Mystères et Microscopes

Mia Mizoguchi réagit, aux mots de Ray Palmer qui tente non pas de la dissuader, mais de la prévenir et de limiter son implication, sa détermination à s’emparer d’une vie de super-héroïne. Ce dernier se doutait qu’elle apprécierait peu, qu’elle goûterait peu ses tentatives maladroites mais sincères de lui éviter le pire.
Mais… mais…

Mais le discours tenu par la jeune fille, surnommée Maps, est bien plus sec, plus rude, plus direct et plus déterminé qu’il le pensait.

« Oh. »

Il grimace.
Il est touché, marqué ; heurté même, par ces mots clairs, et incisifs. Son visage lui-même confirme son trouble, son émotion en voyant combien il a atteint Mia au cœur, dans une ampleur qu’il ne souhaitait pas.


« Mais… je… euh… »

Il lève une main tremblante vers Mia – pour tenter de la toucher, de recréer un lien entre eux ; de l’attraper.
Trop tard.
La jeune fille file. La jeune fille part. La jeune fille s’échappe, le cœur brisé par les mots de son nouveau héros du jour.

« Mia ! Attends ! »

Elle n’attend pas.
Ray est trop marqué, blessé par les chocs du jour, qui apparaissent notamment sur son visage tuméfié, pour la rattraper.
Il sait que ce n’est pas souhaitable, non plus. Proche de jeunes adultes et adolescents chaque jour, il a conscience du torrent d’émotions qu’ils vivent au quotidien, et il sent… il sait que Mia a besoin de temps.
Pour elle. Pour encaisser. Pour accepter. Pour tolérer ce qu’il a dit, aussi.

Il la fixe, ainsi, alors qu’elle s’échappe – et ne bouge que lorsqu’elle s’efface de son champ de vision.
Il se détourne, ainsi. Il tente de retrouver Katherine Karlo, mais ne voit rien ; sûrement partie auprès de son amie. Normal.
Lui s’en va, ainsi. Lui s’en va trouver, retrouver les adultes, les responsables, les professeurs. Lui s’en va échanger des banalités, et… et essayer de se remettre, après tout ça.

Après cette crise. Après cette épreuve. Après…
Après avoir brisé le cœur d’une enfant.


Plus tard.
En soirée. Au cœur d’une Gotham Academy qui se remet encore, dans une ville qui passe déjà à autre chose.
Mia Mizoguchi découvre quelque chose, sur le lit qui est le sien.

Une enveloppe ; avec un étonnant logo dessus.

En l’ouvrant, elle peut lire ces mots, écrits par une main tremblante mais sincère.

Code:

Mia,
Je te présente mes excuses.
Déjà, pour avoir pénétré ton intimité pour faire déposer ce pli dans ta chambre. Ensuite, pour la forme de mes propos avant ton départ.
Je suis sincèrement navré.
Je pourrais dire que l’excitation est retombée, que la fatigue et la douleur ont dicté mes mots – mais ce serait, un peu, des mensonges. La vérité est que j’ai assisté à des carrières courtes de jeunes super-héros, et j’ai passé l’essentiel de ma vie au contact d’étudiants du même âge.
J’ai peur pour les jeunes justiciers ; parce que je sais, parce que j’ai vu de telles personnes périr ou souffrir pour de tels choix.
C’est pour cela que j’ai ouvert l’Académie : pour éviter le pire, pour minimiser les risques. Il est ainsi paradoxal, oui, de m’entendre vouloir réprimer tes envies, alors que je forme de jeunes super-héros. C’est juste que… je ne veux pas provoquer de vocation, mais limiter la casse pour ceux qui ont déjà pris leur décision.
Je n’avais cependant pas saisi que c’est ton cas. Tu as pris ta décision, tu as fait ton choix.
Je le respecte, maintenant.
Je le respecte et, même si je sais que tu suis ton cursus au sein de la Gotham Academy, je te joins un dépliant de la Titans Academy. Pas forcément pour maintenant, mais… plus tard ? Ou des cours d’été ?
Tu veux être une super-héroïne ; tu l’es déjà, en soi. Si je crains pour toi, je ne peux nier l’évidence. Alors autant te proposer ce que je pense pertinent, pour te former au mieux.
J’espère avoir pu m’expliquer. J’espère que tu m’as lu. J’espère que tu iras bien.
Je réitère mes excuses. Et te souhaite une bonne continuation.
A bientôt, peut-être.
Ray

A voir maintenant comment Mia va accueillir tout ceci…

Mia était assise près de la statue sans tête de la cour, la tête dans les genoux. Ce lieu représentait beaucoup pour elle. D’habitude, quand elle n’allait pas bien, Olive savait qu’elle pouvait la retrouver là, et la consoler. Mais cette fois, la jeune adolescente était seule. Son amie n’était plus là. Elle ne savait pas pourquoi tout ça l’affectait autant. La fatigue et la douleur y étaient sûrement pour quelque chose.

Le jardin de la Gotham Academy, habituellement un havre de paix pour Mia, semblait étrangement vide et froid ce soir-là. Les ombres des arbres centenaires dansaient sous la lumière de la lune, et le vent frais faisait frémir les feuilles, créant une mélodie mélancolique. La statue sans tête, point de repère et de réconfort, semblait elle aussi partagée entre le passé glorieux et un présent incertain. Le silence du campus, interrompu seulement par des murmures lointains, amplifiait le sentiment d’isolement de Mia.

Elle ne connaissait Ray Palmer que depuis ce matin, finalement. Pourtant, son approbation aurait eu beaucoup d’importance à ses yeux. Elle n’avait jamais vraiment pu rencontrer Batman, même si elle l’avait déjà croisé. Voir un super-héros qui approuvait son choix lui aurait fait du bien. Mais finalement, les adultes étaient tous pareils. Ils ne la prenaient jamais au sérieux, voulaient lui dicter leur loi, leurs règles, sans se préoccuper de ses envies, de ses rêves.

Elle essayait d’être toujours positive, enthousiaste, déterminée. Mais parfois, c’était dur. Ce sentiment d’être seule, incomprise, était lourd à porter. Le Détective club, Katherine, son grand frère Kyle… même ses amis ne comprenaient pas toujours. Il n’y avait eu qu’Olive. Elle avait espéré, avec un héros comme Atom, rencontrer quelqu’un avec qui s'identifier, collaborer, même momentanément. Rien qu’un instant.

Elle resta là, loin des festivités, jusqu’à ce que la lune soit haute dans le ciel sombre et voilé de Gotham. Le Bat-signal manquait au paysage, comme trop souvent depuis la prise de pouvoir du Batcorp. La fatigue avait pris le dessus, et elle se résigna à rentrer dans son dortoir. Les éclats de voix joyeuses de ses camarades résonnaient en arrière-plan, mais pour elle, le cœur de la fête semblait bien loin. La déception et la solitude se mêlaient à la douleur physique, rendant chaque pas plus lourd, chaque pensée plus sombre.

Mais malgré tout, Mia savait qu’elle ne pouvait pas abandonner. Même si les adultes ne la comprenaient pas, même si elle devait souvent se battre seule, elle ne laisserait pas ses rêves s’éteindre. Elle se promettait de continuer à croire en elle, à se battre pour ce en quoi elle croyait. Elle avait encore beaucoup à prouver, et elle le ferait, peu importe le nombre de fois où on lui dirait non.

Dans son dortoir, Mia trouva une enveloppe avec le logo de la Titans Academy. Curieuse et un peu inquiète, elle l’ouvrit et découvrit une lettre manuscrite de Ray Palmer.

Mia relut la lettre plusieurs fois, ses émotions oscillant entre la surprise, la gratitude et la joie d’être peut-être enfin comprise. Elle n'était pas seule. Quelqu'un croyait en elle, même si ce n'était pas de la manière qu'elle avait espérée initialement.

Ray Palmer, un véritable héros, voyait son potentiel. Même s'il avait essayé de la protéger, il respectait désormais son choix. Le dépliant de la Titans Academy était un symbole de cette reconnaissance. Il représentait une opportunité, une possibilité pour l’avenir.

Mia glissa la lettre dans son journal d’aventures, rempli de ses rêves, de ses plans, de ses dessins. Et désormais d’un des objets les plus précieux qu’elle puisse posséder. Déterminée à ne pas abandonner ses rêves. Elle savait que le chemin serait semé d’embûches, mais elle était prête à les affronter.

Avec un dernier regard vers la lettre, elle se promit de ne jamais cesser de croire en elle-même. Robin ou pas, elle deviendrait une héroïne digne de ce nom, et elle ferait tout pour protéger Gotham, sa ville, son foyer.