Bonjour !
Si vous n'avez pas lu ma review sur le
Über original, je vous invite à y aller.
Über: Invasion est la suite directe de celle-ci, et reprend là où celle-ci s'est arrêtée, avec tous les bons codes de suites ...
(Crédits : Daniel Gete/Avatar Press) ... à commencer par une couverture putassière.
Plus sérieusement,
Über: Invasion reprend après le cliffhanger du numéro 27 de la série originale et intriguera ainsi à plus d'un titre.
Pour celui qui ne connaît pas la série en effet, ou qui n'a lu que ma précédente review, le contexte peut intriguer d'autant plus, car comme toutes les bonnes suites,
Invasion remet une couche généreuse de tout ce qui avait fait le succès de l'original, sans trop le trahir.
Avec la même équipe, ce n'était pas trop compliqué.
Cette nouvelle série délaisse en grande partie l'Europe pour se concentrer plutôt sur les États-Unis et sur l'impact que la guerre et les nouvelles technologies ayant amené à l'émergence de "Super-Soldats" peuvent avoir vis-à-vis du continent américain.
La référence à Hiroshima et Nagasaki est à peine voilée. (Crédits : Daniel Gete/Avatar Press) Il est évident que dans l'uchronie d'Über, plus personne n'est à l'abri. On le sait très vite en lisant la série : les puissance à l’œuvre sont colossales et l'intérêt principal de la lecture n'est plus tant de savoir qui, quand, comment, avec l'aide de qui ou pourquoi une attaque a lieu sur les États-Unis. La question est plutôt "A quoi bon ?"
Car rien n'a changé et le postulat de départ est toujours là, sommes toutes : plus le conflit avance, plus la différence entre vainqueur et vaincu s'atténue.
Pour tout ce volet américain, on passe d'une ambiance de Seconde Guerre Mondiale à quelque chose qui a des relents de
Tom Clancy probablement involontaires : la destruction est tellement aberrante qu'on se croirait devant
Tempête Rouge ou ces histoires de Guerre Froide qui dégénèrent avec des frappes nucléaires sur le continent américain et que seul l'intervention d'un vaillant héros en possession d'informations cruciales peut sauver.
Et c'est probablement ce que je reprocherais le plus à cette suite :
Kieron Gillen a encore frappé, et comme à son habitude, il se détache de son idée de départ un peu trop violemment. L'ambiance d'apocalypse imminent est toujours là, mais toute cette excursion américaine a de faux airs de
Wolfenstein: The New Order dans son délire dieselpunk toujours plus over-the-top. Ça reste bon, mais on ne peut s'empêcher de se dire que ça finit par desservir son propos et virer au fan-service macabre ... (Mention spéciale au numéro qui s'ouvre absolument gratuitement sur un super-nazi qui se fait exploser la tête d'un coup de poing, ce moment passe complètement dans la caricature.)
Il en va de même pour les questions de races qui sont finalement juste survolées avec une sous-intrigue qui rappellera celle du Isaiah Bradley du récent
Falcon & the Winter Soldier. Des questions qui auraient probablement pu être explorées plus en profondeur si
Caanan White (dessinateur afro-américain) était revenu sur le projet, au moins le temps de quelques issues :
Gillen, en post-scriptum, expose sa volonté de ne pas vouloir faire de bêtises sur le sujet, mais on se retrouve du coup avec quelque chose de plat et d'à peine entamé, usant tout juste du poncif du sudiste raciste pour montrer que "Les USA ne sont pas tout blancs".
(Le jeu de mot n'était pas volontaire)
Heureusement, il y a Maria qui ne manque jamais une occasion de nous régaler de ses réflexions philosophiques (Crédits : Daniel Gete/Avatar Press) Heureusement, les péripéties sont nombreuses et ne se limitent pas à l'Amérique : l'Union Soviétique et le Japon occupent aussi une place importante, par les regards de Maria Adreevna et d'Hideki, le super-soldat kamikaze. (Oui.)
De tout ce nouveau volume, je pense que c'est l'intrigue de Maria qui vaut véritablement le détour et offre véritablement un point de vue qui, pour le coup, n'a jamais été vu : plus qu'une "simple" sniper soviétique, c'est une anarchiste ukrainienne qui se retrouve soudainement catapultée dans une position où elle peut enfin "faire la différence", et c'est très fort vis-à-vis de ce que représentait à la fois les anarchistes et les Ukrainiens dans l'Union Soviétique (et encore maintenant vis-à-vis de la Russie). C'est un bel exemple pour montrer qu'il n'est pas nécessaire d'être natif et directement concerné par la question pour accoucher de quelque chose d'intéressant et d'engageant sur la question. J'imagine que c'est plus facile quand la peur de se faire canceler n'est pas là.
Maria est indéniablement
le personnage de cet
Über: Invasion, qui ouvre en plus des portes extrêmement intéressantes pour l'intrigue...
... mais malheureusement, la série, qui devait se poursuivre jusqu'au numéro 21, est en hiatus depuis 2018 après s'être arrêtée au numéro 17.
C'est d'autant plus dommageable que malgré ce que je trouve être une légère baisse en qualité,
Über reste pour moi l’œuvre la plus intéressante de
Kieron Gillen, qui est à mon humble avis l'un des tout meilleurs scénaristes de comics contemporains. L'un de ceux qui pourrait valoir un
Gaiman ou un
Moore (Ça, c'est dit) s'il savait arrêter avant de se perdre dans ses idées : utiliser
Über comme base de référence pour ça ne serait probablement pas judicieux vu son thème, mais c'est tout de suite plus visible dans
DIE.
Un mot rapide sur le dessin :
Daniel Gete est de retour sur l'ensemble du run, et nous offre le même travail de qualité qu'il avait donné pour la première mouture, rien à redire. Je dois admettre cependant que je préfère le côté plus cru et bestial qui était celui de
Caanan White, notamment dans sa manière de dessiner les corps.
Pete paraît presque trop propre et sage par moments, avec un petit côté "sous-
Jamie McKelvie". Cela alors qu'il est en charge de moments parfois plus durs que ce qu'il se passait au début de la série, ça fait bizarre. C'est une impression qui n'engage cependant que moi et n'entrave en rien le "plaisir de lecture" (si tant est que le terme soit approprié).
Voilà, en conclusion, donc, comme pour son grand frère, je vous invite très chaudement à lire
Über: Invasion, qui peut servir de point d'entrée probablement plus potable pour les sceptiques avec son contexte de départ plus "fantaisiste" dans les endroits qu'il emploie ... Mais ce n'est après que ma sensibilité personnelle : Ça reste un comics extrêmement dur dans son imagerie et dans son traitement de la guerre dans son ensemble.