L'Aveugle et l'Alien. [Madame Xanadu]

Boum.

Boum boum.

Elle l’entend mais ne localise pas le bruit à cause de l’écho. Le son ricoche sur les murs blancs et sans défauts. Il se propage dans l’ensemble du vaisseau vide, déserté par toutes âmes qui vivent. Ou presque.

Depuis la bataille qui a eu lieu à la Justice Academy, il y’a de nombreux mois de cela, le vaisseau a amplement eu le temps d’être réparé et d’aider à réparer comme il le pouvait ce qui l’entourait. Maintenant ce n’était qu’un grand ensemble de pièces métalliques peintes en blancs et de composant carburant à l’énergie verte stocké dans un hangar de l’université.

Boum boum.

Un endroit désolé, une chambre vide, hypoallergénique de par son environnement ou presque, non demandé et non utilisé. Sauf par une personne. Un androïde qui vit dans ce lieu, son espace de vie, son quotidien. Un foyer. Sa maison.

Boum boum.

Mais plus uniquement la sienne.

Cliclic cliclic. Bouboum.

Elle court, se force à courir comme une humaine, se force à utiliser leurs moyens à eux. Elle tend l’oreille, tends à deviner quelle direction prendre dans ce couloir qui se divise.

Boum boum à droite.

Trois pas, un doigt qui toc contre la porte et à nouveau ce son, ce bruit incessant, le seul qui résonne dans les parois du vaisseau.

Bouboum bouboum.

La porte s’ouvre, laisse entrer l’androïde dont les pas sont muets. Elle court, elle marche comme un humain mais soulage toujours ses mouvements de son poids. Comment ? Un soupçon d’énergie verte la fait léviter indépendamment de sa volonté. C’est en elle, dans ses veines, dans sa tête, dans son… cœur ? Ou peut-être tout simplement dans ce qu’on dit être une âme ?

Bouboubouboum.

Le bruit s’accélère, anarchique, presque apeuré. Elle agit comme les humains, elle essaye. Mais elle n’est qu’une pâle copie. Elle ne peut pas faire comme eux parce qu’elle n’est pas comme eux. Elle n’est même pas de la même planète qu’eux, qui serait-elle pour oser se comparer à eux ?

- Trouvé ! Le chien lui répond en aboyant, joueur et tire la langue d'excitation.

Aya a fini par se pencher et ouvrir un tiroir suffisamment grand pour contenir un chien difforme. Une chose longue, rondelette, poilue et courte sur patte. S’ajoute à cela un charmant triangle joufflu, toujours souriant avec des oreilles plus grandes que ses pattes. Un corgi, un chien difforme mais attachant.

Les mains saisissent la créature sous ses pattes avant et le soulève à hauteur des yeux, maintenant la créature à les pattes et le popotin arrière dans le vide et cligne des yeux.

- L’entraînement est fini, Hope. C’est le moment du bain. Il y’a une odeur dans le vaisseau et ca ne peut venir que de toi.

La bestiole s’agite en geignant mais elle à tôt fait d’être plaqué contre une poitrine muni d’un tee-shirt. Oui un tee-shirt. Agir comme un humain, s’habiller comme un humain, ressemblé à un humain.

Elle lui gratouille cette zone entre les deux oreilles et repose l’être difforme au sol et marche en sa compagnie jusqu’à l’espace de pilotage. Elle vérifie la température extérieure et les actualités. Ce serait dommage d’emmener un chien innocent promené au moment où un super-vilain serait en train de se battre avec Superman ou un autre en train de braquer une banque.

- Tout semble ok Hope, c’est parti !

Un dernier check-up de son apparence lui montre que la seule chose qui la distingue d’une humaine, c’est sa peau verte. Elle a eu beau essayer d’y changer quelque chose, le maquillage lui donne un teint verdâtre digne d’une grande malade ou de quelqu’un qui a bu toute une cave de whisky et ca a mal fini. Alors… Elle assume sa différence derrière un cargo blanc, un tee-shirt blanc (parce que oui, les poils beiges et blanc d’un chien ca se voit sur du noir) et des baskets blanches avec des semelles à peine salie. Ses cheveux lisses lui touchent les épaules à sa demande, la frange arrivant à peine à ses sourcils.

Oui elle a vraiment fait de son mieux pour s’intégrer… Une fois qu’elle a compris comment faire. Comment elle a compris ? En mettant son doigt dans la prise d’un ordinateur terrestre dans la bibliothèque et en effeuillant attentivement l’ensemble du contenu internet public. Et un peu privé. Autant qu’un ordinateur universitaire humain puisse le faire. Oh c’était juste quelques mois où elle étudiait vraiment à la bibliothèque, après elle n’en a plus ressenti le besoin puisqu’elle savait déjà.

Est-ce que ca a changé quelque chose à sa fonction première ? Non. Est-ce que ca l’a aidé à comprendre les émotions, les humains et tout ce qui fait du Green Lantern Hal Jordan et les autres personnes en collant des héros ? Oh oui. Elle a compris pourquoi il l’avait emmené sur terre, loin des gardiens. Mais dans tout ca… Elle ne comprend toujours pas ce qu’elle doit faire puisque personne n’a besoin ni d’elle, ni du vaisseau. Enfin personne sauf Hope.

Elle installe Hope sur un siège, l’attache et en fait de même aussitôt. Les mannettes se baissent, les boutons sont appuyer et bientôt l’interceptor file à travers le ciel vers une nouvelle destination. La terre est vraiment toute petite et le vaisseau est si rapide qu’en même pas une demi-heure ils arrivent sur les lieux.

Elle saisit un bob et le plaque sur sa tête avant d'accrocher le harnais autour du corps aussi long que son propre thorax et le fait léviter jusqu’à la sortie du vaisseau. Central Park est là, devant leurs yeux.

Après une trentaine de minutes dans les rues, les voilà dans un parc public immense. Les ombres des branches se meuvent sur le sol tandis qu’elle lance pour la deuxième fois la balle de tennis qui s’envole loin et rebondit presque autant que le popotin dodue du chien qui court pour l’attraper.

Le parc est bondé d’humains en fin de pique-nique et de chiens en cette chaude après-midi et les enfants crient en courant. Quand on la dévisage, elle enfonce davantage le bob sur sa tête et s’accroupit les bras ouverts pour attendre la boule de poil qui revient en trottinant.

Et elle ne fait pas attention en se promenant. Ils divaguent tous les deux, Hope s’arrête par-ci et par là sur des poteaux et des bouches d’incendies mais Aya ne s’inquiète pas. Elle tient la laisse, mais sans pression aucune. Elle se sent en sécurité ici parce qu’après tout elle est plus qu’humaine. Ca lui fait penser à un documentaire sur un super-vilain qui circulait sur le net. Il expliquait qu’avoir des pouvoirs, être plus puissant qu’un simple humain, c’était se sentir surpuissant parmi les humains. La sensation d’être surpuissant. Et Aya pense être capable de comprendre ce que ça fait. C’est simplement ne pas avoir peur et marcher avec assurance.

Elle songerait presque « Je comprends bien mieux les humains maintenant », mais l’intelligence artificielle n’est pas aussi bavarde et n’est pas capable d’avoir un égo qui se gonfle.

En traversant elle passe devant une boutique d’ésotérisme et s’arrête. Là. Il y a quelque chose qui luit au soleil. Une carte de… Tarot. Oui elle croit bien que c’est comme ça que les humains appellent ce pack de carte avec des emblèmes. Son regard est fixé sur un jeu en vitrine avec des cartes noires. La carte XXIII. La paix. Elle n’arrive pas à reprendre son chemin avec Hope alors elle montre du menton la porte d’entrée sur laquelle il est écrit « OPEN ».

« - Vient Hope, allons voir cette boutique. » ,

Le chien se dandine pour rentrer, l’androïde vert à sa suite et ils regardent l’entrée. L’atmosphère est bien étrange. C’est différent des autres endroits sur terre mais elle hausse les épaules, elle ne réfléchit pas beaucoup plus loin et son regard navigue entre la vitrine et la femme qu’elle remarque enfin. Une femme très belle qui marque Aya.

"Je pensais que toi, au moins, tu aurais compris, Nim'."

Elle est belle. C'est littéralement la première réflexion que se fait Aya en la voyant. Elle lui rappelle les chefs de villages mais aussi les guérisseurs de certains peuples des autres secteurs. De par son apparence mais aussi par ce qu'elle dégage. Du charisme, une personne qu'on a envie de suivre et d'écouter parce qu'elle semble savoir comment agir en toutes situations, comme un esprit qui aurait vécu mille vies.

« - Bonjour. »

L'androïde hoche la tête, respectueusement en guise de salutation. Son regard enregistre ce qu'elle voit, il s'attarde sur les perles, la couleur de la robe, les yeux de cette femme ce qui la fait hésiter un instant. Ses yeux étaient bruns, pas bleus, ni blanc mais bien au contraire très sombre, presque noirâtre. Pouvait-elle la voir ? Son regard fixe le laissait entendre, mais leur couleur brune était inhabituelle.

Son regard dérive vers les deux phoques qui les rejoignent. Deux gros et grands chats en fait. Ils sont bien moins mignons que ceux qui circulent sur le net terrestre. Une queue fouette sa jambe par inadvertance et la jeune fille s'accroupit pour tendre les doigts vers la croupe d'un des presque phoques. La longue queue frétille et s'agite sans pour autant distraire l'animal d'Hope. Lui s'assoit sur ses fesses en forment de cœur dans une posture étrange qui n'a pas l'air confortable au vu de son corps trop long. Il se contente de tirer la langue en laissant vagabonder son regard sur ce qui l'entoure.

Aya l’imite en se redressant et remarque une boutique sans dessus-dessous. Enfin ce serait sûrement ordonné pour n’importe qui n’étant pas un androïde habitué au rangement millimétré et si peu matérialiste. Ici les armoires sont pleines, non elles débordent de livres, de boîtes et de pierres. Tout semble tenir dans un équilibre précaire et pourtant ici, tout semble avoir sa place. Chaque chose est exactement là où elle doit l’être.

Néanmoins son regard revient vite vers la vitrine parce que rien ne l’attire plus que les cartes exposées à la vue des passants. Les étoiles y scintillent si intensément qu’on les croirait vivantes. Brille, brille, petite étoile.


« - Les cartes de la vitrine. Qu’est-ce que c’est ? Pourquoi les étoiles scintillent ? »

La Green Lantern est une jeune femme curieuse, qui a besoin d’apprendre et de comprendre. C’est pourquoi elle a soudain l’air d’une enfant qui pose hâtivement des questions simplettes. Quand elle s’est connecté à l’internet terrestre, elle a vu d’innombrables choses : des pages, des images, des textes qui ont défilés si vite dans sa tête qu’elle a vue flou et failli perdre l’équilibre. Parmi ce défilé, il y’avait des sites consacrés à ce genre de boutiques.

L’occulte, le spirituelle, le concret et l’intangible. Aya ne saisit pas tout, ne comprends pas ses pratiques et ne sait même pas si une divinité terrestre existe et dans quelle mesure ca peut la concerner elle, une créature créer par un autre ordre.

La porte avait ouvert l’accès à une nouvelle pièce, une pièce plus sombre qui renferme des objets autrement plus anciens que celle de la boutique. Ca semble étonnamment plus rangé aussi. L’épaisse couche de poussière qui repose sur à peu près tout ce que l’androïde peut voir atteste que les objets ne sont pas fréquemment utilisés. L’ambiance est intime, secrète, préserver et il semble que l’accès ne se fasse qu’en compagnie de la propriétaire. Définitivement une guide vers autre chose.

Plus tôt, les cartes s’étaient mise à léviter et s’étaient déployés autour des êtres vivants dans la pièce. L’un d’elle avait même frôlé Hope avant de s’éloigner et si Aya n’avait pas été un androïde, elle aurait pu jurer l’avoir entendu ricaner du regard surpris qu’avait tournée vers le chien difforme. Les papiers finement décorés étaient toujours magnifiques, les étoiles représentés scintillants encore plus puissamment que sur l’étalage.

D’après l’étrange et pourtant magnifique femme, les cartes étaient différentes aux yeux de chacun et Aya se demanda ce cela disait d’elle de tomber sur 3 cartes de l’étoile. Bon ou mauvais présage ? Que devait-elle comprendre et devait-elle-même essayer de comprendre pourquoi ? Encore une fois la question se posa de « Dans quelle mesure était-elle concerner, n’étant pas une terrienne ? ».

Aya suivit l’hôte, les phoques –pardon, les chats- et le chien difforme lui ouvrant la marche. Hope alla fourrer sa truffe sur une étagère basse et éternua bruyamment, projetant dans l’air la poussière respirer. La jeune fille verte eu un sourire et une moue amusée avant de tourner la tête d’un coup en entendant son hôtesse s’assoir.

Le sofa avait l’air confortable mais le fauteuil avait l’air tout aussi moelleux. Quand elle s’assit, elle se demanda même si elle allait réussir à se relever un jour. Elle rebondit une fois, deux fois et acquiesça mollement dans le vide en observant ce qui l’entourait. Ici, dans ce petit espace salon, les étagères étaient à nouveau bien remplies. Des choses s’empilaient sur d’autres, certaines tenants de façon précaire. Le ménage semblait être une chose inconnu mais ca ne lui donne bizarrement pas envie de nettoyer pour autant.

Enfin l’androïde regarde à nouveau les cartes. Elles sont là devant elle, bien propre et étalés parallèlement les unes aux autres. Et qu’est-ce qu’elles sont jolies.

- Je me suis connecter à internet plusieurs fois et je ne comprends pas. Nulle part il n’est mentionné que les cartes papier puissent clignoter et attirer ainsi. Il est écrit sur les 3 qu’il s’agit de cartes de l’étoile. La première représente une jeune femme, une humaine qui fixe des étoiles mais leurs lumières sont comme des vagues, qui diminue et augmente. La deuxième représente des étoiles sur un radar mais elles se déplacent et la dernière ressemble à ce que vous appelez deux flans de montages, là on dirait des vagues et ici il y’a une lune, dit-elle pointant les cartes et les différentes zones. Je ne comprends pas comment c’est possible et pourquoi je vois et ressens ca.