Return of the Bats [Batfamily]

Sa chambre est dans les ténèbres. Entièrement sombre. Pleinement obscure.
C'est voulu. C'est organisé.
Ça l'apaise, en fait. Ça le rassure. Ça lui rappelle... sa vie ; ce qu'a été sa vie. Ce qu'il a aimé, dans sa vie. Ce qu'il a connu le plus, ces dernières années.


La matinée est avancée, cependant.
Il est quasiment onze heures du matin. Ce n'est pas inhabituel pour lui de se réveiller à une telle heure, mais... mais ce n'est plus comme avant.
La nuit a été plus calme, moins agitée. Pas plus facile ; car ces heures inactives, avec moins d'action, lui ont imposé une tension – un manque.
Il le ressent, dans ses membres. Des picotements, des tremblements. Des fourmis, comme des muscles forcés au repos et qui enragent d'attendre pour se lancer.

Son esprit est ainsi ; mais pas son corps.
Il le sait... il le sent, alors qu'il se lève. Si lentement. Si difficilement.
Si douloureusement.

 « Hughn. »

Il grogne. Il souffre. Il peine.
Il met plus de cinq minutes à se lever, à se redresser. Chaque mouvement est une épreuve. Chaque action est une douleur.
Et une colère. Et une fureur. Et une rage.
Et un renoncement, surtout.

Il ne peut plus, en fait. Il ne peut plus... faire comme avant ; être comme avant.
Depuis des mois. Depuis plus de six mois, maintenant.
Et... c'est difficile. Et c'est lourd. Et c'est intense. Et c'est terrible. Et...
C'est ainsi. C'est comme ça. Ce sont les cartes à jouer ; c'est sa vie, maintenant.

Il vit encore. Lui vit encore ; d'autres ne peuvent pas en dire autant.
Pour eux, alors...
Pour eux, il doit continuer. Et serrer les dents. Et ne pas se plaindre.

Il avance, alors. Il s'habille, si difficilement. Il émerge, il glisse entre les pièces. Il s'installe.
Chez lui. Dans son bureau.


Jadis celui de son père.
Longtemps, il l'a fui. Longtemps, il l'a refusé. Longtemps, il n'a fait qu'y passer – y glisser, oui, notamment pour donner le change, et faire croire qu'il y travaillait.
Ce n'était pas le cas. C'est désormais le cas.

Il y travaille, donc. Il y déjeune, aussi ; à des horaires corrects, et avec un repas correct.
Entrée, plat, dessert. Alfred fait d'immenses efforts pour ne pas trop sourire, pour ne pas trop profiter du moment, pour ne pas trop apprécier de voir son maître, son fils, enfin se nourrir convenablement.
Lui fait avec. Lui encaisse. Lui... pense à ceux qui ne sont plus là ; et il prend sur lui, et fait avec.

Les heures passent, ainsi. Il travaille.
Non pas... sur des enquêtes, sur des crimes, sur des attaques ; si, mais pas celles que l'on pense. Plus celles que l'on pense.
Il travaille sur les enquêtes marketing, pour les prochains projets des Entreprises Wayne. Il travaille sur les crimes de ses concurrents, pour les dénoncer et en profiter. Il travaille sur les attaques dont ils sont victimes, en interne et en externe.

Il travaille, toute la journée. Il réussit. Il s'en sort. Il assure. Il...
Il se redresse, et grogne quand son dos craque sous la douleur, quand la lumière baisse. Quand le jour recule. Quand...


Quand la nuit approche.

Il inspire, alors. Il expire. Il jugule sa respiration.
Il se calme. Il se contrôle.
C'est dur ; mais il se contrôle – et il se lève.

Difficilement, encore. Douloureusement, toujours. Lentement, hélas.
Il se lève. Il s'avance. Il...
Il descend. Il descend les escaliers ; ses escaliers. Après avoir calibré les flèches de l'horloge, sur l'heure fatidique où ses parents lui ont été pris – où son univers a été brisé. Où le monde a été changé.

Il descend.
En souffrant, encore ; mais en souriant, quand même.


Il descend. Il arrive.
Chez lui.
Dans son foyer. Dans son véritable foyer. Dans l'antre qu'il a créée, forgée... habitée, de tout son être ; de toute son âme.

Le Manoir Wayne demeurera à jamais sa maison – mais ce sera sa maison d'enfance, sa maison de famille ; la demeure de ses ancêtres, de ses parents. Il y est bien, mais... comme un adulte qui revient dans la bâtisse familiale, pour se rappeler ses souvenirs et en profiter.
Mais ici... mais là...

C'est chez lui. C'est... lui. C'est...


La Batcave.
Et son visage se fige, alors. Et son esprit se crispe.
Il sait. Il doit le savoir. Il doit l'admettre.

La Batcave... n'est plus chez lui. Ce n'est plus pleinement chez lui.
La Batcave... est l'antre de Batman.
Et lui...

Il n'est plus Batman.

 « Vous êtes... en retard. »

Sa voix est lente, difficile. Sa gorge a été touchée, il y a plus de six mois, et ses cordes vocales ne se sont pas remises.
Il soupire, et le mouvement le fait grimacer ; un de ses poumons ne sera jamais remis, non plus, et il le sent.
Il se contient, cependant. Il se redresse. Il se tourne.

Il paraît froid. Il paraît dur. Il paraît usé. Il paraît courroucé.


Il les fixe, alors.
Eux. Ceux qu'il a faits venir. Ceux qu'il a invités. Ceux qu'il a sollicités. Ceux qu'il a formés... éduqués, accompagnés, équipés ; changés.
Ceux qui incarnent son héritage, son don à la ville – et sa famille. Et ceux qu'il aime. Et ceux pour qui il s'est battu ; pour vaincre, mais aussi pour revenir.

Il les fixe. Et... il confirme, en un mouvement, en une expression, qu'il a changé en six mois.
… parce qu'il sourit.
Légèrement. Discrètement. Lentement.
Mais quand même.

Bruce Wayne sourit – et accueille sa famille dans la Batcave.

 « La... soupe d'Alfred va refroidir ; et je refuse de vous trouver des excuses. Mais... il est bon de vous voir. »

Une Batcave où il est soudain plus, lui-même, un invité... et cela fait partie des sujets qu'il entend aborder ce soir !
Après la soupe, qu'Alfred amène discrètement pour tout le monde, bien sûr...

Le Fils du Batman était concentré, tout entier dévoué aux exercices qu'il s'imposait. Cela faisait presque deux heures que le jeune héros s'entrainait, enchainant les courses d'obstacles, les lancés de Batarangs sur cible mouvante et les simulations de combat. Chaque fois qu'il arrivait à la fin de la session, il en lançait une nouvelle, déterminé à repousser ses limites encore plus loin.
 
Damian Wayne avait toujours été un perfectionniste. Cette recherche de la perfection était une chose qui était intrinsèque à son identité, son éducation, jusqu'à son ADN. Il avait été créé pour être parfait. Son existence même était moins le fruit de l'amour que se portait ses parents que de l'obsession eugéniste de sa famille maternelle. Toute sa vie, on avait exigé de lui d'accomplir des exploits que les autres enfants de son âge ne pouvaient pas même rêver de faire. Quelque soit le domaine dans lequel il s'investissait, qu'il s'agisse de l'art du combat, de la furtivité, dans des domaines plus intellectuelles ou même artistiques, le jeune homme s'y plongeait toujours pleinement. Il ne lui suffisait pas d'être bon, il voulait être le meilleur, rien de moins. Et il ne lui faudrait rien de moins qu'être au top dans tous les domaines s'il voulait un jour se montrer digne de reprendre la cape du Chevalier Noir.

Et ce jour arriverait peut-être plutôt qu'il ne l'aurait prévu… ou même voulut. Son père était de retour. Après presque une année entière d'absence dans une mission qui avait mené le détective au cœur des Crises qui avaient secoué la communauté super-héroïque, le Batman était enfin de retour dans sa ville de Gotham. Mais hélas, cette mission n'avait pas été sans prélever son prix sur le Croisé Encapé. Ce dernier avait été brisé durant ses péripéties au point que même lui avait dût reconnaitre qu'il n'était plus en état d'être le Chevalier Noir de Gotham. Pour la troisième fois, Dick Grayson, le premier Jeune Prodige, avait accepté de reprendre le rôle. Gotham avait besoin d'un Batman et Grayson, à peine entré dans sa vie d'homme marié, avait relever le gant. Mais Damian ne savait que trop bien à quel point ce rôle était un fardeau pesant sur les épaules de son ainé. Que ce dernier n'aspirât uniquement à ce qu'il s'agisse d'une disposition temporaire. Hélas, cette fois, il n'était pas certain que son géniteur puisse un jour reprendre ce rôle. Et le jeune Wayne était déterminé à être prêt aussi vite que possible à prendre la relève de son frère le jours où celui-ci voudrait se décharger du costume.
 
Le retour de son père avait été un moment qui avait apporté un intense soulagement au jeune homme. Le fait de savoir son géniteur de retour, qu'il soit en vie… même blessé. Mais avait aussi été source d'appréhension pour l'Héritier du Démon. Gotham avait bien changé depuis le départ de son père. Leur fratrie avait fait de son mieux pour palier à l'absence du Batman, à garder Gotham sûr en l'absence de son protecteur… mais celle-ci avait eut des conséquences que le BatClan n'avait ni anticipé, ni été capable de les gérer. Désormais, le GCPD n'était plus le seul groupe à maintenir l'ordre dans les rues, le BatClan n'était plus le dernier rempart contre les Super-Criminels… les troupes en combinaison de combat du BatCorp étaient arrivées. Et Damian avait réellement craint de lire de la déception dans les yeux de son père quand il le découvrirait.
 
Les gestes du jeune homme étaient rapides, précis, énergiques. Face aux mannequins d'entrainement du simulateur, Damian se déchainait ne retenant nullement ses coups. Il esquivait les projectiles que certaines machines lui lançaient. Il parait les coups qui lui était envoyé avant de contre-attaquer prestement. Ses frappes étaient brutales, mais maitrisées, ses batarangs trouvaient toujours leurs cibles, même lorsqu'il ne semblait pas avoir prit le temps de viser sa cible. Ses enchainements étaient parfaitement fluides, semblant minutés à la seconde près, et il jonglait avec aisance entres les différentes armes et gadgets à sa disposition pour éclaircir les rangs des adversaires qui lui présentait le simulateur. Malgré la période prolongée qu'il venait de passer à s'exercer, il semblait encore volé d'un ennemi à l'autre, le pieds sûr pour passer les obstacle, l'œil avertit pour éviter les mauvais coups. Il y avait une certaine grâce naturelle dans ses gestes… et pourtant une férocité indéniable dans ses actions.
 
"Il devrait être… interdit de grandir… pour les Gremlins." Plaisanta Stéphanie essoufflée. "Ils deviennent… ingérable après…"
 
Cette dernière avait commis l'erreur de vouloir accompagner Damian dans son entrainement. Bien qu'étant elle-même d'un naturel particulièrement déterminé et plus que prête à relever un bon défi… pour cette fois, l'endurance de Damian avait surpassé la sienne. Et même si elle pouvait voir de la sueur commencer à perler du front du jeune homme, ce dernier semblait encore pouvoir poursuivre pendant des heures. Le Fils du Batman n'était définitivement plus un enfant, ses traits s'étaient affirmés, il avait gagné en taille et avoisinait celle de Red Robin désormais. Son physique de manière général était plus athlétique qu'auparavant. Damian commençait doucement à laisser entrevoir l'homme qu'il était destiné à devenir.
 
" En même temps, tu aurais dû le voir venir. Avec sa décision de changer d'identité, il doit se dire qu'il a d'autant plus de chose à prouver." Analysa Tim d'une voix égale, bien qu'avec un petit sourire en coin. "Et personnellement, je préfère garder mon énergie pour la patrouille." Commenta-t-il.

Tim Drake s'était, pour sa part, bien gardé d'entrer dans l'arène. La compétition entre lui et le "Gremlin" pouvait rapidement prendre des proportions dantesques. Et, aux vues de l'état d'esprit actuel de son cadet, cela aurait à tout les coups finis en un nombres ridiculement élevé de rounds de combats pour voir lequel des deux prendrait l'avantage sur l'autre. Au moins, avec Steph, Damian se serait contenté de donner son maximum pour ne pas perdre. De son côté, Tim se contentait de surveiller le moniteur qui contrôlait les machines d'entrainement, gardant à l'œil les données sur les performances du plus jeune membre de leur fratrie, constatant que même s'il n'en avait pas l'air, il ralentissait.
 
"mouais…" Souffla l'héroïne au costume mauve, cherchant à récupérer son souffle. " Et bien... on verra… s'il fera toujours autant le malin… quand Cass décidera de se mesurer à lui." Répondit-elle avant d'adresser un signe de la main chaleureux, mais fatigué, à Barbara.
 
La vérité cependant, c'est que Stéphanie commençait à s'inquiéter pour Damian. Dès le début, elle avait fait de son mieux pour que ce dernier s'ouvre, pour qu'il apprenne à découvrir le monde autrement que par le prisme de la Ligue des Ombres ou que celui du BatClan. Elle avait toujours su que "son petit frère de cœur" ne se contenterait pas de rester Robin. Damian avait toujours eu un besoin de s'affirmer, et n'avait jamais vu le poste de Robin que comme une étape dans sa destiné. Et puis, il y a un mois, il avait soudainement annoncé qu'il abandonnait l'uniforme de Robin pour une autre identité : Redbird, reprenant ainsi le cryptonyme qu'il avait brièvement revêtu lorsqu'on lui avait interdit de patrouiller en Robin.
 
Désormais, son uniforme de Jeune Prodige trônait derrière une vitrine, aux côtés des autres. Le costume qu'il avait conçu pour Redbird était beaucoup plus sombre que son ancien uniforme. Les couleurs dominantes étaient le noir, le gris et un rouge plus foncé que celui de l'uniforme de Robin. Si certaines influences de son ancien costume était visible, notamment le "R" qu'il avait conservé, il était évident que Damian semblait souhaiter renouer avec une approche plus pragmatique… avec quelque chose qu'il pensait lui correspondre davantage. Et c'était tout ce que Stéphanie et Tim pouvaient lui souhaiter, bien que l'un et l'autre s'étaient interrogés sur les raisons profondes qui avaient poussé l'ancien Jeune Prodige à choisir un design qui… n'était pas sans rappeler la tenue qu'il portait jadis… quand il était un al-Ghul.
 
"Je vais aller voir comment Dick et Babs s'en sortent là-haut avec le nouveau matériel. Surtout appel moi s'il arrive quelque chose d'intéressant." Annonça Tim.
 
De son côté, le Fils du Batman poursuivait, inlassablement, son entrainement. Intérieurement cependant, il sentait la frustration le gagner. Son temps ne s'améliorait pas. Pire, il régressait. Cela, il ne pouvait certainement pas se le permettre. Pas avec l'état dans lequel la ville était, pas dans la situation actuelle. Soudain, la voix de son père retentit, calmement, à travers la Cave. Comme répondant à un signal, le jeune homme interrompit son exercice, sans pour autant oublier d'esquiver le dernier projectile qui lui était envoyé avant que Stéphanie n'arrête le programme.
 
Damian observa son père pendant un instant, interdit. D'une certaine manière, il ne s'était pas attendu à voir son père de la soirée, ce dernier récupérant encore de ses blessures. Et bien que ce n'était certainement pas dans la nature de Bruce Wayne de rester alités, y compris pour son propre bien… un défaut qu'il partageait avec sa progéniture et honnêtement, avec tout ses acolytes… Damian avait sincèrement pensé que son père s'était résigné à ne plus jouer de rôle dans la Croisade contre le crime à Gotham.
 
"Père ? Que…?" commença-t-il à interroger quand soudain, il reçut un morceau de tissu en plein visage.
 
Il lui fallut quelques secondes pour se le retirer et s'apercevoir qu'il s'agissait d'un essuie que Stéphanie venait de lui envoyer. Cette dernière arborait un grand sourire satisfait. Prenant comme une petite revanche le fait d'être parvenu à le prendre de court.
 
"Toi, hors de question que tu viennes boire la soupe d'Alfred en puant la sueur." Signala-t-elle en soutenant le regard courroucé du jeune Wayne "Commence déjà par t'essuyer un bon coup… et une douche ne te ferait pas de mal, jeune homme." Ajouta-t-elle d'un ton amusé en se dirigeant à son tour vers Bruce et Alfred.
 
Après avoir proférer quelques imprécations à l'égard de Stéphanie, Damian entreprit de se débarrasser des traces de sueurs que lui avait laissé son entrainement. S'essuyant énergiquement, il en profita pour réfléchir. C'était la première fois depuis longtemps que leur famille était réunie…et pourtant, il ne ressentait pas l'apaisement que cela lui procurait en temps normale. Son regard s'attarda sur l'uniforme de Robin qui avait été le sien des années durant, ressentant une légère nostalgie mais pas réellement de regret à sa vue. Peut-être était-ce simplement cela… le fait qu'ils avaient tous changer durant l'année qui venait de s'écouler, le fait que les choses ne seraient plus les mêmes que ce qu'elles avaient été.
 
Son regard se porta ensuite longuement sur son père. Ce dernier semblait, fatigué, loin de la sensation de Force et de Puissance qu'il lui avait jadis inspirée. Le Fils du Chevalier Noir ne savait pas réellement comment gérer cela. Il était resté auprès de son père pour l'aider, il avait même quitté la Titan Academy pour avoir plus de temps pour aider ses proches. Mais jamais il n'aurait cru se retrouver dans une situation où son père lui paraitrait si diminué… lui qui avait toujours représenté tout ce qu'il avait aspirer à devenir.
 
Ses jambes finirent par s'activer, le portant vers le reste du groupe. Alfred était occupé à servir la soupe qu'il avait préparé dans des bols, toujours fidèle, toujours indispensables. Toujours silencieux, Damian observa chaque personne présente d'un simple regard, les détaillant comme il en avait l'habitude. Néanmoins, son langage corporel était… hésitant, comme si son esprit était tourmenté par des problèmes comme seul un adolescent parvient à en soulever. Au bout de quelques minutes, l'Héritier du Démon prit enfin la parole.

"Comme nous sommes tous là, Père. Peut-être serait-il judicieux d'évoquer une fois pour toute la situation de la ville. Celle-ci à beaucoup changée et je doute que ce soit des transformations au goût de quiconque en cette pièce." Annonça-t-il solennellement.
 
Il voulait bien entendu parler du BatCorp, de ses opérations dans la sombre métropole, de la manière dont il traquait les super-criminels, mais aussi qu'il terrorisait des quartiers entiers où résidait la "mains d'œuvre criminelle", le plus souvent des banlieues défavoriser. Le fait que d'une façon ou d'une autre, les soutiens de cette organisation étaient parvenus à obtenir la suspension de Gordon, le plus fidèle allié du Chevalier Noir et l'indéboulonnable Commissaire de Gotham City.  Le fait qu'ils disposaient d'une technologie pouvant presque rivaliser avec celle du Bat-Clan… seuls leurs talents individuels leurs permettaient encore de prendre l'avantage lors de leurs altercations de plus en plus fréquentes.
 
"Le BatCorp gagne en influence. Ils ont commencé à construire des "ruches à drones" en plusieurs point de la ville pour que leurs engins puissent en permanence contrôler le territoire. Officiellement, c'est pour retrouver la trace de Bane. Mais nous savons pertinemment que même s'ils le récupéraient, ils conserveraient ces ruches pour poursuivre leur surveillance de notre territoire." Continua-t-il.
 
Il y a deux ou trois jours de cela. Le BatCorp avait mené une opération contre l'un des repaires de la milice de Bane, ces mercenaires surentrainés aux ordres du colosse Santa-Priscan, accomplissant la volonté de celui-ci ou vendant leurs services à d'autres groupes. Ils n'étaient pas réellement nombreux, no possédaient qu'un territoire réduit, et pourtant ils étaient l'un des groupes les plus redoutable de la pègre de Gotham… et le retour de leur chef il y a trois mois leur avait donné un regain d'activité. L'assaut du Batcorp avait causé des destructions dans tout le quartier Santa Priscan, plusieurs civiles avaient été prit dans le feu croisé. Une dizaine de miliciens avaient été arrêté, mais Bane était désormais en fuite.
 
Cependant, Damian ne pouvait s'empêcher de se demander… si le BatCorp n'avait pas simplement autorisé la fuite du mercenaire. Ce dernier était l'un des criminels les plus craint de l'histoire de la cité. La seule idée qu'il soit à présent dans la nature effrayait suffisamment les habitants pour qu'ils laissent les coudées franches au BatCorp. Pour Damian, ces derniers profitaient un peu trop de cette bavure pour qu'ils ne l'aient pas orchestré.

Ils… sont venus.

Son coeur manqué un battement, en y pensant ; en s’en rendant compte. En vivant le moment. En les voyant, en les découvrant se réunir, interagir, discuter, échanger.
Ils sont venus. Ils sont là. Ils sont ici.
Chez lui… chez eux, désormais. Ils sont là, et il… et lui…

Lui aussi.
Lui aussi est là. Lui aussi est venu. Lui aussi est…
Il est revenu. Enfin.


Son visage est fermé, alors qu’ils arrivent, alors qu’ils parlent, alors qu’ils se chamaillent et se glissent quelques mots. Cela a été si souvent le cas, auparavant – son silence, calme et oppressant à la fois ; son expression froide, si propre au jugement et à la crispation.
Ce n’est pas le cas, ici. Ce n’est plus le cas.
Il… se contrôle. Il encaisse. Il intègre ; ce qu’il vit, ce qu’il ressent. Ce qui fait battre son cœur, tant usé par une existence terrible, et désormais affaibli par les événements brutaux qui l’ont tant marqué.

Il les fixe. Il les écoute. Il les regarde.
Près d’eux. Proche ; mais éloigné, désormais. Mais de côté, parce que… parce que la vie est passée. Parce que son corps n’est finalement pas aussi invincible qu’il le pensait. Parce que les limites qu’il a tant repoussées, se sont finalement figées et imposées à lui.
C’est ainsi. C’est comme ça. C’est… la vie.

Cela ne veut pas dire qu’il doit s’en contenter. Mais cela doit dire qu’il doit aussi… accepter ; et se réorienter. Et changer. Et avancer. Et se transformer.
Et… les accompagner. Et les responsabiliser.
Après les avoir recueillis, après les avoir formés, après les avoir forgés… voici une nouvelle mission. Voici un nouveau but.

Laisser les oiseaux, les petits rouges-gorges qu’il a toujours vus en eux, devenir autre chose… devenir d’autres. Devenir adultes.
Devenir… ces chasseurs et chasseuses nocturnes, ces prédateurs qu’il a toujours vus en eux, pour qu’ils se développent pleinement.

Il en a fait ses rouges-gorges. Ils deviennent des chauve-souris, en son honneur et en son nom ; pas pour lui, mais par et pour la voie qu’il a tracée.
Qu’il en soit ainsi.
Qu’il… soit digne d’eux, maintenant qu’ils ont dépassé depuis longtemps ce qu’il espérait d’eux.

« Je… ne pensais pas devoir… le répéter. »

Sa voix est lente, usée. Un murmure, rauque, alors qu’il avance. Il reprend sa marche, s’avance vers le Batcomputer – vers le siège, qu’il a si souvent utilisé, sur lequel il s’est tant assis.
Son siège. Son fauteuil. Son bureau. Sa cave. Son foyer.
…
Plus maintenant. Plus vraiment.

Il approche du fauteuil, en s’aidant de la canne. Il laisse son regard glisser dessus. Il souffle, il soupire. Il grogne.
Il détourne le regard. Il s’assoit.
Sur… une autre chaise. Sur un autre fauteuil.

Pas celui-ci. Pas le principal. Pas… celui…
Pas celui de Batman.
Un autre. Il prend un autre, et inspire en détendant légèrement ses muscles après l’effort.

« La soupe… va refroidir. Profitons-en… ensemble. S’il-vous-plaît. »

Wow, doivent-ils penser. Mon dieu, même, doit être un juron qui file dans leurs esprits.
Bruce qui préconise de manger plutôt que de parler ?
Et qui leur demande poliment, avec une formule de politesse ?
Wow. Les choses changent ici, définitivement.

« Je… vous remercie de votre présence. Il m’est… très agréable de vous retrouver ici. Même si… mmh. Je dois m’habituer aux… changements. »

Son regard glisse vers Barbara.
L’on peut penser au Batcomputer, remodelé via l’intelligence formidable de la jeune femme. L’on peut surtout songer à sa situation actuelle, à nouveau en fauteuil.
Il forme un sourire doux, mais teinté de tristesse ; comme la vie, évidemment, et ils doivent faire avec.

« Dick… a ainsi raison : je souhaite que nous puissions… manger ensemble. Une situation rare, incongrue même, pour nous tous, mais… agréable. Pour moi, en tout cas. »

Nouveau wow. Définitivement.
Il en a conscience, et laisse quelques silences pour qu’ils encaissent ; avant d’enchaîner, toujours sur un ton calme et doux.

« Mais… manger ensemble, de manière conviviale, n’empêche pas… ne doit pas empêcher… d’évoquer des sujets sérieux. Je pense. »

Il acquiesce sobrement, et glisse son regard sur chacun d’entre eux… formant un mot, une idée pour chacun d’entre eux, aussi.

« Mais également d’évoquer… la réalité de nos vies, et de nos relations.
Stéphanie, j’ai conscience des difficultés qui sont les tiennes, après les épreuves passées. Ta joie de vivre et ta combativité sont un exemple.
Je pourrais dire que cela vaut également pour toi, Cassandra, et il n’est guère anodin que vous soyez si liées. Je ne saurais exprimer ma fierté d’avoir vu l’évolution de la jeune femme formidable que tu es, loin de ce que l’on a voulu de toi.
Tim, tu es et demeures celui qui, un temps, a sauvé Batman en lui fournissant un Robin ; puis a sauvé la ville, et les personnes ici, en incarnant le meilleur de notre mission. Malgré toi aussi tes épreuves et pertes.
Barbara, jamais tu n’as été mon apprentie, toujours tu as mené ta propre voie. J’en ai toujours été impressionné, et ta résilience est source de foi pour quiconque ; notamment pour moi. Te voir, tout simplement, me met du baume au cœur.
Damian, tu es… mon fils, et je sais que tu es acharné à défendre cette ville ; par goût de l’héritage, par passion et le fond bon qui est le tien. Je t’en conjure, laisse-toi aussi quelques bons moments, et… sache-le. Malgré ce que je pensais, l’apaisement est une force, et pas une faille. Je suis d’ores et déjà fier de toi.
Tout comme de Dick qui, j’en suis sûr, transformera cette cape et cette cagoule, pour en faire encore plus des symboles d’espoir et de justice. J’ai tant espéré et rêvé pour toi – et tu as tant dépassé cela. Merci de reprendre le flambeau, je… n’osais pas l’imaginer. »

Nouveau et énorme wow.
Ses mots sont simples, sobres, fluides… et puissants. Si surprenants venant de lui, et il en est le premier marqué, même s’il reste droit et fier sur sa chaise.


Et il est soulagé, aussi. Oh, il continue de ressentir ses pulsions, ses envies. Il continue de nourrir ses crispations, ses besoins d’ordre, ses jugements, sa discipline. Mais…
Mais il a changé. Mais il change.

Il a vécu l’enfer. Il est marqué par l’enfer. Il est revenu.
Il… ne veut plus perdre du temps.
Il veut rendre honneur à ses parents. En vengeant leur mort, dans sa guerre infinie contre le crime – mais aussi en embrassant sa famille.

Ses parents sont morts, oui. Il en souffrira à jamais. Mais… s’il a perdu sa famille de sang, il a depuis créé sa famille de cœur.
Il ne doit pas l’oublier. Il ne doit pas les oublier.
… il ne doit plus s’oublier.

« Et… pour revenir au sujet sérieux… »

Mais il refuse, aussi, et surtout, d’oublier cette croisade qui les anime tous.

« Damian a raison : le BatCorp est source de troubles, d’inquiétudes. Cela ne peut perdurer. J’ai conscience que le G.C.P.D. a les mains liées, et je sais que vos… contacts ont été rudes.
Mais, je le redis… cela ne peut perdurer.
Que… faire, alors ? Que… proposez-vous ? Je… en mon for intérieur, j’envisagerais de chercher quelqu’un, à l’intérieur, à soudoyer – ou intégrer quelqu’un, pour en savoir plus. Et détruire le BatCorp de l’intérieur.
Mais vous… vous avez sûrement… d’autres idées. »

Oh, c’est dur. Oh, c’est difficile. Oh, c’est un déchirement, de ne pas tout décider seul – de ne pas imposer son choix.
C’est terrible, oui. Mais… il prend sur lui.
Il avance. Il évolue… autant qu’il le peut.