Épiant ce qui se passait dehors, dans le centre de commandement, je suivais également ce que faisais Dolphin dans mon dos, guidé par le bruit feutré de ses petits petons sur le sol métallique. Quand elle défonça la malheureuse table, je tournais inévitablement la tête pour voir ce qu’il se passait.
Son visage était à l’instar de ses pensées, tourmenté, avec un brin de désespoir submergé par une colère sourde qui débordait maintenant. Je comprenais ce qu’elle ressentait et tout à coup une autre femme vint à mon esprit, aussi brune que celle-ci était blonde, puissante et mélancolique, spontanée et authentique parfois jusqu’à la naïveté.
Avec ce côté femme-enfant qui donne envie de la protéger mais avec une force de caractère et une prestance surprenante qui imposent le respect de ceux qu'elle côtoie, elle savait s'affirmer sans complexe et imposer sa personnalité avec cette pointe sentimentale et émotive qui lui est donné par un besoin de se sentir entourée et aimée.
Dolphin était comme elle, exactement comme elle …
Quel était son nom déjà ? Je l’avais sur le bout de la langue alors que son visage un instant net dans mon esprit s’évanouissait déjà … Danièle ? Non, Dalla ? Edina ? Daya ?
Dolphin s’adressa à moi et fit s’envoler toutes ces pensées d’un coup alors qu’elle braquait sur moi des yeux larmoyant où perlaient les lueurs d’une rage déferlante.
« C’est dans leur nature, je crois, à nous de limiter les dégâts … » C’est tout ce que je pus répondre sur le coup. De l’autre côté, par la porte entrebâillée, j’entendis le fracas de la porte lorsque l’ennemi la fit s’expulser de ses gonds puis au milieu des cris et des jurons la voix si autoritaire et venimeuse intimer leur reddition.
Alors qu’un silence lourd s’installe à peine, je suis presque bousculé par Dolphin qui à son tour défonce la porte qui nous séparait des autres, pourtant elle n’avait qu’à l’ouvrir simplement plus grand. Et la voilà qui se précipite comme un chien dans un poulailler et saute à la gorge d’une petit bonne femme aux cheveux bleu menaçant elle-même le commandant avec un fusil d’assaut.
Une vague pensée à propos de leur connivence avec un réparateur de porte et une autre sur l’évaluation des travaux pour remettre tout cela en ordre par la suite plus tard, je m’avançais à sa suite et m’interposais entre la gueule de l’arme et sa cible juste à temps pour recevoir la rafale qui était destinée au chinois qu’elle lâcha alors que la petite tentait de l’étrangler.
Comment vous dire … C’est une drôle de sensation de picotement, un peu comme si on vous tapait plusieurs fois du bout de l’index sur le torse à chaque impact, sans plus. Un bref coup d’œil vers le bas et je constate que même mon costume n’a pas une égratignure et que les balles sont à mes pieds, toutes ratatinées … Si j’avais des doutes sur ma capacité à résister aux projectiles, je n’en avais plus aucun. Mais ces considérations furent éphémères.
« Ne tirez pas ! Vous pourriez blesser mon amie ! Fichez le camp, mettez vous à l’abris pendant qu’on s’occupe d’elle ! … »J’avais crié mes ordres et je me ruais sur les deux furies qui basculaient alternativement de droite à gauche, l’une enserrant le cou de l’autre qui avait lâché son calibre pour tenter de desserrer la prise à l’aide de ses deux mains.
Les membres de l’équipage plongeaient pour les éviter tant bien que mal, et les consoles explosaient l’une après l’autre dans leurs ébats. Si elles continuaient comme ça, le bâtiment serait bientôt incontrôlable d’ici …
Je cherchais une solution désespérément. Je ne pouvais pas me joindre à elles sans risquer de mettre un mauvais coup à Dolphin dans leur mêlée qui ressemblait à un combat de chats sauvages.
Un regard vers la porte d’accès aux couloirs, ce n’était pas la solution, un autre vers les baies vitrées dont les protections blindées n’étaient pas baissée me laissa un mince espoir sur lequel je sautais.
Ces vitres étaient faites pour résister à des tirs directs de mitrailleuses de F16, à un tir de roquette ou à un obus de char d’assaut même, mais elles étaient le seul moyen de transporter le combat dans un lieu moins étroit.
Ni une ni deux, je bondissais sur les consoles rangées tout le long et j’y collais coups de poing après coups de poings en priant pour qu’elles cèdent avant que la fille aux cheveux bleus ne reprenne le dessus sur ma Dolphin survitaminée par la rage.
Mon premier coup fit résonner l’habitacle comme un gong, le second s’étoiler le coin de la baie et le troisième traversa de part en part la matière, dessinant de longue zébrures sur toute sa surface. Un peu de sang coula de mes jointures alors que le costume se régénérait par je ne sais quel miracle.
Bondissant ensuite d’un côté à l’autre, j'arrivais à me positionner pour que les deux combattantes toujours aux prises se trouvent entre moi et cette ouverture ébauchée, et, au bon moment, je me jetais sur elles, les soulevant du sol en les enlaçant fermement pour nous précipiter sur la vitre.
Le choc fut d’une violence inouïe, intégralement supporté par le dos de notre ennemie et par la fragile feuille de verre blindé. Cette dernière vola en éclats et nous tombons ainsi jusqu’au pont.
Nouveau choc que nous subissons tous trois, mais cette fois c’est moi qui suis dessous et amortis la chute de notre petit groupe. Cela aurait été plus agréable s’il s’était s’agit d’un lit et d’ébats plus pacifiques, mais j’en arrivais finalement plus à plaindre Dolphin coincée entre nous plus que moi.
Les deux tigresses ne se lâchaient pourtant pas et en ouvrant les bras, je les libérais et roule-boulais sur le côté avant de me redresser pour préparer mon intervention.
Dolphin était comme un morpion sur un poil, indécrochable malgré les coups que l’autre donnait.
Pourtant, je la voyais faiblir peu à peu …
Il fallait qu’elle souffle, qu’elle reprenne des forces, qu’elle passe la main … Ici, nous étions à découvert, nous avions de l’espace, et nous avions l’océan …
L'Océan !
Cela tilta dans mon esprit comme un coup de marteau sur le doigt, l’eau ! Ma petite sirène serait en meilleure position dans son élément !
Encore une fois je fonçais sur les deux belligérantes et je nous projetais jusqu’au bord de la piste, poussant du talon pour nous faire basculer et notre entrée dans les flots souleva une gerbe qui monta presque jusqu’en haut tant j’y avais mis de force…
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- Spoiler:
- Après bien des efforts, Orion s'expulse hors de la salle de contrôle en entraînant les deux guerrières, puis, les fait basculer dans l'océan, espérant que cela donnerait l'avantage à Dolphin autant qu'à lui
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