The world devouring serpents

La tâche était impossible.
C'est pour cela que Superman l'a accomplie.

Ses muscles sont au-delà de la souffrance. Son corps est au-delà de la fatigue. Son souffle est au-delà de la régularité.
Il n'en peut plus.
Il n'a plus de force. Il n'a plus d'énergie. Il n'a plus de jus.

Et pourtant.

Et pourtant, Superman a réussi ; il l'a fait.
Il a bloqué le vaisseau.
Il l'a empêché de rejoindre – d'écraser Kandor, désormais installée sur le sol martien.

Superman a sauvé Kandor.
Grâce aux autres. Grâce à ses alliées. Grâce à l'action de Maxima, d'Hippolyta, mais surtout de Power Girl.
Grâce à ses proches.

Un travail d'équipe a sauvé Kandor.
Mais alors que Clark souffle, maintient encore le vaisseau... il utilise ses super-sens, pour découvrir l'état de la situation.
Il voit, alors.
Et son visage...

Son visage s'assombrit. Son visage se ferme.
Il souffle.

Alors même que les Gardes Saphir, mandatés par Baal, qui parle sèchement à Karen et Clark, s'installent autour d'eux.
Lui souffle ; notamment parce qu'il les voit.

Parce qu'il voit leur allure. Parce qu'il voit leur posture.
Parce qu'il voit ce qu'ils font.
Ce que font les Kandoriens.
Sur quel chemin ils s'avancent, avec détermination ; la guerre.

Les Kandoriens veulent la guerre – et la font, déjà. Notamment en exécutant leurs ennemis.
De sang-froid.

 « Hrm. »

Un grognement lourd s'échappe de sa gorge, alors qu'il prend sur lui, alors qu'il forme un ultime effort.
Une poussée.

Une poussée assez forte, pour repousser le vaisseau au-delà de l'atmosphère de Mars – au-delà de sa gravité.
Au-delà de Kandor. Surtout.

Il se libère de ce poids, alors.
Et, dans la poussière rouge soulevée par les événements, il se tourne vers les Kandoriens.

Calme. Figé. Intense.
Puissant, encore.
Mais hanté par une tristesse – une mélancolie terrible, et palpable.

 « L'installation de Kandor sur Mars ne bénéficie d'aucun accord, Baal.
Que cela soit des populations martiennes, ou de leurs survivants. Et même du Conseil de l'Univers, ainsi que des structures les plus proches.
Est-ce... chez vous ? La question mérite d'être posée.
Mais. Pour vous répondre.
Non. Cela ne demeurera pas ici. »

Il prend une grande inspiration, plisse les yeux – et fige un regard strict sur le jeune Kryptonien.


 « Les événements du jour... auront des conséquences.
Que cela soit pour vos agresseurs ; mais aussi pour vous, Baal. Votre attitude peut se défendre, peut s'expliquer ; mais guère se justifier.
Vous avez tué. Vous avez commis un meurtre.
J'entends déjà vos arguments – sur ce crime de guerre. Oui. Mais un crime de guerre demeure... un crime.
J'ai conscience de vous avoir déçus. J'ai conscience de vous avoir blessés.
J'ai conscience de vous devoir... beaucoup.
Mais.
Je ne peux pas tout accepter. Je ne peux pas tout tolérer.
Je ne vais pas tout tolérer. »

Il s'avance d'un pas, et acquiesce lentement.

 « Nous reparlerons, Baal.
Nous sommes du même peuple, du même sang ; de la même planète.
Nous l'avons perdue, tous deux.
Je suis persuadé que nous pouvons nous entendre... encore.
Nous parlerons.
Mais en attendant... oui. Nous partons. »

Clark se tourne, et lance quelques hochements de tête vers Power Girl et ses proches.
Mais alors qu'il se prépare à agir – Baal réplique, aussi.

 « Oui.
Vous partez. Et c'est bien.
Oui.
Nous parlerons. De ce que tu nous dois.
Et de comment.
Tu devras.
Nous payer. »

Les Kandoriens partent, alors.
Ils se replient. Ils reculent. Ils retournent dans leur ville réinstallée, nouvelle.
Ils se replient. Pour l'instant.

Laissant là un Superman surpris par la froideur du ton, la sécheresse des mots – la brutalité des cœurs.
Il ferme les yeux.

Il souffle.
Et se sent soudain... vieux.

Autant comme Clark – que comme Superman. Hélas.

(HJ/ Résumé rapide :
- Superman réalise l'impossible mais en ressent une terrible souffrance ;
- Superman voit ce qu'il s'est passé, et se crispe après le meurtre de Rogol Zaar ;
- Superman repousse le vaisseau au-delà de la gravité de Mars, puis se tourne vers Baal ;
- Superman parle, désapprouve les événements, annonce qu'il va revenir s'expliquer, mais accepte de partir ;
- Baal réplique sèchement et promet, en creux, le pire à Superman ;
- Superman souffle, et se sent soudain très vieux. /HJ)

Toute concentrée avec Hyppolita sur cet anneau qu'elle retira avec rapidité et efficacité, je ne vis d'abord pas la situation se dégrader vitesse grand V avec une Maxima aussi subtile dans ses relations diplomatiques qu'amoureuses. Il eut un grand renversement dans toute la salle tant la décélération imposée par Kal fut impressionnante. Pour ma part j'avais fendu l'espace pour lui venir en aide mais m'étais retrouvée comme pétrifié par la triste contemplation de tout ce qui me fendait le coeur et me rappelait à quel point nous avions un poids dérisoire dans l'avenir de cet univers. Missiles et tirs d'énergie fendirent les cieux. Les deux flottes qui ne se connaissaient pas vraiment se tiraient dessus. Il n'y avait pas eu de diplomatie, pas de discussion, juste de la violence.

Puis vint l'exécution finale de Rogol par nos semblables*, du moins physiquement.

La frégate d'Almerac traça un sillon noir dans les cieux, emportant des panaches de nuage dans sa chute. Le vrombissement lointain donnait à cette chute une dimension vertigineuse. Aux côtés de Kal et Hyppolita, encerclée par des troupes ennemies aux airs clairement martiaux, nous reçûmes un accueil au diapason de cette nouvelle Sparte qui se dressait sur la planète rouge.

L'odeur infâme du cadavre de Rogol ajoutait à la sècheresse des propos du dénommé Baal qui gérait cette nouvelle armée, cette Krypton pleine de colère et de violence.

L'échange entre Kal et lui fut aussi âpre que la surface de Mars, pleine d'une rancœur mutuelle qui m'étonnait de la part de mon cousin et m'inquiétait de la part d'une société qui se militarisait trop habillement et efficacement. Je n'en revenais pas que ce gringalet osa parler ainsi à des aînés. Je n'osais imaginer quel désespoir ou quel étau oppressif devait étreindre Kandor pour qu'elle remette sa destinée entre les mains d'un individu si jeune et si belliqueux.

Je pouvais lire dans son regard la même triste détermination guerrière que l'on pouvait lire chez Zod, la même flamme que l'on pouvait voir sur des affiches en Europe, la même force de caractère déplacée qu'un Sinestro. Nous avions face à nous le bon petit dictateur en devenir qui allait se brûler les ailes dans sa folie conquérante, mourir étouffé sous les montagnes de cadavres qu'il laisserait dans sa quête déraisonnable.

Les deux hommes firent ce que les hommes savaient faire de mieux : n'importe quoi. Des menaces enveloppées de froideur et une confrontation qui devait les laisser tous les deux pires qu'avant, l'un plus accablé, l'autre plus en colère encore.

Je sentis immédiatement que Kal... Clark était gravement atteint par la situation. Je posais donc une main réconfortante sur l'une de ses épaules rougie par la terre de la planète. Je devais lui dire quelque chose, prendre des pincettes... ou faire ce que je savais faire de mieux : être directe.

- Tu n'es qu'un prétexte, lui fis-je sérieusement. Toi et moi avons vu trop de tyrans pour ne pas les reconnaître lorsqu'ils se présentent à nous, aussi jeunes soient-ils.

Il n'était qu'une arme de propagande, l'ennemi facile, le traître sur lequel Baal pouvait tourner toute la colère née de l'injustice de leur traitement passé. Et cela l'atteignait. Celui qui voulait la paix dans l'univers et parmi tous les êtres vivants se retrouvait dans un engrenage martial incontrôlable et dans lequel, très probablement, il ne trouvait pas sa place.

Ma tête se reposa contre la sienne. Cela faisait longtemps que je n'avais pas un eu un geste d'une telle fraternité avec lui.

Je me rendis compte que tout ce que je disais était trop froid et logique, en total décalage avec ce que ressentait mon cousin. Je levais légèrement les yeux vers le ciel où l'étrange profil de la planète Terre apparaissait puis le panache de fumée noire de la frégate de Maxima me rappela à une triste vérité : la glace se trouvait très probablement broyée dans un morceau d'épave de vaisseau à présent...

- Clark, repris-je en douceur. Je suis sûr que Supergirl aurait de meilleurs arguments et saurait immédiatement quoi te proposer... sois indulgent. Maintenant on sait que le pire nous attend. Tous. On sait que ça va tomber, on sait qu'il y aura des morts, des dégâts, des victimes, des innocents pris dans un conflit qu'ils ne comprendront pas. Que ce soit eux qui commencent, la Terre qui frappe préventivement ou nous qui tenterons l'impossible pour éviter que ça ne dégénère trop.

" Nous sommes peut-être l'avant-garde qui va pouvoir intervenir rapidement et en connaissance de cause, qui va pouvoir aider les faibles à se prémunir de ce qui approche. Et pourtant la vie va continuer. Nos vies vont continuer. Nous avons des responsabilités envers les autres, mais aussi envers nous-même.

Je soupirai doucement.

- Je vois bien que tu t'épuises plus vite, je vois bien que tu n'es plus aussi en forme que d'habitude, admis-je. Pourtant je vois toujours Superman, cet homme qui travaille en équipe, cet homme qui n'abandonne personne, cet homme qui combat pour son idéal de justice.

" Lorsque Baal viendra te chercher Clark, lorsqu'il aura l'audace de venir te confronter, lorsqu'il aura la bêtise d'oser toucher à ta vie, il ne te trouvera pas seul. Déjà parce que je fais partie de ta vie, mais pas que. Je t'assure qu'il va regretter le jour où il s'est cru de taille à pouvoir massacrer des gens, exécuter des individus, aussi détestables soient-ils. Il le regretta pas parce que nous serons plus violents ou plus terribles, pas parce que nous le défierons sur son terrain mais parce que son chemin le mènera à sa perte.

Ce n'était guère un grand cri d'espoir comme pouvait le faire Superman, Supergirl, ou tous ceux qui portaient des valeurs qui les grandissaient, c'étaient les tristes paroles d'une héroïne, elle aussi, dans le fond, fatiguée, résignée à un pessimisme alimenté par son incapacité à prévenir des menaces de ce genre. Vivre, se préparer et affronter ensemble la menace. Pas vraiment une motivation, ni une aspiration, plutôt un plan d'urgence.

Baal et mes semblables m'effrayaient. Je tâchai de ne rien en montrer, par fierté certes et par blindage habituel, mais si Rogol avait été hors de ma portée, des escouades entières de kryptoniens représentaient un défi sans pareil. Clark affaibli, une Terre désunit avec une Europe exsangue et une diplomatie planétaire réduite à presque rien... Almerac s'était faite joyeusement dézinguée et les messages de la fille de Maxima ne m'avait pour l'instant pas rassuré, les Green Lantern étaient des policiers au mieux des casques bleus. On ne pouvait pas dire que la situation respirait l'enthousiasme...

Je laissai alors Clark respirer un peu.

- Nous ne nous sommes que trop attardés, conclus-je.

Je m'écartai de lui, vers Hyppolita pour lui demander très sérieusement :

- Je crois que j'ai trop souvent compté sur ma force brute et si la J.S.A. m'a appris deux trois trucs très utiles, je ne suis pas sure d'être prête pour ce qui se prépare... Vous faites des entraînements pour les kryptonienne sur Themyscira ?

* Modulo notre origine dans le multivers, mais je ne vais pas le mentionner à chaque fois.

[HRP]
- P.G. observe sérieusement ce qui est en train de se préparer et entrevoit le pire, casant directement Baal dans la catégorie "dictateur" comme Zod, Degaton ou Sinestro.
- Elle va ensuite tenter de réconforter très maladroitement Clark en lui assénant un discours au début plutôt direct et pragmatique, mais ave cun ton qui laisse entrevoir qu'elle essaie d'être rassurante...
- Consciente qu'elle ne sera pas de taille face à une armée de kryptoniens, elle demande à Hyppolita s'il y a moyen d'être entrainée chez les amazones.
[/HRP]