La solitude est le nid des pensées - [Barbara Gordon]

L’après-midi tirait sur sa fin sur la ville de Gotham. Une soirée fraîche s’annonçait avec la chute des températures accompagnant l’arrivée de l’automne. Mais ça n’en restait pas moins un moment idéale pour se promener dehors dans l’ordre de s'éclaircir les idées. C’est pour cela que le plus jeune membre de l’illustre famille des Wayne se trouvait à l’extérieur, chaudement protégé par son manteau et accompagné des deux canidés de la famille : Ace et Titus.

Le premier, Ace, était un berger allemand qui était présent dans la famille depuis un certains temps déjà. Parfaitement entraîné, capable d’agir comme un chien de l’armée, il avait plus d’une fois accompagné le Chevalier Noir dans ses aventures et était parfois surnommé le « bat-chien ». Toujours prêt à servir ses maîtres, ce fidèle compagnon n’était cependant plus de prime jeunesse et ses sorties aux côtés du Bat-clan se faisaient plus rare.

Le second, Titus, était un grand danois et était le chien de Damian. Offert par son père durant leurs premières aventures ensemble, en récompenses pour les efforts que le jeune homme montrait pour se plier aux règles paternel… mais également pour pousser le Fils du Batman à s’ouvrir. Damian l’avait appelé Titus, à la fois en référence au protagoniste principale de la pièce Titus Andronicus de Shakespeare mais aussi en référence au premier empereur romain à avoir succéder à son père sur le trône impériale. Il était un compagnon loyal également mais partageait plus particulièrement un lien fort avec le plus jeune membre de la famille. Damian veillait également sur son compagnon canin, s’occupant personnellement de lui et de son éducation quand il était présent au manoir.

Damian avait toujours eut une certaines affections pour les animaux. Peut-être parce que avec l’enfance qu’il avait eut et surtout les attentes qu’on avait à son égard… ou en tout cas les attentes qu’il pensait que sa famille avait pour lui, ces compagnons à fourrure étaient sans doute les premiers êtres auprès desquels il pensait pouvoir être juste lui-même sans qu’ils n’aie l’impression de se faire juger… ni la crainte d’un jours les décevoir. De plus, l’Héritier du Démon avait aussi démontrer un certains don pour le dressage, sachant se faire obéir mais sachant également quand les laisser libre d’agir.

Le fait que sa famille soit propriétaire d’un imposant domaine entourant le Manoir familiale était un vrais plus. Au-delà du symbole de leur statut qu’il représentait et de la tranquillité qu’il garantissait, le domaine Wayne était un très bon endroit pour se ressourcer. Les environs immédiats du domaine consistait en un jardin parfaitement entretenu où des évènements pouvaient êtres organisé, ou alors simplement la famille pouvait passer du bon temps. Plus loin dans la propriété se trouvaient des bois dans lesquels le jeune homme appréciait de s’isoler parfois. Jadis, ils ceux-ci constituaient probablement une réserve pour d’éventuel partie de chasse de ses ancêtres, mais à présent ils n’étaient plus qu’un élément de nature parmi d’autre au sein de la propriété. Bien entendu, presque partout depuis le domaine Wayne, on pouvait avoir une vue imprenable sur Gotham City.

Mais le jeune homme n’était pas d’humeur à profiter de son environnement, à admirer le spectacle des couleurs de l’automne parant les feuilles des arbres attendant de tomber. Pas davantage d’humeur à profiter de la vision de Gotham et de ses environs, chose qui le touchait bien moins que son père, pas non plus le désir de tout simplement laisser la caresse du vents chasser les problèmes agitant son esprit. Non, Damian était dans l’un de ses jours où tout ne lui semblait qu’être frustration. Depuis le début de la journée, il n’arrivait pas à tenir en place, il ne parvenait pas à se concentrer sur une activité précise… il ressentait de l’énervement dès que son esprit où son corps restait inactif.

Il avait bien tenté de travailler sur ses devoirs en tant que représentant de la JLAcademy, mais en vain, ne parvenant pas à s’y intéresser. Il avait bien travailler sur certains de ses projets personnels, mais là encore il se retrouvait confronter à des problèmes sur lesquels il ne parvenait pas à trouver de solution… et n’arrivait pas à se concentrer sur celle-ci non-plus d’ailleurs, à un point qu’il les avait envoyé au diable. Enfin, il avait passé une bonne partie de l’après-midi à s’entraîner, encore et encore, jusqu’à épuiser les programmes d’entraînement et ainsi qu’user une partie du matériel et des cibles utiliser pour celui-ci. Mais même s’il commençait à ressentir la fatigue s’insinuer dans son corps après tout ses exercices, il ne sentait pas la frustration qui l’habitait redescendre. C’est alors qu’Alfred lui avait conseillé poliment, mais fermement, d’aller profiter du jardin pour se calmer les nerfs.

Il en était là. Il en avait profité pour sortir les chiens pour leurs faire faire de l’exercice, mais le cœur n’y était pas. Il en était à passer son énervement en jetant la balle aussi loin que possible et à attendre que Titus la lui ramène… Ace pour sa part préférait rester à observer le jeunot plein d’énergie se dépenser, attendant le moment où il aurait un rôle à jouer. Le chien de son père avait beau commencer à faire son âge, il restait encore parfaitement capable de faire des activités physiques mais il s’économisait néanmoins. Il ne faisait pas la sieste pour autant, gardant ses sens à l’affût d’un éventuel intrus… l’une ou l’autre fois, un paparazzi trop audacieux en avait fait les frais.

Damian jeta une nouvelle fois la balle aussi loin qu’il le pouvait, répétant encore le même exercices au point de sentir une douleur commencer à poindre dans son bras. Laissant son chien courir après la balle, le Fils du Batman s’assit nonchalamment sur un des bancs du jardin et mit la main dans sa poche. Ce qu’il en sortit attira immédiatement l’attention de Ace qui leva la tête quand il reconnut l’objet, mais resta néanmoins à sa place, car il s’agissait d’un des batarang du Batman.

« Tst, toi aussi tu ressens son absence ? » grogna Damian à l’intention du chien.

La vérité, était que l’absence prolongée de son père et le manque de nouvelles à son propos commençait réellement à miner le moral de Damian. Il n’avait aucune idée de ce que le Batman faisait… il ne savait même pas si son père était en vie et personne ne semblait avoir la moindre idée des raisons pour lesquels son père était partit, le laissant seul au manoir avec Alfred. Cela faisait des mois sans que personne n’apprenne quoi que ce soit de plus. En regardant la forme de Chauve-Souris, le symbole de son géniteur, du projectile, le jeune homme ressentait à la fois de l’inquiétude et de la colère à l’égard de ce dernier.

Une nouvelle fois, Titus revint avec la balle et la laissa tomber devant Damian. Néanmoins, l’animal perçut le trouble qui habitait son maître et l’observa intensément, plantant son regard dans celui de son petit propriétaire. Sans produire le moindre son, le chien vint appuyer son imposante tête contre l’épaule du jeune homme en signe de réconfort et de soutiens. Cela arracha un petit sourire au Fils du Batman qui caressa son compagnon à fourrure, ils étaient tout deux très attaché l’un à l’autre. Mais cette démonstration d’affection de la part du grand danois ne changeait pas le cœur du problème… le poids que la disparition de son père faisait peser sur la vie du jeune homme.

Il vivait depuis seul avec Alfred au Manoir. Et autant il adorait le majordome de la famille comme un grand-père, autant ce dernier ne pouvait totalement compenser l’absence de son père… et encore moins la sensation grandissante chez le jeune homme que son propre père ne lui faisait pas confiance. N’était-il pas censé être son fils, son héritier ? Même si le reste de sa famille ne semblait pas être logé à meilleur enseigne que lui… mais pourtant il le prenait quand même personnellement.

« C’est bon, Titus. Arrête. » commanda-t-il à son animal de compagnie qui obtempéra immédiatement.

Le jeune homme avait parfaitement éduquer son compagnon canin pour qu’il suive ses instructions. Il s’éloigna de quelque pas, lui laissant de l’espace, et se tint droit, prêt à recevoir les prochains ordres du jeune homme. Damian se replongea dans ses sombres pensées… qu’est-ce qu’ils feraient s’il s’avérait que Batman n’était plus ? Qu’est-ce qu’il deviendrait ?

Ce fut à ce moment que Ace se releva soudainement, oreilles levée, le regard vif, cela signifiait qu’il avait repéré une présence. Quelques secondes plus tard, Titus à son tour avait décelé qu’un individu approchait. Mais à leurs attitudes corporelles, à leurs réactions, Damian savait qu’il ne s’agissait visiblement pas d’une personne jugé hostile ou même étrangère. Ses propres sens étaient en éveil, mais il ne se tourna pas dans la direction d’où était censé arriver cette personne. Il restait concentré sur le batarang.

Damian avait continué longuement à observer le Batarang, réfléchissant à la signification que ce symbole pouvait revêtir : pour lui, pour sa famille, pour son père, pour Gotham… et donc les implications que son absence auraient et avaient en ce moment même. Le jeune homme passa son doigt sur les bords du projectile, suivant les formes de l’objet en forme de chiroptère. Quand son doigt passa sur la tête de la silhouette de chauve-souris en métal, il sentit une douleur. Retirant son doigt, il constata qu’il s’était légèrement coupé sur l’une des oreilles.


La douleur qu’il ressentait ne le gênait pas réellement, il avait connu bien pire à de trop nombreuses reprises pour vraiment s’en faire, mais il ne put l’espace d’un instant détourner son regard des gouttes rouges qui s’échappaient de son doigt. Il s’agissait sang qui coulait dans ses veines, celui qu’il partageait avec son géniteur en tant que son fils. Mais pourtant, malgré ce lien du sang qu’ils partageaient, le Fils du Batman avait parfois l’impression que son père lui était parfaitement étranger. Même après trois années à vivre sous le même toit, à former le Dynamique Duo, il n’était jamais certains de ce que son géniteur pensait.


C’est alors qu’il vit arriver du manoir une silhouette familière dont la crinière rousse ne laissait aucune place au doute quant à son identité. Ace vint directement à la rencontre de la Batgirl originelle, le « Bat-chien » étant familier de la première Batgirl. Titus, pour sa part, resta auprès de Damian se tenant toujours attentif à un ordre du plus jeune membre de la famille, mais les mouvements de sa queue trahissait qu’il était également content de voir la fille du Commissaire Gordon.


Damian… resta assis sur son banc, sans dire un mot, laissant Barbara s’approcher sans émettre le moindre commentaire montrant qu’il reconnaissait sa présence. Il continua à fixer le batarang pendant encore quelques instants avant de tourner la tête lorsque Barbara s’installa à son tour sur le banc à côté du jeune homme tout en lui laissant son espace vitale.


« Tst » fut la seul réponse qu’il donna aux paroles de son aînée.


Il avait déjà une idée précise de ce qui l’amenait ici… et pour être complètement franc, il n’était pas sûr d’avoir envie d’en parler. Sa main se referma sur le batarang qu’il avait observer un peu plus tôt, comme s’il voulait le dissimuler à la vue de la fille du commissaire Gordon. Un souffle de vent vint contre leur visage, une brise rafraîchissante mais néanmoins suffisamment forte pour pouvoir dévier un lancé de projectile de sa course si on ne prenait pas garde de compenser.


« Étant donné que tu ne semble pas ici pour affaire, j’en déduis que c’est Alfred qui t’a contacter. Je me demandais justement qui il solliciterait en premier : toi, Richard ou Brown ? Alors, quel est mon problème selon lui ? » interrogea l’Héritier du Démon dont la frustration qu’il ressentait pouvait se lire sans peine sur son visage.


Même si Damian ne doutait nullement que Barbara était belle et bien venue pour lui… ou en tout cas qu’elle avait accepté de prendre du temps pour lui. Tout comme il connaissait l’inquiétude que nourrissait le majordome à son égard. Mais Damian n’aimait pas avoir à se reposer sur d’autres, ce n’était simplement pas dans sa nature. Il n’écouta que d’une oreille distraite l’éventuelle réponse de la première Batgirl.


Devant lui, se dressait toujours Titus qui attendait la suite, fixant son maître dans les yeux à la recherche de son attention. Ace s’était à nouveau couché près du banc, juste à côté de Barbara. Soudain, Damian se leva, laissant derrière lui le batarang qu’il tenait jusqu’à présent et sur lequel un mince filet de sang avait coulé, souillant la surface immaculée. Damian passa la main sur la nuque de l’animal pour le caresser un peu. Puis il se baissa pour ramasser la balle encore pleine de bave que Titus lui avait ramené. Il la tint en main pour la montrer à son compagnon qui se tint alors prêt à partir à sa recherche, le regard fixé sur la balle, les jambes prêt à bondir. Et Damian jeta la balle. Il la jeta aussi loin qu’il le pouvait en poussant un hurlement. Ce n’était définitivement pas un jeu, du moins pas pour le Fils du Batman, ce dernier cherchant à évacuer une partie de sa hargne dans ces lancés. Il ne cherchait pas à rendre l’exercice amusant, il cherchait juste à se défouler en projetant la balle le plus loin possible, comme il avait chercher à se distraire dans le travail, comme il avait chercher à faire passer la colère qu’il ressentait dans l’entraînement. Il se sentait impuissant face à la situation, face à ce qu’il ressentait, et cela ne faisait que le frustrer davantage. Alors que Titus courrait après la balle à vive allure, Damian s’en retourna vers Barbara. Il se massait l’avant-bras, probablement à cause d’une des nombreuses courbatures qu’il s’était fait depuis le début de la journée.


« Qu’est-ce que tu crois qu’on doit faire ? Concernant l’absence de père ? » interrogea-t-il son interlocutrice.


Bien que Damian refusait de montrer que cela l’affectait au niveau personnel, le fait qu’il évoque directement le sujet trahissait à quel point cela le préoccupait. Même s’il abordait la question sous un angle « professionnel » en parlant des conséquences de l’absence prolongée du Chevalier Noir pour Gotham, mais il s’agissait déjà là d’une fissure dans sa carapace émotionnelle… même une exceptionnellement rapide quand on connaissait le besoin qu’avait le jeune homme à ne pas montrer ses faiblesses. De même, le fait que Damian demande directement l’avis à Barbara sur la question pouvait démontrer une autre certaine… incertitude de la part du Jeune Prodige, ce qui n’était définitivement pas dans ses habitudes.

Damian était resté silencieux lorsque Barbara l’avait interrogé sur son éventuelle déception quant à sa présence. Cette question ne nécessitait pas réellement de réponse de sa part… mais non, Damian n’était pas spécialement déçut par le fait que la fille du Commissaire Gordon soit venue car il en était arrivé à la considérer comme un membre à part entière de sa famille et ce même s’ils n’avaient aucun lien du sang ni même qu’elle fit partie des acolytes que son père avait adopté. Mais il lui restait difficile d’admettre avoir le moindre moment de faiblesse. Le fait que celle-ci soit suffisamment visible pour que les membres de sa famille la perçoive n’était pas spécialement un réconfort à ses oreilles.
 
Barbara répondit aux interrogations de Damian concernant la marche à suivre avec l’absence de son géniteur qui n’en finissait pas de se prolonger. Comme à son habitude, la première Batgirl fit preuve de franchise… ses paroles auraient put sonner creux, comme uniquement destiné à rassurer à enfant qui doutait, mais Damian connaissait Barbara, et savait suffisamment bien lire le langage non-verbale de ses interlocuteurs, pour voir qu’elle croyait vraiment dans ses paroles.
 
Le jeune homme baissa la tête, il n’était pas sûr de s’il y croyait ou non… ou pour être plus exact, il pensait qu’ils finiraient par le retrouver, mais ne pouvait s’empêcher de craindre que ce serait trop tard. Une part de lui commençait réellement à perdre espoir. Même s’il admirait les capacités de son père, celui-ci restait qu’un homme… et il pouvait donc être tuer. Même s’il pensait son père capable de faire face à n’importe quelle menace, on était jamais à l’abris d’une erreur, d’un accident ou d’un piège. Et Damian s’en voulait de penser cela face à la conviction que montrait Barbara dans ses paroles, mais il ne pouvait s’en empêcher.
 
« En espérant que ce ne sera pas trop tard. » répondit-il amèrement.
 
Cette amertume n’était pas dirigée vers son interlocutrice, mais plutôt vers son père. Damian lui en voulait d’avoir ainsi disparut, de les laisser si longtemps sans nouvelles… de ne pas leur faire assez confiance pour ne serait-ce que leurs dire après quoi il en avait. Damian n’était pas dans une période où il allait bien, il se sentait seul au manoir, il s’était disputé il y a quelques temps avec Jon et depuis ils ne s’étaient plus reparlés… pas même après le décès de la grand-mère de Superboy, et Damian en éprouvait de la culpabilité bien que restait trop buté pour faire le premier pas. La situation de Gotham commençait à le préoccuper également. Certes, il ne doutait pas que sa famille serait là pour le soutenir s’il le demandait, mais il restait trop fier pour accepter l’idée de ne pas paraitre à la hauteur aux yeux des gens auxquels il tenait.
 
Il ne releva la tête qu’après que Barbara, qui avait commencé à porter son regard vers le jardin, reprit la parole, faisant une référence indirecte au batarang qu’il avait dans sa poche. La main de Damian se porta instinctivement dessus, le contact froid de l’objet métallique en forme de chauve-souris se fit sentir au bout de ses doigts. Au loin, il vit que Titus avait retrouvé la balle qui lui avait été envoyé, mais étonnamment, le grand danois revint en marchant vers son maitre… comme pour lui laisser le temps de parler avec Barbara. Le Fils du Batman sortit alors le batarang et le regarda longuement.
 
« Je ne sais pas si le tiens à une histoire particulière, mais celui-ci n’est qu’un morceau de métal inerte avec le symbole de père, un que j’ai prit parmi les centaines d’autres en bas. Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça, pourquoi je ne peux m’empêcher d’essayer de me rappeler pourquoi père se bat quand je le regarde… ce n’est qu’un bout de métal. »
 
En le regardant Damian sentit à la fois de la tristesse et de la colère monter en lui. Il ressentait l’envie de jeter le projectile aussi loin que possible de lui, mais il se retint… en fait même s’il avait essayé, il n’aurait pas pu le lancer. Il n’en aurait pas eu la force de le faire. Un léger sourire reconnaissant apparut cependant sur son visage lorsque son interlocutrice évoqua qu’elle avait mobilisé les ressources qu’elle possédait en tant qu’Oracle pour aider à retrouver la trace du Batman.
 
Enfin, toujours avec la même bienveillance, elle interrogea directement Damian, lui retournant sa propre question. L’Héritier du Démon ne répondit pas toute suite, son regard se porta immédiatement ailleurs, comme s’il cherchait inconsciemment à fuir la question. C’était rare de voir le Jeune Prodige ne pas immédiatement répondre à une interrogation, mais le fait été que Damian ne savait vraiment pas quelle attitude adopter… Tenter de dissimuler sa disparition jusqu’à son éventuel retour ? Prendre des mesures pour le pire ? Essayer de le rechercher plus activement en dépit qu’il ne semblait pas vouloir être retrouver ?
 
« Je… Père connait toutes nos méthodes, s’il ne veut pas qu’on le retrouve, je doute qu’il fasse une erreur nous permettant de retrouver sa piste. J’ai déjà consulté tous les derniers dossiers qu’il a consulté sur la Bat-ordinateur, discuter avec Alfred des dernières affaires auxquels il s’intéressait… j’ai même été jusqu’à en parler à certains collègues de père pour savoir s’ils en savaient plus ou si c’était pour des affaires lié à la Ligue des Justiciers qu’il était parti… mais rien. » commença Damian.
 
Il y avait une légère détresse perceptible dans sa voix lorsqu’il prononça les premiers mots, mais il ne lui fallut que quelques secondes pour la faire disparaitre et reprendre son assurance coutumière. Titus les avait rejoints, poser la balle aux pieds de son maitre et se tenait à présent sagement à ses côtés attendant de manière disciplinée que ce dernier aie finit de parler. Pour le Jeune Prodige, il allait maintenant être obligé de se confronter à ce qu’il aurait voulut éviter, envisager quoi faire si son père ne revenait pas.
 
« Je voudrais affirmer que nous devrions concentrer nos efforts sur la recherche de père, de le retrouver au plus vite et de ramener le Chevalier Noir à Gotham, mais ce ne serait pas forcément la bonne chose à faire. » commença-t-il. « Mais la vérité est que nous n’avons pas l’ombre d’une piste pour commencer notre recherche et que dans l’état où Gotham se trouve, il serait irresponsable de notre part de détourner des ressources pour nous lancer dans une chasse au dahu. »
 
Damian se laissa aller, s’asseyant à nouveau sur le banc. De l’extérieur, il semblait fatigué, soudainement las de la situation. Mais à l’intérieur, cela lui faisait mal, presque physiquement, d’avoir ainsi à faire passer la recherche de son père au second plan par rapport à la protection de Gotham. L’Héritier du Démon n’était attaché à cette ville que parce qu’il s’agissait de celle où se trouvait sa famille, que parce qu’elle comptait aux yeux de son père. Mais la réalité, c’est qu’il avait encore du mal à aimer cette cité qui semblait n’être là que pour confirmer tous les excès du monde moderne que la Ligue lui avait appris à mépriser. Il continuait à tenir dans sa main le batarang, le regardant fixement.
 
« Protéger Gotham et ses habitants, c’est la mission que père s’est confié. Et c’est aussi pour celle-ci qu’il nous a formé. Abandonner la ville pour nous consacrer à sa recherche sans même savoir où chercher reviendrait à trahir cela… surtout maintenant que la vermine gagne chaque nuit un peu plus en audace alors que l’absence du Batman se fait chaque nuit plus évidente, avec l’évasion du Joker, les ingérences de l’Intergang, les tensions entre gang qui montent, la peur qu’inspire la présence des Kandoriens au-dessus de nos têtes… cela fait longtemps que ce cloaque n’avait plus été aussi instable. »
 
Le Fils du Batman s’arrêta un bref instant, prenant une grande inspiration. Mais en vrais, il luttait pour ne pas laisser des larmes lui monter aux yeux. Il craignait qu’en décidant de se concentrer sur la défense de Gotham, de risquer de sceller le destin de son géniteur. Comme pour refléter son état d'esprit, le ciel commençait à s'assombrir à mesure que le soleil s'approchait du crépuscule et que les nuages s'accumulaient.
 
« Notre devoir, c’est de faire au mieux pour compenser l’absence de père tant que la situation ne se sera pas apaisée. Même avec nos alliés, ça risque d’être compliqué, aucun d’entre nous n’inspire la même peur que le Chevalier Noir. Au moins, ton père est de retour à la tête du GCPD, cela devrait au moins permettre de tenir en respect la corruption au sein de la police. Mais en attendant, les seuls choses que je vois qu’on peut faire, ce serait de davantage coordonner nos patrouilles pour être plus efficace dans la lutte contre nos ennemis… et tenter de faire en sorte de contrer la certitude que le Batman à disparut… même si je sais que Richard n’a aucune envie de renfiler le costume, pas plus que Drake n’en montre l’envie… quant à moi, je dois accepter que je risque de ne pas faire illusion longtemps. »
 
On pouvait toujours envisager de faire une tournante sur qui portait le costume pour qu’au moins certaines nuits, le Chevalier Noir soit présent dans les rues. Mais Damian doutait que cela ne trompe leurs ennemis les plus persistants. Pourtant, Damian aurait volontiers reprit le rôle de son père, mais même s’il avait une confiance absolue dans sa capacité à remplacer le Chevalier Noir, même lui devait admettre qu’il manquant encore en taille et en carrure pour se faire passer pour celui-ci.

Fidèle à son habitude, Barbara était restée attentive aux paroles du jeune homme. Elle était restée à l’écoute, laissant le Fils du Batman aussi bien exposé le fil de ses pensées que vider son sac. Même si le jeune Wayne faisait de son mieux pour le dissimuler, aujourd’hui, au travers de ses paroles, de son attitude, transparaissaient ses doutes, ses craintes. Damian commençait réellement à douter qu’il reverrait jamais son géniteur. Il n’avait jamais laissé Gotham sans surveillance aussi longtemps… même lorsqu’il affirmait faire confiance à ses coéquipiers, son père avait besoin de veiller sur sa ville. Mais aussi, le jeune homme craignait de se montrer « indigne » de son père.
 
La mission que la Chevalier Noir s’était imposé était de veiller sur la sombre métropole et ses habitants. En l’absence de son protecteur, l’état de la ville avait empiré, la chose était indéniable, tous les efforts du Bat-clan pour endiguer le phénomène. Mais il fallait bien le reconnaitre, aucun des acolytes du Batman ne possédait l’aura de ce dernier pour intimider les criminels, ces derniers étant bien plus préparé à l’idée de risquer de rencontrer un Robin, une Batgirl ou un Nightwing que le Batman lui-même. Damian craignait donc également l’idée de faillir à la mission de veiller sur la ville en l’absence de son père. Il craignait d’une manière ou d’une autre de ne pas être à la hauteur de son père. Le fait que Barbara lui révèle qu'elle avait gardé en souvenir le premier batarang que son père lui avait donné ne l'aidait pas. L'anecdote était touchante, mais elle lui rappelait aussi l'un de ses vieux démons. Ce n'était pas son père qui l'avait recruter pour être Robin, ni lui qui l'avait intégré dans le Bat-clan, tout cela avait été l'oeuvre de Dick. Même si depuis, son géniteur lui avait donné d'autres preuves d'affections, Damian n'avait jamais put s'ôter l'idée que le Chevalier Noir aurait peut-être préférer garder Drake, son prédécesseur, comme partenaire.
 
Mais lorsqu’il eut fini Barbara prit quelques secondes à réagir avant de venir se poster devant lui, s’accroupir pour être à sa hauteur. Avant même qu’elle ne prenne la parole, Damian pouvait voir que la première Batgirl était visiblement également atteinte par l’absence de son père, que l’évocation de la possibilité que le Batman pourrait ne pas revenir avait aussi un impact sur elle. Ce simple fait les aidait déjà à établir une connexion entre eux. Mais les paroles de la fille du commissaire lui faisaient comprendre quelque chose que, même s’il le savait, Damian peinait parfois encore à intégrer. Il n’était pas seul dans cette situation, il ne l’avait jamais été. Depuis qu’il avait rejoint son père, il avait intégré une famille dont les membres pouvaient se soutenir face au vide laisser par l’absence de son père. Mais avec la solitude qu’il ressentait ces dernières semaines, Damian l’avait probablement perdu de vue.
 
Entre son caractère qui le poussait souvent à agir seul, le temps qu’il passait avec les Supersons ou à la JLAcademy ou le fait qu’il n’était pas dans sa nature de quémander l’attention de ses proches de peur qu’ils ne le perçoivent comme un acte de faiblesse, il pouvait parfois s’écouler plusieurs semaines sans qu’il ne rencontre un membre de sa famille en-dehors des patrouilles. Et parfois, cela le pesait. Sans rien dire, Damian rangea le batarang et se leva avant de fourrer ses mains dans ses poches et de suivre Barbara. Tout deux bientôt suivit par Ace et Titus qui leur emboitèrent le pas.
 
Le vent s’était levé et la luminosité commençait à baisser. L’Héritier des al-Ghul parvenait même à déceler un soupçon d’humidité dans l’air qui laissait présager à l’arrivée prochaine de précipitations. Pas que cela le dérangeait réellement, Damian ayant l’habitude de patrouiller par tous les climats. Alors qu’ils marchaient, ils pouvaient voir devant eux s’étaler, par delà les limite de la propriété du domaine Wayne, le spectacle d’une Gotham illuminée dans la nuit. Les lumières des rues, des immeubles, des bâtiments trahissaient une vie nocturne active. Les dirigeables du GCPD survolant inlassablement au-dessus de la cité, cherchant à déceler les crimes commis en ce moment. Gotham ne dormait jamais réellement. Et pourtant, ils étaient tout deux biens placés pour savoir que les véritables dangers se tapissait dans les coins sombres de cette ville.
 
Mais Damian porta rapidement son regard dans la direction opposé, vers le manoir. L’immense demeure, si impressionnante à admirer, offrait un contraste saisissant. Le manoir semblait être une masse sombre dans la nuit naissante, la lumière n’illuminant qu’une poignée de pièces servant pour la vie quotidienne de ses résidents. Pour Damian, cette demeure était celle de son père, celle de ses ancêtres. Mais la vie au quotidien dans cet endroit pouvait s’avérer très éloigné des fantasmes que le gros de la population pouvait nourrir.
 
« Jusqu’à la disparition de père, je n’avais jamais réalisé à quel point cet endroit pouvait être démesuré. » déclara-t-il à son ainée d’un ton sombre « Pour peu qu’Alfred soit occupé, je peux passe l’essentiel de la journée sans croiser sa route. »
 
À ces mots, il ressentit un contact physique appuyé contre son bras. Titus lui manifestant ainsi sa présence. Damian sortit alors sa main de sa poche pour caresser la tête de son compagnon canin. Le vent se faisait plus fort autour d’eux, le ciel s’assombrissait encore davantage… un temps idéal pour l’apparition d’un bat-signal bien visible… mais pour l’instant le GCPD ne semblait pas avoir un besoin urgent de chauve-souris. Cela ne signifiait cependant pas que rien ne se tramait. Damian soupira.
 
« Je devrais déjà être en train de préparer ma patrouille. » finit-il par lâcher en se tournant vers Barbara.
 
Le Jeune Prodige avait passé tellement de temps à ressasser sa frustration qu’il n’avait pas put décider quel itinéraire il emprunterait ou quelle affaire il allait traiter. Ce n’était pas un comportement qui lui ressemblait, mais son état émotionnel actuel l’empêchait visiblement de se concentrer sur ce genre de chose. C’est à ce moment qu’Ace commença à fixer un point dans l’obscurité, reniflant dans cette direction avant de se mettre à grogner. Titus se mit alors à renifler à son tour avant de silencieusement se placer aux côtés du « bat-chien ».

L’ombre d’un sourire passa sur le visage de Damian lorsque Barbara lui rappela que les portes de la Tour de l’Horloge lui restait ouverte si d’aventure le sentiment de solitude le gagnait. Cela il le savait bien, tout comme il savait qu’il pourrait espérer un soutien similaire de la part de la plupart des membres de leur famille. Mais cela n’en faisait pas moins du bien de l’entendre dire de la voix de l’un d’entre eux.
 
Mais ce n’était qu’une partie du problème. Son sentiment de solitude venait en bonne partie du fait qu’il voyait en définitive assez peu ses frères et sœurs en dehors de leurs obligations, mais ce n’était pas tout. Sa fierté et son caractère pouvait être des freins qui l’empêchaient d’aller rechercher la présence de ses parents, mais c’était bien l’absence de père qui le minait le plus. Un simple appel de lui, et il pouvait demander à Barbara, à Stéphanie ou à Richard de passé, un simple mot et son meilleur ami de Métropolis pouvait rappliquer en un clin d’œil pour peu que ses parents l’y autorise. Mais si Damian avait toujours pu faire avec jusqu’à présent, le fait de ressentir disparition de son père presque au quotidien était ce qui le minait le plus. Constater son absence que ce soit au manoir ou dans la Batcave ne faisait que davantage lui donner cette impression de solitude. Se dire aussi que, lorsqu’il participait à des opérations comme la défense de Métropolis contre les incursions des Kandoriens, que son père aurait probablement fait mieux s’il avait été là le faisait parfois se sentir bien impuissant.
 
 
Certes, il ne doutait nullement que tout les membres du Bat-clan ressentait la même chose, mais tous vivaient de leur côté de manière autonome. Même en temps normal, il pouvait s’écouler des jours voir des semaines sans qu’ils ne croisent la route du patriarche du Bat-clan. Damian ne pouvait que constater au quotidien la disparition de son géniteur. En d’autres termes, il pouvait voir la demeure familiale désertée. Il avait un temps envisagé de s’installer à la JLAcademy comme interne pour s’éloigner de cela. Mais il ne voulait pas laisser Alfred derrière lui… et il ne voulait pas laisser la maison de ses ancêtres sans surveillance. C’était l’une des premières choses que son père lui avait enseignés quand ils avaient commencé à faire équipe ensemble : « Un chevalier défend son château et sa famille ». En l’absence du père, c’était au fils d’en assumer le fardeau.
 
 
Le Fils du Batman ne sut quoi dire quand la Batgirl originelle lui fit la proposition de, pour une fois, laissé tomber la patrouille. Dans un premier temps, cette idée lui paraissait presque contre-nature. Ce n’était pas un hasard si le Bat-clan s’était à ce point étendue avec le temps. Gotham était une ville de plusieurs millions d’habitants avec l’un des taux de criminalité les plus élevé du pays. Et contrairement à d’autres héros tel que l’Homme d’Acier de Métropolis ou l’Éclair Rouge de Central City, le Chevalier Noir de Gotham n’était qu’un être humain. Si l’aura de peur qu’il avait créé contribuait à ce que la vermine y repense à deux fois avant de passer à l’acte, si son écurie et véhicules à la pointe de la technologie et les passages secrets qu’il avait conçut pour traverser la ville en un minimum de temps lui permettait de traverser sa cité en un temps record, il ne pouvait apparaitre dans la seconde dès qu’un délit était commis, contrairement à ses collègues super-héroïques doté de superpouvoirs. Si une attaque avait lieu dans un autre secteur de la cité que celui dans lequel il effectuait sa patrouille, il mettrait du temps à arriver sur les lieux.
 
Les criminels l’avait compris depuis longtemps, aussi les plus malin d’entres eux mettaient en place des stratégies, étudiants les itinéraires de patrouille de la Chauve-Souris, mettant en place des applications pour communiquer entre-eux les déplacements des Chevaliers de Gotham, engageant même des types pour faire des attaques de diversions… tout pour s’offrir une fenêtre d’action plus larges pour l’accomplissement de leurs méfaits. Les Protecteurs de la ville avaient bien entendu également adapter leurs méthodes, variant leurs itinéraires de patrouilles autant que possible, menant une guerre du renseignement avec la pègre pour savoir où frapper, espionnant lesdits réseaux mit en place par l’ennemi (l’une des spécialités de Barbara et de Stéphanie) … mais ce qui restait le plus efficace, c’était la multiplication des alliés et acolyte du Chevalier Noir. Chaque nuit, plusieurs d’entres eux étaient en patrouille, couvrant une zone bien plus large aux quatre coins de la métropole. Il était donc rare que personne ne patrouille dans les rues.
 
C’était pour cela que la première pensée de Damian aurait été de refuser la proposition de son interlocutrice… mais à la réflexion, il n’avait vraiment pas l’esprit à cela. Sa frustration l’empêchait de juger la situation avec logique et probablement qu’il se contenterait de bondir sur les premiers malfrats venus simplement pour le plaisir de les faires souffrir. Ça faisait probablement plusieurs nuits qu’il agissait comme cela d’ailleurs. Peut-être que la fille du Commissaire avait raison, peut-être aurait-il besoin d’une soirée à penser à autre chose.
 
Le regard de l’Héritier des al-Ghul se porta une nouvelle fois vers Gotham. Aucun signe des Bat-signal se reflétant sur les lourds nuages qui avaient envahit le ciel nocturne. Continuant à caresser les deux chiens de la famille qui s’étaient installé de part et d’autre d’eux. Il laissa un moment la brise nocturne lui caresser le visage avant de sentir les premières gouttes. La pluie arrivait. Damian finit par lâcher un soupir de résignation.
 
« Tu as sans doute raisons. Mais je garderai mon communicateur allumé au cas où l’un des autres nécessiterait du soutien. » finit par concéder le jeune homme.
 
Mais alors qu’ils s’apprêtaient à repartir. Damian remarqua les grognements d’Ace et de Titus. Tournant son regard dans la même direction qu’eux, il aperçut une brève lumière rouge. Un rictus malveillant déforma alors son visage alors qu’il tapa dans les mains… donnant ainsi le signal aux deux chiens que la « chasse » était ouverte. Les deux canidés décollèrent littéralement du sol alors qu’ils fonçaient vers la proie que leur flair avait repérée. Rapidement, des cris de surprises se firent entendre dans la pénombre alors qu’une silhouette s’élançait vers le mur de la propriété le plus proche, poursuivit par les canidés qui allaient s’assurer que ce visiteur indésirable trouverait le chemin vers la sortie.
 
« Rentrons, Alfred est déjà en train de nous attendre. » dit nonchalamment Damian, comme si tout cela n’était qu’une broutille.
 
En effet, le majordome du domaine était parfaitement visible dans l’encadrement de la porte. Il arrivait à la rencontre de Barbara et Damian munit d’un parapluie. Alors qu’ils le rejoignaient à mi-chemin, Ace et Titus étaient revenu. Titus tenait fermement dans sa gueule ce qui ressemblait à un trépied, tandis qu’Ace rapportait une sacoche remplit de matériel de photographie.
 
« Dois-je en déduire que nous avons à nouveau eut la visite de l’un de ces insupportable auxiliaire de la presse people ? » Fit le majordome en conservant son flegme britannique.
 
Damian caressa la nuque des deux chiens, les félicitant pour leurs prises. Ça arrivait de temps à autres que des paparazzi arrivent à s’infiltrer dans le domaine pour tenter d’obtenir quelques clichés de la famille Wayne à revendre… le plus souvent quand son père laissait passer trop de temps entre ses apparitions public. Le jeune homme se demandait toujours comment ces types faisaient pour trouver des failles dans la sécurité du manoir.
 
« J’allais me mettre au fourneau pour le repas de ce soir. Oserais-je espérer votre présence parmi nous, mademoiselle Gordon ? » Continua Alfred en s’adressant à Barbara tout en déployant le parapluie pour protéger ce petit monde de la pluie.
 
Quand ils eurent atteint les portes du manoir, après s’être essuyer les pieds et débarrasser de leurs vestes, Alfred leurs indiqua qu’ils pouvaient s’installer dans la pièce de vie en attendant l’heure du repas. Une fois à l’intérieur, Ace alla se trouver un coin tranquille pour s’allonger pendant que Titus restait près de Damian. Trônant sur une table à côté d’un fauteuil, se trouvait un exemplaire du traité « De la guerre » de Clausewitz avec un marque page à l’intérieur, probablement la dernière lecture de Damian.
 
Un écran de télévision de taille assez impressionnant était aussi présent dans la pièce, avec une bibliothèque de film très fournie. Mais on pouvait remarquer que la collections des épisodes de la vieille série des « Aventures du Fantôme Gris », avec Simon Trent dans le rôle principal, étaient étalés sur la table de salon. Cette série était assez ancienne, datant d’avant la période où Bruce avait perdu ses parents. Il semblait que le Fils du Batman se soit lancé dans le visionnage de cette série qui devait avoir le double de l’âge de Barbara.

Le majordome du Manoir Wayne s’était contenté d’un sourire bienveillant et de hocher la tête pour répondre à l’offre de Barbara qu’il vienne partager ce repas avec eux. Il n’y voyait aucun inconvénient d’autant plus qu’il le faisait déjà avec Damian pour lui éviter d’avoir à manger seul. Il n’en restait cependant pas moins touché par la sollicitude dont faisait preuve la première Batgirl. Mademoiselle Gordon avait toujours eu un grand cœur et ne craignait pas de le montrer.
 
Dans la salle de séjours, Damian était resté silencieux en vérifiant si son communicateur était bien allumé et cherchant un endroit où le placé pour l’avoir à l’œil. Une partie de lui hésitait toujours à l’idée de ne pas aller patrouiller… il avait l’impression de tenter d’échapper à son devoir. Mais son attention fut attirée par le commentaire de Barbara qui venait de découvrir la lecture qui occupait actuellement le jeune homme.
 
« Mère m’a fait lire l’art de la guerre de Sun Tzu quand j’avais 6 ans, le Traité des cinq anneaux de Mushashi quand j’en avais 8. M’imprégner de genre de traité faisait partie de ma formation pour devenir… » Damian s’interrompit, sachant pas s’il devait poursuivre sur les projets que sa mère avait nourris pour lui « Enfin bref, Clausewitz était le prochain sur ma liste avant que je ne rejoigne père. J’ai récemment découvert qu’il en possédait un exemplaire dans sa bibliothèque. C’est une lecture instructive à plus d’un titre. »
 
Les ouvrages écrit pas les grands penseurs de la guerre offraient souvent une série de réflexion qu’on pouvait utiliser dans d’autres domaines. L’Héritier de Démon avait été éduquer pour régner non seulement comme la prochaine Tête de Démon de la Ligue des Assassins, mais aussi comme le prochain leader pour l’humanité. Sa mère voulait le voir devenir le prochain Alexandre, le prochain Arthur… le souverain se dressant pour mettre fin à un âge de ténèbres… Talia autant que Ra’s avec donc veillé à ce que leur héritier soit solidement formé sur les différentes façons de mener une guerre et, surtout, d’obtenir la victoire.
 
D’ailleurs, la plupart du temps, les gens étaient trop réducteurs sur la définition à donner à la notion d’affrontement. Il n’y avait pas besoin que deux armées se rencontre sur le champ de bataille pour mettre en application les pensées de ces théoriciens de la guerre. Dans le cas de Clausewitz par exemple : il affirmait que toute action militaire devait être subordonné à une volonté politique pour en définir des objectifs précis et atteignable. Le Fils du Batman s’interrogeait sur si son illustre géniteur avait eu cette maxime en tête, où s’il s’était lancé dans sa guerre contre le crime sans vraiment envisager la manière de traiter le mal à la racine. Le jeune homme se demandait si son père avait toujours prévu d’utiliser ses ressources pour tenter d’atténuer la misère de Gotham, ou est-ce une réflexion qui était arrivé plus tard ?
 
C’est alors que Barbara réagit en voyant les boites de DVD des « Aventures du Fantôme Gris » étalée sur la table du salon. Cela faisait quelques jours que Damian s’était mit à les visionner. Il devait en être à un bon tier de la série qui faisait presque 150 épisodes au total. Damian eut un bref sourire en coin lorsque son interlocutrice évoqua la passion que son père avait pour cette série… ainsi que le fait qu’il semblait que chaque membre de cette famille était passé par le visionnage de celle-ci.
 
« Crois-moi, je m’en suis aperçut. Père a aussi essayé de me forcer à regarder ce feuilleton préhistorique. » Le visage de Damian s’assombrit cependant un peu en racontant cela. « Une fois, il a réussi à me faire voir le pilote de la série. Mais pour être honnête, je n’avais pas été convaincu par ce spectacle. L’intrigue me paraissait cousue de fil blanc, les effets spéciaux vieillots, la plupart des personnages peu mémorable et la morale de l’épisode très naïve. Je pense que j’ai blessé père en lui disant cela. » raconta-t-il.
 
En vérité, il savait que son père avait été très déchu face aux critiques que son fils avait adressé à cette série. Damian avait pu le lire sur son visage. Son géniteur avait dû prendre sur lui pour ne pas se lancer dans une dispute avec son enfant en entendant les critiques qu’il avait formulé. Depuis, Bruce Wayne n’avait plus jamais essayé de convertir son plus jeune fils à la passion qu’il avait pour les aventures du Fantôme Gris.
 
« C’est Alfred qui m’a convaincu, il y a un mois, de donner une autre chance à la série, en m’assurant qu’elle avait eut un rôle fondamental dans la naissance du Batman. J’ai donc commencé à la regarder de mon côté et… j’admet que si j’ai eu du mal accrocher, cette série ne fait que s’améliorer avec le temps. Et je vois en quoi le personnage du Fantôme Gris a pu servir d’inspiration à père. »
 
Ce que Damian taisait, c’était qu’il avait aussi agit ainsi dans une tentative de se rapprocher de son père, d’essayer de mieux le comprendre. Même s’il refusait de croire que celui-ci soit mort malgré tout ces mois d’absence sans donner la moindre nouvelle… le Fils du Batman avait apprit à se tenir prêt à toutes les éventualités. Et le fait d’avoir à remplacer son père plus tôt qu’escompter en faisait partie. Il se devait donc de comprendre les inspirations de celui-ci pour ne pas dénaturer le Batman s’il devait prendre sa suite… et peut-être qu’une autre raison était que son père lui manquait.
 
Alors que son interlocutrice s’installait dans un fauteuil près de l’âtre du foyer, Damian sentit une présence s’appuyer contre sa jambe. Il cru d’abord qu’il s’agissait de Titus qui quémandait un peu d’affection, mais il s’avéra qu’il s’agissait d’Alfred le chat… un félidé que le majordome avait offert au jeune garçon et que celui-ci avait décidé d’appeler par le même nom. S’abaissant, l’Héritier des al-Ghul prit l’animal dans ses bras avant de rejoindre Barbara.
 
« Pas autant que je ne l’aurais voulu. Et rien pour nous mettre sur la piste de ce sur quoi il travaillait. Par contre… j’ai reprit contact avec Cass récemment et elle m’a remis quelque chose avec lequel tes compétences pourraient être d’une grande utilité. »
 
Damian tendit le chat à Barbara pour qu’elle s’en occupe le temps qu’il aille chercher ce dont il parlait. Le jeune homme s’avança jusqu’à la cheminé et prit un objet qu’il avait laissé sur le rebord de la cheminé. Il s’agissait d’une puce greffée à un périphérique. Damian l’a montra à Barbara avant de reprendre la parole.
 
« Elle m’a autorisé à faire une copie de la puce contenant ses accès pour le réseau interne d’ARGUS. Mais si nous l’utilisons telle quelle, nous courrons le risque que ARGUS découvre que nous utilisons ses accès pour entrer dans leur réseau. Tu penses que tu pourrais nous créer un point d’entré à leurs base de renseignement sans qu’on puisse remonter jusqu’à elle ? »
 
ARGUS était une organisation disposant du réseau et de la banque de renseignement parmi les mieux protégés de la planète. S’il était déjà arrivé que la Bat-clan parvienne à pénétrer leurs sécurités, ces brèches étaient généralement assez rapidement colmatées. Avec les accès de Cassandra, ils n’auraient pas besoin d’avoir à forcer le passage et auraient ainsi accès aux informations dont disposait ARGUS. Que ce soit pour retrouver la trace du Chevalier Noir ou pour d’autres de leurs enquêtes. Mais Damian ne voulait pas que la marque de confiance que lui avait accordé sa sœur adoptive en lui offrant cela puisse un jours se retourner contre elle et éprouvait donc des scrupules à l’utiliser.

« Actuellement, c’est Alfred qui me l’a offert. » répondit Damian à la question de Barbara sur son chat.
 
Cela remontait à un certain temps maintenant, quelques semaines avant qu’il ne perde la vie contre son propre clone. La guerre que sa mère avait mené contre son père battait son plein et le Batman avait décidé qu’il valait mieux que le jeune homme ne quitte pas la Cave. Comme on pouvait s’en douter, l’Héritier du Démon était à l’époque loin d’être enchanté par l’idée d’être mit à l’écart. Histoire de quelque peu apaiser le turbulent Fils du Batman, Alfred avait eut l’idée de lui acheter un chat pour l’occuper. Un chat noir et blanc avec un caractère farouche que Damian avait immédiatement décider de nommer en l’honneur du majordome.
 
Quoi qu’il en soit, le chat du Jeune Prodige avait eut l’air de se plaire dans les bras de la Batgirl originelle, en tout cas, si Damian se fiait au ronronnement sonore qu’il émettait. Mais ce moment resta de courte durée car la fille du commissaire Gordon déposa le chat sur le canapé pour venir examiner la puce que Damian lui tendait. Le Fils du Batman observa attentivement son interlocutrice examiner l’objet, se passant une main à l’arrière du crâne quand elle l’interrogea sur les raisons qui auraient poussé Cass à lui faire ce don. On pouvait difficilement nier que sa sœur n’avait pas quitté la famille dans les meilleurs termes. Et même si de l’eau avait coulé sous les ponts depuis, le problème restait que lesdits ponts avaient été coupé.
 
Le Fils du Batman ignorait ce qu’il pouvait dire à Barbara concernant Cassandra. Après tout, elle avait été pendant un temps la mentor de cette dernière et elle l’avait personnellement désignée pour la remplacer en tant que Batgirl… mais peut-être justement à cause de la confiance qu’elle avait accordé à la fille de Cain et Shiva, elle pourrait lui en avoir d’autant plus voulut d’avoir ainsi tourné le dos au Bat-clan.
 
« J’avais affaire à Métropolis et j’en aie profité pour lui rendre visite. Je pense que Cass me l’a donné après que j’ai évoqué la disparition de Père. Je suppose que c’est sa manière, à elle, d’essayer de nous aider dans nos recherches. »
 
En fait, ça allait même au-delà de cela, quand il y repensait. Le jeune Wayne se rappelait clairement comment s’était dérouler ses retrouvailles avec sa sœur adoptive. Il s’était rendu à Métropolis sans vraiment savoir à quel accueil il allait devoir faire face, et il y avait retrouvé une sœur qui, malgré son départ de leur famille, continuait à leur porter une affection sincère. Pourtant, Damian avait bien compris que la faire revenir n’était pas aussi facile qu’on pourrait le croire. Certains lui tenait probablement rigueur pour ses choix, et il n’était pas sûr que Cass était à l’aise avec l’idée d’avoir à se confronter au reste de la famille.
 
« Et… je crois qu’elle voulait aussi signifier ainsi que notre famille restait importante pour elle. » conclut Damian, espérant avoir correctement choisit ses mots pour refléter l’état de pensée de la fille de Dame Shiva.
 
Le regard émeraude du jeune homme, marqué par cette teinte si particulière propre à la lignée des al-Ghul, étudia attentivement son interlocutrice alors que celle-ci fixait son attention sur la puce entre ses doigts. Il recherchait des signes pour savoir connaitre l’opinion de son interlocutrice, pour savoir si elle serait du camps de ceux qui soutiendrait un éventuel retour de Cassandra ou si elle ferait partie de ceux qui devraient être convaincu.
 
Finalement, Barbara reprit la parole pour signifier qu’elle s’occuperait de la faveur que le Fils du Batman venait de lui demander. Mais pas aujourd’hui, car ils avaient autre chose de prévu pour la soirée. Le jeune fit la moue lorsque son invitée lui ébouriffa les cheveux, beaucoup de gens avaient tendance à lui faire subir ce genre de geste d’affection et, même s’il en comprenait l’intention, il ne pouvait pas dire qu’il appréciait cette habitude. Surtout parce que cela rappelait qu’il était souvent le plus jeune (et pour l’instant le plus petit aussi) de la famille.
 
« Je pense qu’Alfred aura besoin d’encore un peu de temps pour terminer la préparation du repas. » commenta Damian en voyant Barbara se diriger vers la salle à manger.
 
Bien qu’il sentait déjà les effluves venant de la cuisine avec la cuisson du repas, le jeune homme savais qu’il était encore un peu trop tôt pour passer à table. Le vieux majordome avait tenu à préparer un repas que Damian n’avait plus mangé depuis son départ de la Ligue, et il y était occupé depuis une bonne partie de l’après-midi. Il suivit néanmoins Barbara dans la salle à manger. D’un geste, il indiqua à Ace, Titus et Alfred le chat de le suivre. Eux aussi allait bientôt passer à table.
 
Le manoir Wayne comptait deux salles à manger. Une première aux proportions irraisonnable pour accueillir les invités et pour les grandes occasion, ainsi qu’une seconde plus proche de la cuisine pour les repas moins formel en plus petit comité, c’était vers celle-ci que Damian et Barbara se dirigèrent.
 
« J’espère que tu n’as rien contre la cuisine exotique. » se contenta d’ajouter Damian alors que les effluves de la préparation du repas en question se faisaient plus forte.
 
« Miss Gordon ? Maitre Damian ? Je crains que le repas ne sera pas prêt avant encore quinze bonnes minutes » annonça un Alfred Pennyworth encore affairé à ses fourneaux. Le four faisait cuir de la viande, tandis que des casseroles mijotaient le reste du repas qu’ils allaient déguster. « Cette mloukhiyé représente un certain défi pour mes vieux talents de cuisinier, mais je pense avoir put faire honneur à ce plat pharaonique. Il me reste a attendre la fin de la cuisson de la viande et à la découper tout en veillant que le reste du plat de brûle pas. Mais si vous désirez me porter assistance, j’apprécierais grandement que vous mettiez la table. Oh ! Et maitre Damian, je compte sur vous pour assurer la pitance de nos chers compagnons à fourrure. » ajouta le majordome en sentant se frotter contre sa jambe le vieux berger allemand.
 
« Je m’en occupe toute suite, Pennyworth. » dit Damian d’un ton trainant en caressant le flanc du chien pour lui indiquer de le suivre.
 
Damian aligna alors les écuelles des animaux de la maisonnée qu’il entreprit de remplir d’eau pour certaine et de quoi manger pour les autres. Bien entendu, le jeune homme avait toujours été attentif aux besoins des animaux sous sa garde. Lorsqu’il avait quitté la Ligue, il avait eut beaucoup de mal à se lier aux autres et il avait toujours trouvé plus aisé d’établir une connexion avec les animaux. Avec eux, le Fils du Batman ne ressentait pas le besoin de faire ses preuves, il pouvait être… juste lui-même sans qu’ils ne le jugent. Cela avait représenté une première étape sur le long chemin qu’il avait parcouru pour se faire des … alliés. Quand il en eut fini avec cela, Damian rejoignit Barbara pour l’aider à terminer l’installation de la table. Mettant quatre couverts à la table.
 
« Le couvert supplémentaire est pour père s’il revenait aujourd’hui… ou pour si un autre membre de cette famille décidait de rendre une visite. » expliqua Damian, le regard sombre.

« Je pense qu’elle va bien… pour l’essentiel. » répondit Damian, soupesant ses mots. « Elle a l’air d’avoir une colocataire avec un style de vie particulièrement bohème, mais je la pense plus qu’apte à la foutre dehors si elle dépasse les bornes. »

Ce n’était pas exactement le fond de la pensée du Fils du Batman concernant l’état de sa sœur. Il avait bien vu que Cassandra avait certains regret au fait de ne plus faire partie de la famille, elle lui en avait fait la démonstration même, et il la soupçonnait de se tenir à l’écart un peu par crainte d’être rejetée si elle revenait… et peut-être aussi parce que les cause profonde du schisme l’ayant fait quitter le Bat-clan n’étaient certainement pas résolut. Mais le jeune homme ne voulait pas se faire l’interprète des positions de sa sœur adoptive. Si elle décidait de revenir, il ferait tout ce qu’il pourrait pour que cela se fasse. Mais en attendant, le jeune Wayne ne voulait pas lui prêter des intentions qu’elle ne possédait peut-être pas.


Il n’en révélerait donc pas plus sur Cassandra durant cette conversation. Il s’en était déjà ouvert à Stéphanie car il la savait être une partisane du retour de Cass, tout comme il avait un peu aborder le sujet avec Alfred, mais ne connaissant pas les sentiments que les autres membres du Bat-clan nourrissaient quant aux raisons du départ de l’ancienne Black-Bat, le Fils du Batman préférait conserver une certaine prudence dans ses démarches. Mais il avait la sensation que Barbara Gordon pourrait faire partie de celle qui serait prête à offrir une chance à la possibilité de renouer avec la fille de Shiva.

***


Alors qu’ils étaient occupés à mettre la table, Damian eut un petit sourire reconnaissant lorsque Barbara sembla comprendre la raison qui le poussait à toujours mettre un couvert supplémentaire à la tablée. Il avait un temps craint que ce ne soit perçut comme un signe de sensiblerie futile, mais son interlocutrice ne semblait pas l’en juger. Au début, cette pratique était née dans les premières semaines ayant suivit la disparition de père. Par erreur, Damian avait continué à mettre la table comme si son père allait être des leurs. Mais c’est Alfred le premier à l’avoir encouragé à conserver cette tradition, celle de garder une place à sa table pour ceux qui étaient absents. Mais la contrepartie malheureuse de cela, c’était que tant que la place restait vide, ça ne faisait que souligner davantage l’absence du maitre des lieux.


Le manoir Wayne tout entier pouvait avoir cet effet d’ailleurs. Celui-ci n’était peut-être pas la demeure la plus massive dans laquelle le Fils du Batman avait pu vivre, certains des repaires de son grand-père surpassant de très loin le manoir en termes de dimension et même de luxe, mais la demeure ancestrale possédait un poids supplémentaire lorsque Damian avait réalisé que tous les portraits représentés étaient ceux de ses ancêtres. Lorsqu’il avait rencontré son père, seul lui importait le fait d’être un al-Ghul. S’il tirait une certaine fierté d’être le fils d’un guerrier tel que le Chevalier Noir de Gotham, le fait d’être un Wayne l’indifférait profondément par contre. Mais les années passant, en apprenant l’histoire des ancêtres de son père, en se familiarisant avec ce qu’était être un Wayne, en vivant dans leur demeure sous leur regard… Damian en était venu à tirer fierté de son appartenance à la famille Wayne autant qu’il chérissait le fait d’appartenir à la lignée des al-Ghul. Dans cette salle même, un portrait de ses grands-parents était présent, souriant d’un air bienveillant.


« Ayez l’obligeance de vous installer, jeunes gens, le repas est prêt. » fit le majordome en apportant la marmite.

Le mloukhiyé est un plat traditionnel au Moyen-Orient, diffusé dans tout le monde arabe mais dont les premières traces remontaient à l’époque pharaonique. Il s’agissait d’un plat dont l’apparence pouvait ressembler à une sorte de ragoût dans lequel mijotait nombres d’ingrédient différent, des feuilles de corète, des oignons, de l’ail, de la pâte à tomate, de la coriandre et quelques morceaux de viande. Alfred n’avait eu recourt qu’à des aliments de première qualité pour faire le repas et l’avait aromatisé au mieux pour en relever le goût. Pour compléter le repas, du riz était servit en supplément.

Quand chacun se fut servit de féculent, Alfred fit le servis, servant le mloukhiyé dans les assiettes à soupes que Barbara avait disposé sur la table. Chacun pouvait déguster le repas dont les efforts du majordome avaient permis la préparation. Ce n’était pas aussi bon que celui des souvenirs de Damian, mais ce dernier n’en était pas moins reconnaissant à Alfred pour les efforts qu’il avait fournit. La cuisson des morceaux de viande était cependant parfaitement réussite. Le jeune Wayne avait toujours eut pour habitude de limiter sa consommation de viande, autant par conviction écologique que parce qu’on l’avait éduqué à traiter son corps comme un temple. Il se nourrissait selon les besoins de celui-ci et cherchait à équilibrer son régime alimentaire autant que possible pour que ces apports restent optimaux. Il ne ressentait pas le besoin d’avoir de la viande tous les jours, bien que le mode de vie de justicier soit assez exigeant.

 « Puis-je m’enquérir de vos intentions pour ce soir ? Ne vous voyant pas vous préparez pour la patrouille que vous aviez programmée pour ce soir, j’en déduis que vos plans ont dût changer. »  

« Gordon, m’a convaincu de prendre un soirée de libre. » répondit le jeune homme avant de boire une gorgée d’eau.

« Vous êtes parvenu à convaincre un Wayne à prendre du repos pour un soir, miss Gordon ? J’en reste pantois, ma chère. » répondit le maitre d’hôtel avec un sourire amusé. « Maitre Damian doit accorder bien plus de considération à votre opinion qu’il n’est prêt à l’admettre. J’ose espérer que pour venir ici, nous ne vous avons pas interrompu dans une affaire importante. » continua-t-il poliment.


Les oreilles de Damian se dressèrent d’un coup, à l’affût d’éventuels informations. Un réflexe qu’il avait prit dès son plus jeune âge et encore plus depuis qu’il était devenu le Jeune Prodige. Même s’il avait décidé de prendre une soirée pour se détendre, bien qu’il n’excluait toujours pas la possibilité de changer d’avis, cela restait naturel pour le jeune homme de glaner des informations dès qu’il le pouvait. Il continua néanmoins a manger le plat qu’Alfred leur avait préparé, se tenant droit et portant l’aliment à sa bouche avec précision… loin de se jeter sur la nourriture, il semblait imiter le comportement d’Alfred en la matière. Il finit néanmoins par prendre la parole à son tour.

« Comment se porte ton père au fait ? » interrogea-t-il.

Bien que n’étant que le père adoptif de Barbara, le commissaire Gordon l’avait toujours traité comme sa fille et celui-ci était également l’un des alliés de la première heure du Chevalier Noir dans ses efforts pour sauver l’âme de Gotham. En tant que tel, et pour son intégrité à toute épreuve, il avait mérité le respect du Bat-clan, y compris de la part de l’actuel Robin. Mais aussi, ce dernier souffrant de l’absence de son propre père, il s’intéressait naturellement à la relation que Barbara entretenait actuellement avec le sien.

Le repas se poursuivait, chacun savourait le repas dans une certaine convivialité. Il était vrai que les talents culinaires du majordome avait réussit, presque à la perfection, à restituer toutes les saveurs de ce plat du monde oriental dont il n’était, pourtant, que peu familier. Certes, l’esprit perfectionniste du jeune homme pourrait émettre quelques critiques quant au dosage des épices pour l’assaisonnement, mais il n’en fit rien.
 
En vérité, le goût et les effluves de ce plat faisait remonter des souvenirs chez Damian, des souvenirs de l’époque précédent sa rencontre avec son père. Était-ce des souvenirs heureux ? Il n’en était pas sûr, car il n’échangerait pour rien au monde la famille qu’il avait trouvé en quittant la Ligue pour rejoindre son père. Mais il s’agissait indéniablement de souvenirs d’une époque où les choses lui paraissaient plus simple. Un temps où sa place en ce monde était parfaitement claire. Les enseignements de la Ligue lui avait offert des valeurs claires à suivre, la vision de son grand-père lui avait offert une vision du monde limpide (et peut-être lucide également), son destin était tracé. Il était l’Héritier du Démon, le prochain Ra’s al-Ghul, celui qui guiderait l’humanité vers un nouvel âge d’or… et il avait tourné le dos à tout cela pour rejoindre la croisade du Chevalier Noir, ouvrant progressivement les yeux sur l’horreur des méthodes de son ancien univers.
 
Pourtant, le jeune homme n’avait jamais complètement désavoué la Ligue des Ombres. Une part de lui adhérait toujours aux idéaux des Ombres, ce désir à voir le monde regénéré en une société meilleur en harmonie avec la nature et la conviction que la société moderne n’était pas un modèle souhaitable… mais le temps passé au sein du Bat-clan lui avait fait comprendre que tout les aspects de ce monde qu’il avait apprit à mépriser étaient à rejeter.
 
 
« Malheureusement, les emplois du temps de chacun, surtout en ce moment, rendent parfois malaisé l’organisation d’un tel rassemblement. Mais je ne peux qu’approuver votre idée, miss Gordon. » répondit Alfred lorsque Barbara émit le désir de voir toute la famille rassembler autour de cette table.
 
Damian but un longue gorgée d’eau. Bien sûr que lui aussi aimerait voir cela se réaliser, mais cela faisait longtemps maintenant que les membres de cette famille avaient chacun prit des responsabilités qui les avaient menés loin de la demeure familiale. Mais s’il ne l’évoquait jamais, ce genre de plainte était indigne de l’Héritier du Démon, les membres de sa famille lui manquait également… en tout cas de les voir sur une autre base que dans le cadre de leurs obligations de justiciers. Récemment Richard avait repris contact et il savait qu’il pouvait toujours compter sur Barbara. Il arrivait de temps en temps que Stéphanie vienne également lui payer une visite impromptue sous prétexte qu’elle avait « une envie de le tourmenter ». Ses relations avec Tim restaient plus distantes. Si sur le terrain, ils avaient sut dépasser leurs griefs et savaient pouvoir compter l’un sur l’autre, tout deux avaient encore parfois du mal à s’entendre dans le civil… ou alors ces « échanges de civilités », comme aimait les qualifier Alfred, était juste leur version d’une dynamique fraternelle. Il y avait également Cassandra, sa sœur dont le chemin l’avait mené loin de leur famille, qu’il espérait encore réussir à permettre son retour au sein de leur famille. Et enfin, son père, dont ils étaient sans nouvelles depuis des mois maintenant. En fait, l’idée de cette réunion de famille ne faisait qu’assombrir son humeur plus qu’autre chose, sachant qu’en l’état, ça ne pourrait au mieux qu’être un faux espoir.
 
« Il faudrait déjà que Gotham parvienne à se passer une seule soirée de nos services. » maugréa-t-il en posant son verre avant de se resservir dans le plat.
 
Cette réflexion lui valut un regard quelque peu peiné de la part d’Alfred qui savait que c’était encore une fois un signe de la frustration et du ressentiment qu’éprouvait Damian en cette période. Même si la visite de Barbara avait visiblement amélioré l’humeur du jeune Wayne, celui-ci était encore loin d’en être débarrassés.
 
Damian affecta de ne pas le remarquer et se concentra sur son assiette tout en écoutant la réponse que Barbara. Le Jeune Prodige leva d’ailleurs un sourcil interrogateur tout en fixant son interlocutrice en remarquant que celle-ci ne semblait pas à l’aise avec ce sujet. Il lui avait toujours semblé que la première Batgirl entretenait les meilleures relations avec son père… en tout cas plus apaisés que celles qu’il entretenait lui-même avec son géniteur, et pourtant…
 
« Dois-je supposer que tu soupçonnes qu’il y ait davantage derrière cette attitude qu’une conséquence de la pression de son travail ? » interrogea-t-il directement.
 
Le commissaire Gordon était l’un des plus anciens, efficace et fidèle allié de son père. Si celui-ci avait des problèmes que le Bat-clan pouvait résoudre, il semblait évident au Fils du Batman qu’ils devaient proposer leur soutien. Mais avant tout cela, le commissaire Gordon était le parent de son interlocutrice, il revenait donc à elle de décider si elle voulait résoudre cela en privé ou impliquer le Bat-clan.
 
« Cela est bien malheureux, cette famille est bien placée pour savoir que les secrets peuvent être nocifs. Mais votre père est indubitablement un brave homme, et s’il vous dissimule certaines choses, c’est probablement parce qu’il pense vous protéger ainsi. » répondit à son tour Alfred sur un ton apaisant. « Quel dommage qu’il ne puisse se rendre pleinement compte à quel point sa fille est une jeune femme exceptionnelle. » rajouta-t-il avec un sourire bienveillant.

L’idée que leur famille fonde telle une nuée (de chauves-souris bien sûr) sur quiconque aurait commit l’erreur de commettre un délit qui les forcerait à interrompre leurs retrouvailles familiales avait de quoi le faire sourire. Le jeune homme ne put s’empêcher de penser que le Joker serait capable de se réjouir de cette opportunité d’éliminer autant de coéquipiers du Chevalier Noir que possible. Cette pensée l’amena à se souvenir que ce psychopathe avait déjà été une source de souffrance pour cette famille, et spécialement pour son interlocutrice.
 
Damian n’était pas présent à l’époque où Prince du Crime, cherchant à faire souffrir le commissaire Gordon, avait fait irruption au domicile de Barbara et lui tira dessus. La blessure qu’avait subit la première Batgirl eut pour conséquence de la priver de l’usage de ses jambes, la forçant à abandonner sa carrière d’héroïne et à se déplacer en chaise roulante… bien qu’elle s’en soit relevée plus forte que jamais, Damian supposait que ce n’avait pas été une période facile de la vie d’Oracle. Lui-même n’était encore qu’un nourrisson au moment des faits, un nourrisson qui allait être élevé au sein de la Ligue des Ombres, et ne pouvait donc qu’imaginer l’impact que ces évènements avaient pu avoir sur son père, son grand-frère, sur Alfred ou sur Barbara et son propre père.
 
Et le jeune Wayne savait parfaitement que, si un évènement comparable devait se reproduire aujourd’hui sur n’importe lequel des membres de sa famille, il tuerait le responsable. Il n’avait jamais totalement adhéré à la règle interdisant au membre du Bat-clan de prendre une vie, bien qu’il s’efforçait de la respecter pour honorer les valeurs défendue par son père et ses frères. Mais, au fond de lui, il était conscient qu’il jetterait cet engagement aux oubliettes pour aller chercher vengeance, qu’importait les conséquences.   
 
« Á mon grand regret, je n’ai hélas pas eu le bonheur de rencontrer si souvent que cela votre père adoptif, mademoiselle Gordon. En revanche, je demeure persuadé que son intégrité à grandement contribué à garder maitre Bruce sur le droit chemin. Parce qu’il prouvait à lui seul que tout en Gotham n’était pas corrompu. Et ce qui aurait dût n’être qu’une alliance temporaire s’est transformé en un véritable respect mutuel et, j’ose le penser, en une vrais amitié. » expliqua Alfred. « En plusieurs occasions, maitre Bruce à penser à mettre monsieur Gordon dans la confidence, à lui révéler son identité. Mais quand il a failli passer à l’acte, c’est votre père qui l’en a empêché. Je suppose parce que, tant qu’il peut prétendre ignorer l’identité de Batman, il ne se sentira pas tenu à aller l’arrêter. » continua-t-il. « Mais même sans savoir tout ce que vous faite pour cette ville, je suis sûr qu’il est très fier de vous. »
 
Il était exact que le commissaire Gordon n’approuvait probablement toujours pas l’existence de Batman, mais qu’il le savait bien attentionné et le voyait à présent comme une nécessité pour tenir en respect tout les monstres que Gotham avait engendré. Et la disparition de Batman n’avait jamais présagé rien de bon pour la cité qu’ils protégeaient. Les proportions du vide laissé par la disparition de son père ne cessaient de se révéler plus grande que Damian ne le soupçonnait. Il était là à se morfondre alors que cette disparition affectait tout Gotham et bien au-delà. Quel idiot égocentrique il pouvait être.
 
« Il va de soit que si tu as besoin de mon concours pour t’aider dans cette affaire, il te l’est acquis, Gordon. » fit solennellement le jeune Wayne, tout en finissant son assiette.
 
Damian n’était pas du genre à donner sa parole à la légère. Tout les membres de cette famille m’étaient un point d’honneur à respecter les promesses qu’ils faisaient, mais leur plus jeune membre avait tendance tout particulièrement choisir ses engagements. L’une des craintes fortement ancrées à l’intérieur du Fils du Batman, c’était celui de décevoir ses proches. Parce que dans son enfance, la déception c’était encourir le risque de l’abandon. Encore aujourd’hui, Damian restait dans cette idée qu’il devait mériter l’affection que lui portait ses proches. Mais dans le cas présent, il estimait qu’il devait bien cela à Barbara.
 
Cette dernière fit cependant une proposition surprenante qui ne manqua pas de faire hausser un sourcil circonspect à l’Héritier du Démon. Le majordome eut un sourire amusé en entendant les paroles de la première Batgirl. Avant d’échanger un regard avec un Damian qui l’observait d’un air interrogateur.
 
« Je pense pouvoir affirmer que je me défends à mon humble niveau. Mais je pense que le poker n’a jamais fait partie du cursus de maitre Damian. Pourquoi ne lui en apprendriez-vous pas les règles pendant que je me charge de la vaisselle ? »
 
Définitivement, le poker ne faisait pas partie des passe temps que la Ligue lui avait inculqué, pas plus que Bruce n’avait apprit ce jeux à Damian qui avait toujours préféré les jeux de stratégie, comme les échecs, aux jeux de hasard qui ne récompensaient, selon sa vision, pas le talent des joueurs mais uniquement leur chance. À l’époque, Dick avait patiemment appris à Damian certains jeux de cartes, mais le poker n’en faisait pas partie.

Damian se contenta de fixer son interlocutrice avec un air circonspect pendant quelques instants. Il ne savait pas réellement quoi répondre aux paroles de la première Batgirl, tant au fait qu’elle semblait avoir penser que Nightwing aurait put lui enseigner ce jeu que le fait qu’elle impliquait qu’il s’agissait d’une activité qui récompensait la maitrise de l’art de la tromperie. Le jeune homme était plutôt bon dans ce dernier, la Ligue lui ayant apprit à maitriser son corps et son esprit quand cela était nécessaire, au point qu’il pourrait peut-être tromper même un détecteur de mensonge s’il le devait. Mais quelque chose chez Barbara lui faisait dire qu’il n’était pas question du même genre de fourberie ici.
 
« Je n’ai pas été élevé pour essayer mais pour réussir, je te suis. » répliqua-t-il sur un ton de défi.
 
Peut-être qu’un jour, il devrait se pencher sur son esprit de compétition. Il s’agissait certes là de quelque chose qui lui permettait d’avancer et de se surpasser… mais à long terme cela pourrait constituer une faiblesse que ses rivaux pourraient exploiter. Il était cependant intrigué. Jusqu’à présent, il avait surtout vu des truands pratiquer ce jeu, des truands où des habitués des casinos. Il avait donc conclu qu’il ne s’agissait pas d’une activité recommandable. Mais il ne pouvait pas imaginer Oracle lui proposer et pratiquer une activité qui serait contraire à l’éthique qu’ils devaient suivre en tant que protecteur de cette cité.
 
Alors qu’Alfred finissait de débarrasser la table pour commencer la vaisselle, le Fils du Batman emboita le pas à Barbara. Ils progressèrent ensemble dans un des nombreux couloirs du manoir. Comme tout les autres, il était décoré de nombreux portraits et objets accumulés par des générations de Wayne. Il pouvait notamment y trouver un buste représentant Joshua Thomas Wayne, le frère du juge Solomon Wayne. Ardent partisan de l’abolition de l’esclavage, il avait aidé nombres d’esclaves à fuir leurs maitres (et si on en croyait certaines rumeurs, il aurait même été le premier Wayne à mener des activités de justicier masqué). On pouvait également y voir plusieurs tableaux représentant Gotham à différentes époques, quelques reliques venues du vieux continent ou ramener de divers voyages fait par les membres de cette famille. Partout, l’héritage laisser par les ancêtres du jeune homme était visible.
 
 
Enfin, il y avait une vieille photo sur laquelle se trouvait Alan Wayne en compagnie des représentants des quatre autres « familles fondatrice de Gotham » : les Wayne, les Kane, les Elliot, les Cobblepot et les Crowne. Ces familles avaient mis leurs ressources en commun pour façonner ensemble l’avenir de Gotham. Aujourd’hui, deux de ces familles étaient restés parmi les élites de la cité, deux avaient sombré dans le crime et une avait purement et simplement disparut. Damian se demandait parfois ce que les cinq hommes qui posaient pour cette photographie penserait du résultat de leur travail s’ils pouvaient le voir.
 
« Cette pièce ? Je crois que j’ai eut plus d’interaction avec père dans la Batcave qu’ici. Mais c’est un bon endroit pour être au calme. »
 
Damian s’installa après que Barbara aie prit un paquet de carte. Cet endroit… était l’un des lieux de séjours où la famille Wayne pouvait aller se réfugier… notamment lorsqu’un évènement mondain se tenait au manoir car il s’agissait d’une des salles qui étaient « hors-limite ». au-dessus de la cheminée, trônait un grand portrait représentant les grands-parents de Damian, ce dernier ayant souvent vu son père les assit à les fixer dans les moments où l’humeur du maitre des lieux était au plus bas. Il y avait également nombre d’étagères remplie de livres, dont certains plus vieux que son père, le fauteuil dans lequel son père aimait s’assoir… souvent, ils étaient chacun assit de leur côté, vacant à leurs affaires en silence.
 
Il y avait également un chevalet sur lequel se tenait l’une des dernières œuvres sur laquelle Damian travaillait : un dessin représentant le manoir et dans lequel le jeune cherchait à intégrer, de manière harmonieuse, directement dans l’architecture, les silhouettes des différents membres de sa famille. Il essayait de rendre ces éléments discernables que par une personne qui se donnerait la peine d’observer, de voir le visage dans les arbres de l’allée, la silhouette dans les jets d’eaux de la fontaine, les formes dans le relief de la façade ou les reflets dans les fenêtres. Une fois qu’il aurait terminé ce jet, il tenterait d’en faire une peinture, mais... ça faisait prêt d’un mois qu’il n’avait plus avancé sur ce projet… ce n’était pas toujours facile de trouver l’emplacement qui, à ses yeux, correspondrait le mieux à chacun de ses proches.
 
 
Le Fils du Batman écouta attentivement les explications de son interlocutrice. Celle-ci prit le temps de patiemment lui expliquer chaque facette de ce jeu et le jeune homme prit le temps d’enregistrer ces informations. Il alla même jusqu’à poser des questions sur certaines possibilités qui lui venait à l’esprit, signe qu’il s’y intéressait… ou au moins faisait l’effort de le faire.
 
« Donc, si je comprends bien, ce jeu favorise la chance, l’artifice et une certaine audace de la part des joueurs ? » Résuma Damian, observant ses cartes prit dans une intense réflexion. 
 
« Et pour les meilleurs joueurs, leur capacité à se placer dans l’esprit de leurs adversaires et se forger une vue d’ensemble de la partie. Maitre Damian. » évoqua le majordome en venant s’installer à la même table que les deux jeunes gens. « Voyez cela comme un exercice pour apprendre à pénétrer les pensées d’autrui. »
 
Le majordome savait que Damian s’impliquait toujours davantage dans une activité s’il pensait qu’elle pourrait lui servir. Il se souvenait encore de comment Dick avait parfois dû faire preuve de trésor d’imagination pour faire croire au plus jeune membre du Bat-clan que des activités, que ce dernier jugerait « puérile », était en fait des entrainements. Comme transformer une simple partie de cache-cache en un « entrainement au camouflage », ou alors le chat et la souris en une « simulation de poursuite »… bien entendu, l’actuel Jeune Prodige avait rapidement finit par comprendre le pot-au-rose mais il avait néanmoins continuer d’affecter que ce n’était pas le cas.
 
« Nous verrons si je peux vous surpasser en une seule session, Pennyworth. » répliqua-t-il avant de faire signe à Barbara qu’il était prêt .
 
Quand celle-ci distribua les cartes, Damian observa son jeu. Il prit un certain temps à se décider, son regard allant et venant entre ses cartes et vers Barbara et Alfred, tentant de repérer leurs tics. Il attendait de voir quelle mise Barbara, la donneuse pour cette manche, débuterait, mais il était prêt à suivre.
 
De son côté, le majordome semblait avoir à peine jeter un coup d’œil à son jeu avant d’observer les autres joueurs avec son sourire flegmatique. Il posa les carte face retourné pour signifier qu’il se couchait. 
 
« J’aurai plus de chance, la prochaine fois. »

Damian tourna la tête légèrement surprise par la décision du majordome. Alfred n’était peut-être pas le membre le plus… belliqueux de cette famille, mais il n’était certainement pas homme à abandonner sans se battre. Le Fils du Batman réfléchit un instant, cherchant à deviner les pensées du vieil homme, mais les paroles de Barbara le ramenèrent dans la partie.
 
« Peut-être que j’abandonne en effet, ou alors que j’enseigne une leçon que maitre Bruce à mit des années à comprendre. » énonça le vieux britannique tout en passant la main sur son tas de jeton. « Sachez quand une bataille mérite d’être menée et quand il vaut mieux conserver vos forces pour la prochaine. » expliqua-t-il avec un sourire énigmatique. « En définitive, le vainqueur est celui qui emporte la dernière mise. »


Alors que Damian réfléchissait à ce qu’il allait faire de ses cartes, les paroles de Pennyworth lui firent relever la tête. Bien que ce dernier semblait fixer Barbara en les disant, l’Héritier du Démon avait la sensation qu’il s’adressait indirectement à lui. En tout, cas ça pourrait correspondre à la situation de son jeu. Pourtant, Alfred n’avait jamais eu l’occasion de le voir, à aucun moment.
 
La partie allait donc se jouer entre lui et Barbara. Le jeune homme fronça les sourcils face à la pique de son interlocutrice. Il avait eu beaucoup de surnom, mais celui de crapaud lui déplaisait particulièrement. Il était évident qu’elle cherchait à le déstabiliser avec ses provocations, pour le pousser à l’erreur. Il décocha un regard assassin à la Batgirl originelle, avant de recommencer à regarder ses cartes.
 
Il réfléchissait, il n’était pas sûr de quoi faire ensuite. Ce jeu lui paraissait… illogique. Il ne pouvait rien faire d’autre que compter sur une chance improbable pour obtenir un jeu supérieur à celui de son adversaire. Peut-être devrait-il suivre l’exemple de Pennyworth. Mais un simple regard au sourire narquois de Barbara suffit à raviver en lui l’esprit de compétition.


« Tst, je doute que ton père ait approuvé de te voir t’adonner à ce genre de passe-temps ? Alors, est-ce Grayson ou les Birds of Preys qui t’ont entrainé sur le chemin des jeux de hasard ? » répliqua-t-il en avançant les jetons pour signifier qu’il continuait. « Je suis, Quatre-yeux. »
 
Un sourire s’afficha sur son visage lorsqu’il reçu la nouvelle carte. Celle-ci allait probablement déterminer le cours de cette manche, et sa stratégie avec. Damian posa les cartes un instant lorsqu’il senti un poids s’installer sur ses jambes. Alfred le chat avait décidé de s’inviter à la fête et avait visiblement trouvé un endroit confortable sur les genoux de son propriétaire. Il se mit à ronronner quand le jeune Wayne le caressa. Il reporta ensuite son attention sur ses cartes.
 
« Je pense commencer à entrevoir la manière dont cette première manche va se conclure. Elle promet une belle partie en perspective. » Commenta le majordome.
 
Damian piocha une quatrième carte avant d’observer Barbara avec une certaine curiosité. Il était usuellement assez doué pour décrypter le langage corporelle des gens, mais les expressions et de Barbara lui semblait… étrange. Comme si elle jouait un autre rôle que le sien. Son regard se promena ensuite dans la pièce, observant divers tableaux exposés sur ses murs. Certaines photos de ses frères et sœurs étaient également présente, formant de vraie fenêtre sur le passé. Sur l’une d’entres elles, on pouvait y voir Dick et Barbara à l’époque de leur jeunesse en compagnie de son père. Damian n’était même pas sûr d’être né à l’époque où cette photographie avait été prise, il avait même du mal à reconnaitre son père.  Mais il avait probablement sous les yeux un portrait de ce à quoi ressemblait son géniteur à l’époque où sa mère s’en était éprise.
 
Son humeur s’assombrit, il ne devrait pas être là, à jouer aux cartes. Il devrait être dehors. À veiller sur cette foutue ville en l’absence de son père. Il devrait être en train d’accomplir son devoir au lieu de perdre son temps à ce jeu de carte. Cependant, son téléphone ne l’avait pas averti d’une menace en cours, il supposait donc que la nuit restait tranquille.
 
« Je relance. Voyons si tu as ce qu’il faut, Geek. » décida-t-il finalement d’attaquer.
 
En réalité, Damian n’avait pas un jeu très brillant. Une simple paire. Il avait espéré étoffer son jeu avec les pioches, mais n’avait rien reçut de probant. À ce stade, il avait le choix entre se coucher ou bluffer. Et le jeune homme avait choisit de passer à l’offensive, tablant sur le fait que Barbara ne disposerait pas d’un jeu suffisant pour qu’elle décide d’aller au choc frontal. Comme le disait Virgile, l’auteur romain, dans l’Énéide « audentis Fortuna iuvat », la fortune sourit aux audacieux. Le jeune préférait la version apocryphe disant que la « victoire souriait aux audacieux » car il n’aimait pas s’en remettre au hasard… mais on ne discutait pas avec une référence latine.

Sous le regard attentif et amusé du majordome, les deux participants à cette partie de poker. Les remarques avaient défilé autant que les cartes. Mais le majordome estimait que le Fils du Batman partait probablement perdant du fait de son inexpérience dans le domaine. Le poker n’était pas qu’un jeu de chance et d’audace, les probabilités y aidaient grandement aussi. Et le jeune homme ne semblait pas avoir saisit cette donnée dans son approche.

Connaissant le jeune homme, il savait que s’il se montrait aussi agressif d’entrée de jeu, c’est qu’il voulait forcer son adversaire à l’abandon. Mais ce genre de tactique marche assez mal quand elle est opérée par un joueur novice. Il risquait surtout d’être entrainer dans une confrontation à laquelle son jeu n’était peut-être pas préparée. Le regard scrutateur d’Alfred se tourna un instant vers Barbara, s’interrogeant si elle attirait Damian dans un piège, ou si la pugnacité qu’affichait son adversaire réveillait particulièrement son esprit compétitif ?

Finalement, la fille du commissaire Gordon, planta le dernier clou dans le cercueil en poussant l’actuel Jeune Prodige à dévoiler son jeu… il restait cependant à déterminer qui reposerait dans ledit cercueil. Damian révéla alors ses cartes, une à une. 3 de trèfles, 5 de carreaux, 7 de piques, 7 de trèfles et un as de cœur. Cela lui faisait une paire de 7 ainsi qu’une carte haute en cœur. Ce dernier point pourrait lui sauver la vie si Barbara n’avait pas plus qu’une paire de 7 également. Mais connaissant la première Batgirl, elle ne possédait pas le même caractère téméraire que Damian, et elle n’aurait probablement pas poussé la partie aussi loin si elle ne possédait pas au moins une main prometteuse… ce qui n’avait visiblement pas été le cas du Jeune Prodige.

Qu’importait le résultat, qu’importait que Damian fasse la moue s’il subissait une défaite sur cette première manche et jure qu’il prendrait sa revanche dans la prochaine… passant peut-être à côté de la leçon qu’Alfred voulait enseigner sur l’importance de choisir ses combats. Ou qu’au contraire, le pari du jeune homme ait fonctionné et que Barbara soit obligée de supporter le sourire narquois qu’il lui adresserait. La partie était désormais lancée… et cette fois, le majordome ne comptait pas se coucher sans combattre. Ce fut une partie animée, autant dans les mots que dans le jeu. Une partie que Bruce Wayne n’aurait certainement pas boudée. Pour la première fois depuis longtemps, cette salle de séjour semblait s’animée d’une vie nouvelle et non plus n’être qu’un mausolée aux souvenirs anciens. L’espace d’un instant, on sembla oublié l’absence du maitre des lieux.

Au bout de pas loin d’une heure et demie de jeu, il était temps de mettre fin à la partie. En définitive, Damian n’était pas parvenu à vaincre ses adversaires, prenant souvent trop de risques, bien qu’entre le début et la fin de la partie, son jeu s’était incontestablement amélioré et sa lecture des mimiques des autres joueurs grandement affinée. La victoire finale s’était donc jouée entre Alfred Pennyworth et Barbara Gordon. À l’issue de laquelle, Damian eut une proposition à faire.

« Gordon, étant donné que la nuit semble être calme. Veux-tu finir la soirée en regardant quelques épisodes du Fantôme Gris ? Tu pourras m’expliquer les souvenirs que cette antiquité t’évoque. Et si tu crains que cela te fasse rentrer trop tard, tu peux toujours loger au manoir. N’est-ce pas, Pennyworth ? »

 « Si cela convient à mademoiselle Gordon, elle sait cependant que nous avons toujours une chambre prête à accueillir chaque membre de cette famille. » répondit avec bienveillance le majordome des Wayne.

En temps normale, il aurait probablement souligné que la soirée était déjà bien avancée, mais il savait que cette famille avait l’habitude d’opéré avec des nuits bien plus courte. Et puis, la compagnie de Barbara n’était pas désagréable et cela faisait longtemps qu’il n’avait plus vu le jeune homme se changer les idées ainsi au lieu de ruminer dans son coin.

« Installez-vous, je vais préparer quelque chose à grignoter. »

Damian s’installa confortablement sur le canapé pendant qu’il mettait en route la série sur l’immense écran de télé. L’épisode se déroula, puis un autre, et encore un. Cette série restait bien vieille, mais le jeune héros devait admettre qu’il commençait à apprécier l’ambiance et le cachet tout particulier de ces histoires. Son carnet de dessin à portée de main, le Fils du Batman ne put s’empêcher de griffonner dessus, l’inspiration lui venant. Il avait toujours été doué pour cela. Profitant du générique séparant deux épisodes, Damian prit la parole.

« Merci… d’être venu, Barbara. Il me manque encore, mais ça me bouffe moins de l'intérieur. »

Alfred s’était pour sa part déjà endormi dans son propre fauteuil. Ce n’était plus de son âge tout cela. Damian eut un sourire en pensant à tout ce que le vieux majordome faisait pour lui, pour l’aider. Il devrait un jour trouver le moyen de lui exprimer sa gratitude à lui aussi. Mais cela attendrait une meilleure occasion.

Au final, Damian s’assoupit également, la tête délicatement appuyée contre le bras de la première Batgirl. Dans sa main, se trouvait une feuille de papier où il avait dessiné sa sœur de cœur dans l’accoutrement du Fantôme Gris, occupé à protéger la ville.