauche, posé sur ma cuisse tremblait de manière incontrôlée, d’abord le bout de mes doigts ensuite la main entière. Je venais de croiser le visage d’Arcane.

« Je vois son visage… celui d’Anton Arcane, il… je crois qu’il est accompagné d’autres personnes, elles sont floues, en tenue large qui cache tout leur corps, c’est trop flou. » Je devais me concentrer sur d’autres détails, Arcane bougeait et se rapprochait de moi, j’ai reculé légèrement ma tête en arrière avant d’être bloqué par un mur invisible. « Je… je ne comprends pas ce qui m’arrive, ce que je fais là. Je suis plus confus que terrifié pour l’instant. » J’ai senti les doigts d’Arcane attrapé le bas de mon visage, mes muscles se sont crispés d’un coup et mon cœur s’est contractés. « Il me parle mais je n’entends que des bourdonnements, je crois que je suis sonné. »

Par reflex, j’ai pivoté ma nuque de bas en haut puis de gauche à droite de manière frénétique, comme si je cherchais à me libérer de son emprise. Malheureusement, Arcane avait plus de force que moi et il ne lâchait rien, bien au contraire. Ma mâchoire s’est contractée.

« J’ai l’impression de sentir ses doigts brisés les os de ma bouche… » Mais en balançant ma tête dans tous les sens, de nouveaux éléments sont apparus. « La table… elle n’est pas comme les autres… ils ont gravés des symboles sur le métal… tout autour de moi… et peut-être sous ma colonne vertébrale. »

Arcane m’a lâché, me laissant quelques secondes de répit. Ce petit instant m’a permis de reprendre le contrôle de mon corps partiellement, une petite victoire en somme. Malheureusement, une autre voix m’interrompit, une voix que je ne pensais pas entendre aujourd’hui. Tiens, le petit s’est fait pousser une paire et se noie dans ses souvenirs traumatisants. Qu’est-ce que tu fais là ?! J’attends le Meilleur moment.

Je n’ai pas réellement compris ce qu’il avait derrière la tête et je n’aurais pas l’occasion de lui poser la question. Arcane est revenu avec quelque chose dans les mains, un bol beaucoup trop flou pour que je parvienne à comprendre ce qu’il contenait. En observant de plus près, ce n’était pas un flou mais une espèce de bouillis de ténèbres, une espèce de censure, comme si mon subconscient essayait une dernière fois de me protéger d’un traumatisme.

« Arcane gravite autour de moi il… » Il a attrapé ma mâchoire d’un coup, la forçant à s’écarter davantage pour apercevoir ma langue. D’un coup, mes muscles se sont contractés d’un coup et ma colonne vertébrale s’est bloqué dans un mouvement brusque intense. « Qu’est ce qu’il essaye de fai… je comprends pas c’est… »

Du sang, frais, probablement humain qu’il laissait lentement glisser dans mon palais avant que le liquide épais bloque ma gorge et me paralyse de terreur. J’étouffais mais il s’en moquait, vidant le bol entier avant de prononcer des paroles dans une langue que je ne parvenais pas à comprendre.
J’ai toussé pour essayer de chasser le sang qui n’avait pas déjà glissé dans mon gosier. Intérieurement, je me débattais Arcane et les chaines qui me retenait prisonnier. Jason ne pouvait voir que des spasmes, des quintes de toux, le dégout sur mon visage que je ne pouvais pas contrôler.

« Sang… sang, c’est du SANG. »

J’ai hurlé avant de rouvrir mes yeux d’un coup, emporter par une crise de panique forte. J’ai continué de tousser, atteint par une nausée forte et prêt à vomir du vide pour me retirer ce goût horrible de ferraille qui restait collés à ma gorge. J’ai paniqué, j’ai laissé mes émotions négatives prendre le dessus. Amy avait déjà vécu cette scène et s’en souvenait comme si c’était hier. Il avait simplement besoin d’un moment de faiblesse, d’une panique total pour venir poser ses mains sur moi et tenter de prendre le contrôle de mon corps. Tu es à moi, maintenant.