Sandman, volume II (1990-1991)

Dans le premier volume de cette intégrale qui en compte 7, nous avions suivi les aventures de Dream, Seigneur des Rêves, alors qu'il s'échappait d'une longue captivité et parvenait à reconquérir ses attributs de pouvoir et son royaume !

Dans ce deuxième tome de l'édition Urban Comics reprenant les TPB américains "Dream Country" (#17-20) et "Season of Mists" (#21-28), c'est encore du lourd que nous propose Neil Gaiman !

Mais voyons ça plus en détail...

Sandman #17 (S#17) : Calliope

Pour se remettre de "Doll's House" et avant d'attaquer "Season of Mists", Neil Gaiman a publié 4 numéros (#17-20) indépendants, dans lesquels, d'ailleurs, le Seigneur des rêves est un peu moins présent, voir totalement absent (#20).


Ce premier numéro, "Calliope", est dessiné par Kelley Jones, que l'on connait surtout pour son travail sur Batman (avec Doug Moench). Il nous met en scène, Ric Madoc, l'auteur fantastique le plus prometteur de sa génération, qui a écrit un best-seller et est... incapable d'écrire la suite !

Au bout du rouleau, il rentre en contact avec l'une de ses idoles, le vieil écrivain Erasmus Fry qui va lui remettre suite à un échange sordide... Calliope, l'une des 9 muses de la mythologie grecque (celle de la poésie) ! Et il va l'enfermer chez lui et se sentir pénétré par l'inspiration découlant de sa seule présence et la garder captive pendant plusieurs années, se servant d'elle par égoïsme, faisant fi de ses éventuels sentiments (il tombe des nues quand il apprend, au bout de plusieurs années, qu'elle a eu un fils...).

Mais il s'avère que Calliope est aussi l'ex de Dream...

Un excellent épisode, ébauche de réflexion sur le processus de création (et sur le vampirisme inhérent à tout auteur ?) ! Et aussi une façon de confronter à nouveau Dream avec sa propre faiblesse (Calliope a été captive et impuissante, comme lui l'a été face à Roderick Burgess).

S#18 : A Dream of a Thousand Cats

Egalement signé par Kelley Jones (que l'on retrouvera après sur "Season of Mists"), cet épisode suit un petit chat blanc qui s'échappe de chez ses maîtres pour aller écouter une vieille minette qui raconte ce qu'il faut faire pour que les chats puissent redevenir les maîtres du monde !

Car cette minette a fait un rêve... et elle a rencontré le Seigneur des rêves des chats qui lui a expliqué que les rêves changeaient le monde !


Un épisode mineur, certes, mais qui présente au moins deux intérêts :

- d'une part la quête onirique de la minette est superbement rendue et me fait penser à la fois à un épisode des Invisibles, celui où Lord Fanny passe son initiation au Mictlan (Coucou John ^^)
- d'autre part l'on voit que Dream change d'apparence en fonction de son interlocuteur (il est ici le chat des rêves), ce que l'on avait également vu dans le premier volume quand il rencontre Martian Manhunter

Sinon l'idée du "Rêve le monde tel qu'il devrait être et pas comme il est" sera également exploitée dans un autre épisode des Invisibles, quand Jim Crow explique aux militaires américains qu'il garde en otage comment on peut réparer le monde en le rêvant !

S#19 : A Midsummer Night's Dreams

Ce épisode est un grand classique de la série ! Signé par l'immense Charles Vess (qui signera également le dernier épisode, le #75, de la série... qui est également une adaptation de Shakespeare), il se déroule en 1593 alors que la troupe de William Shakespeare traverse l'Angleterre pour jouer leur dernière pièce pour un mystérieux seigneur dont le dramaturge ne veut pas révéler l'identité...

... et qui n'est autre que Dream avec qui Shakespeare avait passé un marché dans le premier volume de cette série : il aurait le pouvoir de ciseler des pièces qui dureront et hanteront les rêves des hommes pour l'éternité et, en échange, il devra écrire deux pièces pour Dream.


Et ce "Songe d'une nuit d'été" est la première de ces deux pièces... Et Shakespeare et ses comédiens vont la jouer devant le peuple des fées et leur roi et reine, Titania et Obéron (et leur farfadet malfaisant le Puck ^^).

Le dessin incroyable de Vess magnifie la puissance de cette adaptation de Shakespeare. Pour qui a vu ou lu la pièce, ce numéro est époustouflant. Pour qui n'a ni lu, ni vu la pièce, il ne pourra qu'avoir envie de le faire.

Pour la petite histoire cet épisode gagnera un prix prestigieux, le World Fantasy Award pour la meilleure histoire courte, et est la seule bande-dessinée à l'avoir jusqu'à présent gagné.

S#20 : Facade

Urania Blackwell a été exposée volontairement et sur ordre de la CIA (ou d'un service secret américain quelconque) à l'orbe de Ra, la chose qui a donné ses pouvoirs à Metamorpho. En effet, Ra s'amuse à créer des métamorphes pour l'aider dans la bataille-sans-fin contre le serpent-qui-ne-peut-mourir !

Sauf qu'Urania ne supporte pas sa vie ! Elle est en arrêt de travail permanent et ne sort jamais de chez elle, défigurée et se considérant comme un monstre. Elle veut mourir mais ne sait pas comment faire...


... et c'est à ce moment que la grande sœur de Dream, Death passe remonter le moral d'Urania et bavarder avec elle...

(et on apprend qu'en fait le serpent-qui-ne-peut-mourir est mort depuis belle lurette [^^] et que par conséquent la bataille-sans-fin est terminée ^^)

Premier épisode à être totalement sans la présence de Dream, ce Facade est d'une grande sensibilité, aidé en cela par la qualité du dessin de Colleen Doran (A Distant Soil).

S#21-28 : Season of Mists

Attention gros morceau que ce Season of Mists dans lequel Dream va se rendre aux Enfers pour délivrer une ancienne amante et se retrouver à porter un fardeau trop lourd pour ses épaules !

Côté dessins, c'est essentiellement Kelley Jones qui se colle à la tâche (#21-24 et 26-27). On retrouve aussi l'illustrateur du début de la série et de "Doll's House", Mike Dringenberg (#21 et 28), et l'immense Matt Wagner (Mage, Grendel) pour un épisode de transition qui ne manque pas d'intérêt (#25) !

Et pour le pitch...

S#21 : Les Furies apparaissent dans le jardin de Destiny (le grand frère de Dream) qui décide de convoquer une réunion de famille... chose qui n'est pas arrivée chez les Endless depuis plusieurs siècles, quand leur frère Destruction avait décidé de quitter ses fonctions à tout jamais !


Et tous viendront... Dream, Death, Desire & Despair que nous connaissons déjà mais aussi Delirium, la petite dernière, dont c'est la première apparition !

Et là on voit que chez les Endless ça rigole pas tous les jours... Destiny est loin d'être funky, tout comme Despair, Delirium est bien amochée et Dream est un poil... psycho-rigide ?

Quoi qu'il en soit, Desire provoque la colère de Dream en faisant référence à la petite affaire qu'il avait eu avec Nada (#9), sa douce et tendre qu'il a condamné voilà des milliers d'années à demeurer en Enfer pour l'éternité (et qu'il avait, d'ailleurs, croisé lors de sa visite aux Enfers dans le #4) !

Alors que Dream est sur le point d'en venir aux mains avec son frère, Death le gronde et lui rappelle qu'il n'a peut-être pas agi de la manière la plus honorable avec Nada... (Dream est un poil excessif en amour)

Dream décide de retourner aux Enfers pour libérer Nada et prend congé sur le champ de sa famille... et Destiny annonce que c'était justement pour cela que tout le monde avait été convié !

S#22 : Dream explique au personnel du château qu'il retourne défier Lucifer et que, peut-être, il ne reviendra pas. Il envoie, en guise d'ambassadeur, Cain auprès de Lucifer (avec la première apparition de Mazikeen, la démone qui n'a de la peau que sur la moitié de son visage et un gros béguin pour Lucifer ^^). Il rend également visite à Lyta Hall et à son enfant qui s'est développé dans le Rêve (cf. Doll's House) et lui donne le nom de Daniel (et on voit que Lyta n'a toujours pas pardonné à Dream d'avoir retiré la vie qui avait été rendue à son mari). Enfin, il partage en rêve une bouteille de vin avec son ami Hob Gadling, l'homme qui ne peut pas mourir...


L'épisode se termine avec Lucifer qui a une grande proclamation à faire à tous les démons et les damnés...

S#23 : Peut-être l'un des plus grands épisodes (du moins pour moi) de la série. Dream explore les enfers et en parcourt la géographie particulière et... il n'y a plus personne ! Et certainement pas Nada, au plus grand désespoir de Dream...

En fait, Lucifer a décidé d'abdiquer et a renvoyé les démons dans les limbes et les damnés sur la terre. Il quitte l'enfer et - ayant juré de détruire Dream - remet la clé des Enfers au seigneur du rêve... envisageant que celle-ci pourra apporter sa destruction !

Les passages où Lucifer parle de ses responsabilités, accompagné par Dream, alors qu'il déambule aux 4 coins des Enfers pour en fermer les portes, sont particulièrement marquants. Plus généralement le thème de ces êtres prétendument suprêmes empêtrés dans leurs responsabilités et qui décident d'abandonner leur Royaume car ils ont changé (Destruction, Lucifer) ou qui auraient aimé pouvoir le faire (Dream, notamment dans le #75 où il explique à Shakespeare que contrairement à Prospero, le Magicien de la Tempête, il ne brisera jamais sa baguette magique et ne quittera jamais son île...) est récurrent à toute la série.


S#24 : La nouvelle du passage de clé entre Lucifer et Dream s'est répandue dans les différentes dimensions. Et de nombreuses délégations convergent vers le Royaume de Dream pour réclamer cette fichue clé... Comme les divinités d'Asgard (Odin, Thor [moins glamour et plus balourd que chez Marvel], Loki), les Seigneurs de l'Ordre et ceux du Chaos, des Anges du Paradis et même des démons...

... sous la houlette de Azazel, ancien co-régent des Enfers, et de son lieutenant, Choronzon (le démon qui avait défié Dream dans le #4)... Et ils veulent l'Enfer et savent qu'ils l'obtiendront car ce sont eux qui ont sous leur garde... Nada !

Quant à Death, elle est dans le speed... Les morts reviennent sur Terre (dans l'épisode suivant elle sera même en jogging ^^) !

S#25 : Un épisode de transition, certes, mais quelle transition ! Signé Matt Wagner pour le dessin, ce numéro se déroule dans un pensionnat anglais pendant les vacances... Le jeune Charles Rowland n'a pas de famille chez qui aller (son père est otage en Irak) et est resté au pensionnat avec le Proviseur et la dame de l'infirmerie...

... au moment même où les morts chassés de l'Enfer reviennent à l'école: ce sont les anciens professeurs et les élèves qui n'ont pas trouvé d'autre endroit où aller !

Et ça ne va pas être de la rigolade pour Rowland !

Quel magnifique épisode ! Rowland (et son ami Paine, un jeune garçon mort dans les années 1910, sacrifié par d'autres élèves, satanistes [qui d'ailleurs sont dépités : quand ils sont morts, en Enfer, tout le monde se foutait de ce qu'ils avaient pu faire]) sera l'un des héros des 2 numéros de la série Vertigo The Children Crusade et aura même droit (mais j'ai pas lu) à une mini-série.


S#26 : Les émissaires des royaumes font chacun leur proposition à Dream pour récupérer la clé. Et c'est là qu'il s'aperçoit d'à quel point elle est maudite...

On le menace. On le cajole. On lui propose des choses dont il a besoin. On lui fait entrevoir les conséquences désastreuses de tel ou tel choix. Bref, Dream est au bord du bug cérébral.

En bonus, la première apparition de Cluracan, l'agent spécial des fées, et de sa sœur Nuala. On a également Bast, la déesse-chat, qui prétend pouvoir localiser le frère disparu (volontairement) de Dream, Destruction...


S#27 : Dream fait son choix et en déçoit beaucoup ! Puis, il va se battre avec Azazel pour sauver Nada...

S#28 : ... avec qui il dînera une dernière fois avant qu'elle ne poursuive son parcours de vie...

Et tout se finit avec les Nouveaux Enfers, Lucifer sur la plage rendant grâce - au moins pour les couchers de soleil - au Créateur, l'évasion de Loki (facilitée par Dream) et le cadeau des fées à Dream... Nuala, la propre sœur de l'émissaire extraordinaire de Titania !

Que dire de plus ? Sinon que cet arc est sublime ! Mais la série Sandman réserve encore plein d'excellentes choses... Mais ça, ça sera pour une prochaine review !

Sinon toutes les couvertures sont de Dave McKean (TOUTES les couvertures des 75 numéros de TOUTE la série) et c'est chez Urban Comics et c'est à lire !