Les bizarros sont stupides, désordonnés, mais forts, revêches et bornés. De gentilles brutes obéissantes entre les mains d'un conquérant psychotique... parfait. Les mains encore poisseuses d'un sang chaud qui délectait mes pires instincts, j'entendis nos alliés fuir. Nous reculions, faute d'appeler cela une fuite complète. Les survivants jettaient de derniers regards sur cette Terre qui fut la leur, les Bizarros foncèrent. Une droite, un uppercut, un crochet pour calmer ceux qui cherchaient à haper les derniers humains encore en état de courir. Je me jetais en bouclier entre deux créatures et une famille en larme alors qu'ils usaient de leurs rayons thermiques. Ça brûlait atrocement et mes dents serrées peinaient à retenir le juron qui cherchait à s'enfuir de ma gorge. Souffle glacé pour leur répondre Je tirai la cape d'un bizarro qui tenta de me passer au dessus. Rayon calorifère dans le ventre pour le calmer. Je le balançai ensuite sur une dizaine d'autres.
Les murs vomissaient littéralement l'armée de demeurés alors que le plafond s'effondrait. Je regardai à super-vitesse les alentours. Une jeune fille pleurait alors qu'une brute allait lui éclater le crâne. Super-vitesse, vol malgré la fatigue et la douleur. Je saisissais l'enfant et tentai de passer le portail. Je fus coupée nette. Je jettais le plus délicatement que la situation le permettait l'enfant dans l'ouverture et envoyai mon coude dans l'agresseur qui m'avait attrapé à la gorge. Rayon, poings, pieds, souffle, tout était bon. La faille se travait à quelques mètre seulement. Poing, tête, genoux, bottes, doigts dans les yeux, tranchant de la main dans la gorge, j'usai de mes dernières forces pour me débarrasser de ces horreurs et plongeai ensuite hors de cette scène cataclysmique.
Le portail se referma alors que j'étais au sol, essoufflée, encore la tête bourdonnante de mes excès. Le Soleil Jaune fut une bénédiction. Autour de nous des blessés, des hommes et des femmes traumatisés qui regardaient autour d'eux, encaissant pour certains la réalité du multivers et la possibilité qu'ils n'aient été que le résultat d'une possibilité parmi tant d'autres. Mes oreilles me transmettaient leurs larmes, leurs soupirs résignés, parfois les rires nerveux de survivants. Mes yeux me révélaient les visages durs des justiciers plongés dans le désarroi, des gens qui chercheraient encore longtemps à oublier.
Je regardai ensuite Sideways et son bras de bizarro. Aucun commentaire.
Il nous restait encore à accompagner ces survivants vers une Terre où ils pourraient doucement se remettre et s'acclimater. Mosaïc. Lieu sans plus aucune dignité, entre l'acceptation résignée, le mépris et une dose d'incompréhension et de haine. Tolérée mais pas pleinement acceptée, cette "ville" avait tout pour déplaire et répugner. Sa seule existence de ghetto interstellaire prouvait la difficulté de la Terre à s'élever et de ses civilisations à mériter leurs titres. Ici étaient parqués les non-natifs de la planètes ou de la réalité. C'est logiquement ici que devrait être ma place, au fond. Venant d'une autre dimension, qu'est-ce qui me différenciait d'eux ? Le fait que j'étais une femme sculpturale plus facile à accepter par une population ?
L'"intégration" des nouveaux venus ne serait pas compliquée, comme toutes les communautés qui vivaient dans le besoin, la solidarité et l'union de la misère formaient un ciment essentiel. Ils seraient fraternellements accueillis par l'une ou l'autre des tribus qui vivaient dans ces murs. Lorsque je repartais, le goût amer de la défaite ne me quittait plus. Je n'adressai plus de regard à mes collègues. Honteuse dans le fond, tant par mes débordements que par l'impéritie d'une telle mission.
Je fis un détour par chez moi pour une bonne douche et quelques cachets, histoire d'accepter l'invitation à dîner avec un minimum de prestance. Je vins en civil et entrai dans une pièce divinement odorante. Sideways mettait les petits plats dans les grands. Ne lui restait plus qu'à animer son repas. Je le laissai parler, avec sa jeunesse insouciante, cette maladresse qui semblait inéluctablement lui coller à la peau, son enthousiasme.
Dans ma tête se bousculai de tristes pensées. Il aurait pu espérer mieux et... nous n'avions rien sauvé du tout. Ray parla le premier et retourna les compliments à Derek. A ses paroles, ma main enserrèrent un peu trop mon verre qui éclata.
- Désolée...Ma tenue tâchée, je ramassai les morceaux et nettoyai en super-vitesse. Je ne me reservis pas, consciente qu'un autre verre subirait le même sort. Je pris la parole après le professeur Palmer.
- Tu as bien fait de te faire accompagner, de te lancer dans cette opération, l'enjeu valait bien une entorse au protocole et aux égards... commençai-je avec la voix la plus compréhensive qui puisse passer dans cette amertume qui ne me quittait pas.
Il semblerait cependant que je ne sois pas dans la bonne ambiance pour cette petite fête, je vais vous souhaiter un bon appétit.Je reprenais mon manteau pour sortir.
- Ne le prenez pas pour vous et encore moins pour toi Derek, tu as fait tous les bons choix et tu peux être fier. Je te remercie pour l'invitation et pour avoir tenu ta parole mais... ce n'est pas le bon moment pour moi. Désolée.Et je quittai la célébration, le coeur lourd.
Je n'avais pas de victoire pour laquelle trinquer...
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Merci pour ce sujet sujet, je plussois, on fait une bonne équipe !
Vivement la prochaine mission
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